Allégations: Les organisations plaignantes allèguent un grand nombre
d’assassinats et d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes ainsi que des lacunes
structurelles qui débouchent sur une situation d’impunité sur le plan pénal et en matière de
travail
- 223. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à de nombreuses
reprises depuis qu’il a été présenté en 2007. Le comité a examiné ce cas la dernière
fois à sa réunion de mars 2023, à l’occasion de laquelle il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 401e rapport, paragr. 447 à 479.]
- 224. Le gouvernement du Guatemala a fait parvenir ses observations dans
cinq communications des 27 avril, 7 et 12 septembre et 21 décembre 2023, ainsi que du
16 avril 2024.
- 225. Le Guatemala a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 154) sur
la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 226. À sa réunion de mars 2023, le comité a formulé les recommandations
suivantes [voir 401e rapport, paragr. 479]:
- a) Le comité exprime de nouveau sa
profonde préoccupation face à la gravité de ce cas, dans lequel il est fait état
d’un grand nombre d’assassinats, de tentatives d’assassinat, d’agressions, de
menaces de mort, et face à l’existence d’un climat d’impunité.
- b) Le comité
prie de nouveau instamment le gouvernement de continuer, avec la participation
active et le suivi de la Commission nationale tripartite et de sa sous-commission
sur la mise en œuvre de la feuille de route, de prendre et d’intensifier toutes les
mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes de violence
perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin d’établir
les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les instigateurs de ces actes,
en tenant pleinement compte dans les enquêtes, conformément à l’instruction
no 01-2015, de l’activité syndicale des victimes. À cet égard, le comité prie
expressément le gouvernement de: i) s’assurer que le doublement du budget alloué au
parquet spécialisé en 2022 se traduira par une augmentation significative des
capacités d’enquête criminelle de l’unité chargée des délits contre les
syndicalistes, permettant de mener adéquatement tant les enquêtes sur les actes de
violence plus récents que celles sur les affaires plus anciennes; ii) prendre les
mesures nécessaires pour que les autorités compétentes accordent l’attention et les
moyens voulus aux enquêtes sur les 36 homicides signalés par la Commission nationale
tripartite; iii) fournir des informations sur le résultat du recours formé par le
ministère public contre l’acquittement rendu dans l’affaire de l’assassinat de
M. Tomás Francisco Ochoa Salazar; iv) fournir des informations sur les enquêtes
menées par la section du ministère de l’Intérieur spécialisée dans les menaces et
les attaques contre des défenseurs des droits de l’homme et ayant un lien avec des
actes de violence antisyndicale; v) poursuivre le dialogue fluide établi avec les
autorités judiciaires afin que, en usant de tous les mécanismes appropriés, les cas
de violence antisyndicale soient examinés rapidement par les tribunaux pénaux, ainsi
que pour faciliter la participation des organisations syndicales aux procédures
pénales concernant des crimes perpétrés contre leurs membres; et vi) prendre les
mesures nécessaires pour pérenniser le rôle de suivi de la Commission nationale
tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale et de sa
sous-commission, en tenant dûment compte des mesures demandées par celle-ci en
décembre 2019. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet
égard.
- c) Exprimant sa profonde préoccupation pour l’homicide d’un membre du
mouvement syndical survenu en 2022 et pour les menaces reçues, notamment, par le
secrétaire général de la Confédération de l’unité syndicale du Guatemala (CUSG), le
comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires: i) au fonctionnement effectif et au renforcement du groupe de travail
syndical du ministère de l’Intérieur et à la réactivation de l’instance chargée
d’analyser les attaques contre des défenseurs des droits de l’homme dudit ministère;
ii) à l’établissement d’un dialogue régulier entre les hautes autorités du ministère
de l’Intérieur, de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de
la liberté syndicale et de sa sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de
route; iii) au renforcement et à la systématisation de la coordination entre le
ministère de l’Intérieur et le ministère public dans l’octroi et la gestion des
mesures de sécurité en faveur de membres du mouvement syndical; et iv) à la
fourniture des fonds nécessaires pour que toutes les mesures de sécurité
nécessaires, en particulier les mesures personnelles, soient accordées dans les
meilleurs délais aux membres du mouvement syndical en danger sans que ces derniers
ne doivent supporter des dépenses pour les agents chargés de leur protection. Le
comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité
attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le
caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 227. Par cinq communications envoyées entre le 27 avril 2023 et le
16 avril 2024, le gouvernement répond aux recommandations du comité, en transmettant
notamment des informations et des mises à jour sur les enquêtes concernant les actes de
violence antisyndicale dénoncés dans le cadre du présent cas et sur la protection des
membres du mouvement syndical en danger.
