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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 387, October 2018

Case No 3137 (Colombia) - Complaint date: 10-JUN-15 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que le contrat syndical, type de contrat en vertu duquel les syndicats de travailleurs peuvent conclure des accords avec des entreprises en vue de l’offre de services ou de l’exécution de tâches par leurs propres affiliés nuit à la finalité et à l’autonomie des organisations syndicales, au droit à la liberté d’association des travailleurs et à la négociation collective libre et volontaire

  1. 283. La plainte figure dans une communication du 10 juin 2015 présentée par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT).
  2. 284. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications reçues le 24 mai 2016 et le 1er décembre 2017.
  3. 285. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 286. Par une communication en date du 10 juin 2015, l’organisation plaignante dénonce le caractère antisyndical du contrat syndical, un type de contrat établi par la législation colombienne en vertu duquel un syndicat de travailleurs s’engage à offrir des services ou exécuter des tâches en faveur d’une entreprise par le biais de ses affiliés. L’organisation plaignante affirme que le contrat syndical nuit à la finalité et à l’autonomie des organisations syndicales, au droit des travailleurs de s’affilier librement à une organisation ainsi qu’à la négociation collective libre et volontaire, violant ainsi de nombreuses dispositions des conventions nos 87 et 98.
  2. 287. L’organisation plaignante décrit en premier lieu la notion de contrat syndical, défini par les articles 482 et suivants du Code du travail comme étant «un contrat unissant un ou plusieurs syndicats de travailleurs à un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs, en vue de la prestation de services ou de l’exécution d’une tâche par les membres de ce syndicat.» Ce contrat est réglementé par l’article 1 du décret no 1429 de 2010 qui prévoit que «le contrat syndical, en tant qu’accord de volontés, ayant la nature d’un accord collectif de travail, possède les caractéristiques d’un contrat solennel, nommé et principal, qui peut être conclu entre un ou plusieurs syndicats de travailleurs et un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs, en vue de la prestation de services ou de l’exécution d’une tâche par les membres de ce syndicat. Ce contrat est conclu dans le respect du droit à la liberté syndicale, le ou les syndicats jouissant d’une autonomie administrative et d’une indépendance financière, et il est régi par les normes et principes du droit collectif du travail». L’organisation plaignante indique que, en vertu de la législation colombienne en vigueur, le contrat syndical présente les caractéristiques suivantes: i) l’organisation syndicale qui a conclu un contrat syndical est tenu responsable à la fois des obligations qui découlent directement du contrat et du respect de celles établies pour ses membres; ii) en cas de dissolution du contrat, les travailleurs continueront de fournir leurs services dans les conditions stipulées dans ledit contrat jusqu’à son expiration; iii) à toutes fins utiles légalement, le représentant légal du syndicat représentera ses membres qui sont parties au contrat syndical; et iv) les différends portant sur le contrat syndical pourront être résolus par un tribunal arbitral volontaire ou par d’autres mécanismes si les parties le décident, les tribunaux du travail étant les instances compétentes en l’absence de dispositions spécifiques.
  3. 288. L’organisation plaignante déclare qu’il ressort de ce qui précède que le syndicat qui signe un contrat syndical devient un intermédiaire dans la relation de travail étant donné que toutes les obligations patronales liées à l’exécution des tâches ou à la prestation des services prévus au contrat relèvent du syndicat, les travailleurs qui exécutent le travail en question n’ayant aucun lien juridique avec l’entreprise utilisatrice du service. L’organisation plaignante déclare ensuite que: i) ces dernières années, le recours aux contrats syndicaux a augmenté de façon exponentielle, passant de 46 en 2009 à 964 en 2013, avec par la suite 1 796 contrats syndicaux signés entre le 1er janvier 2013 et le 1er juillet 2014; ii) d’après des estimations, en 2014, quelque 400 000 travailleurs étaient liés par ce type de contrat; iii) sur les 1 796 contrats syndicaux, 1 754 (soit 97,7 pour cent de ces contrats) ont été conclus dans le secteur public et 1 777 (98,9 pour cent) dans le secteur de la santé; iv) dans la pratique, les contrats syndicaux ont été utilisés pour remplacer les coopératives de travail associé en tant que mécanismes d’intermédiation en matière d’emploi; v) les 1 796 contrats syndicaux susmentionnés ont été conclus par 104 organisations syndicales chargées de fournir de la main-d’œuvre aux entreprises utilisatrices; et vi) ce remplacement des coopératives et l’explosion du nombre de contrats syndicaux sont le résultat de plusieurs changements normatifs intervenus entre 2010 et 2011 (adoption du décret no 1429 de 2010 facilitant les procédures qui permettent de conclure des contrats syndicaux; interdiction du recours aux coopératives de travail associé pour affecter des travailleurs à des activités à caractère permanent dans les entreprises; deux jugements de la Cour constitutionnelle – T-457 et T 303 de 2011 – qui ont établi que le contrat syndical n’est pas source de droit pour les travailleurs).
