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Interim Report - Report No 343, November 2006

Case No 2265 (Switzerland) - Complaint date: 14-MAY-03 - Active

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  1. 1065. Le comité a examiné ce cas quant au fond à sa session de novembre 2004, où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 335e rapport, paragr. 1260-1356.]
  2. 1066. L’Union syndicale suisse (USS) a communiqué des informations supplémentaires par courrier en date du 7 avril 2006.
  3. 1067. Le gouvernement a envoyé des communications aux dates suivantes: 30 novembre 2004; 8 mars, 27 avril, 25 août et 13 décembre 2005; 17 et 27 janvier, 21 avril, 19 juin et 5 octobre 2006.
  4. 1068. La Suisse a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 1069. Lors de sa réunion de novembre 2004, le comité a formulé les recommandations suivantes:
  2. Le comité invite le gouvernement, de concert avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, à examiner la situation actuelle en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements pour motifs antisyndicaux afin que, à la lumière des principes exposés ci-dessus et si la discussion tripartite l’estime nécessaire, des mesures soient prises pour qu’une telle protection soit réellement efficace dans la pratique. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur l’évolution de la situation quant aux questions traitées dans ce cas.
  3. B. Informations additionnelles
  4. 1070. Dans sa communication du 7 avril 2006, l’USS déclare que, suite au rapport du comité, des discussions ont été menées au sein de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT entre les représentants du gouvernement, des employeurs, de l’USS et de Travail.Suisse (seconde organisation syndicale faîtière du pays). Selon l’USS, les discussions sont bloquées, les représentants patronaux s’opposant à toute amélioration de la protection des délégués syndicaux et des représentants élus des travailleurs, malgré des propositions de compromis présentées par l’USS (voir annexe 1). Face à cette opposition, le gouvernement suisse semble estimer ne pas être en mesure d’agir.
  5. 1071. Dans la pratique, la situation des représentants syndicaux et du personnel continue à se dégrader sous les effets de la concurrence accrue résultant de la mondialisation des échanges. Les licenciements des défenseurs des droits du personnel dans les entreprises sont toujours plus nombreux en Suisse, compte tenu de l’absence de toute protection efficace contre la résiliation de leur contrat de travail. L’USS donne de nouveaux exemples de licenciements abusifs de délégués syndicaux et de représentants élus des travailleurs, qui s’ajoutent aux 11 cas mentionnés dans la plainte initiale:
  6. - Caran d’Ache SA, Genève, licenciement de MM. Rémi Cottenceau et Jean-Marc Hochuli (licenciement de deux des trois membres de la Commission du personnel administratif et d’encadrement technique de Caran d’Ache SA). Caran d’Ache SA est une entreprise occupant environ 280 personnes. Le personnel d’exploitation, soit environ 100 personnes, a sa propre commission du personnel et est soumis à une autre convention collective de travail que le personnel administratif et technique qui compte environ 180 personnes. La Commission du personnel administratif et d’encadrement technique a été réélue le 11 décembre 2003, au terme d’une procédure électorale sollicitée par le personnel et acceptée par la direction. Les résultats de l’élection ont été validés notamment par la directrice des ressources humaines et représentante de la direction au sein de la commission électorale.
  7. La commission du personnel a travaillé et rencontré la direction à plusieurs reprises en 2004 et 2005. En septembre 2005, la direction a licencié quatre personnes sur 180 employés administratifs et techniques, pour raison économique, dont deux des trois membres de la commission du personnel, sans invoquer aucune faute à leur égard. Les deux membres licenciés ont saisi le Tribunal de la juridiction des prud’hommes du canton de Genève. Lors de l’audience de conciliation, Caran d’Ache SA a accepté de verser à M. Cottenceau l’équivalent de six mois de salaire à titre d’indemnité, soit l’indemnité maximale qui peut être obtenue au terme de la procédure pour licenciement abusif d’un représentant du personnel. Le cas de M. Hochuli est encore pendant devant la juridiction des prud’hommes du canton de Genève.
  8. - Nove, Impression et Conseil SA, Nyon (Vaud), licenciement de M. Marc Boutin. En 2003, lors des élections à la commission du personnel, M. Michel Python, premier employé à se porter candidat, est licencié. Un membre du personnel, M. Marc Boutin, fait signer une pétition contre ce licenciement. Le syndicat Comédia obtient ensuite une indemnisation de la part de l’entreprise pour M. Python. Les élections n’ont pas lieu. Au début de l’été 2003, M. Marc Boutin, approché à cette fin par la direction, accepte d’être nommé membre de la commission du personnel. Il était également représentant (personne de contact) du syndicat Comédia dans l’entreprise.
  9. Un procès-verbal d’une réunion syndicale, au cours de laquelle M. Boutin expose la situation difficile que vit le personnel dans l’entreprise Nove, parvient à la direction de celle-ci au cours de la deuxième moitié du mois d’avril 2004. Le 10 mai 2004, lors d’une séance de la commission du personnel de l’entreprise Nove, à laquelle M. Boutin ne peut pas participer car il travaille en équipe, le directeur de l’entreprise rapporte que des torts importants ont été causés à l’entreprise par un employé (il ne peut s’agir que de M. Boutin) auprès du syndicat, sous forme de rumeur négative et destructrice. Le 25 mars 2004, M. Boutin est licencié; la raison invoquée est celle de la mauvaise conjoncture et d’une situation économique difficile. Le poste de M. Boutin est pourtant repourvu et, au moment du licenciement, les horaires étaient prolongés de trois heures par jour en raison du grand volume de travail à traiter. Dans un jugement du 11 janvier 2005, le tribunal des prud’hommes de la Côte (Vaud) déboute M. Boutin en invoquant les deux motifs suivants: i) il n’est pas prouvé que c’est lui qui a critiqué fortement l’entreprise lors d’une réunion syndicale et que c’est ce motif qui est à l’origine du licenciement; ii) il a été nommé à la commission du personnel de la défenderesse, ayant été approché par la direction à cette fin, mais pas formellement élu par le personnel, et ne bénéficierait dès lors pas de la protection contre les licenciements abusifs. Dégoûté, M. Boutin s’est refusé à poursuivre plus avant la procédure et à faire recours au tribunal cantonal.
  10. - Etablissement médicosocial (EMS) La Colline (Vaud), licenciement de MM. Damien Duplan, Merito Iglesias et Christophe Pariat (trois délégués du personnel). Un conflit est né dans l’entreprise entre la direction et le personnel appuyé par le syndicat SSP en 2005. L’Office cantonal de conciliation, autorité étatique chargée de concilier les conflits collectifs de travail, a été saisi. Le personnel a donc désigné trois syndiqués, ayant tous trois des responsabilités dans l’établissement, pour le représenter lors des négociations avec la direction devant l’Office cantonal de conciliation: MM. Damien Duplan, Merito Iglesias et Christophe Pariat. Deux jours avant la séance de l’Office cantonal de conciliation, le 27 septembre 2005, les trois délégués ont été licenciés par l’EMS La Colline. Le conseiller d’Etat chargé du département de la Santé et de l’Action sociale a délégué le chef du service de la santé publique pour tenter un arbitrage. Dans ce cadre, comme condition à la tenue de l’arbitrage, le personnel a obtenu la réintégration de ses trois délégués.
