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Definitive Report - Report No 391, October 2019

Case No 3346 (Netherlands) - Complaint date: 28-DEC-18 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce la politique actuelle du ministère des Affaires sociales et de l’Emploi consistant à rejeter systématiquement et arbitrairement les demandes de dérogation à l’application des conventions collectives de travail déclarées d’application générale et obligatoire. L’organisation plaignante allègue que, par cette pratique, le ministère restreint les droits syndicaux et de négociation collective des parties aux accords conclus antérieurement au niveau de l’entreprise ou du sous-secteur

  1. 451. La plainte figure dans des communications en date des 28 décembre 2018, 4 février et 2 juillet 2019, présentées au nom du syndicat Landelijke Belangenvereniging (LBV).
  2. 452. Le gouvernement a fait parvenir ses observations des communications en date du 8 mai et 11 septembre 2019.
  3. 453. Les Pays-Bas ont ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 454. Dans sa communication du 28 décembre 2018, le LBV allègue que le ministère des Affaires sociales et de l’Emploi (ci-après «le ministère») a modifié sa politique en ce qui concerne l’application du cadre d’exécution des réglementations (cadre d’évaluation de la Déclaration d’application générale et obligatoire des dispositions des conventions collectives du travail) (ci-après «le cadre d’évaluation»). Dans la pratique, la possibilité de déroger à l’application des dispositions d’une convention collective reconnues comme devant être obligatoirement appliquées dans un secteur donné n’est plus accordée pour des raisons de fond; de ce fait, des entreprises présentant certaines spécificités ne peuvent plus appliquer les accords collectifs d’entreprise conclus avant la déclaration par laquelle certaines dispositions d’une convention sectorielle établie ultérieurement sont décrétées d’application générale et obligatoire (cette déclaration sera ci-après désignée par le sigle AVV) dans la mesure où les dispositions des accords en question sont incompatibles avec les dispositions minimales de cette dernière. L’organisation plaignante allègue qu’en recourant à cette pratique le ministère enfreint le droit de syndicats comme le LBV et d’entreprises individuelles de conclure librement des accords d’entreprise. La conclusion de ces accords ne présente en effet plus d’intérêt, puisqu’ils sont susceptibles d’être annulés à tout moment par une convention collective dont les dispositions ont été reconnues comme étant d’application générale et obligatoire (ce type de convention sera ci-après désigné par le terme «convention collective AVV»). Etant donné par ailleurs que des syndicats comme le LBV, qui ne sont pas des syndicats sectoriels, ne disposent pas des moyens nécessaires pour nouer des contacts avec des employeurs qui seraient disposés à consacrer de l’argent, du temps et de l’énergie à l’élaboration d’un accord d’entreprise, c’est tout simplement leur droit d’exister et de recruter des membres qui se trouve mis en péril.
  2. 455. L’organisation plaignante se présente comme une association de salariés et de demandeurs d’emploi créée en 1969 et enregistrée à la Chambre de commerce de Rotterdam (Pays-Bas). Elle compte actuellement environ 11 000 membres. Son statut lui confère le droit de conclure des conventions collectives de travail, telles que définies par la loi sur les conventions collectives. Elle est à ce jour partie à 21 conventions collectives, lesquelles couvrent environ 955 000 salariés et 2 800 entreprises. Onze de ces conventions sont des conventions de branche; et dix, des accords d’entreprise. Deux des conventions de branche ont été conclues avec l’Association néerlandaise des organisations intermédiaires et des agences de travail temporaire (NBBU) et une avec la Fédération des agences d’emploi privées (ABU), qui sont les deux organisations d’employeurs exerçant leurs activités dans le secteur du recrutement et du placement de personnel. La convention conclue avec l’ABU est déclarée d’application générale et obligatoire, mais il faut savoir qu’une dérogation a été accordée dans le cadre de celle qui a été conclue avec la NBBU. Les accords d’entreprise comprennent également quatre accords conclus avec des sociétés ou agences d’emploi, dont Tentoo CF&F, Connexie Payroll, DPA et Persoonality-Payrolling. L’organisation plaignante précise que les quatre accords d’entreprise précités ne s’appliquent qu’au personnel temporaire des agences d’emploi et ajoute que Tentoo CF&F, Connexie Payroll et DPA soutiennent sa plainte. En outre, à chaque demande d’AVV déposée pour la convention conclue avec l’ABU, l’organisation plaignante a demandé au ministère une dérogation pour les quatre accords d’entreprise précités.