  4. 289. L’organisation plaignante indique ensuite que les trois principaux problèmes soulevés par le recours au contrat syndical sont: i) la persistance et l’extension du travail informel illégal du fait que la totalité des contrats syndicaux examinés dans le pays ont pour objet la réalisation d’activités qui sont propres aux entreprises utilisatrices; ii) la violation de droits basiques en matière de travail tels que le droit à la sécurité sociale ou aux congés; et iii) la dénaturation de l’activité syndicale. S’agissant de ce dernier point, l’organisation plaignante affirme que, au sein des divers mécanismes d’intermédiation, le contrat syndical est celui qui est le plus préoccupant, car il suppose non seulement la sous-traitance illégale de certaines activités qui sont des missions permanentes de l’entreprise, mais aussi la violation des principes et finalités du syndicalisme, lesquels consistent à améliorer les conditions de travail des travailleurs syndiqués par le biais de l’action collective, alors que le contrat syndical représente une forme de segmentation de la main-d’œuvre dans laquelle une partie minoritaire (le représentant légal du syndicat) exerce la fonction de patron pour la majorité des travailleurs. L’organisation plaignante ajoute à cet égard que: i) 41 pour cent des 1 796 contrats syndicaux examinés prévoient le paiement par le travailleur d’une certaine somme pour le simple fait de s’affilier au syndicat; ii) 5,6 pour cent seulement des contrats syndicaux prévoient le versement de cotisations syndicales dont le montant correspond à la moyenne nationale (soit environ 1 pour cent des revenus du secteur privé et 2 pour cent de ceux du secteur public) tandis que les cotisations exigées par les autres contrats syndicaux sont très supérieures à cette moyenne; iii) 65 pour cent des contrats syndicaux examinés interdisent l’exercice du droit de grève dans les entreprises utilisatrices; et iv) 22 pour cent des contrats syndicaux examinés interdisent expressément l’exercice de la liberté d’expression. Compte tenu de ce qui précède, l’organisation plaignante indique que bon nombre de prétendus syndicats qui gèrent des contrats syndicaux ne sont pas de véritables organisations syndicales car ils agissent exclusivement dans un but lucratif.
  5. 290. L’organisation syndicale fait ensuite référence aux dispositions des conventions nos 87 et 98 qui auraient été violées par le contrat syndical. La CUT affirme en premier lieu que, dans le cadre de ce type de contrat, l’affiliation syndicale est synonyme d’accès à l’emploi et de maintien dans celui-ci, ce qui signifie qu’une très forte pression s’exerce tant lorsqu’il s’agit de s’affilier à l’organisation syndicale que de s’en désaffilier. L’organisation syndicale signale que, dans la mesure où les travailleurs liés par des contrats syndicaux ne peuvent pas se désaffilier librement du syndicat qui leur assure un emploi, le contrat syndical viole à la fois le droit à la libre affiliation syndicale et le droit à la protection contre la discrimination antisyndicale, reconnus respectivement par l’article 2 de la convention no 87 et l’article 1 de la convention no 98. A cet égard, la CUT indique que la pratique du contrat syndical en Colombie ressemble à celle du contrat de protection au Mexique. L’organisation plaignante affirme que le contrat syndical n’a pas le caractère démocratique et collectif propre au fonctionnement des organisations syndicales authentiques, dans la mesure où la législation applicable au contrat syndical n’exige pas que ce contrat et l’offre commerciale préalable faite à l’entreprise reposent sur la participation des affiliés ni sur un quelconque mécanisme démocratique qui permette d’examiner et d’adopter le règlement dudit contrat. Cette situation contraste très fortement avec les dispositions de la législation colombienne qui prévoit de manière détaillée les conditions permettant aux autres décisions collectives des organisations syndicales, en particulier la conclusion de conventions collectives, d’être conformes aux principes démocratiques. L’organisation plaignante considère donc que cette situation est contraire aussi bien à l’article 3 de la convention no 87, relatif au libre choix des représentants syndicaux, qu’à l’article 4 de la convention no 98, concernant la promotion de la négociation collective. La CUT affirme en outre que la notion de contrat syndical est contraire à l’article 8 de la convention no 87 qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent respecter la légalité, dans la mesure où le contrat syndical risque d’entraîner une triple violation de la législation colombienne: i) les contrats syndicaux seraient signés par de faux syndicats qui sont le résultat non pas de la liberté d’association, mais de la liberté d’entreprise; ii) ils permettraient d’exercer une intermédiation illégale en matière d’emploi que seules les entreprises de travail temporaire peuvent réaliser; et iii) ils constitueraient un mécanisme permettant de se soustraire à la reconnaissance des droits des travailleurs. L’organisation plaignante affirme de surcroît que le contrat syndical contrevient à l’article 10 de la convention no 87, qui définit les organisations de travailleurs et d’employeurs, dans la mesure où le syndicat se transformerait en intermédiaire dans les relations de travail, à l’instar des entreprises de services temporaires, étant entendu que dans le cadre de ce contrat, toutes les obligations patronales incomberaient au syndicat, dénaturant ainsi le concept de syndicat. Enfin, l’organisation plaignante affirme que l’institution du contrat syndical permet, encourage et provoque la création d’organisations de travailleurs dominées par les employeurs, ceci en violation de l’article 2 de la convention no 98 qui interdit l’ingérence des employeurs et de leurs organisations dans la formation et le fonctionnement des organisations syndicales.