  11. - Fondation de Nant (Vaud), licenciement de M. Antonia Herranz et de la présidente de la commission du personnel. Le 25 septembre 2002, la Chambre de recours du tribunal du canton de Vaud a rendu un arrêt condamnant l’employeur de M. Herranz, la Fondation de Nant, à une indemnité de cinq mois de salaire brut pour licenciement abusif. Le tribunal cantonal a estimé «qu’un large faisceau d’indices permet d’affirmer que l’appartenance du recourant à un syndicat et les activités de défense des employés qu’il a déployées durant son engagement ont eu une importance prépondérante dans la décision de le licencier». L’organisation plaignante précise que M. Herranz, infirmier, a travaillé pour la fondation du 1er mars 1987 au 31 décembre 2000 et qu’il a été licencié pour avoir, notamment, rédigé avec d’autres membres du personnel une pétition pour protester contre le licenciement d’une employée qui avait plus de vingt ans de service. Le tribunal relève encore qu’en 1999 la présidente de la commission du personnel avait été licenciée par l’intimée et que l’ensemble de la commission avait démissionné.
  12. - Laiteries Réunies de Genève (Genève), licenciement de M. Olivier Schürch, président de la commission ouvrière. Les Laiteries Réunies de Genève (LRG) rassemblent huit sociétés du domaine agroalimentaire, qui occupent environ 700 personnes. En 2005, les LRG ont adopté une position très dure dans les négociations de renouvellement de la convention collective de travail, puis ont interrompu ces négociations, provoquant un vide conventionnel depuis le 1er janvier 2006. A mi-février 2006, les LRG ont licencié M. Schürch en invoquant des motifs d’ordre économique. Cet employé, qui avait dix-neuf ans d’ancienneté, a été accompagné le jour même à son véhicule, sans même avoir eu la possibilité de ranger ses affaires et d’éteindre son ordinateur. Une procédure pour licenciement abusif d’un représentant des travailleurs est actuellement pendante devant la juridiction des prud’hommes du canton de Genève.
  13. - Flasa SA, filature de laine peignée d’Ajoie SA (Jura), licenciement de M. Francis Leprince. L’USS revient sur le cas no 1 cité dans la plainte du 14 mai 2003, pour lequel la demande en justice était pendante au moment du dépôt de la plainte. La procédure devant le conseil des prud’hommes a donné lieu à une audience de conciliation le 21 octobre 2003, qui a échoué. Alors que la procédure était en cours, le travailleur a constaté qu’il était boycotté par les employeurs de la région qui refusaient de l’engager tant et aussi longtemps qu’il soutenait une procédure en justice pour faire valoir ses droits. Face à ces refus d’embauche, M. Leprince, qui a charge de famille, s’est senti contraint d’accepter une transaction au terme de laquelle une indemnité de 16 000 francs, soit plus de quatre mois de salaire, lui a été versée. Dans un article paru dans l’Evénement syndical du 5 novembre 2003, le secrétaire régional du syndical FTMH relevait que, dans cette entreprise, «sur les six représentants syndicaux qui travaillaient chez Flasa, il n’en reste désormais plus que deux, car trois d’entre eux ont été licenciés pour des motifs annoncés économiques et un quatrième est parti volontairement car il disait ne plus supporter les pressions dont il était l’objet».
  14. 1072. Au vu de ce qui précède, l’USS demande au comité de bien vouloir constater que la Suisse n’est pas en conformité avec les normes de l’OIT, et notamment avec la convention no 98, qu’elle a ratifiée, ainsi qu’avec la convention no 135.
  15. C. Réponses du gouvernement
  16. 1073. Dans sa communication du 30 novembre 2004, le gouvernement informe le comité que divers facteurs ayant une incidence sur ce cas (débats parlementaires; consultations aux niveaux administratif et ministériel; information ou consultation éventuelle de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT) le contraignaient à demander un délai pour la production de ses observations.
  17. 1074. Dans ses communications des 8 mars et 27 avril 2005, le gouvernement indique qu’un projet de rapport supplémentaire, en réponse à la recommandation du comité, a été soumis le 4 mars 2005 à la Commission fédérale tripartite sur les affaires de l’OIT; cette dernière a discuté du projet et a décidé d’accorder un délai supplémentaire aux partenaires sociaux pour consultation et prise de position, à la demande de l’organisation plaignante, appuyée par les membres employeurs et gouvernementaux. Il avait alors été convenu que les partenaires sociaux feraient parvenir leurs observations écrites et propositions concrètes au secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) pour la fin juin. Une réunion de la commission était prévue le 18 août 2005 pour discuter des diverses approches et une autre était envisagée vers la fin septembre 2005 pour tenter de finaliser le rapport. Ces facteurs contraignaient le gouvernement à demander un délai supplémentaire pour la production de ses observations, soit vers l’automne 2005.
  18. 1075. Dans sa communication du 25 août 2005, le gouvernement donne certaines informations sur le suivi donné aux recommandations du comité et demande une nouvelle prolongation de délai pour fournir son rapport supplémentaire. Selon le gouvernement, il est ressorti de la consultation tenue fin juin 2005 que les points de vue des partenaires sociaux étaient a priori inconciliables. En effet, si les employeurs ont confirmé leur soutien au texte, les syndicats (USS et Travail.Suisse) ont notamment: soutenu le principe et l’objet de la plainte et demandé que des mesures soient prises pour assurer une protection effective contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux; exprimé leur opposition à certains passages du projet de rapport et demandé des adaptations substantielles du projet de rapport; et demandé la création d’un groupe de travail réunissant les partenaires sociaux pour discuter des mesures à prendre.
  19. 1076. La commission fédérale s’est à nouveau réunie le 18 août 2005 pour discuter des diverses options. A cette occasion, elle a débattu des options possibles pour la poursuite des travaux. Elle a été saisie de deux options envisageables, à savoir: option 1: organiser une discussion tripartite permettant d’examiner la situation en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Cet examen servirait de base de réflexion aux participants à la discussion tripartite pour déterminer les options envisageables pour la poursuite des travaux; option 2: amender le texte du projet de rapport selon les prises de position des partenaires sociaux et poursuivre les travaux pour soumission du rapport au Conseil fédéral puis à l’OIT.
  20. 1077. La commission fédérale a choisi l’option 1, respectant ainsi les termes de la conclusion intérimaire du Comité de la liberté syndicale. En conséquence, la commission fédérale a décidé que le projet de rapport du gouvernement serait adapté plus tard, sur la base du résultat de la discussion tripartite. L’évolution des travaux de suivi par la commission fédérale a été immédiatement portée à la connaissance du gouvernement suisse, qui a pris note de la présente information destinée au comité. Comme suite également à la séance du 18 août 2005, le secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) a immédiatement invité les membres concernés de la commission fédérale à désigner les personnes qui participaient à la discussion tripartite susmentionnée afin de commencer, dans les meilleurs délais, les travaux selon le mandat donné par ladite commission.
  21. 1078. Dans sa communication du 13 décembre 2005, le gouvernement indique que la commission fédérale s’est à nouveau réunie le lundi 28 novembre 2005. La discussion s’est déroulée dans un climat serein et ouvert, dans le but d’examiner la situation en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Lors de cette discussion, les partenaires sociaux ont confirmé leurs convictions de principe: pas de changement de la législation ni de la pratique pour les employeurs alors que les travailleurs ont demandé des changements, en présentant des propositions concrètes; celles-ci couvraient notamment l’introduction d’une annonce préalable à l’instance compétente (juge, office de conciliation ou du travail) de l’intention de l’employeur de licencier le représentant syndical et/ou l’élaboration d’une solution s’inspirant de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg).
  22. 1079. Selon le gouvernement, il n’était pas possible, à ce stade, de dire si l’on trouverait une solution convenant à tous. Toutefois, il s’est dégagé de nouvelles pistes de réflexion qui pourraient permettre, si telle est la volonté unanime des partenaires sociaux, de poursuivre l’échange d’idées dans le cadre de la discussion tripartite sur d’éventuelles mesures à prendre en cas de licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Les partenaires sociaux avaient la possibilité de prendre position pour la fin décembre 2005 sur l’opportunité de poursuivre l’échange d’idées sur les nouvelles pistes de réflexion dans le cadre de la discussion tripartite. Un examen de la situation serait fait sur la base des prises de position des partenaires sociaux début 2006. Vu ce qui précède, le gouvernement n’était pas en mesure de faire parvenir ses observations pour la session de mars 2006 du comité.