- 228. En réponse à la profonde préoccupation exprimée par le comité
concernant la gravité du cas (recommandation a)), le gouvernement déclare avoir alloué
des fonds en temps utile pour améliorer la situation générale en matière de sécurité,
tant en ce qui concerne la prévention que pour l’appareil d’État chargé de
l’administration de la justice, qui impose des châtiments sévères pour la commission de
délits pénaux et vérifiables. Il indique que, selon les données du ministère public,
99 cas d’homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ont été enregistrés et
précise que: i) à ce jour, 38 décisions ont été rendues, dont 27 condamnations,
10 acquittements et une mesure corrective et de sécurité; ii) sur les décisions
précitées, 15 concernaient les auteurs matériels de l’homicide, 3 les commanditaires et
11 des auteurs commanditaires; iii) 14 des 99 victimes précitées n’étaient pas membres
du mouvement syndical; iv) 48 cas ont été classés en raison de l’impossibilité
matérielle d’identifier les auteurs de l’homicide, conformément à l’article 327 du Code
de procédure pénale (la réouverture du dossier étant toujours possible); v) dans 7 cas,
des mandats d’arrêt ont été émis; vi) 8 cas sont toujours en cours d’instruction; et
vii) 2 cas en sont à un stade intermédiaire.
- 229. Quant à l’adoption et à l’intensification des mesures nécessaires
pour enquêter efficacement sur tous les actes de violence perpétrés à l’encontre de
dirigeants syndicaux et de syndicalistes (recommandation b)), le gouvernement indique
que le ministère public a mené une enquête immédiate, indépendante, exhaustive,
effective et impartiale sur tous les actes ou menaces de violence dénoncés, en tenant
pleinement compte de l’activité syndicale des victimes, entre autres éléments, afin de
bâtir un réquisitoire solide et adéquat fondé sur des preuves accablantes. Le
gouvernement indique que, alors que le ministère public ne disposait que de 64 parquets
municipaux en 2017, il est aujourd’hui présent dans les 340 municipalités du pays. Le
gouvernement souligne que, depuis 2017, le ministère public est parvenu à raccourcir à
un an et neuf mois en moyenne la durée d’instruction et d’obtention de condamnations en
cas d’homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes.
- 230. En ce qui concerne l’Unité du ministère public chargée des délits
commis contre les syndicalistes, le gouvernement indique que, entre 2022 et 2024, son
budget annuel est passé de 1 288 252 à 1 654 150 dollars des États-Unis (dollar É.-U.),
ce qui a permis de disposer d’une meilleure technologie et d’un personnel plus qualifié.
Le gouvernement déclare en outre que, depuis la création de cette unité, son budget a
été multiplié par 15 et son personnel est passé de huit agents en 2011 à 23 agents en
2023. En conséquence, les enquêtes ont été plus rapides et plus fiables et davantage de
condamnations ont été obtenues par rapport au nombre d’acquittements. Le gouvernement
déclare également que l’engagement pris par le ministère public d’enquêter sur les actes
de violence antisyndicale est également démontré par le fait que le parquet spécialisé a
affecté une équipe spéciale à l’enquête sur l’assassinat de Mme Doris Lisseth Aldana
Calderón, représentante du Comité féminin du Syndicat des travailleurs des bananeraies
d’Izabal (SITRABI), survenu le 4 octobre 2023.
