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- 158. La plainte figure dans une communication de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) et de l’Association des travailleurs de l’Etat (ATE), datée de juillet 2008. La CTA a fourni des informations complémentaires dans des communications datées de mai 2009 et février 2010.
- 159. Dans des communications en date des 22 septembre et 7 octobre 2008 et du 20 juillet 2009, le gouvernement a demandé des informations complémentaires aux organisations plaignantes pour pouvoir envoyer sa réponse. Ces informations ont été communiquées au gouvernement le 11 mars 2010; cependant, le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mai-juin 2010 [voir 357e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport (1972), approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du mois d’août 2010.
- 160. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 161. Dans leur communication de juillet 2008, la Centrale des travailleurs argentins (CTA) et l’Association des travailleurs de l’Etat (ATE) allèguent que, le 23 juin 2008, vers 23 h 15, M. Pablo Micheli, secrétaire général adjoint de la CTA et secrétaire général de l’ATE, a été enlevé et retenu pendant une heure et demie. Ce jour-là, alors qu’il se trouvait devant la porte de son domicile dans la localité de Lanús, située dans la province de Buenos Aires, il a été abordé par quatre hommes âgés d’une trentaine d’années, bien habillés, aux cheveux courts et portant des armes à feu, qui l’ont obligé à abandonner son véhicule pour ensuite le forcer à entrer dans un autre véhicule, utilisé par les auteurs de l’enlèvement. Après lui avoir couvert la tête d’un tissu noir, ces hommes l’ont obligé à monter dans ledit véhicule avec plusieurs membres du groupe, tandis que les autres s’éloignaient dans la voiture de l’ATE, véhicule de fonction du secrétaire général.
- 162. Les organisations plaignantes ajoutent que M. Micheli a précisé dans la plainte déposée au pénal qu’«ils ont clairement fait savoir qu’ils connaissaient le prénom de [sa] femme et de [ses] enfants; ce n’était pas un enlèvement sans préméditation, car ils savaient clairement qui [il était] et ils [l]’ont averti que cela irait mal pour lui s’il déposait plainte»; il s’est donc agi d’un délit perpétré par des professionnels, car ils étaient armés et ils savaient ce qu’ils faisaient; ils n’étaient ni drogués ni alcoolisés, ils étaient bien habillés et ils se déplaçaient dans un véhicule tout-terrain. Des menaces ont été proférées à l’encontre de M. Micheli pour qu’il cesse de parler et d’agir. L’un des détails pouvant indiquer qu’il ne s’agissait pas d’un délit commun est le fait qu’on lui a pris sa carte de crédit avec le code pour retirer de l’argent, mais que celle-ci lui a été restituée sans qu’aucune somme ne soit prélevée. Enfin, M. Micheli a été abandonné dans la commune de Villa Domínico, dans la zone sud de l’agglomération de Buenos Aires.
- 163. La CTA et l’ATE communiquent les éléments principaux de la plainte déposée devant le procureur responsable de la section no 14 du département judiciaire de Lomas de Zamora, dans le ressort duquel se trouvent le domicile de M. Pablo Micheli et le lieu où se sont déroulés les faits:
- A cette occasion, j’ai été intercepté par un 4x4 d’où sont descendues, d’après mes souvenirs, au moins trois personnes, qui ont braqué sur moi des armes à feu de gros calibre, c’est-à-dire de 9 millimètres. Je leur ai demandé de prendre ma voiture et de ne pas tirer. Ils m’ont dit qu’ils voulaient m’emmener avec eux et l’ont fait en me forçant à monter dans le véhicule tout-terrain et en proférant des menaces de mort à mon encontre. Les auteurs de l’enlèvement étaient jeunes – 30 ans au maximum –, bien habillés, ils s’exprimaient correctement et ne paraissaient ni drogués ni alcoolisés. Ils m’ont dit qu’ils me connaissaient, qu’ils savaient qui j’étais, ils m’ont traité de «syndicaliste…» et m’ont dit d’«arrêter de …» ou quelque chose dans le genre; ils n’ont pas cessé d’évoquer mon activité de syndicaliste et ont dit connaître parfaitement mes déplacements quotidiens ainsi que ceux de ma famille, et d’«arrêter de casser les couilles et de faire chier», ce que j’ai compris comme étant en rapport direct avec mon activité publique en tant que représentant syndical. Nous avons tourné en voiture dans la ville pendant environ une heure et demie et j’étais très inquiet de savoir ce qui pouvait m’arriver ainsi qu’à ma famille. Après cela, ils m’ont relâché à Villa Domínico, à une vingtaine de pâtés de maisons de l’avenue Mitre.
- Je ne parviens pas à comprendre le but de cet enlèvement car, bien qu’ils m’aient pris ma carte bancaire et m’aient demandé mon code, ils n’ont vraisemblablement pas été utilisés ni mon compte vidé. C’est pour cette raison qu’il pourrait s’agir d’après moi d’une action de coercition relative à mon activité syndicale, bien que mon indépendance syndicale – en tant que représentant des travailleurs – soit reconnue car je ne suis pas la ligne du gouvernement ni celle des secteurs qui s’y opposent, notamment depuis le récent conflit avec les organisations rurales.