  23. 1080. Dans sa communication du 17 janvier 2006, le gouvernement précise la nature de ses observations antérieures, qu’il considère comme un suivi régulier d’informations sur le processus en cours au niveau national pour tenir le comité informé des démarches entreprises, qui s’inscrivent dans le contexte du principe de la démocratie directe. Le gouvernement rappelle également que le projet de rapport discuté en mars 2005 par la commission tripartite avait été suspendu à la demande de l’organisation plaignante et que, depuis lors, les discussions tripartites n’avaient pas permis d’aboutir à une solution.
  24. 1081. Dans sa communication du 27 janvier 2006, le gouvernement assure le comité qu’il prend les mesures nécessaires pour la production du rapport dans les meilleurs délais, mais que le processus de prise de décision passe par toute une série de procédures formelles prescrites par la législation nationale. Un nouveau texte de rapport pourrait être finalisé dans le courant du mois de mars 2006. Ensuite, ce texte, accompagné d’un projet de décision gouvernementale, doit être soumis à une consultation des offices et services intéressés de l’administration fédérale pendant sept semaines. A l’issue de cette consultation, il doit être procédé à la consultation de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT, dont la date de réunion n’a pas encore pu être fixée, vu les circonstances. Ce n’est qu’une fois l’avis de la commission recueilli que le dossier pourra être soumis pour prise de décision au Conseil fédéral suisse, décision qui interviendra à l’issue d’une nouvelle procédure de consultation au niveau des départements et secrétariats généraux (ministères et cabinets ministériels) dont la durée est fixée à trois semaines.
  25. 1082. Dans sa communication du 21 avril 2006, le gouvernement relève que la communication de l’USS, en date du 7 avril 2006, contient une appréciation politique de la situation et que l’USS transmet de son propre chef au BIT des propositions de modifications légales. Le gouvernement rappelle également que, par courrier du 27 janvier 2006, il avait informé le comité de la situation quant au traitement de ce dossier au plan suisse, à l’appui de sa demande de prolongation de délai pour la remise du rapport supplémentaire du gouvernement. Dans ce courrier, il était précisé que le gouvernement prenait les mesures nécessaires pour la production du rapport supplémentaire dans les meilleurs délais, mais que le processus de prise de décision passe par toute une série de procédures formelles prescrites par la législation nationale. Ces procédures formelles étaient décrites de manière détaillée, notamment quant aux délais applicables. Comme annoncé, le projet de rapport supplémentaire a été finalisé en mars 2006; il se fonde sur la situation décrite dans la plainte de l’USS du 14 mai 2003 et sur la recommandation intérimaire du comité du 17 novembre 2004. Ce texte, accompagné d’un projet de décision gouvernementale, est [actuellement] soumis à une consultation des offices et services intéressés de l’administration fédérale jusqu’à fin avril 2006. La Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT sera consultée le 16 mai 2006 sur ce texte. La décision du gouvernement suisse est agendée pour le 28 juin 2006. Il n’est plus possible de modifier la procédure en cours au plan de la décision politique gouvernementale. Dès qu’il aura pris sa décision, le gouvernement fournira au comité son rapport supplémentaire correspondant à la situation décrite ci-dessus.
  26. 1083. Selon le gouvernement, force est de constater que l’actuel développement de la situation rend pratiquement impossible la finalisation du rapport gouvernemental dans un délai raisonnable. L’examen des allégations additionnelles de l’USS va demander un temps considérable pour requérir notamment l’information nécessaire auprès des instances judiciaires locales. De plus, les autres éléments figurant au courrier de l’USS, à savoir l’appréciation politique de la situation et les propositions de modifications législatives, vont nécessiter un examen approfondi. Ces consultations et l’élaboration d’un rapport gouvernemental séparé se référant aux nouveaux développements nécessiteront de nombreux mois de travaux supplémentaires. Sur cette base, le gouvernement soumettra au comité un rapport séparé le moment venu. Le gouvernement ajoute qu’il informera le comité des développements, comme il l’a toujours fait depuis l’ouverture de ce cas.
  27. 1084. Dans sa communication du 19 juin 2006, le gouvernement déclare que la délégation gouvernementale suisse a accepté la recommandation du comité [voir 335e rapport, paragr. 1356] et qu’il confirme tant le fond et la forme de son rapport initial que la déclaration faite par son représentant le 17 novembre 2004 dans le cadre de la 291e session du Conseil d’administration du BIT.
  28. 1085. L’Union syndicale suisse (USS) a livré à l’OIT de nouveaux développements concernant sa plainte de mai 2003. Le BIT les a transmis aux services de l’administration fédérale le 12 avril 2006, ainsi qu’une liste de 10 nouveaux cas dénoncés par l’USS. Considérant que le dossier ne sera jamais traité s’il est sans cesse confronté à de nouveaux éléments, le gouvernement a décidé que son rapport supplémentaire du 19 juin 2006 se réfère à la situation décrite dans la plainte de l’USS de 2003 et à la décision intérimaire du comité du 17 novembre 2004, et qu’il livrerait, le moment venu, au comité un rapport séparé relatif aux nouveaux développements. A cet égard, le gouvernement indique dans sa communication du 5 octobre 2006 qu’un projet de rapport séparé du Conseil fédéral a été préparé pour répondre aux allégations additionnelles présentées le 7 avril 2006 par l’USS à l’appui de sa plainte. Ce projet de rapport a été envoyé en consultation des services de l’administration fédérale. La Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT a ensuite été consultée par écrit le 28 août 2006, avec délai pour prise de position jusqu’au 12 septembre 2006. Cette manière de procéder devait permettre au Conseil fédéral d’approuver ce projet de rapport au plus tard vers mi-octobre 2006 pour transmission rapide au Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement précise que certains membres, notamment travailleurs, de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT ont toutefois demandé une convocation formelle de la commission pour débattre du projet de rapport du Conseil fédéral. Le gouvernement a entendu réserver une suite favorable à cette demande, notamment dans l’esprit de la conclusion intérimaire du Comité de la liberté syndicale du 17 novembre 2004, la réunion de la Commission tripartite étant prévue en novembre 2006. A l’issue de cette séance, le dossier sera alors soumis pour décision au Conseil fédéral pour être livré ensuite au Comité de la liberté syndicale.
  29. 1086. Par courriers des 8 mars, 27 avril, 25 août et 13 décembre 2005, 17 janvier et 27 janvier 2006, le gouvernement a tenu informé le comité des développements du dossier au plan national, en vue de l’élaboration du projet de rapport supplémentaire du Conseil fédéral (CF). Dans l’esprit du gouvernement suisse, il s’agissait d’assurer ainsi un suivi régulier d’informations sur le processus en cours au niveau national et, si possible et nécessaire, d’établir un dialogue avec le comité. En effet, la discussion tripartite mise en place à la suite de la recommandation intérimaire du 17 novembre 2004 est un processus d’une certaine complexité, qui s’inscrit dans un contexte politique plus large et dans le plein respect du principe de la démocratie directe, fondement de l’ordre constitutionnel et politique suisse.
  30. 1087. La Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT a été consultée (ci-après la commission fédérale: commission extraparlementaire consultative créée en 2000 suite à la ratification de la convention no 144 sur les mécanismes de consultations tripartites et regroupant des représentants de l’administration fédérale et des partenaires sociaux).