  3. 456. L’organisation plaignante fournit également des précisions au sujet des règles régissant l’AVV, des demandes de dérogation ainsi que des décisions correspondantes du ministère. Elle indique à cet égard que l’AVV a pour effet de rendre l’application de la convention collective de travail obligatoire pour toutes les entreprises exerçant leur activité dans le secteur concerné, indépendamment du fait que ces entreprises et/ou leurs salariés sont membres du syndicat ou de l’organisation patronale partie à la convention collective de travail. Une convention collective AVV annule les accords collectifs d’entreprise conclus antérieurement, sauf si ces derniers comportent des clauses qui s’écartent de la convention AVV au profit des salariés. Les parties à un accord collectif d’entreprise ont toutefois la possibilité de déroger à l’AVV et doivent en premier lieu adresser cette demande de dérogation aux parties à la convention collective AVV. Une dérogation de ce type est généralement accordée sur la base de critères figurant dans la convention AVV elle-même. Elle est mentionnée dans la demande d’AVV adressée au ministère par les parties à la convention AVV. Lorsque la dérogation n’est pas prévue dans cette dernière, les parties à l’accord collectif d’entreprise peuvent demander au ministère d’accorder une dérogation sur la base de l’article 7 du cadre d’évaluation, qui énonce les règles régissant l’évaluation de ces demandes. Le cadre d’évaluation prévoit une évaluation en bonne et due forme portant sur l’existence d’un accord d’entreprise antérieur ainsi que sur l’indépendance de l’organisation syndicale partie à cet accord. Il prévoit également une appréciation quant au fond, fondée notamment sur le critère selon lequel des raisons impérieuses font que l’application de la convention AVV ne saurait être raisonnablement exigée au sein de l’entreprise concernée. Ces raisons impérieuses peuvent notamment être liées aux spécificités de l’entreprise, qui diffèrent sur des points essentiels de celles susceptibles d’être considérées comme entrant dans le champ d’application de la convention AVV. L’organisation plaignante indique que le ministère n’accorde de dérogation que si les conditions formelles sont remplies, à moins que les parties à la convention AVV ne s’opposent à la demande de dérogation. Cette opposition fait l’objet d’une minutieuse évaluation de la part du ministère, et c’est la manière dont cette évaluation est effectuée qui constitue l’objet de la présente plainte.
  4. 457. L’organisation plaignante fait valoir que le critère relatif aux spécificités de l’entreprise confère au ministère une marge de manœuvre si importante qu’il est pratiquement en mesure de rejeter toute demande de dérogation, ce qu’il a effectivement fait de manière systématique au cours des dernières années, en rejetant, dans un contexte pourtant identique, des demandes de dérogation qui avaient auparavant reçu des réponses favorables. Le LBV fait notamment observer qu’il a présenté entre 2004 et 2015 de nombreuses demandes de dérogation au nom des quatre agences d’emploi avec lesquelles il avait conclu des accords d’entreprise et que le ministère a toujours répondu favorablement à ces demandes. Le ministère a cependant rejeté pour la première fois, par les décisions rendues le 22 mars 2016, les demandes de dérogation du LBV concernant ces accords d’entreprise. Un recours contre ces décisions négatives est actuellement en instance devant le Conseil d’Etat. L’organisation plaignante affirme par ailleurs que, depuis 2016, chaque fois qu’une évaluation quant au fond de la demande de dérogation a été effectuée à la lumière des objections présentées par les parties à la convention collective AVV, le ministère a rejeté cette demande, et note que ce refus ne se limite pas aux demandes concernant le secteur du recrutement et du placement de personnel ni aux accords collectifs d’entreprise. L’organisation plaignante allègue en outre à ce sujet que le ministère a récemment rejeté une demande de dérogation concernant la convention collective sous-sectorielle conclue entre le LBV et l’organisation d’employeurs DI-Stone, au motif que le champ d’application de la convention collective de travail régissant le secteur des travaux de finition a été étendu aux activités liées à la pierre naturelle, ces dernières étant ainsi de facto constituées en sous-ensemble de ce secteur.
  5. 458. L’organisation plaignante affirme en outre que, dans le cadre d’une procédure nationale antérieure, le ministère avait contesté son affirmation selon laquelle des dérogations ne sont plus accordées dès lors que des objections sont formulées à leur encontre. Elle indique que le ministère a fourni des chiffres attestant que 38 pour cent des demandes de dérogation ont été acceptées entre 2007 et 2016. Le LBV ajoute que, soucieux de vérifier les chiffres présentés par le gouvernement, il a, avec plusieurs parties employeuses, demandé des données au ministère, en se prévalant de la loi sur l’accès public aux informations gouvernementales. Le LBV affirme que les données qu’il a pu ainsi recueillir dressent un tableau radicalement différent de celui présenté par le gouvernement. Il fait valoir à cet égard que, selon les données qu’il a obtenues, seulement 30 pour cent des demandes de dérogation ont obtenu une réponse favorable entre 2007 et 2016, soit 36 pour cent des demandes qui ont fait l’objet d’une décision – 170 sur les 209 demandes présentées. Il ajoute que, si l’on considère uniquement le nombre de dérogations accordées suite à une évaluation quant au fond – évaluation qui fait l’objet de la présente plainte –, ces pourcentages tombent respectivement à 19 et 23 pour cent. Constatant enfin qu’aucune demande de dérogation n’a connu d’issue favorable depuis avril 2016, il en conclut que le droit de dérogation n’existe plus que sur le papier, mais pas dans la pratique, ce qui signifie que les entreprises n’ont apparemment plus la possibilité de mettre au point des solutions sur mesure qui diffèrent essentiellement de celles prévues par une convention collective AVV.
  6. 459. Le LBV rappelle qu’il est conscient du fait que l’octroi d’une dérogation à un accord d’entreprise ne doit pas conduire à une concurrence fondée sur les conditions d’emploi – concrètement, si l’on compare tout l’éventail des conditions d’emploi d’une convention collective AVV et celles d’un accord d’entreprise, celles de ce dernier ne doivent pas se révéler moins favorables aux travailleurs. Il affirme qu’en tant que syndicat il n’est nullement disposé à conclure des conventions collectives qui se révéleraient moins favorables aux salariés. Il ajoute cependant qu’il devrait être possible d’aménager les diverses composantes des conditions d’emploi de manière différenciée et de privilégier les éléments susceptibles de renforcer la compétitivité de l’employeur. En définitive, les possibilités offertes par la dérogation profitent également aux salariés, en ce qui concerne tant les conditions d’emploi que les conditions de travail, et c’est la raison pour laquelle le LBV tient à conclure des accords d’entreprise et à continuer d’aller dans ce sens. Le LBV affirme que la pratique du ministère a pour effet de subordonner totalement l’octroi d’une dérogation à la question de savoir si les parties à la convention collective AVV vont ou non s’y opposer, ce qui leur donne ainsi toute latitude pour vider un accord d’entreprise de tout contenu et ampute le pouvoir d’action du ministère lui-même, dont le rôle est d’assurer que la réglementation est dûment appliquée et de garantir le respect des droits relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Le LBV rappelle enfin que le cadre d’évaluation ne permet pas de comparer les conditions d’emploi respectives d’une convention collective AVV et d’un accord d’entreprise et que cette comparaison n’a de ce fait aucun rôle à jouer dans l’évaluation effectuée par le ministère.
