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Definitive Report - Report No 388, March 2019

Case No 3296 (Mozambique) - Complaint date: 28-AUG-17 - Closed

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Allégations: Obligations légales qui empêchent l’enregistrement du Syndicat national de la fonction publique (SINAFP)

  1. 426. La plainte figure dans une communication de l’Internationale des services publics (ISP) datée du 28 août 2017.
  2. 427. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication en date du 30 octobre 2018.
  3. 428. Le Mozambique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 429. Dans une communication en date du 28 août 2017, l’Internationale des services publics (ISP) a indiqué, au nom de son organisation affiliée, le Syndicat national de la fonction publique (SINAFP), que celle-ci avait été créée par le congrès constitutif réuni à Maputo, en août 2001. L’organisation plaignante rappelle que, même si le droit d’association et d’organisation était protégé par la Constitution de la République de 1990 au moment de la création du SINAFP, le pays ne disposait pas encore d’une loi spécifique régissant l’organisation, les modalités d’application et l’exercice du droit syndical dans l’administration publique. En conséquence, le gouvernement et l’Organisation des travailleurs du Mozambique-Centrale syndicale (OTM-CS) avaient signé, le 28 août 2001, un protocole d’accord qui reconnaissait le fonctionnement du SINAFP et prévoyait la création d’une commission technique du travail chargée d’élaborer un projet de loi établissant la base légale de l’exercice des droits syndicaux au sein de l’administration publique.
  2. 430. L’ISP souligne que: i) cette base légale n’existe que depuis le 27 août 2014, date de la promulgation de la loi no 18/2014, qui établit le cadre légal de l’exercice de la liberté syndicale dans l’administration publique, soit exactement seize ans après la création du SINAFP et la signature du protocole d’accord susmentionné; et ii) durant toute cette période et jusqu’à aujourd’hui, le SINAFP a activement représenté les travailleurs de la fonction publique.
  3. 431. L’organisation plaignante allègue aussi que la loi no 18/2014, qui établit notamment la procédure de constitution des organisations syndicales de l’administration publique, ne reconnaît pas l’existence antérieure du SINAFP, si bien que, après seize ans de fonctionnement, le gouvernement réclame un nouvel enregistrement du SINAFP afin que celui-ci soit doté de la personnalité juridique l’habilitant à fonctionner en tant que syndicat.
  4. 432. L’organisation plaignante indique que, le 16 novembre 2016, le SINAFP a dû présenter une nouvelle demande d’enregistrement, accompagnée de 4 537 signatures, demande qui a été rejetée par la Direction nationale chargée de la gestion stratégique des ressources humaines de l’Etat le 9 août 2017, au motif que le nombre des signatures présentées était insuffisant.
  5. 433. L’organisation plaignante fait valoir que les obligations fixées par la loi no 18/2014 sont excessives et que la manière dont le gouvernement interprète ladite loi empêche les travailleurs de l’administration publique du pays d’exercer librement leur droit à la liberté syndicale, dans la mesure où: i) aux termes de l’article 37.1, une association syndicale peut se constituer en syndicat lorsque le nombre de fonctionnaires et d’agents qu’elle représente n’est pas inférieur à 5 pour cent du total des fonctionnaires et agents de l’Etat. A cet égard, l’organisation plaignante indique que le nombre de fonctionnaires publics au Mozambique est estimé à 325 000 – si bien que, si ce chiffre est correct, il serait nécessaire de rassembler au minimum 16 250 membres pour satisfaire à cette exigence – et que ce chiffre de 5 pour cent se calcule sur la base du nombre total de fonctionnaires, y compris ceux qui ont besoin de lois spéciales pour bénéficier du droit syndical (soit un tiers des fonctionnaires); ces lois spéciales n’ayant pas été promulguées, en pratique, le pourcentage requis est bien supérieur à 5 pour cent; et ii) aux termes de l’article 10.2, alinéa d), l’organisation est tenue de fournir la liste de tous ses membres, avec leur signature certifiée par acte notarié. L’organisation estime qu’en réalité cette exigence représente un obstacle économique majeur, puisque chaque signature certifiée par acte notarié coûterait au syndicat 25 meticais (0,37 dollar E. U.), le coût de l’enregistrement s’élevant donc à plus de 6 012,5 dollars E. U. environ si on retient le chiffre de 16 250 membres.
