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La commission prend note d’une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) reçue le 25 août 2005, et de la réponse du gouvernement, reçue le 17 novembre 2005, qui répond aussi en partie à son observation de 2004.
Commentaires de la CISL - Consultations sur l’exploitation pétrolière
Antécédents
1. Consultations, prospection et exploitation des ressources naturelles. En 2004, la commission avait pris note d’une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la réponse du gouvernement. La CISL signalait que la communauté indigène guaraní de Tentayapi, vivant dans le département de Chuquisaca, sur un territoire de 20 000 hectares sur lesquels elle a un titre formellement reconnu, se heurte aux prétentions d’une entreprise pétrolière (MAXUS-REPSOL) qui entend déployer ses activités de prospection et d’exploitation sur son territoire (Bloque Caipependi) sans consultation ni approbation des communautés concernées. Selon la CISL, l’entreprise se serait contentée d’obtenir, par des procédés douteux, quelques signatures de la part d’individus ne comprenant pas ce qu’ils signaient. Les populations indigènes ont entrepris de nombreuses démarches pour s’opposer à cette activité et étaient même parvenues à faire approuver par la Chambre des députés en juillet 2004 un projet tendant à la préservation de Tentayapi. En dernier lieu, il était signalé que MAXUS-REPSOL avait entrepris ce même mois des activités de prospection sur le territoire de la communauté.
2. La commission avait également pris note des commentaires émis par le gouvernement à propos de la communication de la CISL, avec deux volumes joints de documents concernant les études menées par MAXUS-REPSOL, dont un document de diffusion publique et ampliation (six pages), un «acte de remise et réception du document de divulgation publique», un acte de consultation publique à Tentayapi signé par six habitants de ladite communauté et plusieurs documents intitulés «document privé-accord d’accès à la propriété, engagement de compensation».
3. En 2004, la commission avait noté que, d’un côté, l’entreprise MAXUS-REPSOL avait tenu une réunion d’information avec la communauté de Tentayapi et, d’un autre, que ladite communauté n’était pas satisfaite du procédé suivi ni de ses résultats mais, bien au contraire, avait adressé des réclamations à diverses instances nationales avant d’envoyer sa communication. La commission avait rappelé à ce propos que la consultation consiste en un processus et non simplement en un acte d’information, et qu’elle prévoit toute une procédure ayant pour finalité un accord avec les peuples concernés et, lorsque des ressources naturelles sont en jeu, la satisfaction d’autres exigences. De plus, la commission avait fait observer que l’obligation d’assurer que les consultations se déroulent d’une manière compatible avec les prescriptions fixées par la convention est une obligation qui incombe aux gouvernements et non à des personnes ou entreprises privées.
4. La commission avait exprimé l’espoir que le gouvernement établirait un dialogue véritable avec les communautés concernées, dans les conditions prévues par la convention, et qu’il la tiendrait informée de l’évolution de la situation.
Communication de 2005
5. La commission prend note d’une communication complémentaire à la précédente, émanant elle aussi de la CISL, en date du 25 août 2005. Cette communication a été transmise au gouvernement le 1er septembre 2005 et celui-ci a fait parvenir sa réponse le 24 octobre 2005. Selon cette deuxième communication de la CISL, à ce jour, la communauté Tentayapi n’a pas été consultée sur les activités de prospection et d’exploitation d’hydrocarbures que l’entreprise Maxus Bolivia Inc. (Repsol-YPF) a commencées et prétend poursuivre sur les Terres communautaires d’origine (TCO) de cette communauté. La CISL expose les nombreuses initiatives entreprises par la communauté pour défendre ses droits sur ses territoires et elle indique que, le 26 novembre 2004, a été promulguée une loi no 2921 déclarant la communauté de Tentayapi «Patrimoine historique, culturel et naturel des Guaraní-Simba». La CISL fait observer que, malgré tout, le gouvernement n’a pas répondu aux lettres que lui avait adressées la communauté et n’a rien fait pour faciliter l’ouverture d’un processus de consultation. Or des consultations devraient être engagées selon des procédures adéquates et, en particulier, en s’adressant aux institutions représentatives prévues aux articles 6, 7 et 15 de la convention. La CISL déplore en outre que le gouvernement n’ait pris aucune mesure - comme la suspension des activités de l’entreprise MAXUS-REPSOL - pour protéger les droits de cette communauté. La CISL indique que l’étude d’impact environnemental menée par l’entreprise Tarija Ecogestión SARL, à la demande de MAXUS-REPSOL, a été réalisée sans le concours de la communauté de Tentayapi, ne faisant ainsi qu’aggraver la méfiance qu’inspire la seule et unique mention de la communauté au chapitre 13 (identification des vides d’information), où il est dit que «bien des difficultés [ont été rencontrées] pour accéder aux différentes communautés localisées dans la zone concernée par le projet» et «qu’il est difficile d’obtenir des informations sur les TCO de Tentayapi». Ce document se conclut par l’affirmation selon laquelle l’isolement de la communauté serait ce qui a permis à cette communauté de survivre jusqu’à ce jour.