  6. 291. L’organisation plaignante déclare par ailleurs que, malgré la responsabilité qui lui incombe de veiller au respect des normes du travail, le ministère du Travail n’a effectué aucun travail d’inspection ou de surveillance des organisations syndicales et des entreprises faisant usage du contrat syndical. Il n’a pas non plus alerté le législateur au sujet des vides juridiques dans la réglementation du contrat syndical, dont l’ambiguïté semble autoriser l’exclusion des droits du travail, ni demandé au juge du travail de supprimer du registre syndical les faux syndicats qui concluent des contrats syndicaux. De façon spécifique, l’organisation plaignante déclare que les plaintes administratives présentées à ce jour en matière de contrats syndicaux n’ont donné lieu à aucune protection effective de la part du ministère du Travail. La CUT se réfère en premier lieu à une première plainte présentée conjointement avec la Confédération des travailleurs de Colombie en 2012 devant la Direction territoriale du travail d’Antioquia au sujet de 20 coopératives de travail associé qui s’était converties en syndicats et qui, de ce fait, avaient engagé des travailleurs dans le cadre du contrat syndical. La CUT indique que le ministère du Travail n’a pas reconnu en tant que parties à la plainte les centrales syndicales et que, après avoir mené une enquête d’office, il a décidé de classer cette dernière, n’ayant constaté aucune atteinte aux droits du travail. La CUT se réfère en second lieu à une plainte déposée le 3 décembre 2014 contre l’entreprise Leonisa S.A. (ci après «à une entreprise du secteur de la confection») pour avoir recouru à un contrat syndical pour ses activités de nettoyage. L’organisation plaignante déclare que, six mois après la présentation de la plainte, aucune enquête n’a été formellement ouverte.
  7. 292. Sur la base de ce qui précède, l’organisation plaignante demande que: i) le ministère du Travail mène une enquête approfondie sur tous les contrats syndicaux conclus dans le pays afin de garantir le respect des droits du travail; ii) le ministère du Travail engage des procédures judiciaires en vue de la dissolution des organisations syndicales dans les cas où il serait avéré que le concept de contrat syndical est associé à la violation des normes légales pour la création et le fonctionnement des organisations syndicales; iii) le ministère du Travail garantisse la participation de la CUT aux enquêtes en tant que partie aux procédures de plainte; et iv) la législation colombienne en matière de contrats syndicaux soit mise en conformité avec les conventions de l’OIT et qu’en particulier soient abolis les articles 482, 483 et 484 du Code du travail.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 293. Dans une communication reçue le 22 juin 2016, le gouvernement transmet en premier lieu les commentaires de la Direction de l’inspection, du suivi, du contrôle et de la gestion du territoire du ministère du Travail (dénommée ci-après la «Direction de l’ISC»). La Direction de l’ISC indique que, étant donné le lien étroit existant entre la notion de contrat syndical et le phénomène de l’intermédiation illégale en matière d’emploi, le ministère du Travail et ses services d’inspection et de contrôle ont adopté des mesures préventives et correctives concernant les droits des travailleurs liés par des contrats syndicaux. La Direction de l’ISC signale en particulier que, au cours du second semestre de 2015, plusieurs réunions tripartites ont eu lieu en vue de définir des points de consensus sur lesquels le ministère du Travail pourra se fonder pour adopter une politique qui permettra d’atténuer les effets préjudiciables possibles des contrats syndicaux en matière de relations collectives de travail. Au cours de ces réunions: i) des représentants de la Confédération générale du travail, l’une des principales centrales syndicales du pays, ont exposé les mesures prises par cette centrale pour mettre en application le contrat syndical en tant qu’élément constitutif des relations existant entre entreprises et syndicats; ii) il a été estimé que le contrat syndical encourage le développement des relations entre employeurs et organisations syndicales et qu’il permet aussi bien d’appuyer les relations économiques de l’entreprise que d’aider le syndicat par l’intermédiaire de ses affiliés; iii) les représentants des différents secteurs sont tombés d’accord sur le fait que, au cours des cinq dernières années, le contrat syndical a été utilisé pour se soustraire aux normes relatives à la formalisation du travail et qu’il s’est transformé en une nouvelle source d’intermédiation en matière d’emploi non autorisée par la loi, faisant fi des garanties minimales en matière d’affiliation au système de sécurité sociale, de santé et de protection contre les risques professionnels. La Direction de l’ISC conclut que le contrat syndical doit être une source de soutien social aux syndicats et que, s’il constitue l’une des formes du droit collectif du travail, il se différencie de la négociation collective par ses finalités distinctes. Elle ajoute que, au cours de ces réunions tripartites, les participants ont souligné que l’application indue du contrat syndical peut déstabiliser dans certains cas les droits des travailleurs et des organisations syndicales et que des efforts seront menés pour mettre en place un instrument destiné à faciliter le travail des organes d’inspection en vue de sanctionner les abus et décourager les pratiques d’intermédiation illégale par le biais du contrat syndical.
  2. 294. Le gouvernement transmet ensuite ses observations et fait savoir que la violation alléguée des conventions nos 87 et 98 n’est pas manifeste étant donné que ce sont les organisations syndicales elles-mêmes qui encouragent l’usage du contrat syndical. Il ajoute que le mandat et la compétence du Comité de la liberté syndicale se limitent aux violations des conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective et ne s’étendent pas aux autres conventions internationales du travail relatives aux conditions de travail.