  6. 434. En conséquence, l’organisation plaignante allègue que, dans le pays, les fonctionnaires et agents de l’administration publique se voient privés de leur droit au libre exercice de la liberté syndicale. Le fait que l’existence antérieure du SINAFP n’ait pas été reconnue, à la différence de celle des syndicats du secteur privé qui ont été reconnus par la loi no 23/91, vient conforter cet argument.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 435. Dans une communication du 30 octobre 2018, le gouvernement a seulement indiqué que la loi no 18/2014 était en cours de révision dans le but de simplifier le processus de reconnaissance du SINAFP et d’assurer une harmonisation avec les autres institutions de la fonction publique.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 436. Le comité note que l’objet principal de la présente plainte porte sur l’impossibilité pour le SINAFP d’obtenir son enregistrement officiel, en vertu des dispositions de la loi no 18/2014 qui établit un seuil de représentation de 5 pour cent du nombre total des fonctionnaires pour se constituer en syndicat, même si ledit syndicat a été actif dans le pays pendant seize ans.
  2. 437. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement, qui a fait savoir que les exigences légales mises en cause étaient en cours de modification. Il regrette toutefois que le gouvernement n’ait pas fourni davantage d’informations en réponse aux allégations de l’organisation plaignante. A ce propos, le comité rappelle au gouvernement que l’objectif de toute la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour examiner les plaintes pour violation de la liberté syndicale est de veiller au respect de cette liberté de jure et de facto. A cet égard, même si la procédure protège les gouvernements contre les accusations infondées, ceux-ci, de leur côté, doivent reconnaître l’importance que revêt la présentation de réponses détaillées face aux allégations présentées à leur encontre, afin que l’OIT puisse procéder à un examen objectif de ces allégations. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  3. 438. Le comité note que l’organisation plaignante indique avoir présenté une demande d’enregistrement le 16 novembre 2016, accompagnée de 4 537 signatures, demande qui a été rejetée par la Direction nationale chargée de la gestion stratégique des ressources humaines de l’Etat faute d’un nombre suffisant de signatures (décision du 9 août 2017, annexée à la plainte). Le comité note également que, en vertu de l’article 37.1 de la loi no 18/2014, une association syndicale peut se constituer en syndicat lorsque le nombre de fonctionnaires et d’agents qu’elle représente n’est pas inférieur à 5 pour cent du total des fonctionnaires et agents de l’Etat. Il observe que, selon les données fournies par l’ISP – et si le nombre total de fonctionnaires publics dans le pays est correct –, le syndicat devrait réunir 16 250 membres pour satisfaire à cette exigence. Même si ce chiffre est révisé sur la base des catégories de fonctionnaires bénéficiant actuellement du droit syndical, le nombre minimum de membres serait de l’ordre de 10 000.
  4. 439. Le comité souhaite rappeler que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical en ce sens que c’est la première mesure que les organisations d’employeurs ou de travailleurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 449.] En ce qui concerne le nombre de membres requis, et indépendamment de toute considération économique pouvant découler de l’article 10.2, alinéa d) et du coût d’une signature certifiée par acte notarié, le comité souhaite rappeler que les obligations légales relatives à un nombre minimum de membres ne doivent pas être excessives ni empêcher en pratique la création d’organisations syndicales. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 435.] Le comité considère donc que la création d’un syndicat peut se heurter à de grandes difficultés, et même se révéler impossible, lorsque la législation fixe le nombre minimum de membres à un niveau manifestement trop élevé, comme dans le cas présent. Compte tenu de ce qui précède et dans la mesure où le SINAFP compte un nombre significatif de membres, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris dans le domaine législatif, pour que ledit syndicat puisse être rapidement enregistré, et soumet les aspects législatifs à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  5. 440. Le comité note en outre que la réponse négative de la Direction nationale chargée de la gestion stratégique des ressources humaines de l’Etat est intervenue près de neuf mois après la demande d’enregistrement, ce qui constitue un délai excessif ne favorisant pas des relations de travail harmonieuses.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 441. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris concernant les aspects législatifs, pour que le SINAFP puisse être enregistré rapidement.
    • b) Le comité soumet les aspects législatifs du présent cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
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