  31. 1088. Un projet de rapport supplémentaire du CF, en réponse à la recommandation du comité, a été soumis à la commission fédérale le 4 mars 2005, puis le 18 août 2005. Ce projet de rapport abordait en détail la question du renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux, telle que discutée au niveau national en relation avec les mesures d’accompagnement à l’Accord sur la libre circulation des personnes passé entre la Suisse et l’Union européenne. Il décrivait le suivi donné à diverses interventions parlementaires mentionnées dans le premier rapport du CF ou déposées depuis lors. Une section était consacrée aux réactions des partenaires sociaux et du gouvernement suite à la décision du Conseil d’administration du 17 novembre 2004. Le projet présentait ensuite la jurisprudence développée en relation avec des cas de licenciements visés par la plainte. Des informations étaient fournies sur le suivi des cas en suspens. Le projet de rapport présentait les moyens supplémentaires offerts par la démocratie directe suisse pour traiter la revendication centrale de l’USS. Enfin, le projet de rapport dressait le constat de la situation, et il reflétait la conclusion du CF.
  32. 1089. Le 4 mars 2005, la commission fédérale a discuté du projet de rapport, et elle a décidé d’accorder un délai supplémentaire aux partenaires sociaux pour prise de position et consultation sur le projet de rapport gouvernemental, ceci à la demande de l’organisation plaignante. Les membres employeurs et gouvernementaux de la commission fédérale ont soutenu le principe de cette demande de prolongation. Le délai a été fixé à fin juin 2005, et les partenaires sociaux ont été priés de faire tenir leurs commentaires écrits sur le projet de rapport, avec propositions concrètes dans ce délai. Les points de vue des partenaires sociaux exprimés dans le cadre de cette consultation étaient a priori inconciliables. En effet, si les employeurs ont confirmé leur soutien au texte du projet gouvernemental, les syndicats (USS et Travail.Suisse) ont fait part des considérations suivantes:
  33. – «soutien au principe et à l’objet de la plainte, et demande pour que des mesures soient prises afin d’assurer une protection effective contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux»;
  34. – «opposition à certains passages du projet de rapport et demande d’adaptations substantielles du projet de rapport»;
  35. – «demande de la création d’un groupe de travail réunissant les partenaires sociaux pour discuter des mesures à prendre».
  36. 1090. La commission fédérale s’est à nouveau réunie le 18 août 2005 pour discuter des diverses options visant à assurer le suivi du dossier. A cette occasion, la commission fédérale a décidé d’organiser une discussion tripartite permettant d’examiner la situation en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Cet examen devait servir de base de réflexion aux participants à la discussion tripartite pour déterminer les options envisageables pour la poursuite des travaux. En conséquence, la commission fédérale a décidé que les observations du CF seraient présentées plus tard, sur la base du résultat de la discussion tripartite.
  37. 1091. Compte tenu des termes de la conclusion intérimaire du comité, la discussion tripartite a eu lieu le lundi 28 novembre 2005, dans le but d’examiner la situation, en droit et en pratique, en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. La discussion a également abordé les éventuelles mesures à envisager pour renforcer la protection contre ces congés abusifs pour motifs antisyndicaux. Les partenaires sociaux ont confirmé leurs convictions de principe: pas de changement de la législation ni de la pratique pour les employeurs versus changements demandés par les travailleurs. Toutefois, il s’est dégagé de nouvelles pistes de réflexion qui auraient pu permettre, si telle avait été la volonté unanime des participants, de poursuivre l’échange d’idées dans le cadre de la discussion tripartite.
  38. 1092. Les travailleurs ont en effet présenté oralement deux idées de modifications législatives [annonce préalable à une instance compétente (juge ou office de conciliation) de l’intention de l’employeur de licencier le représentant syndical; reprise de la solution prévue dans la LEg pour les questions d’égalité homme-femme]. Les employeurs se sont opposés à toute proposition de modification de la législation et de la pratique suisses, ne désirant pas entrer dans une discussion de substance. Dans la mesure où les propositions des travailleurs ont été remises directement par l’USS, sous forme écrite au Directeur général du BIT par courrier du 7 avril 2006, puis portées à la connaissance du gouvernement par courrier du BIT le 12 avril 2006, le gouvernement fera ses commentaires sur ce point dans son rapport séparé mentionné au paragraphe 21.
  39. 1093. Les partenaires sociaux ont été invités à se prononcer jusqu’à fin décembre 2005 sur la poursuite de la discussion tripartite. Dans ce cadre, les employeurs se sont opposés à toute modification de la législation en vigueur en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Ils ont estimé que cette législation et son application dans la pratique constituent une protection efficace en matière de protection contre de tels licenciements abusifs, et qu’il n’est pas souhaitable de codifier dans la loi des mécanismes existant au niveau conventionnel, car ceci signifierait la fin du partenariat social et du régime des conventions collectives de travail librement négociées, approche à laquelle les employeurs sont très attachés. Les employeurs ont, par conséquent, exprimé qu’ils ne voyaient pas l’utilité de poursuivre un échange d’idées en la matière.
  40. 1094. Pour les syndicats, l’USS a estimé qu’il fallait saisir la commission fédérale pour qu’elle fasse des propositions au Conseil fédéral. Travail.Suisse a demandé de poursuivre l’échange d’idées sur les nouvelles pistes de réflexion dans le cadre de la discussion tripartite.
  41. 1095. Le mandat de la commission fédérale n’attribue pas à ladite commission la compétence de formuler des propositions législatives au Conseil fédéral; de plus, la poursuite d’un échange d’idées ne se justifie que si tous les partenaires sociaux intéressés peuvent être réunis autour de la table de discussion tripartite.
  42. 1096. Force est donc de conclure que la discussion tripartite organisée sous les bons offices du gouvernement suite à la recommandation intérimaire du comité n’a pas permis, au terme d’un examen de la situation en droit et en pratique, de déboucher sur des nouvelles mesures. Selon le système constitutionnel et démocratique suisse, il appartiendrait aux auteurs de la plainte de saisir le parlement de la question, voire de déposer une initiative populaire.
  43. 1097. Comme l’attestait déjà le rapport du CF du 31 mars 2004, le débat politique relatif au renforcement de la protection contre les licenciements pour motifs antisyndicaux n’est pas récent, et il se poursuivra malgré le résultat de la suite donnée à la discussion tripartite susmentionnée. Ce rapport décrivait en effet l’intense débat politique engagé au parlement sur cette question, ainsi que le suivi donné aux diverses interventions parlementaires. Ce débat politique s’est poursuivi depuis lors de deux manières qui fournissent d’importants éléments pour apprécier la présente situation: la suite donnée aux diverses interventions parlementaires; le débat sur les mesures d’accompagnement relatives à l’extension de la libre circulation des personnes et le résultat de la votation populaire du 25 septembre 2005.
  44. 1098. En date du 22 septembre 2004, le Conseil national (CN), suivant en cela la politique constante du Conseil fédéral, a décidé de ne pas donner suite et de classer une initiative parlementaire relative au renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux: le 19 juin 2003, le conseiller national Pierre-Yves Maillard avait déposé une initiative parlementaire (03.426) intitulée «Annulation du licenciement lors de congé abusif». Cette initiative demandait l’introduction de l’annulation de la résiliation dans les cas visés, par une modification de l’article 336a, alinéas 1 et 2 CO, et, à titre alternatif, l’allocation d’une indemnité de six mois de salaire si l’employeur pouvait démontrer que l’annulation lui porte un dommage important ou que le travailleur renonce à la poursuite du contrat de travail. Les arguments développés par l’initiant ne diffèrent pas de ceux qui ont déjà été avancés dans le cadre des autres interventions parlementaires citées.
