Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent la répression violente par
les forces de l’ordre d’une marche pacifique organisée notamment par les principales
centrales syndicales nationales
- 102. La plainte figure dans une communication de la Confédération
syndicale des travailleurs du Bénin (CSTB), de la Confédération des syndicats autonomes
du Bénin (CSA-Bénin), de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB), de
la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (COSI-Bénin), de la
Centrale des syndicats du privé et de l’informel du Bénin (CSPIB) et de la Fédération
des syndicats des travailleurs en charge des finances (FESYNTRA-Finances) en date du
25 février 2014.
- 103. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner
l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mars 2015 [voir 374e rapport,
paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que,
conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport,
approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond
de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées
n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune
information.
- 104. Le Bénin a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les
représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 105. Dans une communication en date du 25 février 2014, la Confédération
syndicale des travailleurs du Bénin (CSTB), la Confédération des syndicats autonomes du
Bénin (CSA Bénin), la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB), la
Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (COSI-Bénin), la
Centrale des syndicats du privé et de l’informel du Bénin (CSPIB) et la Fédération des
syndicats des travailleurs en charge des finances (FESYNTRA-Finances) ont indiqué avoir
organisé une marche pacifique le 27 décembre 2013 pour protester contre les privations
de liberté et l’insécurité grandissante dans le pays, ainsi que contre la validation de
résultats de concours dans la fonction publique au profit du ministère des Finances que
les organisations plaignantes considèrent frauduleux.
- 106. Selon les organisations plaignantes, toutes les formalités
administratives avaient été remplies en vue de l’organisation de la marche. Une
déclaration écrite a été adressée à la mairie de la ville de Cotonou qui ne s’est pas
opposée à la marche, puis le commissariat central a été informé pour l’encadrement des
marcheurs. Cependant, à la surprise générale, cette marche pacifique a été violemment
réprimée par les forces de l’ordre. Cette brutalité a occasionné plus d’une vingtaine de
blessés graves parmi lesquels des secrétaires généraux des confédérations. Ces derniers
ont dû être évacués à l’hôpital de Cotonou pour les premiers soins d’urgence.
- 107. Les organisations plaignantes rappellent avoir déjà présenté une
plainte en 2012 devant le Comité de la liberté syndicale pour des faits de violences
policières à l’encontre d’enseignants grévistes. Elles condamnent le fait que les actes
de violence des forces de l’ordre contre les activités syndicales soient désormais
courantes, à l’exemple de l’occupation de la bourse du travail par l’armée en octobre
2013, empêchant donc son accès aux secrétaires généraux des confédérations, ainsi que la
dispersion d’une marche pacifique organisée conjointement par la convention patriotique,
les forces de gauche, la société civile et les confédérations syndicales pour dénoncer
une tentative de révision de la Constitution nationale.
- 108. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que ces actes graves
de violence des autorités enfreignent non seulement les dispositions de la Constitution
nationale (art. 9 et 25), mais sont aussi contraires aux principes de la liberté
syndicale prescrits dans la convention no 87 que le Bénin a ratifiée.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 109. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la
présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux graves allégations de
l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par
un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité
prie instamment le gouvernement de coopérer avec les procédures à l’avenir.
- 110. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable
[voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité se
voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir
tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 111. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure
instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en
violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit
comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les
gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour
reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses
détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité,
paragr. 31.]
- 112. Le comité note que les allégations des organisations plaignantes
portent sur la répression violente par les forces de l’ordre d’une marche pacifique
organisée par les principales confédérations syndicales du pays en décembre 2013 pour
laquelle elles avaient reçu les autorisations de toutes les autorités compétentes. Le
comité note que les organisations plaignantes ont transmis dans leur plainte des
photographies prises pendant la marche pacifique, dont certaines montrent des individus
gravement blessés en train d’être évacués.
- 113. A cet égard, le comité ne peut qu’exprimer sa profonde préoccupation
face aux actes de violence allégués portant atteinte à la sécurité et à l’intégrité
physique de syndicalistes qui effectuaient une manifestation pacifique. En l’absence
d’information du gouvernement, le comité considère que les motifs de la marche pacifique
incluent la protection d’intérêts professionnels et estime utile de rappeler au
gouvernement que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de
respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du
droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. S’agissant particulièrement des
réunions et des manifestations publiques, le comité rappelle qu’il considère que les
travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre
leurs intérêts professionnels. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de
la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 43 et 133.]
- 114. Compte tenu de l’absence de réponse du gouvernement dans le présent
cas et ayant à l’esprit qu’il s’est déjà prononcé récemment concernant le gouvernement
du Bénin sur un cas de brutalités policières à l’encontre de syndicalistes enseignants
en grève [voir 367e rapport, cas no 2938, paragr. 213 à 231], le comité prie instamment
et fermement le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour
diligenter une enquête sur les faits de violence allégués, de prendre toutes les
dispositions adéquates et de donner les instructions appropriées aux forces de sécurité
pour s’assurer qu’à l’avenir le droit de manifestation pacifique des travailleurs pour
défendre leurs intérêts professionnels pourra être exercé conformément aux principes de
la liberté syndicale rappelés ci-dessus. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 115. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil
d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette
que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement
n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été
invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses
commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement
de coopérer avec les procédures à l’avenir.
- b) Le comité prie instamment et
fermement le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour
diligenter une enquête sur les faits de violence allégués, de prendre toutes les
dispositions adéquates et de donner les instructions appropriées aux forces de
sécurité pour s’assurer qu’à l’avenir le droit de manifestation pacifique des
travailleurs pour défendre leurs intérêts professionnels pourra être exercé
conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement
de le tenir informé à cet égard.