  3. 295. Le gouvernement indique ensuite que le contrat syndical est une catégorie juridique reconnue par la législation, que l’article 373, alinéa 3, du Code du travail dispose qu’il appartient aux organisations syndicales de conclure des conventions collectives et des contrats syndicaux et que l’article 482 du Code du travail, mis en application par le décret no 1429 de 2010, définit le contrat syndical comme suit: «Un contrat syndical est un contrat unissant un ou plusieurs syndicats de travailleurs avec un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs en vue de la prestation de services ou de l’exécution d’une tâche par les membres de ce syndicat. Un exemplaire du contrat syndical doit absolument être déposé au ministère du Travail, au plus tard quinze (15) jours après sa signature. La durée, la révision et la résiliation du contrat syndical sont régies par les règles du contrat individuel de travail».
  4. 296. Le gouvernement se réfère ensuite aux initiatives qu’il a prises pour lutter contre l’intermédiation illégale en matière d’emploi et déclare à cet égard que: i) la loi de 2010 sur la formalisation et le premier emploi et son règlement d’application interdisent le recours abusif aux coopératives de travail associé (CTA) ou à toute autre forme de relation qui porte atteinte aux droits relatifs au travail; ii) le contrôle de l’application de cette loi par le ministère du Travail a permis de porter le nombre de coopératives de travail associé de 2 117 en 2010 à 277 en 2015; iii) selon la législation actuelle, les agences de services temporaires sont les seules habilitées à exercer des activités d’intermédiation en matière d’emploi; iv) le décret no 583 de 2016 précise que les employeurs peuvent conclure des contrats civils et commerciaux pour externaliser des activités commerciales, mais ne peuvent le faire sans tenir compte des droits relatifs au travail.
  5. 297. Le gouvernement ajoute que les droits des travailleurs liés par un contrat syndical sont précisés par le décret no 036 du 12 janvier 2016, qui prévoit les conditions suivantes: i) l’activité des travailleurs qui fourniront leurs services par le biais d’un contrat syndical est régie par les articles 373, 482 et 483 du Code du travail, par le présent décret, par les dispositions du contrat syndical et par le règlement de ce dernier; ii) le syndicat de travailleurs signataire du contrat syndical est responsable de l’exécution des obligations qui en découlent ainsi que de celles stipulées en faveur des travailleurs liés à son exécution; et iii) en cas de dissolution du syndicat ou de l’entreprise liés par le contrat syndical, les créances envers les membres du syndicat ont un caractère privilégié (créances de première catégorie).
  6. 298. Le gouvernement se réfère également à la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour constitutionnelle qui ont confirmé la validité du contrat syndical et renvoie en particulier à deux arrêts de la Cour constitutionnelle (arrêts T-303 et T-457 de 2011) qui soulignent les éléments suivants: i) dans le cadre d’un contrat syndical, le syndicat est assimilé, sans l’être juridiquement, à un employeur sans but lucratif; ii) le contrat syndical a pour objet la prestation de services ou l’exécution de travaux, effectués sans but lucratif par un syndicat par l’intermédiaire de ses membres et dans l’exercice de la liberté syndicale. Le gouvernement indique enfin que le nombre de contrats syndicaux déposés annuellement est passé de 50 en 2010 à 2 032 en 2015.
  7. 299. Dans sa deuxième communication, reçue le 1er décembre 2017, le gouvernement indique que, afin d’éviter que le contrat syndical ne soit utilisé comme un mécanisme d’intermédiation illégale en matière d’emploi, souvent en substitution des coopératives de travail associé, le décret no 036 de 2016 a été publié pour clarifier certains points concernant: i) la détermination de qui est considéré comme membre et lié par le contrat syndical; ii) l’autorisation de la conclusion de celui-ci; iii) la responsabilité du syndicat; iv) l’existence préalable du syndicat et des affiliés; v) les garanties d’exécution et les obligations des contractants. Le gouvernement indique que, depuis l’entrée en vigueur du décret no 036 de 2016, le nombre de contrats syndicaux conclus a diminué de 21 pour cent entre 2015 et 2016, et de 33 pour cent si l’on compare les huit premiers mois de 2017 à la même période de l’année précédente. Il ajoute que, si des défis restent à relever dans le domaine de l’inspection du travail, les mesures visant à prévenir et à sanctionner l’intermédiation illégale en matière d’emploi ont été particulièrement significatives.
  8. 300. En ce qui concerne la violation alléguée des conventions nos 87 et 98 par le biais du contrat syndical, le gouvernement réaffirme que, vertu de la Constitution colombienne, les organisations syndicales jouissent de l’autonomie, ce qui leur permet de conclure des contrats syndicaux en toute liberté, conformément à la loi. Les gouvernements doivent donc garantir l’indépendance des organisations syndicales et protéger les droits et garanties découlant du contrat syndical.