  45. 1099. Une initiative parlementaire concernant l’extension facilitée des conventions collectives, les salaires minimaux et l’annulation de licenciements abusifs de syndicalistes a été déposée le 17 décembre 2004 par le conseiller national Pierre Vanek. Au moment de l’élaboration du présent rapport, cette initiative n’a pas encore été traitée par le plénum du CN. Dans son rapport de séance du 22 août 2005, la commission parlementaire compétente a proposé, par 15 voix contre 9, de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire.
  46. 1100. Le CN a décidé le 6 octobre 2005 de ne pas donner suite à une initiative parlementaire déposée le 8 mars 2004 par la conseillère nationale Thanei (04.404; droit du travail, protection contre les licenciements) visant un assouplissement dans le versement des indemnités dues en cas de congé abusif.
  47. 1101. De plus, le rapport du CF du 31 mars 2004 faisait état de certaines interventions parlementaires en cours de traitement devant le parlement suisse. Il sied de mentionner l’état de la situation à cet égard:
  48. – motion Rennwald 97.3195: la motion a été transformée en postulat sur proposition du Conseil fédéral. L’objet est considéré comme liquidé;
  49. – motion Rechsteiner Paul 02.3201: le CN avait décidé le 21 juin 2002 de renvoyer la discussion. Le CN a rejeté la motion en date du 10 mars 2004;
  50. – interpellation groupe socialiste 03.3326: la discussion a été reportée et, l’affaire étant restée en suspens plus de deux ans, elle a été classée.
  51. 1102. La question du renforcement de la protection légale contre les licenciements abusifs pour motifs syndicaux a été discutée dans le cadre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes; ces mesures ont été sanctionnées par une votation populaire, dans le respect du principe de la démocratie directe.
  52. 1103. Suite à la décision de la Communauté européenne d’accueillir dix nouveaux pays membres dès le 1er mai 2004, des négociations ont été entamées entre la Suisse et la CE quant à l’extension de l’Accord sur la libre circulation signé le 21 juin 1999 et entré en vigueur le 1er juin 2002 entre la Suisse et les quinze anciens pays membres de la CE. Ce protocole à l’accord a été approuvé par le parlement en décembre 2004, et il a fait l’objet d’un référendum. Dans ce contexte, les organisations syndicales faîtières (USS, Travail.Suisse) ont subordonné leur soutien à une telle extension de l’accord à l’adoption d’une série de mesures devant venir compléter les mesures d’accompagnement adoptées par le parlement en octobre 1999.
  53. 1104. Les représentants des organisations patronales et syndicales ont rencontré le chef du Département fédéral de l’économie, en octobre 2003. Le secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) a ensuite reçu le mandat de constituer un groupe de travail réunissant les différents représentants des partenaires sociaux, avec pour mission d’examiner les diverses revendications syndicales et de répondre à la question de l’opportunité et, le cas échéant, du contour d’éventuelles nouvelles mesures d’accompagnement.
  54. 1105. Le 14 juin 2004, le SECO a livré le rapport présentant les travaux et les conclusions du groupe de travail tripartite. Ce rapport a reçu l’approbation des organisations représentées au sein du groupe de travail, et il est le reflet d’un compromis de principe entre les partenaires sociaux au plus haut niveau. Ce rapport fait le point sur l’ensemble des revendications syndicales et des divers éléments discutés au sein du groupe. Le groupe de travail a proposé un certain nombre de mesures tendant essentiellement à renforcer le dispositif mis en place en 1999. Les milieux syndicaux ayant estimé que la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux n’était pas suffisante, des mesures ont été proposées par le gouvernement dans le cadre des discussions tripartites pour rendre plus efficace ou renforcer la protection dans la loi et dans la pratique. Les employeurs ne sont pas entrés en matière sur ces mesures. Chaque partie étant demeurée sur ses positions dans le cadre de la discussion de ce rapport, il a été décidé de ne pas formuler de proposition sur ce point. Cela étant, la décision prise à ce niveau ne met pas fin, notamment pour les milieux syndicaux, à la discussion sur la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux dans un contexte politique plus large au plan national.
  55. 1106. Le rapport a été soumis à une procédure de consultation du 2 juillet au 17 septembre 2004 auprès des cantons, des partis politiques, des principales organisations économiques ainsi que des partenaires sociaux et des divers milieux intéressés. Le projet a reçu l’appui de la majorité des milieux consultés. La plupart des partis politiques et des organisations faîtières ont en particulier réservé un accueil positif aux propositions formulées. A l’opposé, le projet a été jugé disproportionné et inadéquat, notamment par l’Union démocratique du centre (UDC) ainsi que par quelques organisations professionnelles, en particulier celles actives dans les secteurs agricole, maraîcher ou de la restauration. De son côté, l’USAM était réservée. Les organisations syndicales ont appuyé les mesures proposées, tout en regrettant que plusieurs de leurs propositions n’aient pas été retenues. Pour elles, ce paquet constituait le strict minimum.
  56. 1107. Se fondant sur le rapport du groupe de travail et sur les résultats de la procédure de consultation des milieux intéressés sur le rapport du groupe de travail, le CF a repris les éléments centraux du rapport et a soumis au parlement suisse l’ensemble des mesures proposées qui avaient fait l’objet d’un consensus tripartite. La partie générale du message présente le contexte politique, les revendications formulées par les syndicats, le rapport du groupe de travail ainsi que les mesures proposées pour adoption par le parlement moyennant les adaptations législatives nécessaires; il est également spécifié qu’il a été renoncé à formuler des propositions sur le point précis du renforcement de la protection contre les licenciements.
  57. 1108. Lors des débats en commissions parlementaires et au plénum des deux chambres du parlement, aucune proposition visant à introduire une protection accrue contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux n’a été faite, dans un esprit de compromis en faveur de l’équilibre entre l’ensemble des mesures proposées. Les partis de la gauche n’ont cependant pas renoncé au renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux.
  58. 1109. Le 17 décembre 2004, le parlement a adopté, en vote final sur l’ensemble, l’arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre du protocole relatif à l’extension de l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres de la CE et portant approbation de la révision des mesures d’accompagnement concernant la libre circulation des personnes; au CN, par 142 voix pour, 40 contre et zéro abstention; au Conseil des Etats, par 40 voix pour (unanimité), zéro contre et deux abstentions.
  59. 1110. Les milieux de l’économie, la majorité des partis politiques et des partenaires sociaux ont soutenu sans réserve l’extension de l’Accord sur la libre circulation des personnes et les mesures d’accompagnement. L’USS et le Syndicat Unia ont décidé de soutenir sans réserve ces deux objets. Ce faisant, et dans un esprit de compromis en faveur de l’équilibre entre l’ensemble des mesures proposées, les milieux syndicaux dans leur ensemble ont renoncé à leurs revendications relatives au renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. La décision prise à ce niveau ne met toutefois pas fin, notamment pour les milieux syndicaux, à la discussion sur la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux dans un contexte politique plus large au plan national. L’extension de l’accord et les mesures d’accompagnement ont été combattues par l’UDC et l’extrême droite et par certains milieux de l’extrême gauche.
