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Interim Report - Report No 389, June 2019

Case No 2508 (Iran (Islamic Republic of)) - Complaint date: 25-JUL-06 - Active

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Allégations: Actes de répression contre le syndicat local d’une compagnie d’autobus urbains, et arrestation et détention d’un grand nombre de syndicalistes

  1. 423. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2018 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration [voir 387e rapport, paragr. 482 à 511], approuvé par le Conseil d’administration à sa 334e session.
  2. 424. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a présenté de nouvelles allégations dans une communication datée du 12 octobre 2018.
  3. 425. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications datées du 3 février et du 20 mai 2019.
  4. 426. La République islamique d’Iran n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 427. A sa réunion d’octobre 2018, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 387e rapport, paragr. 511]:
    • a) Le comité espère vivement que les multiples processus de révision législative en cours porteront bientôt leurs fruits afin de doter l’Iran d’un cadre juridique pleinement compatible avec les principes de la liberté syndicale, notamment en permettant le pluralisme syndical, et il prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés et d’envoyer copie des derniers projets.
    • b) Le comité une fois de plus prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le SVATH puisse fonctionner de facto en attendant la réforme législative et qu’il puisse recruter des membres, les représenter et organiser ses activités sans entrave.
    • c) Notant avec intérêt que le règlement sur la gestion et l’organisation des revendications syndicales reconnaît le droit des travailleurs d’organiser des manifestations en tant qu’activité syndicale légitime et fixe un cadre pour l’exercice de ce droit, le comité veut croire que la coopération technique pour la formation des forces disciplinaires précédemment demandée par le gouvernement aura lieu dans un proche avenir et que des instructions seront élaborées pour garantir que les conseils municipaux et provinciaux chargés des mesures de sécurité et les forces de maintien de l’ordre exercent leurs pouvoirs conformément aux principes énoncés dans ses conclusions.
    • d) Notant avec intérêt que le gouvernement a indiqué qu’il avait engagé des consultations avec les autorités judiciaires compétentes en vue d’assurer le suivi et de régler le statut judiciaire des syndicalistes dont le comité s’était déclaré préoccupé par l’arrestation et la condamnation, et que ces efforts se poursuivront jusqu’à ce que tous les cas soient définitivement réglés, le comité prie instamment le gouvernement de poursuivre son action visant à éviter que des militants syndicaux pacifiques soient condamnés à la prison pour de vagues accusations de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sécurité nationale et de propagande contre l’Etat. En particulier, le comité exhorte le gouvernement à veiller à ce que MM. Madadi et Nejati ne retournent pas en prison pour exécuter des peines condamnant des activités syndicales pacifiques et à le tenir informé des faits nouveaux à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations sur les faits les plus récents dans la procédure judiciaire engagée contre MM. Jafar Azimzadeh, Shapour Ehsanirad et Jamil Mohammadi et de lui communiquer copie de tout jugement rendu.
    • e) Regrettant profondément que le gouvernement n’ait pas respecté son obligation de veiller à ce qu’une enquête indépendante soit menée rapidement sur les allégations de harcèlement sur le lieu de travail pendant la période de réinstauration du SVATH et sur les allégations de mauvais traitements de MM. Madadi et Shahabi pendant leur détention, le comité espère vivement qu’à l’avenir, des enquêtes seront menées sérieusement sur les allégations de violation du droit à la liberté syndicale afin que ce droit soit efficacement protégé et garanti.
    • f) Compte tenu du nombre de syndicalistes détenus en République islamique d’Iran, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le droit à la santé des syndicalistes détenus soit dûment respecté à l’avenir et qu’ils aient accès si nécessaire à des soins médicaux et des médicaments.
    • g) Le comité prie le gouvernement de répondre sans délai aux allégations les plus récentes de l’ITF concernant l’arrestation et la détention de plus de 200 camionneurs qui avaient participé à une grève en septembre 2018, et la demande de peine de mort à l’encontre de 17 grévistes au Tribunal provincial de Qazvin.