- 231. En ce qui concerne les homicides signalés par la Commission
nationale tripartite, le gouvernement précise que 35 cas, et non 36, ont été considérés
comme revêtant une importance particulière au cours de la réunion du 7 février 2020 de
ladite commission (en raison de la double prise en compte de l’homicide sur la personne
de M. Marco Tulio Ramírez Portela). Le gouvernement indique qu’en ce qui concerne ces
cas: i) 7 ont abouti à des condamnations; ii) les poursuites pénales sont éteintes dans
4 cas; iii) des mandats d’arrêt ont été délivrés dans 4 cas; iv) 18 ont été classés
conformément aux dispositions de l’article 327 du Code de procédure pénale; et v) 2 font
l’objet d’une enquête de l’unité spéciale du ministère public contre l’impunité.
- 232. S’agissant du résultat du recours formé par le ministère public
contre la décision d’acquittement rendue dans l’affaire de l’assassinat de M. Tomás
Francisco Ochoa Salazar, secrétaire chargé des conflits au sein du Syndicat des
travailleurs de la viande transformée, Société anonyme (SITRABREMEN), le gouvernement
précise que le ministère public n’a pas fait appel de cette décision, étant donné que
les éléments qu’il aurait pu avancer étaient ceux-là mêmes qui avaient été écartés au
départ par le tribunal, et qu’il ne voulait pas courir le risque que la teneur de la
condamnation obtenue précédemment (vingt-cinq ans d’emprisonnement sans commutation pour
les responsables identifiés) dans le même dossier contre les auteurs soit modifiée.
- 233. S’agissant des enquêtes menées par l’unité du ministère de
l’Intérieur concernant des menaces et agressions à l’encontre de défenseurs des droits
de l’homme en lien avec des actes de violence antisyndicale, le gouvernement indique
que, dès réception d’une demande d’octroi de mesures de sécurité, il vérifie auprès du
ministère public si une plainte a été déposée et quel est l’état d’avancement de
l’enquête y afférente, dans le cadre de la coordination interinstitutionnelle sur les
plaintes reçues ayant un lien avec des menaces proférées à l’encontre de dirigeants
syndicaux et de syndicalistes. Le gouvernement déclare qu’entre le 1er juin 2022 et le
15 janvier 2023, le ministère de l’Intérieur a reçu 97 demandes individuelles ou
collectives d’analyse de risque (dont 58 émanaient du ministère public) et a accordé
128 mesures de protection de périmètre, tandis que deux dirigeants syndicaux continuent
de bénéficier de mesures de sécurité personnelle, le premier depuis 2017 et le second
depuis 2019. Le gouvernement déclare que, sur les 58 plaintes reçues par le ministère
public, 11 faisaient état de menaces (dont 8 ont été rejetées et 3 font l’objet d’une
enquête), 25 mentionnaient des actes de contrainte et ont été rejetées, et 2 faisaient
référence au délit de diffamation et ont été rejetées.
- 234. En ce qui concerne la poursuite d’un dialogue fluide avec les
autorités judiciaires afin que les cas de violence antisyndicale soient examinés
rapidement par les tribunaux pénaux ainsi que pour faciliter la participation des
organisations syndicales aux procédures pénales concernant des crimes perpétrés contre
leurs membres, le gouvernement indique que le ministère public continue d’inviter les
dirigeants syndicaux et les syndicalistes à prendre part à ces procédures en tant que
parties intervenantes, ce qui leur offre une possibilité de participer et de faire
connaître leurs demandes.
- 235. Quant à la pérennisation du rôle de suivi de la Commission nationale
tripartite et de sa sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route, le
gouvernement déclare qu’entre septembre 2022 et septembre 2023, la sous-commission a
tenu quatre réunions, au cours desquelles des thèmes en rapport avec les indicateurs
clés de la feuille de route ont été abordés. Le gouvernement souligne en outre que le
Procureur général de la République et la cheffe du parquet chargé des délits commis
contre les membres de l’institution judiciaire et les syndicalistes ont participé aux
réunions de la Commission nationale tripartite des 8 et 29 mars 2023 et qu’un accord a
été trouvé entre le ministère public et les travailleurs sur une méthode de travail afin
de procéder à un examen complet des dossiers. Dans sa communication du 15 avril 2024, le
gouvernement indique également que le ministère public a pris les mesures nécessaires en
vue d’élaborer le ou les instruments légaux permettant de garantir la poursuite des
travaux du groupe de travail technique syndical du ministère public, lesquels seront
soumis au secteur syndical pour examen.