  60. 1111. Conformément aux principes de la démocratie directe, le référendum a été demandé sur cet objet et valablement déposé le 29 mars 2005, le délai étant échu le 20 avril 2005. Le vote populaire a été demandé par 92 901 citoyennes et citoyens, alors que la limite est fixée à 50 000 personnes au minimum. L’objet a été soumis en votation populaire le 25 septembre 2005. Le peuple souverain a accepté l’objet par 1 458 686 voix en faveur et 1 147 140 voix contre, ce qui correspond à un taux d’acceptation de 56 pour cent. Le vote populaire sur l’extension de la libre circulation du 25 septembre 2005 marque donc une tendance indicative qui soutient la position du CF sur le volet de l’extension et des mesures d’accompagnement qui ne contiennent pas de mesures spécifiques concernant le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Sur ce plan, il sied de relever que, dans divers articles publiés suite à une conférence de presse de l’USS fin novembre 2004, les milieux syndicaux ont fait explicitement référence au lien entre le dossier de la plainte devant le comité et le dossier des mesures d’accompagnement. Le peuple suisse, dans sa majorité, a approuvé l’extension et a donné son aval aux mesures d’accompagnement telles que proposées, même si le débat de fond sur le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux pourrait se poursuivre, pour les milieux syndicaux notamment, dans un contexte politique plus large au plan national.
  61. 1112. Le gouvernement rappelle que le principe de la démocratie directe est ancré dans l’ordre constitutionnel et la législation suisses. Comme le démontrent les considérations qui précèdent, le peuple est ou peut être appelé à se prononcer sur un objet, par l’organisation d’une votation démocratique. La législation fédérale réglemente l’exerce des droits populaires et énumère les moyens à disposition pour les mettre en œuvre au plan fédéral. En l’espèce, le principe de la démocratie directe suisse est pertinent à un double égard:
  62. a) L’USS dispose tout d’abord de la possibilité de poursuivre, par le biais de ses représentant(e)s, le débat au niveau parlementaire, par le dépôt d’interventions sous les formes appropriées auxquelles il est fait référence dans les rapports du CF et du comité (motion, initiative parlementaire, par exemple). En cas de succès d’une motion parlementaire demandant un renforcement de la législation portant protection contre les congés abusifs pour motifs antisyndicaux, le CF devrait y donner suite en présentant au parlement un projet de mesures législatives. En cas de succès d’une initiative parlementaire demandant un renforcement de la législation portant protection contre les congés abusifs pour motifs antisyndicaux, le parlement se saisirait directement de l’objet (voir paragr. 47). Compte tenu des réponses négatives données récemment par le CF et le parlement, il y a peu de chances pour que ce dernier change dans un proche avenir sa position sur l’opportunité de prévoir une possibilité de réintégration dans le CO pour les syndicalistes licenciés abusivement. L’initiative populaire pourrait toutefois constituer une voie supplémentaire.
  63. b) L’ensemble des moyens démocratiques offerts par la législation suisse en vigueur n’ont pas été épuisés pour ce qui touche un éventuel renforcement de la législation relative à la protection contre les congés abusifs pour motifs antisyndicaux: le système de démocratie directe suisse offre, en effet, des moyens d’action pour satisfaire démocratiquement la revendication centrale contenue dans la plainte de l’USS. L’USS peut déposer une initiative populaire sous la forme qu’elle considérerait pertinente et qui pourrait, le cas échéant, revêtir les formes suivantes:
  64. – soit une initiative populaire (initiative populaire en matière fédérale; initiative populaire fédérale): il s’agit d’une demande écrite par laquelle 100 000 citoyens ayant le droit de vote peuvent demander à l’Assemblée fédérale la révision totale de la constitution ou l’adoption, l’abrogation ou la modification de dispositions constitutionnelles ou législatives;
  65. – soit une initiative populaire générale: il s’agit d’une initiative populaire par laquelle 100 000 citoyens ayant le droit de vote peuvent, sous la forme d’une proposition conçue en termes généraux, demander l’adoption, la modification ou l’abrogation de dispositions constitutionnelles ou législatives. L’initiative populaire générale est une innovation acceptée lors de la votation populaire du 9 février 2003. Les auteurs d’une initiative populaire seraient libres de se référer aux principes de la liberté syndicale.
  66. 1113. Toutefois, les recommandations adoptées par le comité s’adressent exclusivement et explicitement aux gouvernements des Etats qui font l’objet de plaintes et non, a priori, directement aux législateurs nationaux ou aux autorités judiciaires. Les gouvernements sont en effet les interlocuteurs du comité dans le cadre de ses conclusions et de ses recommandations. Certes, dans la mesure où certaines des recommandations du comité préconisent une révision législative ou une adaptation de la jurisprudence des autorités judiciaires ou administratives nationales, on pourrait admettre qu’elles auraient une influence à l’égard de ces autorités. Il faut cependant reconnaître que, même dans ces cas, il revient toujours au gouvernement de décider, selon ses propres règles internes, s’il peut ou non intervenir auprès de ces autorités.
  67. 1114. En Suisse et dans le cas concret, à l’égard des autorités judiciaires indépendantes établies selon le principe de la séparation des pouvoirs, le CF n’aurait, en principe, à disposition que la possibilité d’information par le biais d’échange de vues. Dans le cas d’une recommandation du comité proposant une modification législative relevant du législateur ordinaire, le CF ne disposerait concrètement que d’un «droit d’initiative», qui reviendrait à proposer l’objet au parlement, compte tenu du texte de la recommandation du comité. Ainsi, quel que soit le cas de figure (projet gouvernemental, mais aussi motion ou initiative parlementaire), le parlement traiterait de l’objet en toute indépendance, et compte tenu de l’appréciation qu’il ferait d’une éventuelle recommandation du comité. A l’issue du processus parlementaire, l’objet serait encore soumis à la réserve du référendum populaire.
  68. 1115. A l’égard du peuple enfin, en application du principe de démocratie directe en vigueur en Suisse, une éventuelle recommandation du comité préconisant une révision législative ne disposerait pas d’une légitimité démocratique, ce d’autant plus que la convention no 98 n’est pas directement applicable dans l’ordre constitutionnel et juridique suisse. En effet, la création du comité et la mise en place de la procédure de plainte devant cet organe résultent d’une décision politique du Conseil d’administration du BIT, prise en 1951. Cette décision émane de l’organe de gestion de l’OIT, mais non de son organe délibérant, la Conférence internationale du Travail. Lorsque la Conférence adopte de nouveaux instruments ou des amendements de la Constitution de l’OIT, ceux-ci sont soumis au parlement suisse pour prise de connaissance ou adoption et ratification, selon les circonstances. Bien que reposant sur les principes de la Constitution de l’OIT, le comité ne fait pas expressément partie du système constitutionnel de contrôle des normes soumis aux dispositions de la Constitution de l’OIT de 1919, et le rôle et les compétences du comité ne sont pas réglés par le statut de l’OIT. Le contrôle du comité ne découle pas non plus de la ratification de la convention no 98 de l’OIT. Vu ce qui précède et compte tenu du fait qu’il n’y a pas eu de modification de la Constitution de l’OIT, la création du comité et la procédure de plainte y relative n’ont donc jamais fait l’objet d’une prise de connaissance ou d’une adoption formelle par le parlement suisse.
  69. 1116. Le gouvernement souligne que la jurisprudence des tribunaux suisses en matière de protection contre les congés abusifs est plus souple et plus favorable aux intérêts des travailleurs licenciés que ne le prétendent l’organisation plaignante et le comité. Dans son rapport intérimaire, ce dernier se borne à constater, en se référant uniquement aux allégations de l’USS mais sans en vérifier ni le bien-fondé ni le caractère systématique, que la pratique des tribunaux suisses ces dernières années consiste à n’allouer que trois mois de salaire au maximum. De plus, le comité se réfère aux 11 cas cités par l’USS à l’appui de sa plainte, alors que, dans les faits, il n’existe pas une majorité de cas probants. Or une évolution positive de la jurisprudence des cours cantonales et fédérale a pu être récemment constatée, et il semble judicieux d’en faire état.