- Je n’ai pas pu tirer pour l’instant davantage de conclusions que les présentes et c’est pour cela que, passé le choc causé par cet épisode, je viens en informer le procureur en temps utile afin qu’elles soient prises en considération dans l’enquête sur les faits délictueux, étant donné que, d’après moi, il ne s’est sans doute pas agi d’un simple vol mais plutôt d’une coercition aggravée, liée à mon activité syndicale.
- 164. Les organisations plaignantes signalent que, à quelle fin que ce soit pour le gouvernement, il ne fait pas de doute que l’Etat doit encourager la rapidité des enquêtes et des procédures afin de permettre une recherche efficace des auteurs et des instigateurs des faits mentionnés, de même que l’accès à la justice doit être rapide et efficace, d’autant plus s’il s’agit du secrétaire général adjoint d’une centrale de travailleurs et du secrétaire général d’un des syndicats les plus importants du pays.
- 165. Dans sa communication de mai 2009, la CTA déclare que, bien que le cas ait été exposé à la justice ainsi qu’aux autorités politiques compétentes en la matière, qui se sont engagées à mettre en œuvre les moyens et les ressources nécessaires à l’élucidation immédiate du cas, et malgré la gravité de celui-ci, aucune avancée de la procédure judiciaire n’a été enregistrée. Ni M. Micheli ni la CTA n’ont reçu du pouvoir exécutif de communication leur permettant de croire que le cas sera résolu et que les obligations légales du gouvernement et l’engagement susmentionné seront respectés.
- 166. La CTA déclare, dans une communication de février 2010, que la plainte déposée auprès de la section no 14 du département judiciaire de Lomas de Zamora au sujet de l’enlèvement de M. Micheli, survenu le 23 juin 2008, fait l’objet d’une enquête pénale préparatoire (no 862519), revenant à la section no 18 du tribunal pénal du même département judiciaire.
- B. Réponse du gouvernement
- 167. Dans ses communications des 22 septembre et 7 octobre 2008 et du 20 juillet 2009, le gouvernement indique qu’il a besoin d’informations concernant le numéro du cas et le dossier de plainte, afin que le procureur compétent (qui a déjà été consulté) puisse déterminer les faits et transmettre les informations qu’il estimera pertinentes. Le gouvernement ajoute que ce n’est qu’une fois muni de ces informations qu’il pourra mener les consultations pertinentes et formuler une réponse satisfaisante à la plainte pour violation présumée des droits syndicaux de la part de l’Etat argentin. Dans sa communication datée du mois d’août 2010, le gouvernement indique qu’il a demandé des informations au ministère public, lequel l’a informé du fait qu’il n’y a aucun dossier individualisé contenant les informations fournies par le syndicat. Le gouvernement a informé la CTA de ces faits.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 168. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent l’enlèvement momentané (d’une durée d’une heure et demie) et à des fins d’intimidation de M. Pablo Micheli, en raison de son activité syndicale en tant que secrétaire général adjoint de la CTA et secrétaire général de l’ATE, le 23 juin 2008. Les organisations plaignantes indiquent que l’enlèvement s’est produit devant le domicile de M. Micheli et qu’il a été perpétré par un groupe de personnes portant des armes à feu, dont les membres ont dit connaître le nom de sa femme et de ses enfants, et que, pendant l’enlèvement, on l’a menacé pour le faire cesser de parler et d’agir.
- 169. Le comité observe que, depuis que la plainte a été transmise au gouvernement, celui-ci a demandé le numéro du dossier de la plainte déposée au pénal afin de pouvoir se référer à l’information pertinente. Ce numéro a été communiqué par l’organisation plaignante en février 2010. Cependant, dans sa récente communication, le gouvernement indique qu’il n’y a aucun dossier individualisé contenant les informations fournies par le syndicat.
- 170. Dans ces conditions et tenant compte de la gravité des allégations, le comité prie l’organisation plaignante de fournir les informations précises relatives à la plainte déposée auprès du procureur ainsi que de plus amples détails pour que ce dernier puisse communiquer des informations sur l’avancement de l’enquête menée au sujet de l’enlèvement du dirigeant syndical M. Pablo Micheli. Par ailleurs, le comité demande également au gouvernement de mener une enquête concernant les allégations et espère vivement que ses auteurs et ses instigateurs seront sévèrement sanctionnés. De même, si M. Micheli le réclamait, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures de protection nécessaires pour garantir sa sécurité personnelle.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 171. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité prie l’organisation plaignante de fournir les informations précises relatives à la plainte déposée auprès du procureur ainsi que de plus amples détails pour que ce dernier puisse communiquer des informations sur l’avancement de l’enquête menée au sujet de l’enlèvement momentané du dirigeant syndical M. Pablo Micheli. Par ailleurs, le comité demande également au gouvernement de mener une enquête concernant les allégations et espère vivement que les auteurs et les instigateurs de cet enlèvement seront sévèrement sanctionnés. De même, si M. Micheli le réclamait, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures de protection nécessaires pour garantir sa sécurité personnelle.