  7. 460. L’organisation plaignante fait valoir que, compte tenu du changement de politique décrit ci dessus, la conclusion d’accords d’entreprise n’est plus d’aucune utilité, dans la mesure où, chaque fois qu’une convention collective de branche est déclarée d’application générale et obligatoire, l’accord collectif d’entreprise cesse dans une large mesure de déployer ses effets, et l’adhésion à la convention collective AVV doit être effectuée immédiatement, ce qui est préjudiciable aux activités commerciales pour lesquelles la continuité est primordiale, ce qui rend la conclusion d’un accord collectif d’entreprise particulièrement risquée. C’est ainsi que la convention collective AVV acquiert une position de monopole aux dépens des accords d’entreprise. L’organisation plaignante précise par ailleurs que les critères sur lesquels se fonde le ministère pour déterminer si l’entreprise possède suffisamment de spécificités susceptibles de justifier l’octroi d’une dérogation ne sont pas clairs, sachant que des spécificités avérées peuvent tout à coup perdre de leur importance, suite par exemple à l’apparition de nouveaux facteurs environnementaux qui doivent être pris en considération. Si, il y a quelques années encore, le ministère estimait que les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) posaient en principe que les accords d’entreprise ne pouvaient en aucune façon être limités, il tend aujourd’hui à limiter globalement le droit de conclure un accord d’entreprise dans la mesure où les dispositions de ces derniers entrent en conflit avec les dispositions minimales d’une convention collective AVV conclue ultérieurement. L’organisation plaignante estime que la politique actuelle du ministère place les sociétés dotées de leur propre accord d’entreprise dans une situation de grande insécurité juridique. Cette politique ne fournit aucune base solide pour déterminer s’il y a lieu, dans tel ou tel cas, d’accorder une dérogation, et de ce fait les employeurs et les syndicats ne sont pas en mesure d’estimer préalablement si leur accord d’entreprise remplit ou non les conditions requises pour l’octroi d’une dérogation. Selon l’organisation plaignante, une telle situation a pour effet de mettre un terme à la conclusion d’accords d’entreprise; les parties ayant moins de poids que les partenaires d’un secteur donné ne sont dès lors plus libres de conclure une convention collective de travail en toute indépendance, alors que l’organisation plaignante estime que la liberté de négociation devrait avoir autant d’importance pour un accord d’entreprise que pour une convention collective AVV. L’organisation plaignante affirme que son droit d’exister et le rôle important qu’elle joue sur le marché du travail sont compromis si les demandes de dérogation sont systématiquement rejetées. Elle ajoute qu’une description plus précise des critères à remplir pour bénéficier d’une dérogation pourrait être une solution à ces problèmes et permettrait aux parties qui ont l’intention de conclure un accord d’entreprise de prévoir avec un degré plus élevé de sécurité juridique si ledit accord pourra bénéficier en temps voulu de cette dérogation au cas où une convention collective AVV serait conclue ultérieurement.
  8. 461. L’organisation plaignante fait également savoir qu’elle ne remet pas en question le droit de conclure une convention collective AVV et que ce ne sont pas les réglementations du cadre d’évaluation qui suscitent ses préoccupations. Elle rappelle que la compatibilité du cadre d’évaluation avec les conventions de l’OIT a déjà été examinée et confirmée par le comité dans un cas qu’elle avait elle-même présenté avec l’organisation d’employeurs Altro Via [cas no 2628, 351e rapport, paragr. 1135 à 1161] et précise que le présent cas porte sur la manière dont le ministère fait concrètement usage du cadre d’évaluation pour les demandes d’indemnisation. S’agissant de la pratique à laquelle le ministère a recours dans le cadre des accords d’entreprise, le LBV précise en outre que l’appareil judiciaire n’offre pas de solution satisfaisante, étant donné que les tribunaux ne sont pas habilités à revoir la politique du ministère. Il reconnaît que cette politique est effectivement définie dans le cadre d’évaluation et que sa mise en œuvre ne peut être appréciée que sous l’angle de son caractère raisonnable. Il précise que sa plainte porte sur une situation d’ensemble et que ce qui importe pour lui n’est pas tel ou tel cas, mais l’ensemble des cas pour lesquels le ministère estime systématiquement qu’il n’existe pas suffisamment de motifs qui justifieraient une dérogation. L’organisation plaignante fait observer que les faits mentionnés ci-dessus attestent une violation des articles 2 et 3 de la convention no 87, des articles 2, 3 et 4 de la convention no 98 et des articles 5 et 8 de la convention no 154, en raison de l’effet dissuasif qu’ils exercent sur la négociation collective au niveau de l’entreprise et de la menace qu’ils font peser sur l’existence des petits syndicats appelés à négocier et à conclure de tels accords.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 462. Dans des communications des 8 mai et 11 septembre 2019, le gouvernement indique que le LBV conclut essentiellement des accords d’entreprise ou des conventions collectives couvrant des groupes d’entreprises. Le LBV est également l’une des organisations de salariés qui participent à la négociation de la convention collective couvrant une importante majorité de personnes actives dans le secteur du recrutement et du placement de personnel.
