National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission se réfère à son observation de 1991 dans laquelle elle avait notamment prié le gouvernement de communiquer ses commentaires sur les questions soulevées par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans sa lettre du 31 janvier 1991, transmise au gouvernement par lettre du BIT en date du 19 février 1991.
La commission a pris note, à ce sujet, d'une lettre adressée à ses membres par le gouvernement, donnant des informations sur la situation interne et internationale de Cuba. Le gouvernement déclare notamment que des pressions économiques et politiques sont exercées sur le pays et que celui-ci fait l'objet d'une campagne de propagande et de désinformation visant à le discréditer et à l'isoler. Il considère que les observations présentées par la CISL s'inscrivent dans le contexte de cette action. Le gouvernement fait état de son soutien et de son respect envers l'oeuvre de l'OIT au bénéfice des travailleurs du monde, du degré d'application des 86 conventions internationales du travail ratifiées par Cuba et de l'importance qu'il attribue au développement social. Il prie les membres de la commission, comme la commission dans son ensemble, d'évaluer ses réponses dans le contexte de la situation exceptionnelle que traverse le pays.
La commission a pris bonne note de cette communication. Elle souhaite rappeler pour sa part que dans sa tâche consistant à déterminer si les prescriptions d'une convention donnée sont remplies, elle n'est guidée que par les normes contenues dans la convention en question. Il s'agit de normes internationales et la manière dont leur application est évaluée doit, à son avis, être uniforme et ne doit être affectée par des conceptions dérivées d'aucun système social ou économique particulier.
La commission a noté par ailleurs que le gouvernement n'a pas communiqué de commentaires spécifiques quant aux questions soulevées par la CISL, qui portent sur des pratiques discriminatoires basées sur l'attitude idéologique des personnes concernées.
Selon la CISL, ces pratiques sont concrétisées notamment par:
- le "dossier cumulatif de l'étudiant" ("expediente acumulativo del escolar"), qui accompagne l'étudiant pendant toute la durée de ses études et fera partie du dossier professionnel lorsque l'étudiant cherchera un emploi. Le dossier de l'étudiant contient notamment des indications qui portent sur l'éducation morale, politique et idéologique et font l'objet d'une évaluation annuelle ainsi que des indications sur la participation religieuse des parents;
- le dossier professionnel, où figurent des indications relatives à l'intégration politique et à l'attitude du travailleur envers la révolution (voir point 8 ci-dessous);
- la fiche de contrôle personnel, qui est gardée sur chaque travailleur par le Comité de défense de la révolution du quartier et qui comporte notamment des indications sur la conduite sociale du travailleur, ses relations éventuelles avec des personnes "non motivées à l'égard de la révolution". Ce document n'est plus incorporé au dossier professionnel mais demeure accessible aux autorités. Des extraits photocopiés de ces documents sont fournis par la CISL.
La CISL fournit également des exemples de pratiques discriminatoires en matière d'emploi et de profession, basées sur l'attitude idéologique et portant sur des questions telles que la promotion, le travail à l'étranger, l'obtention d'un logement ou d'autres équipements ménagers, le harcèlement sur le lieu de travail, la "répudiation" de candidats à l'émigration, ainsi qu'une liste de personnes qui auraient souffert de telles pratiques, avec des documents et témoignages à l'appui. La commission veut croire que le gouvernement communiquera des commentaires sur les questions soulevées par la CISL pour examen à sa prochaine session.
2. La commission a également pris note des observations communiquées par la Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT) par lettre du 19 février 1992 qui a été transmise au gouvernement par le BIT. Elle espère que le gouvernement communiquera ses commentaires sur les questions soulevées par la CLAT afin de permettre leur examen à sa prochaine session.
La commission prend également note des informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1991, en réponse aux autres points soulevés dans son observation précédente.
Accès à la formation
3. En ce qui concerne les critères pour l'octroi de l'aval aux candidats à l'admission aux études postsecondaires ou supérieures (résolutions du ministère de l'Education no 1/89 du 18 mars 1989, paragraphe 2; et no 260/88 du 16 mai 1988, paragraphe 5), le gouvernement a indiqué que cet aval est accordé au cours d'un processus démocratique auquel participent le professeur et le collectif des étudiants réunis en assemblée. Des indications sont données par le professeur sur les résultats des épreuves de contrôle et des examens pour déterminer les connaissances de l'étudiant. Le collectif des étudiants du même niveau et du même groupe que le candidat analyse les qualités et la personnalité de celui-ci, telles que sa vocation pour les études, son sens de la discipline, son intérêt pour la recherche, sa participation aux travaux d'équipe, ses relations humaines, etc. Ainsi, le processus d'éducation se fonde sur les qualités de l'élève et le prépare de façon harmonieuse à vivre dans le milieu qui l'entoure. Le collectif des étudiants participe de même à l'évaluation des résultats du fonctionnement de l'école.