    • h) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante

B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante
  1. 428. Dans sa communication du 12 octobre 2018, l’ITF formule de nouvelles allégations selon lesquelles, à la suite d’une grève organisée en septembre 2018 dans la province de Qazvin par des camionneurs dans un ultime effort pour nourrir leurs familles, le gouvernement aurait arrêté 150 camionneurs puis en aurait placé 200 autres en détention. Selon l’ITF, le 8 octobre 2018, l’agence de presse étatique IRNA a indiqué qu’un tribunal de la province de Qazvin aurait demandé la condamnation à mort de 17 camionneurs. L’ITF prie le comité d’appeler le gouvernement à veiller à ce que les poursuites engagées contre les camionneurs détenus soient abandonnées sans condition, à garantir leur sécurité physique, à ouvrir un dialogue constructif en vue de répondre aux préoccupations immédiates des travailleurs et à étudier les changements nécessaires à la création d’un syndicat de camionneurs démocratique et indépendant.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 429. Dans sa communication datée du 3 février 2019, le gouvernement répète que, d’une manière générale, concernant les infractions commises parmi les travailleurs, il s’efforce toujours de faire preuve de la plus grande tolérance possible, et qu’il continue parfois de s’employer à obtenir une grâce ou une réduction de peine y compris après la clôture de la procédure judiciaire. Dans les rares cas où l’accusé a utilisé son statut de travailleur de manière indue pour commettre des infractions pénales telles que des activités terroristes, l’incitation à mener des actions subversives et armées contre l’Etat, l’incitation à la haine ethnique et religieuse et l’atteinte à la sécurité nationale, les poursuites sont menées dans le respect du droit. De plus, la réponse aux actions collectives est fondée sur les règles de gestion non violente des rassemblements et des manifestations, et les comportements répréhensibles ou violents à l’égard des manifestants ne sont jamais autorisés.
  2. 430. En ce qui concerne les processus de révision en cours, le gouvernement répète que, suite à la demande des organisations d’employeurs et de travailleurs, il a retiré le projet de révision du Code du travail qu’il avait présenté au Parlement. De surcroît, les nouveaux projets de règlement proposés pour l’application des articles 131 et 136 du Code du travail soumis au Conseil des ministres pour examen et approbation ont été renvoyés devant le Conseil suprême du travail pour une nouvelle révision en raison des objections présentées par certaines confédérations syndicales. Enfin, la réforme de la loi sur la création du Conseil suprême du travail est à l’ordre du jour de la commission sociale du Parlement islamique d’Iran, auquel le gouvernement a communiqué son avis et des suggestions.
  3. 431. En ce qui concerne la recommandation par laquelle le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le Syndicat des travailleurs de la compagnie unifiée des bus de Téhéran et de son agglomération (SVATH) puisse fonctionner de facto en attendant la réforme législative et qu’il puisse recruter des membres, les représenter et organiser ses activités sans entrave, le gouvernement rappelle l’importance qu’il accorde au droit des organisations de travailleurs de se constituer et d’organiser leurs activités dans le respect du droit du travail de la République islamique d’Iran. Il se réfère à l’article 3 de la convention no 87, aux termes duquel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élire librement leurs représentants, et ajoute qu’en vertu des dispositions du Code du travail iranien, qui sont applicables à toutes les organisations de travailleurs, il incombe à l’assemblée générale de l’ensemble des membres d’une organisation d’élire les responsables de celle-ci. A cet égard, les articles 1 et 3 de la loi sur la création des conseils islamiques du travail (1985) et les règlements d’application y relatifs soulignent l’importance de l’assemblée générale des employés et de l’élection par les travailleurs de leurs représentants. Le gouvernement indique que, lors de l’assemblée générale, plus de 4 000 salariés de la compagnie d’autobus ont voté pour élire leurs représentants pour un mandat renouvelable de deux ans. Il existe donc au sein de l’entreprise une représentation légale des travailleurs désignée par la majorité du personnel. De surcroît, sept conseils islamiques du travail ont été créés et enregistrés dans divers services de l’entreprise conformément à la réglementation nationale et leurs membres élus défendent activement les intérêts des travailleurs. Enfin, aucune interdiction n’est faite aux personnes indiquées d’adhérer aux organisations existantes ou de représenter les travailleurs après avoir recueilli une majorité de leurs suffrages, pour autant qu’elles remplissent les conditions nécessaires et travaillent au sein de l’entreprise.