  70. 1117. Le CF prie le comité d’examiner ces informations avec toute l’attention nécessaire, notamment en tenant compte des spécificités nationales déjà explicitées dans le premier rapport du CF, et non pas seulement à la lumière de sa seule pratique en matière d’interprétation non authentique du texte de la convention no 98. Pour cela, le CF se réfère notamment au commentaire du comité précisant que «tant que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale est effectivement assurée, les méthodes adoptées pour garantir celle-ci aux travailleurs peuvent varier d’un Etat à l’autre» (rec. 1985, paragr. 571).
  71. 1118. En Suisse, les litiges relevant des cas de licenciements abusifs sont traités, selon la valeur litigieuse, par différents tribunaux. En première instance, ils sont traités par les tribunaux de prud’hommes, dont les arrêts ne sont pas forcément publiés, mais dont les délibérations sont publiques, ce qui permet une large information. Ils peuvent être traités également par les Hautes Cours cantonales et, en cas de recours, par le Tribunal fédéral. Il sera fait mention ici principalement des arrêts rendus par les plus hautes instances cantonales et par le Tribunal fédéral.
  72. 1119. Pour le Tribunal fédéral (TF), l’indemnité allouée par le juge revêt une fonction mixte, à la fois punitive et réparatrice et ne dépend pas de l’existence d’un dommage (ATF 123 III 391; arrêt 4c.239/2000 du 19 janvier 2001). Elle est déterminée sur la base de circonstances de chaque cas. Le TF a, ces dernières années, précisé sa jurisprudence et admis pour la fixation de l’indemnité des critères qui jusque-là n’avaient pas été pris en compte, notamment la durée des rapports de travail ainsi que les effets économiques de licenciement.
  73. 1120. Le TF a également rappelé que le fait de pencher toujours en faveur du maximum était contraire à la loi; le maximum étant de six mois, le juge garde son plein pouvoir d’appréciation (ATF 119 II 161). L’indemnité ne doit pas non plus être fixée systématiquement au minimum. Dans cet arrêt, le TF retient une indemnité de quatre mois malgré une faute concomitante du travailleur.
  74. 1121. Dans son arrêt du 28 mars 2002 (recours en réforme, 4c.86/2001), le TF rappelle les indemnités qu’il a allouées: cinq mois en juillet 1997, trois mois en août 1997, six mois en janvier 1999, cinq mois en juillet 2000; et dans ce jugement-ci: cinq mois (voir Droit du travail, revue du droit du travail et d’assurance-chômage (DTA), 2002, pp. 146-147).
  75. 1122. Dans un cas particulièrement grave de licenciement abusif accompagné de harcèlement sexuel (arrêt du 8 janvier 1999, publié dans la Semaine judiciaire, 1999, pp. 277-282), le TF a retenu une indemnité de six mois de salaire (Fr. 19 200) et en plus une indemnité pour tort moral au regard de l’article 49 du CO de Fr. 5 000. Dans un arrêt du 7 septembre 2004, relatif à un cas de licenciement qui touche à la protection de la personnalité du travailleur (art. 328 CO), le TF a reconnu l’atteinte à la personnalité du travailleur et accordé des dommages et intérêts au titre de l’article 49 CO. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, outre une indemnité de six mois de salaire pour licenciement abusif, le TF a accordé une indemnité en réparation du tort moral de Fr. 25 000 (4c.343/2004). Le Tribunal fédéral a posé les principes suivants: l’indemnité de six mois couvre en principe les dommages matériels et l’indemnité pour tort moral découlant du licenciement abusif; ce n’est que dans des cas exceptionnellement graves qu’une indemnité additionnelle peut être allouée; ces cas exceptés, une indemnité ne peut être allouée que si elle est fondée sur d’autres causes que le licenciement abusif.
  76. 1123. Dans son arrêt 130 III 699, le TF a eu l’occasion de traiter d’un cas d’application de l’article 336, alinéa 1er, lettre b CO (première exception), selon lequel le congé donné en raison de l’exercice d’un droit constitutionnel par l’autre partie du contrat n’est pas abusif si l’exercice de ce droit viole une obligation résultant du contrat de travail. La doctrine admet que ce motif justificatif peut notamment être invoqué par les entreprises dites «à tendance» (entreprises qui exercent une activité à caractère politique, confessionnel, syndical, scientifique, artistique, etc.), à l’encontre de certains de leurs employés qui ont un devoir de fidélité accru. Dans le cas d’espèce, le licenciement est intervenu en raison de l’exercice de droits constitutionnels par le travailleur (liberté de conscience et de croyance; liberté d’opinion). Le TF, confirmant l’opinion de la Cour cantonale, a estimé que le congé n’était pas pour autant abusif. La référence à l’annulabilité du licenciement en cas de violation des principes constitutionnels, faite par le comité dans le paragraphe 1354 de son rapport, doit donc être relativisée.
  77. 1124. Enfin, confirmant le caractère non dérisoire de l’indemnité versée, le TF a rendu un arrêt récent (ATF 132 III 115), qui admet l’octroi d’une indemnité maximale à un collaborateur qui contestait des mesures prises par l’employeur. La manière abrupte de procéder de l’employeur, l’âge et les longs rapports de service de l’employé ont également été pris en compte.
  78. 1125. Au niveau cantonal, en matière de résiliation abusive du contrat de travail pour motif antisyndical, il existe des différences entre les 26 cantons suisses. Les indemnités varient selon les situations mais ne sont pas systématiquement fixées à trois mois de salaire; elles peuvent être inférieures mais également supérieures, selon les circonstances. Dans certains cas, des indemnités allant jusqu’à six mois de salaire ont été allouées (à titre d’exemple, voir la jurisprudence en la matière du canton de Neuchâtel de 1989-2003. [Jean-Philippe Dunand, La jurisprudence de la Cour de cassation civile neuchâteloise en matière de licenciement abusif, dans «Recueil de jurisprudence neuchâteloise», 2003, pp 51-90).] Pour rappel, les arrêts cantonaux passés sous examen émanent des instances de recours des tribunaux civils et ne reflètent donc pas la jurisprudence des tribunaux de première instance (prud’hommes) qui n’est pas systématiquement publiée compte tenu du fait que les parties arrivent souvent à un accord à l’amiable. Il sied par contre de relever que les débats devant les juridictions de prud’hommes sont généralement publics et accessibles à tout un chacun.
  79. 1126. Pour conclure sur ce point, et compte tenu du fait que la jurisprudence fédérale influence positivement celle des tribunaux cantonaux, on constate que la jurisprudence du TF tient de plus en plus compte de toutes les circonstances du licenciement. Elle attache une attention particulière à la protection de la personnalité du travailleur puisqu’il est possible d’obtenir une réparation pour tort moral (art. 49 CO) en sus de l’indemnité s’il semble que l’indemnité maximale de six mois ne sera pas suffisante pour tenir compte du tort moral subi. Dans une récente publication (ARV/DTA 2/2005), M. Jean-Philippe Dunand, docteur en droit, avocat et professeur à l’Université de Neuchâtel, a reconnu, en se référant notamment à des cas spécifiques de licenciements abusifs, que «les montants des indemnités accordées par les tribunaux de notre pays dans les rapports de travail à titre de réparation morale tendent globalement à augmenter depuis quelques années. Cette évolution est révélatrice de la plus grande attention portée à la protection de la personnalité des travailleurs et on ne peut que s’en réjouir.» Dans le contexte juridique et économique suisse, et en comparaison avec l’octroi d’autres indemnités accordées par le juge, que cela soit pour tort moral ou autre motif, l’indemnité totale pour résiliation abusive n’est donc pas dérisoire.