6. Dans ses observations sur la communication, le gouvernement déclare qu’il a pris diverses mesures de protection et de sauvegarde en faveur de la communauté de Tentayapi, au nombre desquelles la promulgation de la loi no 2921 mentionnée précédemment, et il déclare que la situation politique du pays n’a pas permis d’engager un processus de consultation dans les formes souhaitables. Il déclare avoir constitué une commission interinstitutionnelle sous l’égide du ministère des Questions indigènes et des Peuples autochtones (MAIPO), du ministère des Hydrocarbures, du ministère de la Présidence, avec la participation d’organisations indigènes, de la Confédération indigène de l’est bolivien (CIDOB), de l’Assemblée du peuple guaraní (APG) et du Conseil des capitaines de Chuquisaca (CCCH). Cette commission devait entrer en contact avec la communauté de Tentayapi le 24 octobre 2005 pour engager un processus de consultation à propos duquel un rapport serait fourni à la commission. Le vice-ministre de la Justice élabore actuellement un projet intitulé «Pueblos indigenas y empoderamiento» qui dépend de trois bureaux, dont un, celui de Monteagudo, suit de près le contentieux soulevé par la communauté indigène de Tentayapi. Pour terminer, le gouvernement déclare que l’entreprise MAXUS-REPSOL a suspendu de son propre chef ses travaux sur la propriété de Tentayapi depuis juillet 2004, selon ce que le bureau de Monteagudo a fait savoir.
7. La commission prie le gouvernement de faire savoir quel a été l’effet dans la pratique de la promulgation de la loi no 2921 sur le projet de prospection/exploitation visé par les critiques. Notant que MAXUS-REPSOL a suspendu d’elle-même ses activités, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des consultations soient menées conformément aux articles 5, 7 et 15 de la convention avant toute autorisation de reprise desdites activités. Elle rappelle que l’obligation d’assurer que les consultations se déroulent d’une manière compatible avec les prescriptions fixées par la convention est une obligation qui incombe aux gouvernements et non à des personnes ou entreprises privées. La commission invite le gouvernement à la tenir informée de l’évolution de la situation.
Suite faite à une réclamation de 1999 concernant les ressources forestières et les consultations
8. En mars 1999, le Conseil d’administration avait adopté le rapport du comité chargé d’examiner la réclamation présentée par la Centrale des travailleurs de Bolivie (COB) à propos de l’application de la convention no 169 (document GB.274/16/7). Cette réclamation visait des décisions administratives émanant de la Surintendance nationale des forêts octroyant, sans consultation des intéressés, 27 concessions d’exploitation renouvelables pour quarante ans qui empiètent sur des territoires indigènes. Ces territoires ont fait l’objet d’un processus d’«assainissement» (saneamiento) se traduisant par l’attribution à des tiers de certains droits à l’intérieur de ces territoires. Le comité tripartite avait estimé que, étant donné que les mesures de «saneamiento» concernant ces terres et les expropriations et concessions à des fins d’exploitation peuvent avoir une influence directe sur l’existence et les intérêts des peuples indigènes, l’article 15 de la convention, lu conjointement avec ses articles 6 et 7, fait peser sur un pays ayant ratifié cet instrument l’obligation de veiller à ce que les communautés indigènes concernées soient consultées comme il convient et en temps opportun sur l’étendue et les répercussions des activités de prospection et d’exploitation des industries minières, pétrolières ou forestières. Le comité a en outre fait observer que les terres faisant l’objet de concessions forestières n’avaient toujours pas été formellement reconnues comme Terres communautaires d’origine (TCO) et qu’il n’a été saisi d’aucun élément permettant de conclure que des consultations de cet ordre, telles que prévues à l’article 6 a) ou à l’article 15, paragraphe 2, de la convention, aient été ou devaient être menées avec les peuples concernés en vue d’une participation de ceux-ci, dans la mesure du possible, aux avantages devant être apportés par ces activités.
9. Dans sa dernière observation, la commission avait noté qu’il n’y avait aucun élément nouveau en ce qui concerne les principaux points à l’origine de la réclamation. Elle avait demandé au gouvernement de donner, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les mesures prises pour faire suite aux recommandations contenues dans le rapport adopté par le Conseil d’administration, suite à la réclamation de la COB. Suivant ces recommandations, la commission avait demandé depuis de nombreuses années que le gouvernement fournisse des informations sur: 1) les mesures prévues ou adoptées pour remédier aux situations à l’origine de la réclamation, compte tenu de la nécessité d’instaurer un mécanisme efficace de consultation préalable des peuples indigènes, conformément aux articles 6 et 15 de la convention, avant qu’un programme de prospection ou d’exploitation des ressources naturelles ne soit engagé sur ces territoires; 2) les progrès enregistrés dans la pratique sur le plan de la consultation des peuples vivant dans la zone où ont été accordées 27 concessions d’exploitation forestière, y compris à propos de la participation de ces peuples à l’utilisation, l’administration et la conservation des ressources en question et aux avantages dérivés de leur mise en valeur, y compris la perception d’une indemnisation équitable pour tout dommage causé par la prospection ou l’exploitation dans la zone; 3) la poursuite du processus de «saneamiento» et d’attribution des titres de propriété aux peuples qui vivent dans les zones se superposant à celles sur lesquelles ont été accordées des concessions forestières; 4) la situation spécifique des groupes indigènes vivant dans la zone faisant l’objet de concessions.