  4. 432. Pour ce qui est du droit des travailleurs d’organiser des manifestations, et pour faire suite à la recommandation dans laquelle le comité indique vouloir croire que la coopération technique pour la formation des forces disciplinaires aura lieu dans un proche avenir et que des instructions seront élaborées pour garantir que les conseils municipaux et provinciaux chargés des mesures de sécurité et les forces de maintien de l’ordre exercent leurs pouvoirs conformément aux principes relatifs à la liberté syndicale, le gouvernement indique que les activités menées par les organisations de travailleurs pour informer leurs membres de leurs droits et obligations et des outils juridiques à utiliser pour faire connaître leurs revendications syndicales sont insuffisantes en raison d’une formation inadaptée, et que l’assistance technique du BIT pourrait leur être utile à cet égard. Les organisations de travailleurs jouissent du droit à la liberté syndicale, y compris le droit de se rassembler pacifiquement, dans le cadre de la législation nationale applicable. Le gouvernement ajoute qu’il a communiqué les recommandations du comité au bureau des droits de l’homme du pouvoir judiciaire et aux autorités concernées.
  5. 433. Pour ce qui est des procédures judiciaires en cours concernant plusieurs militants syndicaux, le gouvernement communique les informations ci-après:
    • – MM. Ebrahim Madadi et Davoud Razavi ont été libérés de prison;
    • – M. Ali Nejati a été condamné à quatre mois et quinze jours d’emprisonnement pour propagande contre l’Etat, appartenance à des groupes hostiles et relations avec des pays étrangers, mais ne s’est pas encore présenté pour exécuter sa peine;
    • – M. Jafar Azimzadeh a été condamné à une peine de prison pour rassemblement et collusion en vue de commettre un crime contre la sécurité nationale et propagande contre l’Etat. Une permission de sortie lui a été accordée le 5 juin 2016 pour une durée de cinq jours, portée à six jours. Le 11 juillet, il n’était pas revenu à la prison et était toujours absent à la date de la communication du gouvernement;
    • – M. Jamil Mohammadi a été condamné à deux ans d’emprisonnement sur plusieurs chefs, notamment rassemblement et collusion en vue de commettre des actes attentatoires à la sécurité nationale. Il était en fuite à la date de la communication du gouvernement;
    • – M. Shapour Ehsanirad était libre à la date de la communication du gouvernement.
  6. 434. Le gouvernement fait en outre valoir que, en vertu de l’article 58 du Code pénal islamique, les détenus condamnés à des peines discrétionnaires peuvent demander une libération conditionnelle, tandis que les détenus condamnés à des peines fixes peuvent demander une réduction de peine au comité des grâces; le gouvernement, en collaboration avec le bureau des droits de l’homme du pouvoir judiciaire, met tout en œuvre pour que ces demandes aboutissent.