  2. 463. En ce qui concerne le système permettant de déclarer une convention collective de branche comme étant d’application générale et obligatoire, le gouvernement indique que les organisations d’employeurs et de travailleurs qui concluent un accord couvrant une grande majorité des personnes actives dans un secteur d’activité donné peuvent solliciter auprès du ministère des Affaires sociales et de l’Emploi une ordonnance par laquelle certaines dispositions de cette convention collective sont décrétées d’application générale et obligatoire. Le gouvernement indique qu’en vertu d’une telle ordonnance les dispositions de la convention collective en question sont destinées à s’appliquer à l’ensemble des employeurs et des travailleurs de la branche concernée, pour autant que les entreprises exercent des activités qui entrent dans le champ d’application de la convention. Il en résulte que les dispositions d’autres conventions collectives de branche moins favorables pour les salariés ne peuvent plus être appliquées. Le gouvernement indique également que les parties à une convention collective AVV ont elles-mêmes la possibilité d’exclure certains accords d’entreprise ou sous-sectoriels et qu’il est possible de se soustraire au caractère contraignant de la convention collective de branche si les parties à l’accord d’entreprise ou à la convention collective sous-sectorielle adressent une demande à cet effet au ministère. Le gouvernement indique en outre que la déclaration par laquelle une convention est reconnue comme étant d’application générale et obligatoire a pour but de favoriser l’établissement de conventions collectives sur les conditions d’emploi, l’objectif étant d’empêcher que les employeurs et les salariés qui ne sont pas liés par une convention ne se livrent à une surenchère pour obtenir les conditions d’emploi qui leur seront le plus favorables.
  3. 464. Le gouvernement précise par ailleurs que les demandes d’AVV sont publiées au Journal officiel et que les parties intéressées ont le droit de faire part de leurs objections. En règle générale, les objections sont soumises aux parties qui sollicitent l’ordonnance, mais elles peuvent également être adressées à la Fondation du travail, organe consultatif des dirigeants et des travailleurs composé de représentants des principales organisations patronales et syndicales. Le ministre tient compte des objections, des réponses des parties à la convention et de celles de la Fondation du travail pour prendre sa décision.
  4. 465. En ce qui concerne les dérogations à l’AVV, le gouvernement indique qu’elles ont pour finalité d’offrir une alternative dans les cas où, en toute équité, il n’est pas possible d’exiger que certaines entreprises et certains sous-secteurs d’une branche d’activité soient liés par des dispositions reconnues comme étant d’application générale et obligatoire. L’octroi d’une dérogation consiste donc à faire une exception à la règle générale. Le gouvernement ajoute par ailleurs, au sujet tant de l’AVV que de la dérogation, que la loi n’assigne pas d’obligation au ministre et n’attribue pas de droits aux demandeurs d’une dérogation, mais qu’elle confère au ministre un pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement renvoie à deux autres textes réglementaires concernant l’AVV et les dérogations à celle-ci: la notification des conventions collectives et des demandes de déclaration d’application générale et obligatoire; et le cadre d’évaluation. Le décret contient des règles plus détaillées concernant la demande d’une AVV. Il exige que soient spécifiées à la fois les dispositions pertinentes de la convention collective et la durée pendant laquelle elles doivent être reconnues comme étant d’application générale et obligatoire. Les parties doivent également indiquer si certaines entreprises ou certains sous-secteurs d’une branche d’activité doivent être exclus. Le décret définit également les règles procédurales que les parties à un accord d’entreprise ou à une convention collective sous-sectorielle doivent suivre pour solliciter une dérogation. Le gouvernement indique en outre que le cadre d’évaluation contient un ensemble de règles de portée générale. Son paragraphe 7 porte sur les dérogations et stipule que toute demande ne peut être présentée que par des employeurs ou des parties qui ont conclu une convention collective juridiquement contraignante. Il exige également que ces parties soient indépendantes les unes des autres, l’objectif étant d’éviter que des organisations de salariés ne soient incitées à conclure une convention collective distincte dans le but de pouvoir demander une dérogation. Le ministre accorde ladite dérogation si des raisons impérieuses montrent clairement qu’il n’est raisonnablement pas possible d’exiger de certaines entreprises ou de certains sous-secteurs d’une branche d’activité qu’ils appliquent les dispositions reconnues comme étant d’application générale et obligatoire dans un secteur d’activité donné. Ces raisons impérieuses porteront notamment sur certaines spécificités des entreprises qui font que celles-ci diffèrent sur des points essentiels de celles auxquelles sont destinées les dispositions devant être reconnues comme étant d’application générale et obligatoire. Le gouvernement précise enfin que, dans ce contexte, le ministère n’évalue pas les diverses prestations attribuées aux salariés.