10. La commission note avec intérêt que, dans une communication du 17 novembre 2005, le gouvernement indique qu’à l’heure actuelle il n’est pas accordé de concessions dans les Terres communautaires d’origine (TCO) mais seulement dans des terrains à vocation économique, spécialement délimités.
11. S’agissant des autres questions en suspens, le gouvernement réitère que la réclamation est sans fondement puisqu’il ne s’agissait pas d’émission de nouvelles concessions mais de la reconversion de concessions forestières existantes sur des territoires indigènes sur lesquels les titres prévus dans le cadre du processus de «saneamiento» n’avaient pas encore été délivrés. Ces questions ont été dûment examinées par le comité tripartite et, par conséquent, la commission n’a pas à en reprendre l’examen. Elle rappelle en outre que, selon l’article 13, paragraphe 2, de la convention, «l’utilisation du terme terres dans les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires, qui recouvre la totalité de l’environnement des régions que les peuples intéressés occupent ou qu’ils utilisent d’une autre manière». Pour cette raison, les consultations prévues à l’article 15, paragraphe 2, s’imposent obligatoirement, même si les territoires en question n’ont pas encore fait l’objet d’une délivrance de titres.
12. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement: 1) de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux situations à l’origine de la réclamation, en tenant compte de la nécessité d’instaurer un mécanisme efficace de consultation préalable avec les peuples indigènes, conformément aux articles 6 et 15 de la convention, avant qu’un programme de prospection ou d’exploitation des ressources naturelles ne soit entrepris sur leurs terres; 2) de faire connaître les progrès enregistrés dans la pratique s’agissant de la consultation des peuples vivant dans la zone se superposant à celle où ont été accordées 27 concessions d’exploitation forestière et les terres communautaires d’origine, en précisant de quelle manière ces peuples ont été associés à l’utilisation, l’administration et la préservation desdites ressources et tirent parti des avantages de leur exploitation, y compris en percevant une indemnisation équitable pour tout dommage causé par cette prospection ou exploitation de la zone; 3) de faire savoir comment se déroule le processus de «saneamiento» et de délivrance de titres de propriété aux peuples intéressés vivant dans les zones se superposant à celles où ont été délivrées des concessions d’exploitation forestière; 4) d’exposer la situation spécifique des groupes indigènes vivant dans la zone faisant l’objet de concessions. En substance, la commission souligne la nécessité de parvenir à des solutions en consultation avec les peuples intéressés.
13. Vers une culture de la consultation. La commission rappelle que les faits à l’origine de la réclamation de la COB ont en commun avec ceux qui sont évoqués dans la communication de la CISL de se référer à la nécessité d’appliquer conjointement les articles 6, 7 et 15 de la convention, point sur lequel il n’y a pas eu de progrès, raison pour laquelle l’absence de consultations adéquates à propos des concessions d’exploitation forestière se pose à nouveau à propos de l’exploitation d’hydrocarbures. La commission note que, selon le gouvernement, le ministère des Hydrocarbures a mis au point une proposition de loi touchant à la consultation obligatoire des peuples indigènes préalablement à la prospection et à l’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires, et que ce projet de loi a été soumis à l’examen des organisations indigènes pour que celles-ci fassent éventuellement leurs observations. La commission rappelle au gouvernement qu’il peut recourir, s’il le juge nécessaire, à l’assistance technique du Bureau, afin de fixer les bases d’élaboration d’un cadre adéquat de consultation, avec la participation des peuples indigènes. La commission invite le gouvernement à la tenir informée des mesures prises à cet égard.
14. Travail forcé. La commission prend note du document intitulé «Enganche y servidumbre por deudas en Bolivia» établi par le Programme de promotion de la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, document qui comprend une recommandation tendant à la ratification de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Elle prend note avec intérêt du fait que la Bolivie a ratifié cette convention le 5 mai 2005, qu’elle a entrepris, avec l’assistance technique de l’OIT, d’élaborer un plan d’action pour l’éradication du travail forcé, phénomène qui affecte principalement la population indigène, et que ce plan fait actuellement l’objet de consultations entre les organisations de travailleurs, les organisations indigènes et le ministère des Questions indigènes et des Peuples autochtones. La commission saurait gré au gouvernement de la tenir informée des résultats de ces consultations relatives au plan d’action.
La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement sur certains autres points.