  7. 435. Pour ce qui est de la recommandation du comité concernant l’enquête sur les allégations de mauvais traitements, le gouvernement rejette l’accusation selon laquelle MM. Shahabi et Madadi auraient été maltraités pendant leur détention, indique une nouvelle fois qu’il existe des mécanismes nationaux pour les victimes [voir 382e rapport, paragr. 408] et demande au comité de lui transmettre les informations et les documents en sa possession concernant ces allégations. Pour ce qui est du droit à la santé des syndicalistes détenus et de leur accès à des soins et à des traitements médicaux, le gouvernement fait savoir que le règlement sur l’Autorité chargée des prisons d’Etat, des mesures de sûreté et des mesures correctives dispose que les détenus ont accès à la nourriture, à la santé, à des traitements et des soins médicaux, à l’emploi, à la formation professionnelle et à des programmes de réinsertion. En outre, ils bénéficient d’un accès aisé aux visites familiales, y compris les visites privées du conjoint, et peuvent également passer des appels téléphoniques et s’adresser au service médical de la prison ou bénéficier des services spécialisés des hôpitaux et centres médicaux situés hors de l’enceinte de la prison.
  8. 436. Pour ce qui est de l’allégation de l’ITF concernant l’arrestation et la détention, en septembre 2018, de plus de 200 camionneurs ayant participé à une grève en septembre 2018 et la demande de condamnation à mort de 17 grévistes présentée devant un tribunal de la province de Qazvin, le gouvernement communique la réponse des autorités compétentes selon lesquelles ces 17 personnes ont été identifiées et arrêtées à Qazvin lors de troubles provoqués au prétexte de la grève des camionneurs. Sur ces 17 personnes, 15 ont été inculpées pour trouble à l’ordre public et condamnées à des peines discrétionnaires d’emprisonnement, conformément à la loi. Deux autres personnes, qui ont, par leur comportement répréhensible, effrayé et intimidé les passants sur la voie publique et auraient porté et utilisé des armes blanches, sont accusées de banditisme et interrogées dans ce cadre. Les faits les concernant font actuellement l’objet d’une enquête du service des enquêtes du bureau du procureur de Qazvin Le gouvernement ajoute en outre que, d’après les informations reçues de l’appareil judiciaire, plusieurs des personnes arrêtées n’étaient pas des camionneurs en grève mais plutôt des personnes qui, sous prétexte de soutenir les camionneurs, ont créé des nuisances et troublé l’ordre public. Ils ont donc été arrêtés et poursuivis pour trouble à l’ordre public, destruction de biens publics, insultes et abus. Une ordonnance de détention provisoire a été rendue à leur encontre ainsi qu’un jugement non exécutoire. Aucune condamnation à mort n’a été prononcée. Le Gouvernement indique que l’affaire est actuellement au stade de l’appel et qu’en attente de décision, ces 17 personnes sont libres et ne sont pas détenues.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 437. Le comité rappelle que la présente plainte, déposée en juillet 2006, porte sur des actes de répression à l’encontre du Syndicat des travailleurs de la compagnie unifiée des bus de Téhéran et de son agglomération (SVATH), sur l’arrestation, la détention et la condamnation d’un grand nombre d’autres membres et dirigeants syndicaux, ainsi que sur le caractère inadapté du cadre législatif garantissant la protection de la liberté syndicale.
  2. 438. Le comité note avec regret que les informations communiquées par le gouvernement concernant le processus de réforme législative ne mettent en évidence aucun progrès concret sur cette question. En conséquence, il réitère une nouvelle fois la demande qu’il adresse depuis longtemps au gouvernement afin que celui-ci aligne la législation iranienne sur les principes de la liberté syndicale, notamment en autorisant le pluralisme syndical [voir 360e rapport, paragr. 807 c)], et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer la réforme législative afin de mettre la législation nationale en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les progrès accomplis et de lui communiquer copie des projets de textes les plus récents.