  5. 466. En réponse aux allégations de l’organisation plaignante, le gouvernement rappelle en premier lieu que le LBV a soumis à l’OIT une plainte concernant une modification du cadre d’évaluation, modification consistant à intégrer la prise en compte des spécificités du cas considéré dans le processus décisionnel concernant l’octroi ou le refus d’octroi d’une dérogation à une ordonnance d’AVV [cas no 2628, 351e rapport, paragr. 1135 à 1161]. Le gouvernement rappelle en outre que cette modification a mis fin à une situation qui se caractérisait par le fait qu’une dérogation était accordée plus ou moins automatiquement dès lors que les demandeurs satisfaisaient aux conditions requises, à savoir avoir conclu leur propre convention collective de travail et être indépendants les uns des autres. Il affirme ensuite que, contrairement à ce que prétend l’organisation plaignante, le mode d’évaluation des demandes de dérogation n’a pas changé. L’évaluation se fonde sur la réglementation en vigueur, sur le cadre politique, sur la jurisprudence ainsi que sur les évolutions notables qui ont pu se produire, par exemple, dans la branche d’activité ou le secteur concerné par la demande. Il indique également que, dans le cadre du processus d’évaluation, on vérifie si les demandeurs ont conclu une convention collective de travail juridiquement contraignante, s’ils sont indépendants les uns des autres, si les spécificités de la société, des entreprises ou du sous-secteur qui sollicitent une dérogation diffèrent sur des points essentiels de celles des entreprises appartenant au groupe de celles couvertes par l’accord d’entreprise, et si ces différences sont suffisamment significatives pour qu’il ne soit plus possible d’exiger de l’entreprise qui sollicite une dérogation qu’elle applique les dispositions reconnues comme étant d’application générale et obligatoire. Le gouvernement précise également que les objections formulées à l’encontre d’une demande de dérogation sont prises en considération mais ne sont pas déterminantes et n’influent nullement sur la décision du ministre. Le gouvernement rappelle en outre que l’évaluation ne comporte aucune comparaison du contenu respectif des conventions collectives de travail. Une dérogation accordée reste en vigueur jusqu’à la date d’expiration de l’ordonnance d’AVV correspondante, et toute nouvelle ordonnance d’AVV doit s’accompagner d’une nouvelle demande de dérogation; ainsi, le fait d’avoir déjà obtenu une dérogation n’est pas un élément décisif pour l’examen d’une demande de dérogation ultérieure.
  6. 467. En ce qui concerne l’évaluation des demandes de dérogation du LBV mentionnées dans la plainte, le gouvernement indique que plusieurs évolutions notables se sont produites dans la jurisprudence nationale ainsi que sur le segment du marché du travail sur lequel le LBV est particulièrement actif. Le gouvernement fait notamment référence à l’apparition, au début du XXIe siècle, des sociétés de portage salarial – ces sociétés se chargent pour l’employeur des questions liées aux ressources humaines, en établissant des contrats de travail avec les salariés qui travaillent pour cet employeur et en s’occupant de toutes les fonctions connexes, notamment le versement des salaires. Les salariés travaillent sous la direction et le contrôle de l’employeur, et les sociétés de portage salarial facturent à ce dernier l’ensemble des services fournis dans le domaine des ressources humaines. Le gouvernement fait observer que l’on a d’abord considéré que les sociétés de ce type n’avaient aucun lien avec les agences d’emploi, puisqu’elles n’intervenaient pas dans le domaine du recrutement et de la sélection et n’employaient pas d’intermédiaires. Le fait qu’un groupe d’intérêt spécialement institué pour les sociétés de portage salarial – le Vereniging voor Payrollondernemingen (VPO) – a établi en 2006 sa propre convention collective a fourni une claire illustration de la distinction opérée tacitement entre les deux catégories de prestataires. A cette époque, les parties à la convention collective de travail couvrant le secteur du recrutement et du placement de personnel ont exempté les membres des parties à la convention collective conclue par le VPO des ordonnances d’AVV prises ultérieurement à l’égard de leur convention collective. Par ailleurs, toujours à cette époque, les autres sociétés de portage salarial qui avaient présenté des demandes de dérogation ont reçu une réponse favorable du ministre, qui a estimé que leurs spécificités différaient de celles des entreprises qui, d’une manière générale, entraient dans le champ d’application de la convention collective couvrant le secteur du recrutement et du placement de personnel, à savoir les agences de travail intérimaire traditionnelles. Le gouvernement ajoute toutefois que l’idée selon laquelle les activités des sociétés de portage salarial diffèrent substantiellement de celles des agences d’intérim a évolué progressivement au fil des ans. Il indique à cet égard que la dernière convention collective du VPO a expiré en 2012, que le VPO lui-même a été dissous en 2016 et que ses membres se sont affiliés à la plus grande organisation d’employeurs du secteur du recrutement et du placement, qui s’est chargée de veiller aux intérêts des employeurs qui fournissent des services liés aux ressources humaines sans exercer d’activités dans le domaine du recrutement et de la sélection de personnel.
  7. 468. En ce qui concerne la jurisprudence nationale, le gouvernement indique que, par une décision datée du 4 novembre 2016, la Cour suprême des Pays-Bas a décrété que toutes les relations triangulaires relevant du droit du travail doivent être définies, comme spécifié aux articles 7:690 et 7:691 du Code civil néerlandais, que le travail effectué par le tiers soit de nature temporaire ou qu’il implique une participation active en matière de placement. Ce qui signifie que tous les contrats de travail au titre desquels l’employeur, dans le cadre du contrat qui lui est attribué, détache un salarié auprès d’un tiers sous la direction et le contrôle duquel il exercera ses activités doivent être considérés comme des contrats de recrutement. Le gouvernement affirme qu’il a ainsi été confirmé qu’il n’existe pas de différence substantielle entre les activités d’une agence de travail temporaire et celles d’une société de portage salarial.
  8. 469. Le gouvernement affirme que les changements survenus sur le marché du travail et les évolutions législatives susmentionnés ont incité le ministère à modifier ses décisions au sujet des demandes de dérogation relatives aux conventions collectives AVV dans le secteur du recrutement et du placement de personnel. Il indique que, afin d’éviter toute modification soudaine qui ne leur aurait pas été préalablement notifiée, les entreprises qui bénéficiaient auparavant d’une dérogation parce que leurs spécificités propres étaient considérées comme différentes de celles de la plupart des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective couvrant le secteur du recrutement et du placement de personnel ont bénéficié d’une dérogation temporaire et qu’elles ont été prévenues qu’à l’avenir toute décision concernant l’octroi d’une dérogation prendrait en compte les évolutions législatives et autres.