- 236. En ce qui concerne la recommandation c) concernant la protection des
membres du mouvement syndical en danger, le gouvernement déclare que, depuis le début de
2023, le ministère public a encouragé le dialogue avec les représentants des
travailleurs et ceux-ci ont accepté de se réunir pour traiter ponctuellement de
questions en lien avec les intérêts des travailleurs. Il affirme également que, depuis
la fin de 2022, le ministère de l’Intérieur a entamé un dialogue avec les représentants
des travailleurs en vue d’actualiser l’accord ministériel no 288 2022 sur l’instance
chargée d’analyser les attaques contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes
afin de prendre en compte les besoins des travailleurs avec plus de certitude et de
précision.
- 237. En ce qui concerne l’établissement d’un dialogue régulier entre les
hautes autorités du ministère de l’Intérieur, de la Commission nationale tripartite et
de sa sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route, le gouvernement
indique que: i) cette commission convoque le ministère de l’Intérieur au moins deux fois
par an afin qu’il l’informe en personne des mesures de protection accordées à des
membres du mouvement syndical et d’autres mesures destinées à prévenir et à atténuer les
actes de violence antisyndicale; et ii) en 2023, ces réunions ont eu lieu le 20 janvier
et le 8 mars.
- 238. Quant au renforcement et à la systématisation de la coordination
entre le ministère de l’Intérieur et le ministère public dans l’octroi et la gestion des
mesures de sécurité en faveur de membres du mouvement syndical, le gouvernement explique
que le personnel du ministère de l’Intérieur, qui est en charge de la police nationale
civile, fournit les mesures de sécurité aux syndicalistes, qu’il s’agisse de mesures de
protection de périmètre ou de sécurité personnelle, conformément à une analyse de risque
réalisée dans la semaine. Le gouvernement indique que ces mesures peuvent être demandées
par le ministère public, la partie lésée, le Bureau du procureur chargé des droits de
l’homme ou le ministre de l’Intérieur, et que, en 2023, toutes les demandes ont émané du
ministère public et, par conséquent, toutes ont fait l’objet d’une enquête.
- 239. En ce qui concerne la fourniture des fonds nécessaires pour que
toutes les mesures de sécurité nécessaires soient accordées aux membres du mouvement
syndical en danger, le gouvernement déclare disposer des ressources financières et
humaines pour accorder ces mesures rapidement et efficacement. Il indique qu’avec un
budget annuel de 1 239 120 dollars É.-U., le ministère de l’Intérieur prend en charge
les aspects logistiques et la planification afin de faire en sorte que les besoins en
matière de sécurité soient couverts. Le gouvernement précise qu’aucun dirigeant syndical
ou syndicaliste n’est tenu de payer pour sa protection, étant donné que la sécurité est
un droit. Il ajoute qu’il existe six cantines dans la capitale pour éviter que les
syndicalistes protégés ne paient la nourriture des fonctionnaires de police.
- 240. Dans sa communication du 15 avril 2024, le gouvernement déclare
enfin que son engagement en faveur du respect des normes internationales du travail et
des préoccupations légitimes du mouvement syndical a été démontré au plus haut niveau à
l’occasion de la troisième Conférence internationale de solidarité avec le Guatemala,
qui s’est tenue les 11 et 12 avril 2024 et à laquelle ont pris part le Président de la
République et d’autres hautes autorités de l’État. À cette occasion, le gouvernement a
indiqué que les syndicats ne peuvent se développer normalement en l’absence des
protections essentielles qu’offre un État démocratique et que le Guatemala vit un moment
historique pour renforcer le dialogue social.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 241. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes dénoncent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence perpétrés à
l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que la situation d’impunité
qui en découle.
