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Definitive Report - Report No 391, October 2019

Case No 3266 (Guatemala) - Complaint date: 20-FEB-17 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que l’obligation pour les organisations syndicales d’obtenir un numéro d’identification fiscale porte atteinte aux principes de la libre syndicalisation, puisque les autorités administratives sont habilitées à connaître et à contrôler d’une manière excessive les activités et l’administration interne des syndicats

  1. 303. La plainte figure dans une communication du Mouvement syndical, indigène et paysan guatémaltèque (MSICG) en date du 20 février 2017.
  2. 304. Le gouvernement a envoyé sa réponse dans deux communications en date du 20 décembre 2017 et du 3 mai 2019.
  3. 305. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 306. Dans sa communication en date du 20 février 2017, le MSICG allègue que l’obligation de fournir un numéro d’identification fiscale (NIT) pour pouvoir ouvrir des comptes bancaires et bénéficier de la déduction des impôts sur les dons faits aux syndicats permet aux autorités fiscales de connaître et de contrôler de manière excessive les activités et l’administration interne des organisations syndicales, ce qui est contraire au droit des organisations syndicales d’organiser librement leur administration et leurs activités sans ingérence.
  2. 307. L’organisation plaignante indique que pendant de nombreuses années les organes de contrôle de l’OIT ont interrogé l’Etat guatémaltèque sur l’existence d’un système de contrôle des syndicats découlant de l’obligation pour les syndicats de faire rapport annuellement à la Direction générale du travail sur la gestion de leurs ressources. Les observations de l’OIT ont conduit à l’adoption, en 2001, d’une série de réformes du Code du travail qui, sans supprimer totalement le contrôle sur les syndicats, ont momentanément allégé la pression sur ces derniers. Néanmoins, l’administration fiscale n’a pas tardé à remplacer cette supervision et a commencé à exiger des organisations syndicales un NIT pour le transfert des cotisations syndicales de leurs membres, ce qui implique: i) l’embauche d’un comptable pour procéder aux enregistrements pertinents dans le registre fiscal; ii) l’approbation de livres et de pièces comptables différents de ceux prévus par le Code du travail; et iii) l’assujettissement des syndicats aux contrôles fiscaux du Bureau du contrôleur général de l’administration fiscale (SAT). Cette pratique a fait l’objet d’une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale, qui a formulé ses recommandations dans le cadre du cas no 2259. L’organisation plaignante indique que, bien que le gouvernement n’ait pas suivi les recommandations formulées dans le cas susmentionné, dans la pratique, les syndicats n’étaient plus tenus de se soumettre aux contrôles fiscaux susmentionnés.
  3. 308. Cependant, l’organisation plaignante dénonce le fait que le gouvernement a récemment commencé à exiger des syndicats un NIT pour l’ouverture d’un compte bancaire, ce qui a un impact sur la gestion et la tenue des fonds des organisations syndicales. En outre, le décret no 10-2012 et l’accord gouvernemental no 223-2013 imposent la présentation d’un NIT pour pouvoir bénéficier de la déduction des dons faits aux syndicats. L’organisation plaignante indique que le SAT exige, pour l’attribution d’un NIT, que les syndicats se soumettent à des contrôles fiscaux (article 19 du décret no 6-91 (Code des impôts)). Elle explique à cet égard que l’article 30 du Code des impôts prévoit l’obligation pour «toute personne physique ou morale, y compris l’Etat et ses entités décentralisées ou autonomes», de fournir aux fonctionnaires du SAT «des informations sur les actes, contrats, activités commerciales, professionnelles ou autres, avec des tiers, nécessaires au calcul ou à l’établissement de l’impôt» et que ces prérogatives permettraient donc à l’administration fiscale de revoir des décisions de l’assemblée, les statuts, les accords du comité exécutif et les comptes du syndicat.
  4. 309. L’organisation plaignante indique que les règlements antérieurs au décret no 10-2012 et à l’accord gouvernemental no 223-2013 ont toujours prévu l’exemption fiscale des organisations syndicales et la possibilité pour les affiliés de déduire leurs cotisations ordinaires et extraordinaires de l’impôt sur le revenu portant sur les dons et contributions, en précisant que les intéressés ont le droit subjectif de les déclarer et de demander leur déduction s’ils le souhaitent. Elle précise également que, en assujettissant les syndicats à des contrôles fiscaux, ils se voient soumis à la fois aux exigences du Code du travail et à celles de la législation fiscale, ce qui est contraire à l’article 210 du Code du travail qui dispose que les syndicats ne sont pas soumis à des obligations fiscales. Cette situation porte également atteinte au principe de spécialité, puisque c’est le Code du travail qui régit l’action des syndicats et leurs relations avec leurs affiliés.