  3. 439. Le comité prend note des indications du gouvernement concernant l’organisation de travailleurs légalement implantée au sein de la compagnie d’autobus. Il fait observer que les informations fournies par le gouvernement ne permettent pas de déterminer avec précision si un nouveau syndicat a été constitué au sein de l’entreprise ou si les travailleurs ont simplement élu plusieurs représentants ou délégués du personnel pour un mandat de deux ans. Il note toutefois que le gouvernement indique clairement qu’il n’est pas interdit aux membres du SVATH d’adhérer aux organisations existantes – le comité croit comprendre qu’il s’agit d’une référence aux conseils islamiques du travail ou à l’organisation récemment créée à la suite de l’élection de représentants des travailleurs. Si le gouvernement renvoie à l’article 3 de la convention no 87, le comité souhaite appeler son attention sur le principe fondamental consacré par l’article 2 du même instrument, qui stipule que «[l]es travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières». Le comité rappelle que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer – si les travailleurs le désirent – plus d’une organisation de travailleurs par entreprise. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 479.] Le comité estime que la création d’une nouvelle organisation, même par une majorité des travailleurs de l’entreprise, devrait être sans incidence sur l’existence et le libre fonctionnement du SVATH. Ce sont les travailleurs qui, en dernier ressort, devraient choisir le syndicat qui, à leur avis, défendra le mieux leurs intérêts professionnels, sans ingérence des autorités. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs de l’entreprise puissent choisir librement le syndicat auquel ils souhaitent s’affilier et à ce que le SVATH puisse recruter des membres, les représenter et organiser ses activités sans ingérence des autorités ou de l’employeur, indépendamment de l’existence éventuelle d’un autre groupement de travailleurs au sein de l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises et de tout fait nouveau à cet égard.
  4. 440. Le comité prend note des indications du gouvernement concernant la situation de MM. Madadi, Razavi, Nejati, Azimzadeh, Mohammadi et Ehsanirad. Il note que, en ce qui concerne MM. Madadi, Razavi et Ehsanirad, le gouvernement se contente de faire savoir qu’ils sont libres, sans donner d’information sur l’issue des poursuites engagées à leur encontre [voir 387e rapport, paragr. 506] ni préciser si les charges retenues contre eux ont été abandonnées ou si les affaires sont encore en instance. Tout en accueillant favorablement les informations selon lesquelles ils n’ont pas été renvoyés en prison, le comité s’attend fermement à ce qu’aucun de ces syndicalistes ne soit poursuivi pour avoir mené des activités syndicales pacifiques et qu’aucune atteinte ne soit portée à leur exercice de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur l’issue des procédures engagées contre ces syndicalistes et de lui communiquer copie des jugements rendus.
  5. 441. En ce qui concerne les cas de MM. Nejati, Azimzadeh et Mohammadi, le comité note avec une profonde préoccupation que les syndicalistes ont de nouveau été condamnés à des peines d’emprisonnement pour des motifs tels que propagande contre l’Etat et rassemblement et collusion en vue de commettre un crime contre la sécurité nationale. Le gouvernement ne donne aucune indication concernant les agissements particuliers qui ont été considérés comme relevant de ces infractions. Le comité rappelle toutefois que, dans ses allégations, l’organisation plaignante décrit de façon détaillée les faits reprochés à M. Azimzadeh dans la décision de justice, parmi lesquels: la constitution du Syndicat libre des travailleurs d’Iran; la collecte de la signature de 40 000 travailleurs pour une pétition en faveur de la hausse du salaire minimum et la direction de manifestations devant l’Assemblée nationale et le ministère du Travail; la rencontre d’autres organisations de travailleurs indépendantes, la direction de manifestations contre les amendements proposés au Code du travail; la diffusion d’entrevues sur le site Web du Syndicat libre des travailleurs d’Iran et dans des médias internationaux. [Voir 380e rapport, paragr. 644.] Le comité estime que le droit de créer un syndicat représente l’aspect le plus fondamental de la liberté syndicale et que la collecte de signatures pour une pétition relative au salaire minimum constitue manifestement une activité visant à protéger les intérêts professionnels des travailleurs. Il rappelle que le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux, que le plein exercice de ces droits exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées dans les limites de ce qui est convenable et dans le respect des principes de la non-violence, et que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 241 et 208.] Le comité note aussi que le gouvernement insiste sur le fait que, en République islamique d’Iran, les organisations de travailleurs jouissent du droit de se rassembler pacifiquement. Le comité estime que toutes les activités citées constituent des activités syndicales légitimes pour lesquelles nul ne devrait être poursuivi, condamné ou sanctionné. En conséquence, il prie à nouveau instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, en communication avec les autorités judiciaires compétentes, afin de faire en sorte que les syndicalistes qui mènent des activités syndicales pacifiques et légitimes telles que celles décrites plus haut ne soient pas passibles de poursuites et de sanctions pénales, et que de telles poursuites soient immédiatement abandonnées. En particulier, il prie instamment le gouvernement de veiller à ce que MM. Azimzadeh, Mohammadi et Nejati ne soient pas emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la liberté syndicale, et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
  6. 442. Le comité note les dernières informations fournies par le gouvernement concernant la prétendue demande de condamnation à mort des 17 participants à la grève des camionneurs qui a eu lieu en septembre 2018, faisant valoir qu’une ordonnance de détention provisoire pour trouble à l’ordre public et destruction de biens publics a été rendue et qu’un jugement non exécutoire a été prononcé. Personne n’a été condamné à mort. Le Gouvernement indique que l’affaire est actuellement au stade de l’appel et, qu’en attente d’une décision, ces 17 personnes sont libres et ne sont pas détenues.