- 242. En ce qui concerne l’adoption et l’intensification des mesures pour
enquêter efficacement sur les actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants
syndicaux et de syndicalistes (recommandation b)), le comité prend dûment note des
informations fournies par le gouvernement à cet égard. Le comité note en particulier
que: i) depuis 2017, le ministère public est passé de 64 parquets municipaux à une
présence dans les 340 municipalités du pays; et ii) le budget de l’Unité du ministère
public chargée des délits contre les syndicalistes est passé de 1 288 252 à
1 654 150 dollars des États-Unis (dollar É.-U.) entre 2022 et 2024, ce qui s’est traduit
par une meilleure technologie et un personnel plus qualifié. Le comité prend également
note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle le ministère public:
i) continue d’inviter les dirigeants syndicaux et les syndicalistes à participer aux
procédures pénales concernant des crimes perpétrés contre leurs membres en tant que
parties intervenantes; ii) a eu une réunion avec la Commission nationale tripartite en
mars 2023; et iii) indique prendre toutes les mesures nécessaires pour pérenniser
l’existence et le fonctionnement de son groupe de travail technique syndical, qui permet
l’échange d’informations et de critères avec les organisations syndicales.
- 243. Ensuite, le comité prend note des données mises à jour fournies par
le gouvernement sur les résultats obtenus dans les enquêtes sur les homicides examinés
dans le cadre du présent cas et sur la sanction de leurs auteurs. Le comité note que:
i) sur un total de 99 homicides (au sujet desquels le gouvernement indique que
14 victimes n’étaient pas membres du mouvement syndical), 38 décisions ont été rendues,
dont 27 condamnations, 10 acquittements et une mesure corrective et de sécurité;
ii) parmi ces décisions, 15 concernaient les auteurs de l’homicide, 3 les commanditaires
et 11 les auteurs commanditaires; iii) il a été possible de réduire la durée moyenne
d’enquête et d’obtention de condamnations à un an et neuf mois dans les cas d’homicides
de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; iv) 48 cas ont été classés en raison de
l’impossibilité matérielle d’identifier les auteurs de l’homicide, conformément à
l’article 327 du Code de procédure pénale (une réouverture du dossier étant toujours
possible); v) dans 7 cas, des mandats d’arrêt ont été émis; vi) 8 cas sont en cours
d’instruction; et vii) 2 cas en sont à un stade intermédiaire. En ce qui concerne les
35 cas qui, selon la Commission nationale tripartite, revêtent une importance
particulière, le comité note que: i) 7 condamnations ont été prononcées; ii) les
poursuites pénales sont éteintes dans 4 cas; iii) des mandats d’arrêts ont été émis dans
4 cas; iv) 18 cas ont été classés conformément à l’article 327 du Code de procédure
pénale; et v) 2 cas font l’objet d’une enquête de l’Unité spéciale du ministère public
contre l’impunité. S’agissant de l’assassinat de M. Tomás Francisco Ochoa Salazar,
secrétaire chargé des conflits au sein du SITRABREMEN, le comité note que le ministère
public a décidé de ne pas faire appel de la décision rendue afin d’éviter le risque que
la teneur de la condamnation obtenue précédemment dans le même dossier contre les
auteurs soit modifiée.
- 244. Le comité prend dûment note de ces différents éléments. Le comité
prend note des mesures que le gouvernement continue d’adopter pour améliorer
l’efficacité des enquêtes concernant les actes de violence antisyndicale et salue, en
particulier, l’augmentation du budget du parquet spécialisé dans les infractions contre
le personnel judiciaire et les syndicalistes. En termes de résultats obtenus, le comité
observe que, depuis son dernier examen du présent cas, cinq nouvelles condamnations ont
été prononcées et que, selon les informations fournies par le gouvernement, le délai
moyen jusqu’au prononcé du jugement aurait été réduit de façon significative. Dans le
même temps, le comité observe avec une profonde préoccupation que: i) la majorité des
99 homicides dénoncés dans le cadre du présent cas n’ont toujours pas été éclaircis; et
ii) 48 cas, dont 18 des 35 cas signalés comme revêtant une importance particulière par
la Commission nationale tripartite en 2021 [voir 396e rapport du comité, paragr. 340],
ont été classés et ne font donc actuellement pas l’objet d’enquêtes du ministère public.