  5. 310. Enfin, l’organisation plaignante dénonce l’absence de recours contre les mesures de contrôle du SAT, du fait des attributions que la législation confère à ce dernier, et précise que les organisations syndicales concernées ne peuvent s’y opposer, car il existe un système de sanctions administratives et pénales qui permet de procéder à la perquisition du siège syndical et à la saisie de tous documents physiques et électroniques, fichiers, équipements informatiques et autres documents relatifs à leurs activités (articles 69 et 71 du Code des impôts et article 358, D), du Code pénal).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 311. Dans ses communications en date des 20 décembre 2017 et 3 mai 2019, le gouvernement, se référant à l’obligation faite aux syndicats de présenter un NIT, fournit les indications suivantes: i) conformément à l’article 120 du Code des impôts, tous les contribuables et les personnes responsables sont tenus de s’enregistrer auprès de l’administration fiscale avant de commencer leurs activités; ii) à ce jour, la majorité des syndicats légalement constitués dans le pays se sont inscrits au registre des contribuables pour se conformer aux obligations fiscales (accréditation des cotisations syndicales) ou même pour pouvoir bénéficier de dons, de biens ou de services en provenance du pays ou de l’étranger, car sans le NIT ces organisations n’y ont pas droit; iii) à ce jour, les organisations syndicales inscrites au registre fiscal unifié ne se sont pas opposées à leur enregistrement, dans la mesure où elles remplissaient les conditions établies; la procédure est gratuite et les organisations qui ont demandé à être exonérées de différents impôts en application de la loi ont pu faire valoir leur droit sur la base de la disposition correspondante; iv) en l’espèce, la réticence du MSICG à s’enregistrer auprès du SAT tient au fait que cette organisation n’a pas de personnalité juridique propre; elle a pourtant été tenue de fournir les documents attestant de sa composition légale et le nom de son représentant légal au registre des syndicats du ministère du Travail et de la Sécurité sociale; v) il n’est pas dans l’intention du SAT d’entraver et/ou de superviser l’activité syndicale, le contrôle et la surveillance des syndicats ne relevant pas de sa compétence; vi) le NIT est une exigence fiscale, instituée par le système juridique guatémaltèque, qui impose à toute personne, physique ou morale, de s’acquitter de ses obligations vis-à-vis du SAT, le but étant de garantir la transparence dans la gestion des fonds; vii) en vertu de l’article 8 de la convention no 87, les syndicats sont tenus de respecter la légalité, et le Comité de la liberté syndicale a déclaré antérieurement que les questions relatives à la législation fiscale générale ne sont pas du ressort du comité sauf lorsque, en pratique, ce type de législation est utilisé à des fins d’ingérence dans les activités des syndicats.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 312. Le comité note que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante fait valoir que l’obligation pour les syndicats d’obtenir un NIT pour pouvoir ouvrir un compte bancaire et bénéficier de la déduction des impôts sur les dons faits aux syndicats implique dans la pratique la soumission de ces dons aux contrôles fiscaux du SAT, ce qui est contraire au droit des organisations syndicales d’organiser librement leur administration et leurs activités sans ingérence des autorités. Le comité note également que l’organisation plaignante affirme que, dans le cadre de l’examen du cas no 2259, le Comité de la liberté syndicale avait déjà formulé des recommandations relatives au contrôle fiscal des organisations syndicales, mais que la nécessité d’obtenir un NIT pour pouvoir ouvrir un compte bancaire et bénéficier de la déduction des impôts sur les dons faits aux syndicats apporte de nouveaux éléments qui doivent être soumis à l’examen du comité.