  9. 470. En ce qui concerne l’interprétation des statistiques faisant apparaître une nette diminution du nombre de demandes de dérogation au cours des dernières années, diminution que l’organisation plaignante attribue à un rejet catégorique de ces demandes au cours de cette période, le gouvernement considère qu’il n’est pas possible de tirer de conclusions concernant la politique d’octroi de dérogations uniquement sur la base de chiffres. Le gouvernement indique que ce recul peut également être attribué au fait que la plupart des demandes de dérogation qui ont été présentées au cours de la période 2007 2018 concernaient le secteur des services aux entreprises, qu’une majorité d’entre elles portaient, à l’intérieur de ce secteur, sur la branche du recrutement et du placement et que, suite à la redéfinition des activités des sociétés de portage salarial et à l’évolution de la jurisprudence correspondante, plusieurs parties ont estimé n’avoir plus besoin de cette dérogation. Le gouvernement indique en outre que la diminution peut également s’expliquer par le fait que, lorsque qu’il n’y a pas de demande d’ordonnance d’AVV pour une convention collective applicable à la totalité d’un secteur, le nombre de demandes de dérogation diminue automatiquement. Le gouvernement rappelle enfin que la décision de rejeter une demande de dérogation peut également se fonder sur des considérations de forme. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante dénonçant l’inexactitude des chiffres fournis par le ministère, le gouvernement indique que la décision au sujet d’une demande présentée au cours d’une année donnée n’est pas nécessairement prise au cours de cette même année; de ce fait, le nombre des demandes et celui des décisions peuvent différer. Le gouvernement signale en outre que le rapport sur les plaintes de 2018 indique que des décisions initialement défavorables ont été annulées après que des informations supplémentaires sur les caractéristiques spécifiques de la société eurent été fournies au cours de la procédure d’opposition. Le gouvernement indique enfin qu’en 2019 (jusqu’en juillet) trois demandes de dérogations ont été accordées et une refusée (pour soumission tardive).
  10. 471. Le gouvernement affirme que la réglementation applicable aux ordonnances d’AVV et aux dérogations à cette dernière, ainsi que la manière dont elles sont appliquées aux Pays-Bas ne sont pas contraires aux conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT. Il renvoie à cet égard à la recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, qui autorise sous certaines conditions l’élargissement du champ d’application des conventions collectives. Le gouvernement fait ensuite observer que ces conventions sont toutes respectées aux Pays Bas, car une ordonnance d’AVV est prise à la demande des parties à une convention collective et le ministre ne peut décider unilatéralement de déclarer d’application générale et obligatoire les dispositions d’une convention collective. Le gouvernement précise en outre que les dispositions d’une convention collective de travail relatives à certaines conditions d’emploi qui ont été déclarées d’application générale et obligatoire par une ordonnance ad hoc ne peuvent être ultérieurement modifiées dans un sens défavorable aux salariés. Ces dispositions sont définies conjointement par les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs, et ce sont ces mêmes organisations qui déterminent également quelles sont les entreprises qui doivent être considérées comme appartenant au secteur régi par leur convention collective et relevant des dispositions de cette dernière. Lorsqu’elles définissent le champ d’application de la convention collective, elles peuvent exclure certaines entreprises et certains sous-secteurs de la branche d’activité concernée; à défaut, le ministre peut faire usage de l’autorité dont il est investi pour accorder une dérogation. L’autorité dont il dispose à cet égard repose sur la nécessité de tenir compte du fait que, si dans la plupart des cas l’AVV a pour but d’empêcher une concurrence fondée sur les conditions d’emploi, elle peut dans certains cas susciter de la part de certaines entreprises des objections qui, compte tenu du fait que leur situation est radicalement différente, sont parfaitement fondées. Le gouvernement ne prévoit la possibilité d’obtenir une dérogation que dans les cas où, en toute équité, il n’est pas possible d’exiger de certaines entreprises ou de certains sous-secteurs d’une branche d’activité qu’ils soient liés par des dispositions qui ont été déclarées d’application générale et obligatoire.
  11. 472. Le gouvernement indique en outre que les parties à une convention sous-sectorielle ou à un accord d’entreprise ont et conservent l’entière liberté de définir leurs propres conditions d’emploi et d’insérer des dispositions plus favorables dans une convention sous-sectorielle ou un accord d’entreprise. D’une manière générale, ces dispositions ne sont pas remises en cause par une AVV. Le gouvernement conclut par conséquent que l’allégation selon laquelle ses interventions font obstacle à l’établissement de conventions collectives n’est pas défendable et que le maintien de la politique qu’il suit pour l’octroi de dérogations à une ordonnance d’AVV est conforme aux conventions de l’OIT mentionnées par l’organisation plaignante.