  9. 301. Le gouvernement joint enfin en annexe une décision en date du 21 avril 2017 du ministère du Travail concernant la plainte déposée le 3 décembre 2014 contre une entreprise du secteur de la confection. et l’organisation syndicale SINTRACONTEXA dans laquelle le ministère sanctionne l’entreprise et le l’organisation syndicale de deux amendes de 4 000 salaires mensuels minimums chacune pour intermédiation illégale en matière d’emploi par contrat syndical, après avoir constaté l’existence d’une relation de travail subordonné entre l’entreprise et les membres du syndicat.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 302. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que le contrat syndical, catégorie contractuelle prévue par la législation colombienne en vertu de laquelle un ou plusieurs syndicats s’engagent à fournir des services ou à exécuter une tâche pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises ou organisations d’employeurs par l’intermédiaire de leurs membres, nuit à la finalité et à l’autonomie des organisations syndicales, au droit des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective libre et volontaire, en violation de nombreuses dispositions des conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Colombie.
  2. 303. Le comité prend note de l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle, à la suite de plusieurs changements normatifs intervenus en 2010 et 2011 concernant, d’une part, la réglementation applicable à la catégorie contractuelle faisant l’objet de la présente plainte et, d’autre part, les mécanismes d’intermédiation en matière d’emploi en général, le recours aux contrats syndicaux a connu une croissance exponentielle et ce type de contrat est devenu un mécanisme illégal d’intermédiation en matière d’emploi par le biais duquel employeurs publics et privés sous-traitent leurs activités et ne respectent plus le droit du travail. A cet égard, le comité note que, en ce qui concerne les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, l’organisation plaignante allègue spécifiquement que: i) le contrat syndical dénature et subvertit l’activité syndicale en attribuant au syndicat un rôle d’intermédiaire dans la relation de travail, et au représentant légal du syndicat le rôle d’employeur de ses membres; ii) les caractéristiques du contrat syndical favorisent l’apparition de fausses organisations syndicales qui cherchent à profiter de tels contrats; iii) les travailleurs concernés sont privés non seulement de nombreux droits individuels relatifs au travail, mais aussi de leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective; et iv) le ministère du Travail n’a effectué aucun travail d’inspection ou de surveillance des organisations syndicales et des entreprises faisant usage du contrat syndical.
  3. 304. Le comité note en outre que le gouvernement, après avoir souligné que la compétence du Comité de la liberté syndicale ne s’étend pas aux conventions de l’OIT autres que celles relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective, déclare que: i) le contrat syndical est une forme de négociation collective reconnue par plusieurs dispositions du Code du travail, qui vise à favoriser le développement des relations entre employeurs et organisations syndicales et dont la validité a été confirmée par divers arrêts des hautes juridictions du pays; ii) conformément au principe de l’autonomie syndicale, il appartient aux organisations syndicales de décider si elles souhaitent s’engager dans des relations avec les entreprises par le biais du contrat syndical; iii) il est vrai que, au cours des dernières années, il y a eu de nombreux cas d’utilisation abusive du contrat syndical, cette forme de contrat ayant été utilisée comme une nouvelle source illégale d’intermédiation en matière d’emploi, souvent en substitution des coopératives dites de travail associé et comme une occasion d’ignorer diverses garanties du travail; iv) toutefois, afin d’éviter de tels abus, le décret no 036 de 2016 a été adopté, qui vise à clarifier différents aspects de son régime juridique; et v) bien que des défis persistent à cet égard, les actions de prévention et de sanction en lien avec l’intermédiation illégale en matière d’emploi ont été particulièrement significatives ces dernières années.
  4. 305. En ce qui concerne le cadre de sa compétence dans le présent cas, le comité souhaite rappeler tout d’abord qu’il a estimé qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la violation des conventions de l’OIT en matière de conditions de travail étant donné que de telles allégations ne se rapportent pas à la liberté syndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 20 de l’annexe I.] A cet égard, le comité souligne qu’il n’est pas de son ressort de statuer sur d’éventuelles violations des droits relatifs au travail, autres que la liberté syndicale et la négociation collective, qui pourraient affecter les travailleurs liés par des contrats syndicaux. En revanche, il appartient au comité de déterminer dans quelle mesure la réglementation et la mise en œuvre du contrat syndical respectent les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et si elles affectent ou non les droits syndicaux et de négociation collective des travailleurs et de leurs organisations.
  5. 306. Le comité note que les allégations de l’organisation plaignante concernant la liberté syndicale et la négociation collective se rapportent avant tout à la supposée dénaturation de l’activité syndicale qui résulterait de la prise en charge, par le syndicat, de toutes les obligations de l’employeur relatives à l’exécution du travail convenu par le contrat en question, ce qui nuirait ainsi aux principes et aux finalités du syndicalisme et priverait les travailleurs concernés de leur droit de s’associer librement en vue de la représentation de leurs intérêts devant l’entité responsable de leur emploi, ainsi que de leur droit de grève et de négociation collective. Tout en prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le contrat syndical est une forme légale de négociation collective à laquelle de nombreuses organisations syndicales souscrivent librement et volontairement, le comité considère nécessaire d’examiner les caractéristiques du contrat syndical telles que définies par la législation nationale en vigueur ainsi que le contexte des relations professionnelles dans le cadre duquel l’utilisation du contrat syndical se développe.