  2. 313. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles: i) l’attribution d’un NIT à un syndicat exige l’assujettissement de ce dernier à des contrôles de l’administration fiscale; ii) le décret no 10-2012 et l’accord gouvernemental no 223-2013 prévoient l’obligation de présenter un NIT pour pouvoir déduire les impôts sur les dons aux syndicats; iii) l’article 30 du Code des impôts crée l’obligation de fournir aux fonctionnaires du SAT des informations sur les actes, contrats, activités commerciales et professionnelles avec des tiers, y compris la collecte des cotisations syndicales, les dons de tiers et toutes les dépenses supérieures à 100 quetzales, qui, étant déductibles de l’impôt sur le revenu, sont soumis au contrôle de l’autorité administrative; iv) le pouvoir de contrôle du SAT s’étendrait à l’examen des décisions de l’assemblée, des statuts, des accords du comité exécutif et des comptes syndicaux, de sorte que les syndicats seraient de facto sous la supervision et le contrôle de cet organisme; v) l’article 225 du Code du travail, conformément à l’ensemble de la législation antérieure au décret no 10-2012 du Code du travail et à l’accord gouvernemental no 223-2013, prévoit une exonération de l’impôt sur le revenu pour les organisations syndicales; vi) les syndicats devant se soumettre aux contrôles fiscaux et aux obligations du Code du travail, ils se voient donc assujettis à deux formes de contrôle; et vii) du fait des pouvoirs conférés au SAT par la loi, les syndicats concernés ne sauraient opposer aucune résistance à leurs activités d’inspection, car il existe un système de sanctions administratives et pénales permettant, entre autres, de perquisitionner les bureaux des syndicats et de saisir les dossiers qui s’y trouvent en application des dispositions du Code des impôts et du Code pénal.
  3. 314. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, indique que: i) pour des raisons de transparence dans la gestion des fonds, l’article 120 du Code des impôts dispose que tous les contribuables et les responsables sont tenus de s’enregistrer auprès de l’administration fiscale; ii) la majorité des syndicats légalement constitués dans le pays sont inscrits au registre des contribuables afin de respecter leurs obligations fiscales ou pour pouvoir bénéficier de dons, de marchandises ou de services en provenance du pays ou de l’étranger; iii) à ce jour, les organisations syndicales inscrites au registre fiscal unifié ne se sont pas opposées à leur enregistrement, dans la mesure où elles remplissaient les conditions établies et ont pu bénéficier des différentes exemptions accordées par la loi; et iv) la réticence du MSICG à s’enregistrer auprès du SAT tient au fait que cette organisation n’a pas de personnalité juridique propre, bien qu’elle ait été tenue de fournir des documents attestant de sa composition légale et le nom de son représentant légal au registre des syndicats du ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
  4. 315. En ce qui concerne le cas no 2259 (déclaré clos) évoqué par l’organisation plaignante, le comité rappelle que, lors de son dernier examen de suivi du cas, tout en prenant note des informations communiquées par le gouvernement concernant les allégations de contrôle indu et d’ingérence de l’Etat dans l’utilisation des fonds syndicaux, le comité a conclu qu’il n’y avait pas eu d’ingérence de l’Etat dans les affaires financières des syndicats [voir 348e rapport, cas no 2259, novembre 2007], raison pour laquelle il n’a pas poursuivi l’examen de cette allégation.
  5. 316. Le comité note qu’en l’espèce l’organisation plaignante invoque deux éléments nouveaux par rapport à la situation déjà examinée par le comité dans le cas no 2259, à savoir: i) l’obligation pratique de demander un NIT pour l’ouverture d’un compte bancaire; et ii) l’obligation légale de fournir le NIT pour pouvoir bénéficier des exonérations pour les dons faits aux organisations syndicales, conformément au décret no 10-2012 et à l’accord gouvernemental no 223-2013. Le comité note toutefois que les allégations de l’organisation plaignante se limitent à indiquer que, dans le cadre de la situation décrite, les pouvoirs de l’administration fiscale pourraient constituer un risque pour les organisations syndicales et que la plainte ne contient aucune allégation spécifique selon laquelle le Bureau du contrôleur général de l’administration fiscale exercerait un contrôle ou s’ingérerait dans la gestion interne des organisations syndicales. Rappelant que les questions relatives à la législation fiscale générale ne sont pas du ressort du comité sauf lorsque, en pratique, ce type de législation est utilisé à des fins d’ingérence dans les activités des syndicats [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 28] et en l’absence d’allégations concrètes d’ingérence dans les activités syndicales, le comité ne procédera pas à l’examen du présent cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 317. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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