  12. 473. Enfin, le gouvernement présente un aperçu des procédures actuellement en cours aux Pays-Bas au sujet du non-octroi d’une dérogation, procédures qui concernent directement l’organisation plaignante. Il signale que 11 procédures de ce type ont été engagées, dont 9 concernent des sociétés de portage salarial et sont en instance devant les tribunaux (il s’agit de 3 procédures d’appel) ou le Département de la justice administrative du Conseil d’Etat néerlandais (6 autres procédures d’appel). Les deux autres procédures, qui portent sur les objections formulées contre le rejet des demandes de dérogation pour les entreprises qui transforment la pierre naturelle, sont actuellement examinées par le ministère. La question débattue dans le cadre de ces procédures est de savoir si les caractéristiques de ces entreprises diffèrent sur des points essentiels de celles des entreprises régies par la convention collective couvrant le secteur des travaux de finition, sachant que les entreprises concernées traitent la pierre naturelle dans un atelier, alors que les entreprises de finition traitent la pierre sur place, pour équiper un bâtiment et y effectuer les travaux de finition. Le gouvernement indique que le ministère n’a pas encore pris de décision au sujet de ces objections.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 474. Le comité note que le présent cas concerne la pratique du ministère néerlandais des Affaires sociales et de l’Emploi relative à l’octroi à certaines entreprises ou à certains sous-secteurs de dérogations à l’extension de certaines dispositions de conventions collectives sectorielles. Le comité rappelle que, dans le cadre d’un cas antérieur soumis par l’organisation plaignante et une organisation d’employeurs, il avait examiné le cadre juridique régissant l’octroi de telles dérogations depuis janvier 2007 [cas no 2628, 351e rapport, paragr. 1135 à 1161] et avait estimé à cette occasion que ce cadre juridique ne contrevenait pas aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité note que l’organisation plaignante insiste sur le fait que la présente plainte se distingue de la précédente en ce qu’elle ne concerne pas la loi, mais son application concrète par le ministère.
  2. 475. Le comité note en particulier que l’organisation plaignante fait valoir que la politique suivie par le ministère dans ce domaine a évolué au fil du temps: alors qu’il considérait initialement que les conventions de l’OIT impliquaient que les accords collectifs d’entreprise ne pouvaient être limités, il s’est progressivement orienté vers une limitation du droit effectif de conclure de tels accords dans la mesure où ils se révèlent incompatibles avec les dispositions d’une convention collective sectorielle déclarée d’application générale et obligatoire. Le comité note que le gouvernement admet que la modification apportée au cadre d’évaluation en janvier 2007 (la décision concernant l’octroi ou le refus d’une dérogation devant désormais être précédée d’un examen des spécificités du cas considéré) a mis fin à une situation caractérisée par le fait que les dérogations étaient accordées plus ou moins automatiquement lorsque les conditions formelles étaient remplies, mais qu’il affirme qu’il n’a nullement modifié la politique qu’il suit dans ce domaine depuis la modification législative.
  3. 476. Le comité prend note en particulier de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle, depuis mars 2016, lorsque les parties à une convention sectorielle qui ont demandé que certaines dispositions de cette convention soient déclarées d’application générale et obligatoire s’opposent à une demande de dérogation – opposition qui donne lieu à une évaluation quant au fond de la demande de dérogation fondée sur l’appréciation des spécificités de l’entreprise concernée –, le ministère oppose systématiquement une fin de non-recevoir à cette demande. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le nombre des demandes présentées et celui des dérogations accordées ont diminué au fil des ans, diminution qui a dans un premier temps été constatée dans le secteur du recrutement et du placement de personnel, puis dans d’autres secteurs. Selon l’organisation plaignante, 170 des 206 demandes de dérogation présentées entre 2007 et 2016 ont fait l’objet d’une décision et donné lieu, au terme d’une évaluation quant au fond, à l’octroi de 39 dérogations, chiffre correspondant à 19 pour cent des demandes présentées et 23 pour cent des demandes ayant fait l’objet d’une décision. Aucune demande de dérogation n’a été accordée au terme d’une évaluation quant au fond depuis mars 2016. Le comité note que l’organisation plaignante s’appuie sur ces chiffres pour faire valoir que, en rejetant systématiquement les demandes de dérogation lorsque les parties à la convention sectorielle soulèvent des objections, le ministère donne pratiquement à ces parties le pouvoir exclusif de décider quand une dérogation peut être accordée à un accord d’entreprise ou à une convention sous-sectorielle et décourage ainsi la conclusion d’accords d’entreprise.
  4. 477. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas les chiffres présentés par l’organisation plaignante, mais qu’il rejette l’allégation selon laquelle la diminution du nombre de demandes de dérogation présentées au ministère et des décisions favorables prises à leur sujet est imputable à une nouvelle politique consistant à rejeter catégoriquement ces demandes. Le comité note en particulier les indications du gouvernement selon lesquelles la diminution du nombre de demandes de dérogation peut également s’expliquer par le fait que la plupart de celles qui ont été présentées pendant la période 2007-2018 concernaient le secteur des services aux entreprises, et en particulier le secteur du recrutement et du placement de personnel, où la redéfinition des activités des sociétés de portage salarial et l’évolution de la jurisprudence qui en a résulté peuvent avoir amené les parties concernées à conclure que ces dérogations n’étaient plus nécessaires. En ce qui concerne le rejet des demandes de dérogation présentées par l’organisation plaignante, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement au sujet de l’évolution du marché du travail et de la jurisprudence nationale, qui ont selon lui ôté toute pertinence à la distinction qui avait été initialement établie entre les sociétés de portage salarial et les agences de travail temporaire traditionnelles. Ces évolutions ont en effet pesé sur les décisions du ministère, l’incitant à opposer de plus en plus fréquemment une fin de non recevoir aux demandes de dérogation d’entreprises qui avaient jusque-là obtenu des réponses favorables. Le comité prend également note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle une demande de dérogation qu’il avait présentée en faveur des entreprises du secteur des travaux de finition a également été rejetée par le ministère, ainsi que de la réponse du gouvernement indiquant que le ministère examine actuellement le recours formé contre ce rejet.