Tout en reconnaissant qu’il est particulièrement difficile de résoudre des homicides
plus anciens, le comité observe qu’il ne dispose toujours pas d’informations sur
l’identification de la totalité de ces cas ni sur les critères spécifiques utilisés à
cet égard. Le comité rappelle une fois de plus qu’il importe que les enquêtes
aboutissent à des résultats concrets permettant d’établir les faits de manière
incontestable, ainsi que les motifs de ces faits et leurs auteurs, de manière à pouvoir
appliquer les sanctions appropriées et s’employer à éviter leur répétition à l’avenir.
[Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition,
2018, paragr. 96.]
- 245. À la lumière de ce qui précède, le comité prie instamment le
gouvernement, en collaboration avec la Commission nationale tripartite et sa
sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route, de continuer de prendre et
d’intensifier les mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes de
violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin
d’établir les motifs, les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les
instigateurs de ces actes, en tenant pleinement compte de l’activité syndicale des
victimes dans les enquêtes. En particulier, le comité prie instamment le gouvernement:
i) de continuer à faire en sorte que le parquet spécialisé dispose d’un budget adéquat
compte tenu de l’importance de ses fonctions et que les ressources allouées lui
permettent d’être plus efficace dans la résolution des cas, tant anciens que plus
récents; ii) de faire en sorte que les autorités compétentes consacrent une attention
particulière et les ressources correspondantes à l’enquête sur les 35 homicides
considérés comme revêtant une importance particulière par la Commission nationale
tripartite; et iii) de s’assurer que des réunions régulières continuent à avoir lieu
entre la Commission nationale tripartite et le ministère public, d’une part, et entre le
ministère public et les organisations syndicales, d’autre part, en vue d’encourager une
collaboration continue et une approche intégrée dans le traitement des cas. Le comité
prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 246. S’agissant de la protection des membres du mouvement syndical en
danger (recommandation c)), le comité prend note de l’indication du gouvernement selon
laquelle: i) à la fin de 2022, un dialogue a été établi entre le ministère de
l’Intérieur et des représentants des organisations syndicales en vue d’actualiser
l’accord ministériel no 288-2022 sur l’instance chargée d’analyser les attaques contre
les dirigeants syndicaux et les syndicalistes afin de prendre en compte les besoins des
travailleurs avec plus de certitude et de précision; ii) en janvier et mars 2023, la
Commission nationale tripartite a convoqué le ministère de l’Intérieur afin qu’il
l’informe des mesures de protection accordées à des membres du mouvement syndical et
d’autres mesures destinées à prévenir et à atténuer les actes de violence antisyndicale;
iii) entre le 1er juin 2022 et le 15 janvier 2023, le ministère de l’Intérieur a reçu
97 demandes individuelles ou collectives d’analyse de risque (dont 58 émanaient du
ministère public) et a accordé 128 mesures de protection de périmètre; iv) deux
dirigeants syndicaux continuent de bénéficier de mesures de sécurité personnelle, le
premier depuis 2017 et le second depuis 2019; v) aucun dirigeant syndical ou
syndicaliste n’est tenu de payer pour sa protection, étant donné que le ministère de
l’Intérieur est responsable des aspects logistiques et de planification et dispose pour
ce faire d’un budget annuel de 1 239 120 dollars É.-U.; et vi) il existe six cantines
dans la capitale pour éviter que les syndicalistes protégés ne paient la nourriture des
fonctionnaires de police.
