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Definitive Report - Report No 384, March 2018

Case No 3214 (Chile) - Complaint date: 04-MAY-16 - Closed

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Allégations: Non-respect, par les autorités, d’un protocole d’accord, répression des actions collectives menées pour paralyser les activités et pour protester, et non-utilisation des mécanismes de dialogue social pour régler le conflit

  1. 189. La plainte figure dans une communication du Groupement national des agents de la fonction publique du Chili (ANEF) en date du 4 mai 2016.
  2. 190. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 20 avril 2017.
  3. 191. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 192. Dans sa communication du 4 mai 2016, le Groupement national des agents de la fonction publique du Chili (ANEF) indique qu’il a signé, le 5 septembre 2014, un protocole d’accord (copie jointe) avec les autorités de la région d’Atacama dans le cadre des activités du bureau du secteur public de la région d’Atacama (ci-après, le BSP-Atacama). L’organisation plaignante indique que les principaux éléments de ce protocole étaient les suivants: i) le versement d’une prime spéciale pour les fonctionnaires en raison du coût de la vie dans la région, prime à caractère permanent et dont le montant définitif devait être fixé après une étude que l’Institut national de statistique (INE) devait mener en 2015 pour établir le coût réel de la vie dans la région; ii) l’intégration des représentants du BSP-Atacama dans l’équipe chargée de définir la portée de cette étude, ainsi que d’en effectuer le suivi et l’évaluation; iii) le versement d’une prime transitoire spéciale pour les fonctionnaires de la région, en 2015, en attendant que l’étude susmentionnée soit terminée, prime dont le versement pouvait être prolongé si l’étude prenait du retard; et iv) l’organisation de plusieurs tables rondes, entre le 8 et le 12 septembre 2015, portant notamment sur la situation des travailleurs publics contractuels de la région et sur les différentes mesures à prendre pour améliorer les conditions de vie des habitants de la région.
  2. 193. L’organisation plaignante allègue que le gouvernement n’a pas respecté ce protocole d’accord. Elle indique que, du fait de la signature de ce protocole, le 13 février 2015, la loi no 20815 portant prime transitoire spéciale pour les fonctionnaires de la région d’Atacama, en attendant que l’étude sur le coût de la vie dans la région soit terminée, a été publiée. Elle affirme que cette étude a été réalisée entre janvier et février 2016, en dehors des délais convenus, et dénonce le fait que, contrairement à ce qui avait été prévu dans le protocole d’accord, les représentants du BSP-Atacama n’ont pas été intégrés au groupe chargé de définir la portée de l’étude. De la même manière, elle indique que, en décembre 2015, face au retard que la réalisation de cette étude avait pris, l’intendant de la région d’Atacama a informé le BSP-Atacama que la prime transitoire spéciale continuerait d’être versée, aux mêmes conditions qu’en 2015. Elle dénonce également que les différentes tables rondes bipartites n’ont jamais été organisées, contrairement à ce qui était prévu dans le protocole d’accord. Enfin, elle allègue qu’un projet de loi disposant que seuls les travailleurs recevant une rémunération maximale de 700 000 pesos chiliens bénéficieraient de la prime spéciale permanente a été soumis au Parlement, le 7 avril 2016, sans que les travailleurs en aient été au préalable informés. Elle indique que les travailleurs se sont opposés à ce projet, qui a été rejeté par la commission des finances de la Chambre des députés, le 19 avril 2016.
  3. 194. L’organisation plaignante allègue que, face au non-respect du protocole d’accord, le 1er mars 2016, les syndicats et corporations représentés au sein du BSP-Atacama ont appelé à un arrêt de travail à durée indéterminé, arrêt qui a duré plus de soixante jours. Elle dénonce la répression contre les travailleurs ayant participé à cet arrêt. Elle dénonce en particulier: i) la répression exercée par l’unité des forces spéciales des carabiniers du Chili lors d’une manifestation des travailleurs au centre de la capitale régionale, le 9 mars 2016; ii) la rétention de 22 travailleurs, essentiellement des dirigeants syndicaux, qui participaient à une mobilisation, le 22 mars 2016; iii) la rétention du vice-président national de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) au cours d’une manifestation dans la région; et iv) l’engagement de poursuites pénales contre des fonctionnaires ayant participé à l’arrêt de travail d’une durée indéterminée au motif de la violation présumée de la loi no 12927 sur la sécurité intérieure de l’Etat. A cet égard, l’article 11 de cette loi dispose que «toute cessation ou suspension collective, tout arrêt ou toute grève des services publics (…) déclaré contrairement aux dispositions de la législation et qui trouble l’ordre public ou les services d’utilité publique dont le fonctionnement est garanti par la loi (…) constitue un délit et que l’auteur de tels actes encourt des peines de prison ou d’assignation à résidence correctionnelle de sévérité minime à moyenne». L’organisation plaignante ajoute que différentes autorités publiques ont appelé au dialogue entre le gouvernement et les syndicats, ce conflit ayant créé de vives tensions.