  6. 307. Le comité note que, initialement introduit dans la législation colombienne en 1945 – et rarement utilisé pendant plusieurs décennies – le contrat syndical a donné lieu, en vue de réglementer son fonctionnement et de compléter les dispositions générales des articles 373, 482, 483 et 484 du Code du travail qui le définissent, à l’adoption depuis 2006 de trois décrets (le décret no 657 de 2006, le décret no 1429 de 2010 abrogeant le précédent décret de 2006, et le décret no 036 de 2016 qui dispose que le contrat syndical sera régi par les articles pertinents du Code du travail et par le contenu du même décret). Le comité note qu’il découle des articles pertinents du Code du travail et du décret no 036 de 2016 que: i) les signataires du contrat syndical sont l’entreprise utilisatrice, d’une part, et le représentant légal du syndicat, d’autre part; ii) en échange d’un prix fixé dans le contrat syndical, le syndicat s’engage à accomplir une tâche spécifique en faveur de l’entreprise; iii) le syndicat doit mettre à la disposition de ses travailleurs affiliés chargés de l’exécution du contrat syndical les instruments et matériels nécessaires à l’accomplissement des tâches convenues dans le contrat; iv) il appartient au syndicat de s’acquitter de toutes les obligations légales ainsi que de toutes les obligations contractuelles conclues avec les membres chargés d’exécuter le contrat syndical; v) en particulier, il incombe au syndicat de se conformer aux obligations légales concernant la sécurité sociale des travailleurs et d’assurer le respect du système de sécurité et de santé au travail; vi) les obligations réciproques du syndicat et de ses travailleurs affiliés sont établies par un règlement adopté par l’assemblée générale du syndicat; vii) le règlement détermine, notamment, comment le syndicat choisit, remplace et révoque les membres chargés de l’exécution des tâches prévues au contrat syndical et comment est choisi le coordonnateur chargé de l’exécution du contrat syndical; viii) le règlement ne prévoit pas expressément de lien contractuel entre l’entreprise utilisatrice et les travailleurs affiliés au syndicat qui exécutent la tâche convenue; ix) il prévoit toutefois que, en cas de dissolution du syndicat, les travailleurs affiliés qui ont été engagés pour l’exécution du contrat syndical continuent à fournir leurs services ou à exécuter les travaux dans les conditions prévues; et x) le décret no 036 de 2016 prévoit une série de règles supplémentaires concernant les décisions à prendre par le syndicat au sujet du contrat syndical, qui seront examinées plus avant.
  7. 308. Le comité note en outre que, dans la description donnée à la notion et à l’utilisation du contrat syndical, tant l’organisation plaignante que le gouvernement se réfèrent à plusieurs reprises aux coopératives de travail associé (CTA) et que tous deux soulignent à cet égard que: i) la forte augmentation du nombre de contrats syndicaux à partir de 2010 a coïncidé avec l’adoption, consécutivement à des abus, d’un règlement qui limitait la possibilité pour les coopératives de travail associé d’exercer des activités d’intermédiation en matière d’emploi; et ii) certaines activités productives exécutées jusqu’alors par les coopératives de travail associé en faveur des entreprises utilisatrices ont été réalisées par l’intermédiaire de contrats syndicaux. Le comité rappelle que, dans les années 2000, il a reçu de nombreuses plaintes selon lesquelles les coopératives de travail associé auraient servi à dissimuler de véritables relations de travail subordonné et à empêcher les travailleurs d’exercer leurs droits de s’affilier à un syndicat et de négocier collectivement (voir en particulier les cas nos 2237, 2362, 2448 et 2668). Conscient de la spécificité du mouvement coopératif, le comité a estimé que les coopératives de travail associé (dont les membres sont les propres propriétaires) ne pouvaient être considérées ni de jure ni de facto comme des «organisations de travailleurs» au sens de la convention no 87, c’est-à-dire comme des organisations ayant pour objet de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs. Le comité note que, bien qu’il s’agisse de deux notions distinctes, les coopératives de travail associé et les contrats syndicaux ont en commun le non-recours, au moins formellement, à des relations de travail subordonné, l’absence de relation directe entre leurs travailleurs et l’entreprise utilisatrice pour laquelle ils exercent leurs fonctions, et une exécution du travail dans le cadre d’une structure collective qui est supposée, avec la participation de ses membres, déterminer les conditions de travail.
  8. 309. Le comité note qu’il découle des dispositions décrites ci-dessus que, dans le cadre du contrat syndical, il incomberait au syndicat non seulement de respecter toutes les obligations légales relatives au travail effectué par ses membres, mais aussi d’organiser et de coordonner le travail de ces derniers. Ainsi, le contrat syndical diffère des clauses dites de sécurité syndicale car, en l’espèce, l’organisation syndicale ne se limite pas à s’assurer que tous les travailleurs au service d’une entreprise sont ses membres; le syndicat est aussi directement en charge de l’activité productive. Le comité note en particulier qu’il incombe au syndicat de sélectionner, de remplacer et de révoquer les travailleurs chargés de l’exécution des tâches convenues dans le contrat et que le syndicat semblerait ainsi disposer d’un pouvoir de décision sur l’accès de ses membres à l’emploi et leur maintien dans ce dernier. A cet égard, le comité prend note que le gouvernement indique que tant le Conseil d’Etat que la Cour constitutionnelle (arrêts T 303 et T-457 de 2011) ont confirmé la validité du contrat syndical et ont souligné que: i) «dans le cadre du contrat syndical, le syndicat, sans pour autant être un employeur sans but lucratif, est assimilé comme tel»; ii) le contrat syndical a pour objet la prestation de services ou l’exécution de travaux; et iii) le contrat syndical est effectué sans but lucratif par un syndicat par l’intermédiaire de ses membres et dans l’exercice de la liberté syndicale. Le comité note également que le gouvernement indique que le nombre de contrats syndicaux signés par an est passé de 50 en 2010 à 2 032 en 2015.