- 247. Tout en prenant dûment note de ces éléments, le comité prend note
avec une profonde préoccupation de la mention par le gouvernement de l’assassinat d’une
dirigeante du SITRABI survenu en octobre 2023. Rappelant une nouvelle fois que les
droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans
un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre
des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux
gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Compilation, paragr. 84], le
comité prie instamment le gouvernement de prendre, en coordination avec toutes les
instances compétentes, les mesures nécessaires pour renforcer l’efficacité des mesures
de prévention de la violence antisyndicale et de protection des membres du mouvement
syndical en danger. En particulier, le comité prie le gouvernement: i) de le tenir
informé du résultat des discussions avec les organisations syndicales concernant la
possible modification de l’accord ministériel no 288-2022 sur l’instance chargée
d’analyser les attaques contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, en lui
rappelant qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard; et
ii) de faire en sorte qu’un dialogue régulier soit maintenu entre la Commission
nationale tripartite et le ministère de l’Intérieur au sujet des mesures prises pour
prévenir et réduire les actes de violence antisyndicale.
- 248. Constatant que la persistance de la violence antisyndicale et la
situation d’impunité qui en découle font partie des allégations de la plainte déposée
contre le Guatemala en juin 2023 en application de l’article 26 de la Constitution de
l’OIT par différents délégués devant la Conférence internationale du Travail et tout en
saluant l’engagement pris au plus haut niveau de l’État en faveur de la protection de la
liberté syndicale et les mesures adoptées décrites plus haut, le comité prie le
gouvernement d’accorder toute l’attention requise aux questions soulevées dans les
présentes conclusions et d’adopter toutes les mesures nécessaires à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 249. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en
saluant l’engagement pris au plus haut niveau de l’État en faveur de la protection
de la liberté syndicale et les mesures prises à cet égard, le comité exprime de
nouveau sa profonde préoccupation face à la gravité de ce cas qui fait état de
nombreux assassinats, tentatives d’assassinat, agressions et menaces de mort et face
au climat d’impunité qui prévaut.
- b) Le comité prie le gouvernement de
continuer, avec la participation de la Commission nationale tripartite et de sa
sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route, de prendre et
d’intensifier les mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes
de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin
d’établir les motifs, les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les
instigateurs de ces actes, en tenant pleinement compte dans les enquêtes de
l’activité syndicale des victimes. En particulier, le comité prie le gouvernement:
i) de continuer à faire en sorte que le parquet spécialisé dispose d’un budget
adéquat compte tenu de l’importance de ses fonctions et que les ressources allouées
lui permettent d’être plus efficace dans la résolution des cas, tant anciens que
plus récents; ii) de faire en sorte que les autorités compétentes consacrent une
attention particulière et les ressources correspondantes à l’enquête sur les
35 homicides considérés comme revêtant une importance particulière par la Commission
nationale tripartite; et iii) de s’assurer que des réunions régulières continuent à
avoir lieu entre la Commission nationale tripartite et le ministère public, d’une
part, et entre le ministère public et les organisations syndicales, d’autre part, en
vue d’encourager une collaboration continue et une approche intégrée dans le
traitement des cas. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet
égard.
- c) Exprimant sa profonde préoccupation pour l’assassinat d’une
dirigeante syndicale survenu en 2023, le comité prie instamment le gouvernement de
prendre, en coordination avec toutes les instances compétentes, les mesures
nécessaires pour renforcer l’efficacité des mesures de prévention de la violence
antisyndicale et de protection des membres du mouvement syndical en danger. En
particulier, le comité prie le gouvernement: i) de le tenir informé du résultat des
discussions entre le ministère de l’Intérieur et les organisations syndicales
concernant la possible modification de l’accord ministériel no 288-2022 sur
l’instance chargée d’analyser les attaques contre des dirigeants syndicaux et des
syndicalistes, en lui rappelant qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du
Bureau à cet égard; et ii) de faire en sorte qu’un dialogue régulier soit maintenu
entre la Commission nationale tripartite et le ministère de l’Intérieur au sujet des
mesures prises pour prévenir et réduire les actes de violence
antisyndicale.
- d) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration
sur le caractère grave et urgent du présent cas.