  5. 478. Le comité rappelle qu’il a pour mandat de déterminer si la législation et la pratique nationale sont conformes aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, alors que la juste application du droit national à des situations spécifiques est du ressort des autorités nationales et, en définitive, des tribunaux. Le comité limitera donc son examen à la question de savoir si la pratique du ministère, telle qu’elle ressort des observations des parties, est compatible avec les principes de la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective.
  6. 479. Le comité rappelle qu’il a déjà examiné la question de l’extension des conventions collectives aux Pays-Bas dans le cas no 2628. A cette occasion [351e rapport, paragr. 1158], le comité avait rappelé la teneur du paragraphe 5 de la recommandation no 91:
    • 1) Lorsqu’il apparaît approprié, compte tenu du système de conventions collectives en vigueur, des mesures à déterminer par la législation nationale et adaptées aux circonstances propres à chaque pays devraient être prises pour rendre applicables toutes ou certaines dispositions d’une convention collective à tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d’application professionnel et territorial de la convention.
    • 2) La législation nationale pourrait subordonner l’extension d’une convention collective notamment aux conditions suivantes:
      • a) la convention collective devrait déjà viser un nombre d’employeurs et de travailleurs intéressés suffisamment représentatif du point de vue de l’autorité compétente;
      • b) la demande d’extension de la convention collective devrait, en règle générale, être faite par une ou plusieurs organisations de travailleurs ou d’employeurs qui sont parties à la convention collective;
      • c) les employeurs et les travailleurs auxquels la convention collective serait rendue applicable devraient être invités à présenter au préalable leurs observations.
  7. 480. Rappelant qu’il a déjà conclu que le cadre juridique établissant un système d’extension des conventions collectives aux Pays-Bas est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité souligne que ce système permet d’étendre l’application de certaines dispositions des conventions collectives couvrant une grande majorité des personnes actives dans un secteur donné à la totalité de ce secteur, mais qu’il permet également de prendre en compte les objections justifiées de certaines entreprises possédant des spécificités radicalement différentes de celles des entreprises pour lesquelles la convention collective qui doit être étendue a été initialement établie.
  8. 481. Le comité croit comprendre, d’après les observations concordantes de l’organisation plaignante et du gouvernement, que si le cadre juridique n’a pas changé depuis 2007 le nombre de réponses favorables apportées aux demandes de dérogation auxquelles les parties à la convention collective AVV se sont opposées a diminué et qu’aucune dérogation n’a notamment été accordée depuis mars 2016. Le comité relève toutefois que l’organisation plaignante et le gouvernement ont des avis divergents quant aux causes de cette diminution: alors que l’organisation plaignante affirme que le gouvernement a soudainement changé de politique et, délaissant son rôle de garant des droits de toutes les parties, se range systématiquement du côté des parties à la convention AVV qui s’opposent à cette dérogation, le gouvernement justifie ses récents refus par les évolutions survenues dans la jurisprudence nationale et l’environnement du marché, notamment un changement de perception quant à ce que l’on doit considérer comme constituant les spécificités propres du secteur du recrutement et du placement. Le comité note en outre que le gouvernement rappelle, en ce qui concerne tant la déclaration assignant un caractère d’application générale et obligatoire à une convention que les dérogations, que la législation n’assigne pas d’obligation au ministre et ne définit aucun droit pour ceux qui font une demande de dérogation. Le ministre exerce à cet égard un pouvoir discrétionnaire et, s’il prend en considération les objections formulées à l’encontre d’une demande de dérogation, sa décision ne sera pas prise que sur la base de ces objections qui, en tant que telles, ne sont nullement déterminantes.
  9. 482. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la possibilité de présenter une demande de dérogation existe effectivement, mais que dans la pratique l’autorité compétente, à savoir le ministère, ne semble faire aucun cas de cette demande dès lors que les parties à une convention AVV s’y opposent. Le comité note toutefois que le gouvernement indique que toute demande d’AVV est publiée au Journal officiel et que les parties intéressées ont le droit de faire part de leurs objections. En règle générale, les objections sont soumises aux parties qui sollicitent l’ordonnance d’AVV et peuvent également être adressées à la Fondation du travail, organe consultatif des dirigeants et des travailleurs composé de représentants des principales organisations de travailleurs et d’employeurs. Le ministre tient compte des objections ainsi que des réponses des parties à la convention et de la Fondation du travail pour prendre sa décision. Le comité note par ailleurs que les décisions négatives du ministère concernant les demandes de dérogation de l’organisation plaignante font actuellement l’objet d’un recours en révision.
  10. 483. Le comité note que l’organisation plaignante, pour démontrer la validité de son allégation selon laquelle le ministère rejette les demandes de dérogation parce qu’il se range à l’avis des parties qui s’y opposent, en violation du droit de négociation collective, se contente d’indiquer qu’aucune dérogation n’a été accordée depuis 2016 dès lors que les parties à une convention collective AVV s’y opposaient. Le comité relève par ailleurs que le gouvernement rejette non seulement cette allégation, mais indique également les divers facteurs qui ont motivé la décision du ministère de ne plus accorder au LBV de dérogations dans les cas concernant notamment les sociétés de portage salarial et les entreprises du secteur du recrutement et du placement.
  11. 484. Rappelant qu’il ne lui appartient pas de se substituer aux autorités nationales compétentes pour le traitement des demandes de dérogation prévues par le droit national, et considérant qu’il a déjà établi que le cadre juridique régissant l’octroi des dérogations était conforme aux principes de la liberté syndicale, le comité estime que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 485. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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