  9. 310. Soulignant la singularité de la catégorie contractuelle examinée et la complexité de la question et rappelant que l’article 2 de la convention no 98 établit l’indépendance totale des organisations de travailleurs vis-à-vis des employeurs dans l’exercice de leurs activités [voir Compilation, op. cit., paragr. 1188], le comité considère que l’attribution à un syndicat de travailleurs d’un pouvoir de gestion et de décision sur l’emploi de ses membres pourrait mettre en danger la capacité de celui-ci d’assumer en même temps la responsabilité propre aux syndicats de soutenir et défendre de manière indépendante les revendications de leurs membres en matière d’emploi et de conditions de travail et, partant, sur la possibilité que, dans ce cadre, les travailleurs puissent exercer leur droit à la négociation collective. Le principe de la liberté syndicale impliquerait que les travailleurs liés par un contrat syndical soient libres de s’affilier à une autre organisation syndicale pour défendre leurs intérêts et jouir du droit effectif à la négociation collective.
  10. 311. A cet égard, le comité rappelle que, en 2005 déjà, lors d’une visite tripartite de haut niveau effectuée dans le cadre du suivi des discussions de la Commission de l’application des normes et de l’examen du cas no 1787 devant le Comité de la liberté syndicale, la délégation tripartite avait formulé une série de questions au sujet du fonctionnement du contrat syndical et de son impact sur l’activité syndicale:
    • Les organisations syndicales qui se sont entretenues avec les participants sont gravement préoccupées par l’utilisation de ce type d’accords contractuels. Les participants (à la visite) ont visité une entreprise dans laquelle un contrat syndical a été conclu. La description de cet accord a suscité de nombreuses questions et conduit les participants à juger nécessaire d’étudier la question plus à fond afin de clarifier des points tels que la relation juridique liant l’entreprise au syndicat, l’entreprise aux travailleurs et le syndicat aux travailleurs; les responsabilités du syndicat à l’égard de l’entreprise et des travailleurs; et le nouveau rôle du syndicat. Afin d’évaluer correctement les implications de contrats de ce type, il serait également utile de savoir combien ont été signés et le nombre de travailleurs auxquels ils se rapportent (paragr. 147 du rapport de la mission tripartite de haut niveau effectuée par l’OIT en Colombie du 24 au 29 octobre 2005, annexe 5 du rapport intérimaire du Comité de la liberté syndicale, cas no 1787, 340e rapport du Comité de la liberté syndicale, mars 2006).
  11. 312. Le comité note que, malgré la réglementation du contrat syndical par différents décrets depuis 2006, il ne dispose encore que d’informations limitées tant sur la nature juridique exacte des relations entre le syndicat et ses membres en vertu du contrat syndical que sur le fonctionnement pratique de cette catégorie contractuelle. De même, tout en prenant note des indications du gouvernement concernant les dispositions introduites par le décret no 036 de 2016, selon lesquelles les principales décisions relatives au contrat syndical seront prises par l’assemblée générale du syndicat et les membres participant au contrat seront informés chaque année de son application, le comité note qu’il ne possède aucune information précise sur la manière dont, dans le cadre du contrat syndical, les travailleurs peuvent exercer leur droit à la négociation collective et qu’il ne dispose pas des commentaires du gouvernement sur les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles un grand nombre de contrat syndicaux interdiraient l’exercice du droit de grève et la liberté d’expression dans les entreprises utilisatrices. Le comité prie donc le gouvernement de fournir des informations, en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, sur l’impact du décret no 036 de 2016 et sa mise en pratique concernant: i) la nature des relations individuelles et collectives qui existent dans le contexte d’un contrat syndical entre le syndicat et ses membres, d’une part, et entre les membres et l’entreprise utilisatrice, d’autre part; et ii) la possibilité effective, tant en droit qu’en pratique, que les travailleurs soient représentés et défendus par une organisation syndicale autre que celle qui exerce un pouvoir de gestion et de décision sur leur emploi et de pouvoir négocier collectivement en toute indépendance leurs conditions de travail.