  7. 443. Le comité note que le gouvernement ne répond pas à l’allégation selon laquelle plus de 200 grévistes auraient été arrêtés et lui demande de fournir des informations à cet égard. Le comité rappelle que, bien qu’il ait toujours considéré que les principes relatifs à la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux, nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou d’y avoir participé. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 965 et 971.] Le comité s’attend à ce que le droit à un procès équitable soit garanti, ce qui inclus le respect de la présomption d’innocence et du droit de l’accusé à recevoir l’assistance effective d’un avocat pour le défendre à toutes les étapes de la procédure, y compris l’enquête. Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que nul ne soit emprisonné pour le simple fait d’avoir organisé la grève des camionneurs en septembre 2018 ou d’y avoir participé pacifiquement. Il prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’issue de l’appel en cours concernant le cas des 17 personnes et de lui communiquer copie des décisions de justice, lorsque celles-ci auront été rendues.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 444. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • Le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en consultant pleinement les représentants des travailleurs et des employeurs, en vue d’accélérer la réforme législative afin de mettre le cadre juridique en vigueur en conformité avec les principes relatifs à la liberté syndicale. Il prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard et de lui communiquer copie des projets de textes les plus récents.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs de la compagnie unifiée des bus de Téhéran et de son agglomération puissent choisir librement le syndicat auquel ils souhaitent s’affilier et à ce que le SVATH puisse recruter des membres, les représenter et organiser ses activités sans ingérence des autorités ou de l’employeur, indépendamment de l’existence éventuelle d’un autre groupement de travailleurs au sein de l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • c) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, en communication avec les autorités judiciaires compétentes, afin de faire en sorte que les syndicalistes qui mènent des activités syndicales pacifiques et légitimes ne soient pas passibles de poursuites et de sanctions pénales, et que de telles poursuites soient immédiatement abandonnées. En particulier, il prie instamment le gouvernement de veiller à ce que MM. Jafar Azimzadeh, Jamil Mohammadi et Ali Nejati ne soient pas emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la liberté syndicale et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard. Il prie de plus le gouvernement de lui fournir des informations détaillées concernant l’issue de la procédure engagée contre MM. Razavi, Madadi et Ehsanirad et de lui communiquer copie des décisions de justice rendues.
    • d) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que nul ne soit emprisonné pour le simple fait d’avoir organisé la grève des camionneurs en septembre 2018 ou d’y avoir participé pacifiquement. Il prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’issue de l’appel en cours dans le cas des 17 personnes et de lui communiquer copie des décisions de justice, lorsque celles ci auront été rendues. Il prie en outre le gouvernement de fournir des informations en réponse à l’allégation selon laquelle plus de 200 grévistes auraient été arrêtés.
    • e) Le comité appelle à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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