  4. 195. L’organisation plaignante allègue que des «listes noires» ont été établies et que des déductions ont été faites sur le salaire des fonctionnaires, à titre de répression pour avoir participé à l’arrêt de travail d’une durée indéterminée. Elle dit en particulier que, le 11 avril 2016, le sous-secrétariat à l’Intérieur a demandé aux services publics de la région d’établir la liste des fonctionnaires n’ayant pas travaillé en raison de cet arrêt de travail d’une durée indéterminée. Le sous-secrétariat aux Transports et aux Télécommunications a indiqué, dans sa décision no 81 du 12 avril 2016, que des déductions seraient appliquées au salaire de la représentante de l’Association des fonctionnaires. L’organisation plaignante dénonce que le fait que, de la même façon, le bureau du Contrôleur général de la République a rendu l’avis no 18297 (copie jointe) dans laquelle l’arrêt de travail d’une durée indéterminée des fonctionnaires est qualifié d’illégal sur la base du paragraphe 16 de l’article 19 de la charte fondamentale et de l’alinéa i) de l’article 84 du statut de l’administration. De la même manière, dans cet avis, le bureau du Contrôleur général de la République a indiqué que des déductions seraient appliquées aux salaires des fonctionnaires en raison de leur participation à la paralysie des activités, comme prévu à l’article 72 du statut de l’administration.
  5. 196. Enfin, l’organisation plaignante allègue que le gouvernement n’a pas eu recours aux mécanismes de dialogue social pour régler le conflit susmentionné. Elle considère en particulier que les articles 7 et 8 de la convention no 151, ratifiée par le Chili, qui prévoient l’adoption de procédures de négociation ou d’autres méthodes permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination des conditions d’emploi, ainsi que de mécanismes de règlement des différends survenant à propos de la détermination desdites conditions qui inspirent la confiance des intéressés, n’ont pas été respectés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 197. Dans sa communication du 20 avril 2017, le gouvernement indique qu’un protocole d’accord a été signé, le 5 septembre 2014, entre les autorités publiques de la région d’Atacama et le BSP-Atacama, dont fait notamment partie l’ANEF. Dans sa communication, il rappelle le contenu du protocole et en joint copie. Il indique qu’il a signé, après la présentation de la présente plainte, le 11 mai 2016, un accord avec les fonctionnaires réunis au sein du BSP Atacama (copie jointe). Il indique que la signature de cet accord a mis fin aux mobilisations et à la paralysie engagées par les fonctionnaires de la région d’Atacama et a réglé le conflit, de manière claire et précise.
  2. 198. Le gouvernement indique que, conformément aux dispositions du protocole d’accord de 2014, le 13 février 2015, la loi no 20815 portant prime transitoire spéciale pour les fonctionnaires de la région d’Atacama, pouvant être prolongée en 2016 en cas de retard dans l’élaboration de l’étude nécessaire pour décider du versement de la prime spéciale permanente, a été publiée. Il indique que l’INE a mené cette étude en temps voulu et que celle-ci a été publiée en décembre 2015 sous le titre Canasta Nacional Única de Gasto (Panier national unique de dépenses). Il ajoute que des tables rondes ont été organisées, les 7, 12, 15, 18, 23 et 30 mars 2016, pour faire connaître aux fonctionnaires d’Atacama les conclusions de cette étude qui devait servir à valider l’octroi d’une prime spéciale pour eux, à titre permanent. Il indique que, lors de ces réunions, les partenaires sociaux concernés ont été informés qu’il n’existait aucun fondement technique et aucune différence dans la réalité macroéconomique de la région d’Atacama justifiant la poursuite du paiement d’une prime spéciale pour les fonctionnaires d’Atacama. Il indique que, en vue de régler le conflit né de cette situation, l’accord de 2016 prévoit: i) la constitution d’un groupe de travail avant le 21 mai 2016, composé de membres du gouvernement et de représentants du BSP-Atacama, destiné à analyser les priorités et délais pour aborder les différentes thématiques figurant, notamment, dans le protocole d’accord de 2014; ii) la réalisation d’une nouvelle étude sur le coût de la vie dans la région d’Atacama à la fin du premier semestre de 2017 en vue d’examiner de nouveau le versement d’une prime aux fonctionnaires de la région, à titre permanent; iii) la constitution d’un groupe de travail réunissant le gouvernement et les représentants de la région à partir du 15 mai 2016, chargé de définir la portée de cette étude; et iv) le versement d’un traitement extraordinaire en 2016 et 2017 aux fonctionnaires de la région d’Atacama percevant des rémunérations moindres.