  12. 313. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les caractéristiques du contrat syndical favorisent l’émergence dans la pratique de fausses organisations syndicales cherchant à tirer profit de tels contrats, le comité note tout d’abord que l’organisation plaignante allègue spécifiquement que: i) les 1 796 contrats syndicaux conclus en 2014 ont été gérés par un nombre limité d’organisations (104) qui en fait se consacrent à la fourniture de main d’œuvre aux entreprises; ii) 98,9 pour cent de ces contrats concernaient le secteur de la santé, de nombreuses organisations syndicales présumées ayant effectivement remplacé des coopératives de travail associé qui, jusqu’aux réformes législatives de 2010, étaient le principal vecteur de l’intermédiation illégale de main d’œuvre et étaient particulièrement nombreuses dans ce secteur; iii) 41 pour cent des contrats syndicaux signés en 2014 prévoyaient le paiement par le travailleur d’un certain montant pour le simple fait d’adhérer au syndicat et la grande majorité des contrats prescrivaient le paiement de cotisations syndicales beaucoup plus élevées que la moyenne; iv) la possibilité pour les entreprises d’externaliser et de transférer toutes leurs responsabilités en matière de travail à une organisation syndicale favorise dans certains cas la création de syndicats par les entreprises elles-mêmes, en violation de l’article 2 de la convention no 98 qui interdit toute ingérence des employeurs dans le mouvement syndical; v) le ministère du Travail n’effectue pas les contrôles nécessaires pour vérifier si les contrats syndicaux sont signés par de véritables organisations syndicales, n’agit pas pour demander l’annulation judiciaire de l’enregistrement des fausses organisations syndicales et refuse de reconnaître la CUT comme partie aux procédures dans les litiges administratifs du travail relatifs à cette question; et vi) à titre d’exemple, le ministère du Travail a classé une enquête demandée par la CUT sur 20 coopératives de travail associé qui s’étaient converties en syndicats afin de pouvoir signer des contrats syndicaux et poursuivre leurs activités illégales d’intermédiation en matière d’emploi. Le comité note également que, pour sa part, le gouvernement déclare que: i) afin d’éviter que le contrat syndical ne soit utilisé comme un mécanisme d’intermédiation illégale en matière d’emploi et d’atténuer les éventuels effets préjudiciables des contrats syndicaux sur les relations collectives de travail, plusieurs réunions tripartites ont été organisées tout au long de l’année 2015 et le décret no 036 de janvier 2016 a été publié, qui établit des garanties supplémentaires telles que la nécessité que le syndicat ait été créé au moins six mois avant la signature du contrat syndical et l’obligation que le contrat soit approuvé par l’assemblée générale du syndicat; ii) les activités des services d’inspection du travail visant à lutter contre l’intermédiation illégale en matière d’emploi ont été significatives; iii) en atteste la sanction imposée par le ministère du Travail en avril 2017 à une entreprise du secteur de la confection et à une organisation syndicale qui avaient utilisé le contrat syndical comme une forme illégale d’intermédiation en matière d’emploi du fait qu’il existait une relation de travail subordonné effective entre l’entreprise et les membres du syndicat; et iv) depuis l’entrée en vigueur du décret no 036 de 2016, le nombre de contrats syndicaux a considérablement diminué.
  13. 314. Le comité prend bonne note du fait que le gouvernement reconnaît que le contrat syndical a souvent été utilisé comme un mécanisme d’intermédiation illégale en matière d’emploi – en particulier en substitution des coopératives de travail associé – et qu’un tel contrat a pu avoir des effets préjudiciables sur les relations collectives de travail. Le comité prend également dûment note des mesures de réglementation et de surveillance mentionnées par le gouvernement à cet égard. Le comité note en même temps que: i) malgré une diminution significative du nombre des contrats syndicaux conclus entre janvier 2016 et août 2017, ce nombre (selon les données gouvernementales, 1 675 contrats signés en 2016 et 855 contrats signés entre janvier et août 2017) reste sensiblement plus élevé qu’avant les réformes de 2010 (50 contrats signés en 2010), sans qu’il n’y ait eu de contestation de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle presque tous les contrats syndicaux seraient dans le secteur de la santé, auparavant caractérisé par une forte présence de coopératives de travail associé se consacrant à l’intermédiation de main d’œuvre; ii) hormis la sanction ponctuelle infligée à une entreprise et à un syndicat du secteur de la confection, le gouvernement n’a pas fourni de données consolidées sur les contrôles et inspections effectués spécifiquement en rapport avec les contrats syndicaux et n’a pas fourni d’informations sur les raisons pour lesquelles il a classé une enquête sur 20 coopératives de travail associé qui se seraient converties en organisations syndicales pour pouvoir signer des contrats syndicaux; iii) le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la pratique alléguée consistant à faire payer des droits d’inscription et des cotisations syndicales élevées aux travailleurs qui adhèrent à un syndicat pour pouvoir participer à un contrat syndical. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie additionnellement le gouvernement de fournir des informations, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs, sur l’impact du décret no 036 de 2016 et de sa mise en pratique concernant: i) les mesures prises pour prévenir une utilisation abusive du contrat syndical, notamment par de fausses organisations syndicales; et ii) l’efficacité de la politique d’inspection et de contrôle menée par le ministère du Travail pour ce qui a trait aux contrats syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 315. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Soulignant la singularité de la catégorie contractuelle examinée et la complexité de la question, le comité prie le gouvernement de fournir des informations, en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, sur l’impact du décret no 036 de 2016 et sa mise en pratique concernant: i) la nature des relations individuelles et collectives qui existent dans le contexte d’un contrat syndical entre le syndicat et ses membres, d’une part, et entre les membres et l’entreprise utilisatrice, d’autre part; ii) la possibilité effective, tant en droit qu’en pratique, que les travailleurs soient représentés et défendus par une organisation syndicale autre que l’entité exerçant un pouvoir de gestion et de décision sur leur emploi et de négocier collectivement de manière indépendante leurs conditions de travail; iii) les mesures prises pour prévenir une utilisation abusive du contrat syndical, notamment par de fausses organisations syndicales; et iv) l’efficacité de la politique d’inspection et de contrôle menée par le ministère du Travail pour ce qui a trait aux contrats syndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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