La commission prend bonne note de ces indications. Tout en appréciant les objectifs de la participation du collectif des étudiants, la commission constate que l'aval se base sur un examen personnel du candidat axé non seulement sur ses qualités intellectuelles et estudiantines mais aussi sur son comportement social. Dans ces conditions et eu égard également aux questions soulevées plus haut au sujet du dossier de l'étudiant, la commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures appropriées pour assurer que l'examen individuel auquel est soumis chaque candidat ne tiendra compte d'aucun élément tel que la religion, l'opinion politique ou l'origine sociale, qui pourrait donner lieu à une discrimination au sens de la convention.
4. En ce qui concerne l'accès aux "cours dirigés" (résolution no 250/81 du 31 juillet 1981, du ministère de l'Enseignement supérieur, telle que modifiée par la résolution no 66/85 du 26 mars 1985), le gouvernement a indiqué que l'aval de l'administration et de la section syndicale quant aux "principes moraux" du candidat n'est qu'une formalité administrative normale et signifie que, s'agissant de cours pour travailleurs, la demande du candidat doit être signée par les représentants du syndicat et de l'administration.
La commission a pris note de ces explications. Elle espère que dans ce cas également, aucun élément discriminatoire au sens de la convention n'interviendra dans l'accès à ces "cours dirigés", lesquels, selon les textes précités, sont également accessibles aux citoyens non liés par une relation de travail qui doivent dans ce cas obtenir l'aval des "organismes de masses correspondantes".
Accès à l'emploi
5. Le gouvernement a indiqué que la liste des charges de l'Etat relevant du décret-loi no 82 de 1984 sur le système de travail des cadres de l'Etat et du décret no 125 de 1984 portant règlement d'application ne correspond pas à la liste des charges que doit contrôler le Parti communiste de Cuba, selon la résolution du premier congrès du Parti communiste de Cuba de 1975. Le gouvernement a déclaré en outre que, même dans des postes de direction faisant partie de la liste relevant des textes de 1984, les critères de choix et de promotion ne sont liés ni à l'affiliation à un parti politique ni à l'opinion politique, mais seulement aux exigences découlant des activités de direction que les intéressés doivent accomplir. Quant à "l'esprit du collectivisme" exigé des cadres de l'éducation, le gouvernement a indiqué qu'il s'agit d'un moyen d'assurer la participation démocratique des collectifs et des organisations d'étudiants à la politique et au processus de l'éducation dans le pays.
La commission a pris note de ces indications. Elle rappelle que la liste des charges relevant du système régi par les textes de 1984 susmentionnés comprend outre des charges dans l'administration, des charges dans les entreprises et s'étend aux chefs de fabriques, d'ateliers, de brigades et d'équipes. Elle rappelle également que les conditions requises par ces textes pour occuper les charges de direction dans l'enseignement comportent l'"esprit du collectivisme" et l'"attachement aux masses et la confiance et le respect envers elles". La commission souligne à nouveau que l'opinion politique ne saurait être prise en compte que lorsqu'elle constituerait une qualification exigée pour des emplois et fonctions déterminés, au sens de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, c'est-à-dire pour certains postes supérieurs directement en relation avec la mise en oeuvre de la politique gouvernementale. La commission ne peut que reprendre, par conséquent, certains aspects ayant trait à l'opinion politique qui ont été soulevés dans ses commentaires précédents concernant l'accès à l'emploi et à l'évaluation des travailleurs.
6. Le gouvernement a déclaré que la résolution no 590/86 est sans effet et ne constitue pas un élément de discrimination dans le système d'inspection du ministère de l'Education, qui était en révision et aura été transformé avant la fin de l'année scolaire 1991. Le gouvernement précise qu'il ne s'agit pas d'opinions politiques mais de la politique pédagogique définie et contrôlée par le ministère de l'Education.
La commission rappelle que selon la résolution no 590/86, le processus d'enseignement et les résultats obtenus doivent être analysés du point de vue de la politique du Parti communiste de Cuba (art. 2) et évalués en tenant compte de leur contenu politique, idéologique et scientifique (art. 8). Elle souligne à nouveau que ces critères peuvent donner lieu à une discrimination fondée sur l'opinion politique: i) dans la formation des élèves et étudiants; ii) dans l'évaluation du travail des enseignants soumis à l'inspection; et, iii) dans les conditions d'emploi et l'évaluation du travail des inspecteurs eux-mêmes. La commission espère en conséquence que, lors de la révision du système d'inspection dans l'éducation, le gouvernement aura pris les mesures nécessaires pour assurer la conformité de la législation comme de la pratique nationale avec la convention.
7. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les dispositions du décret-loi no 34/1980 qui ont fait l'objet de commentaires antérieurs (autorisation de licencier certains membres du personnel des établissements supérieurs pour motif d'activité contraire à la morale socialiste et aux principes idéologiques de la société) ne sont pas appliquées dans la pratique actuelle. La commission espère que, comme le gouvernement l'avait indiqué, les dispositions en question seront mises en conformité avec la convention lors d'une révision de la législation considérée. En outre, elle prie à nouveau le gouvernement de fournir le texte de la résolution conjointe no 2 du 20 décembre 1989 des ministres de l'Education et de l'Enseignement supérieur, laquelle traite de la réhabilitation des travailleurs de l'enseignement à qui le décret-loi no 34/1980 a été appliqué.
Evaluation des travailleurs
8. La commission se réfère à son observation de 1991. Elle rappelle que l'article 129 du réglement pour l'application de la politique de l'emploi (résolution no 51/88 du 12 décembre 1988), à l'instar de l'article 61 du Code du travail, dispose que le dossier professionnel est un document qui contient les données et les antécédents de l'expérience personnelle du travailleur et que l'organisme employeur a l'obligation d'établir, de tenir à jour et de conserver pour chacun des membres de son personnel. Elle fait remarquer à nouveau que, parmi les "mérites du travail" qui doivent être mentionnés au dossier professionnel (art. 130 du réglement susmentionné) et qui sont définis au paragraphe 5 de la résolution no 590/1980, figurent notamment le fait d'être choisi pour accomplir une mission de caractère internationaliste et l'obligation de maintenir une attitude conforme au principe de l'internationalisme prolétarien durant l'accomplissement de la mission. Selon le paragraphe 6 de la même résolution, peuvent être également notées au dossier professionnel des distinctions ne constituant pas un mérite se rapportant au travail, qui sont accordées entre autres par une organisation de masses ou une institution officielle et qui témoignent de "l'attitude révolutionnaire du travailleur en dehors de son centre de travail". La commission considère que de telles dispositions ne sont pas conformes aux dispositions de la convention relatives à l'élimination de toute discrimination fondée sur l'opinion politique.
Le gouvernement a déclaré à ce sujet que le système de mérites et démérites se rapportant au travail, régi par la résolution no 590/1980 du Comité d'Etat du travail et de la sécurité sociale (CETSS), fait partie intégrante de l'"émulation socialiste" qu'organisent et contrôlent les organisations syndicales et est indépendant du système d'évaluation des qualifications des travailleurs aux fins d'accès à ou de maintien dans l'emploi. Le gouvernement précise que deux résolutions récentes, non encore communiquées au BIT, traitent de ces questions; il s'agit de la résolution no 18 du 19 novembre 1990 et de la résolution no 4 du 15 mars 1991.
La commission a pris note de ces indications. Elle observe que la résolution no 590/1980 est un texte réglementaire promulgué par le ministre-président du CETSS, qu'elle fixe les faits à porter au dossier professionnel par les "assemblées de mérites et démérites du travail" et qu'elle définit ces mérites et démérites respectivement dans ses paragraphes 5 et 7. La commission considère donc qu'il s'agit bien de critères d'évaluation professionnelle du travailleur, fixés par le gouvernement, comme le montrent notamment les critères se rapportant aux résultats du travail et aux qualifications professionnelles définis aux points a) à d), et e) et h) du même paragraphe 5 de la résolution (par exemple désignation comme meilleur travailleur de l'année; contribution au relèvement de la productivité et de la qualité des services; réussite aux examens de capacité technique ou d'instructeur).
La commission note en outre, d'après la déclaration du gouvernement, que sur la base de ces mérites, les organisations syndicales distribuent des stimulants moraux et matériels (tels que séjours touristiques nationaux ou internationaux à bas prix ou gratuits ou possibilité d'acquérir des articles rares dans le pays). La commission considère que ces privilèges et prestations en nature constituent des éléments des conditions d'emploi. Elle estime, par conséquent, que le fait que leur distribution soit effectuée sur la base de mérites se rapportant au travail décidés par des organisations syndicales ne dispense pas de l'obligation, aux termes de la convention, d'assurer que les critères constitutifs de ces mérites ne comportent pas d'élément qui puisse donner lieu à discrimination, notamment sur la base de l'opinion politique (tel que le fait d'être désigné pour une mission de caractère internationaliste et y faire preuve d'une attitude conforme à l'internationalisme prolétarien). La commission estime de même que la mention au dossier professionnel de distinctions accordées pour "attitude révolutionnaire" en dehors du lieu de travail pourrait donner lieu à une telle discrimination.
La commission espère en conséquence que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec la convention sur ces points.
9. La commission adresse au gouvernement une demande directe portant sur d'autres points.