  3. 199. Le gouvernement indique que les faits précités ont donné lieu à des mobilisations et à un arrêt de travail d’une durée indéterminée des fonctionnaires d’Atacama au premier semestre de 2016, ainsi qu’à la présentation de la présente plainte. Il indique qu’il n’y a pas eu d’acte de répression et qu’aucune «liste noire» n’a été élaborée contre ceux qui avaient participé aux mobilisations et à l’arrêt de travail d’une durée indéterminée. Il ajoute que la police n’est intervenue que lorsqu’il était porté atteinte aux droits et à la sécurité des citoyens, par exemple lors de la prise de bâtiments publics, d’agressions physiques et de blocages de routes et de chemins qui entravaient la liberté de mouvement des habitants de la région d’Atacama. De la même manière, il indique que les autorités compétentes ont accédé aux demandes déposées pour organiser des marches et manifestations dans la région, conformément aux dispositions de la législation en vigueur, en particulier en ce qui concerne les conditions de faisabilité et la sécurité des travailleurs mêmes. Enfin, le gouvernement indique qu’il s’est engagé, aux termes des dispositions du point 2 de l’accord du 11 mai 2016, à créer un espace de travail régional avec les représentants des travailleurs afin d’analyser, et éventuellement de retirer, les plaintes pénales engagées suite aux faits liés aux mobilisations des fonctionnaires.
  4. 200. En ce qui concerne les déductions de salaire des fonctionnaires par jour/heure non travaillé, le gouvernement indique que cette mesure ne constitue pas une sanction contre les travailleurs, mais qu’elle répond à l’application de la réglementation en vigueur. A cet égard, il renvoie à l’article 72 du décret ayant force de loi no 29 de 2004 du ministère des Finances qui contient le texte, tel que remanié et systématisé, de la loi no 18834 relative au statut de l’administration. Ce texte dispose que l’on ne peut être rémunéré pour la période pendant laquelle on n’a pas effectivement travaillé, à l’exception de certains cas, parmi lesquels la participation à des actes entraînant la paralysie des activités ne figure pas, et que le temps non travaillé devra être déduit du salaire des employés. Le gouvernement renvoie également à différents avis du bureau du Contrôleur général de la République, notamment à l’avis no 62446 du 10 novembre 2009 qui établit que, «lorsque les employés publics ne s’acquittent pas de leurs fonctions parce qu’ils participent volontairement à une grève, à la cessation du travail ou à la paralysie des activités, le temps non travaillé pour cette raison doit être déduit de leur rémunération».
  5. 201. En ce qui concerne les mécanismes de règlement des conflits, le gouvernement indique que les autorités ont toujours été prêtes à rencontrer les travailleurs et ouvertes au dialogue. Il ajoute que la réglementation en matière de négociation collective des fonctionnaires pourrait mieux contribuer au règlement de conflits; toutefois, cette réglementation n’a pu être adoptée en l’absence d’accord avec les organisations. En définitive, le gouvernement affirme que les normes établies dans la convention no 151 sont respectées et que les fonctionnaires ont le droit de faire grève sans restriction.
  6. 202. En ce qui concerne les faits dénoncés et au vu des observations exprimées, le gouvernement estime que l’Etat chilien n’a pas enfreint les dispositions de la convention no 151, sans préjudice des divergences de vues entre les parties au sujet des faits survenus, divergences réglées grâce au dialogue, comme le montre la signature du protocole d’accord du 5 septembre 2014 et de l’accord du 11 mai 2016.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 203. Le comité constate que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que les autorités n’ont pas respecté un protocole d’accord, que les actions collectives menées pour paralyser les activités et les manifestations ont fait l’objet d’actes de répression et que les mécanismes de dialogue social n’ont pas été utilisés pour régler le conflit.
  2. 204. Le comité prend en particulier note du fait que l’organisation plaignante allègue que les dispositions figurant dans le protocole d’accord signé le 5 septembre 2014 entre les autorités de la région d’Atacama et les fonctionnaires représentés au BSP-Atacama n’ont pas été respectées. D’après l’organisation plaignante, l’étude nécessaire pour décider du versement d’une prime spéciale aux fonctionnaires de la région d’Atacama, à titre permanent, a été menée entre janvier et février 2016, en dehors des délais prévus. De plus, elle allègue que, contrairement à ce qui figure dans le protocole d’accord, les représentants du BSP-Atacama n’ont pas été inclus dans l’équipe chargée de définir la portée de cette étude, ainsi que d’en assurer le suivi et l’évaluation. Elle allègue également qu’aucune table ronde bipartite n’a été organisée sur les éléments figurant dans ce protocole. De la même manière, le 7 avril 2016, le gouvernement a présenté un projet de loi au Parlement sur les conditions dans lesquelles la prime spéciale à titre permanent serait octroyée, sans en avoir informé les travailleurs au préalable. A cet égard, le comité prend note du fait que le gouvernement déclare que cette étude a été terminée en bonne et due forme en décembre 2015 et que des tables rondes ont été organisées les 7, 12, 15, 18, 23 et 30 mars 2016 pour informer les fonctionnaires de la région d’Atacama du fait que, sur la base des résultats obtenus dans le cadre de cette étude, il n’existait aucun fondement technique et aucune différence dans la réalité macroéconomique de la région d’Atacama justifiant le maintien d’une prime spéciale.
  3. 205. Tout en constatant qu’il existe des divergences entre les parties au sujet du non-respect du protocole d’accord de 2014 qui a donné lieu au conflit, objet de la présente plainte, le comité note que, d’après le gouvernement, celui-ci a signé un accord avec les fonctionnaires représentés au BSP-Atacama, le 11 mai 2016, accord qui a mis fin à ce conflit. Le gouvernement transmet copie de cet accord.
  4. 206. En ce qui concerne les allégations de l’organisation plaignante sur les actes de répression présumés à l’égard de travailleurs ayant participé à des manifestations, commis par la police, le comité constate que, dans sa communication, le gouvernement indique que la police n’est intervenue que dans les cas où il était porté atteinte aux droits et à la sécurité des citoyens. En ce qui concerne l’engagement de poursuites pénales à l’égard des travailleurs ayant participé à l’arrêt de travail d’une durée indéterminée, le comité note que le gouvernement indique qu’il s’est engagé, aux termes de l’accord de 2016, à instaurer un espace de travail au niveau régional regroupant les représentants des travailleurs en vue d’analyser, et éventuellement de retirer, les plaintes pénales engagées suite aux faits liés aux mobilisations des fonctionnaires. Le comité constate que, comme l’indique l’ANEF et comme le montre la teneur de l’avis du bureau du Contrôleur général de la République, ces procédures pénales auraient été fondées sur l’abandon de poste présumé des fonctionnaires. En ce sens, le comité rappelle que «nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou d’y avoir participé» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 672] et espère fermement que ce processus d’examen des plaintes pénales garantira le plein respect de ce principe.
  5. 207. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante sur la constitution de «listes noires» et les déductions de salaire des travailleurs ayant participé à l’arrêt de travail d’une durée indéterminée, le comité prend note du fait que, dans sa réponse, le gouvernement déclare qu’aucune «liste noire» n’a été établie et que les déductions de salaire ont été effectuées en application de la réglementation en vigueur sur le temps non travaillé par les fonctionnaires. A cet égard, le comité rappelle que «les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 654.]
  6. 208. Enfin, en ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante relative à la non utilisation de mécanismes de dialogue social par le gouvernement pour régler le conflit ayant donné lieu à la présente plainte, le comité constate que le gouvernement souligne également à cet égard qu’il a conclu, grâce au dialogue social, avec les fonctionnaires membres du BSP Atacama, l’accord susmentionné du 11 mai 2016.
  7. 209. Par conséquent, à la lumière des informations fournies par le gouvernement sur la teneur de l’accord du 11 mai 2016, le comité croit comprendre que le conflit faisant l’objet de la présente plainte a finalement été réglé au moyen du dialogue entre les parties.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 210. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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