  80. 1127. S’agissant des cas en suspens, dont le comité a demandé à être tenu informé, le gouvernement mentionne en ce qui concerne la société Flasa SA que, selon les informations parvenues à la connaissance du gouvernement, les prétentions en indemnités articulées par le requérant contre l’intimée sont demeurées contestées par cette dernière. Pour mettre un terme à la procédure civile en cours, les parties ont décidé de transiger par le paiement, par l’intimée, d’une indemnité pour solde de tout compte, à bien plaire et sans reconnaître une quelconque responsabilité. Ceci étant, le requérant a retiré son action ouverte contre Flasa SA et la convention passée entre les parties a été homologuée par l’autorité judiciaire. Il n’y a pas eu de jugement de l’instance judiciaire saisie et, selon écrit du juge, l’affaire est liquidée et le cas a été rayé du rôle du Tribunal.
  81. 1128. Quant aux usines métallurgiques de Vallorbe SA, selon les informations parvenues à la connaissance du gouvernement, une tentative de conciliation a eu lieu, mais elle a échoué. La plaignante aurait alors demandé une expertise concernant l’égalité de traitement et de rémunération entre son poste d’opératrice et celui du régleur qui lui a succédé pour 20 pour cent de son activité. L’expertise a été effectuée et le rapport d’étude du professeur Flückiger, de l’Université de Genève, a été élaboré. L’étude a conclu à l’existence d’une politique salariale discriminatoire, mais elle a été contestée par l’employeur, car l’ensemble semblait entaché de plusieurs erreurs grossières (pas de prise en compte du taux d’activité réduit de la demanderesse par exemple). Les remarques de l’entreprise ont été livrées au président du tribunal civil d’arrondissement de la Broye et du nord Vaudois en date du 10 mars 2006, et les parties sont en attente de nouvelles de sa part. Le litige porte sur le licenciement abusif ainsi que sur l’existence d’une discrimination salariale à l’égard de la plaignante. Il ne ressort pas de la requête adressée au tribunal par la demanderesse en date du 9 décembre 2002 que le licenciement soit contesté sur la base de l’atteinte à la liberté syndicale. Ses arguments sont basés toutefois sur son activité syndicale intense au sein de l’entreprise. Elle accuse plutôt l’entreprise d’avoir procédé à un congé représailles camouflé sous un licenciement économique. Pour le gouvernement, dans ce cas, bien qu’un litige portant sur une allégation de licenciement abusif soit en cours, il ne ressort pas de la requête adressée par la demanderesse au tribunal que le licenciement soit contesté explicitement sur la base de l’atteinte à la liberté syndicale, même si les arguments de la demanderesse sont basés sur son activité syndicale. En tout état de cause, il n’y a pas à l’heure actuelle de jugement faisant état d’un licenciement abusif pour activité syndicale.
  82. 1129. En résumé, le gouvernement déclare que:
  83. – La consultation tripartite demandée par le comité dans sa recommandation du 17 novembre 2004 a eu lieu sous deux formes: premièrement, au sein de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT lors des diverses réunions citées au rapport; deuxièmement, par une discussion tripartite, organisée le 28 novembre 2005, qui n’a pas estimé nécessaire que des mesures supplémentaires soient prises.
  84. – Le contexte politique a évolué sur deux plans qui fournissent des indications de tendance significatives:
  85. - la suite donnée aux diverses interventions parlementaires a confirmé la politique du gouvernement et de la majorité parlementaire pour ne pas modifier la législation en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux;
  86. - les débats parlementaires et publics sur les mesures d’accompagnement relatives à l’extension de la libre circulation des personnes et le résultat de la votation populaire du 25 septembre 2005 ont exprimé un soutien à la position du CF sur le volet de l’extension et des mesures d’accompagnement qui ne contiennent pas de mesures spécifiques concernant le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Le débat de fond sur le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux n’est cependant pas clos, et il pourrait se poursuivre, pour les milieux syndicaux notamment, dans un contexte politique plus large au plan national.
  87. – Ce débat de fond s’inscrit dans le cadre des principes démocratiques suisses et notamment de celui de la démocratie directe, fondement de l’ordre constitutionnel et politique suisse. Ces principes:
  88. - offrent des moyens supplémentaires d’action, aux plans parlementaire et démocratique, pour atteindre le but central de la revendication de l’USS, à savoir ce qu’elle considère comme une protection efficace, dans la pratique, contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux;
  89. - n’accordent aucune légitimité démocratique à la procédure en cours devant le comité, voire à une éventuelle recommandation du comité au gouvernement préconisant une révision législative, ce d’autant plus que la convention no 98 n’est pas directement applicable dans l’ordre constitutionnel et juridique suisse.
  90. – La jurisprudence des tribunaux suisses en matière de protection contre les congés abusifs est plus souple et favorable aux intérêts des travailleurs licenciés que ne le prétend l’organisation plaignante, et elle a évolué récemment de manière positive. La jurisprudence fédérale influence positivement celle des tribunaux cantonaux, et elle tient de plus en plus compte de toutes les circonstances du licenciement. Cette jurisprudence attache une attention particulière à la protection de la personnalité du travailleur puisqu’il est possible d’obtenir une réparation pour tort moral (art. 49 CO) en sus de l’indemnité, s’il semble que l’indemnité maximale de six mois ne sera pas suffisante pour tenir compte du tort moral subi. Dans le contexte juridique et économique suisse, et en comparaison avec l’octroi d’autres indemnités accordées par le juge, que cela soit pour tort moral ou autre motif, l’indemnité totale pour résiliation abusive n’est donc pas dérisoire. Le système suisse institue donc un juste équilibre entre sanction et exigence de flexibilité sur le marché du travail.
  91. 1130. Le gouvernement conclut:
  92. – que la saisine du comité et que la procédure en cours devant cette instance n’ont pas de pertinence directe dans un processus parlementaire et démocratique relatif à une modification législative et gouverné par le principe de la démocratie directe, aux motifs que ladite procédure ne bénéficie pas de la légitimité démocratique nécessaire et que la convention no 98 n’est pas directement applicable en Suisse;
  93. – que tant l’assertion, les arguments et les motifs de la plaignante que les considérants intérimaires du comité, selon lesquels la sanction instituée par le droit suisse n’est pas suffisamment dissuasive pour assurer une protection réellement efficace dans la pratique, ne sont pas fondés et qu’ils doivent être rejetés, aux motifs que la jurisprudence récente a évolué et que le comité n’a vérifié ni le bien-fondé ni le caractère systématique de la pratique des tribunaux suisses consistant à n’allouer, ces dernières années, que trois mois de salaire au maximum;
  94. – à ce qu’il plaise au comité de classer définitivement et sans suite la plainte enregistrée sous le no 2265 en violation des droits syndicaux.
  95. 1131. Le gouvernement ajoute que ce projet de rapport a été soumis pour discussion à la Commission tripartite pour les affaires de l’OIT en date du 16 mai 2006. Cette commission extraparlementaire consultative regroupe des représentants de l’administration fédérale et des partenaires sociaux. Les employeurs ont soutenu le projet de rapport supplémentaire du CF. Les travailleurs s’en sont distanciés, ce qui est compréhensible du simple fait qu’ils sont les auteurs de la plainte devant le comité. Les travailleurs ont toutefois relevé que les cas de licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux étaient rares en Suisse, la grande majorité des employeurs ne procédant pas à de telles mesures. Il a été apporté quelques modifications rédactionnelles au projet de rapport suite à la discussion.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 1132. Le comité rappelle que la plainte soulève la question de savoir si la législation et la pratique nationales garantissent aux délégués et représentants syndicaux dans l’entreprise une protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux, conformément à l’article 1 de la convention no 98 ratifiée par la Suisse.
  2. 1133. Lors du dernier examen du cas, le comité avait noté les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles la législation nationale ne répond pas aux exigences de la convention no 98 car elle ne prévoit pas la possibilité d’ordonner la réintégration des représentants syndicaux licenciés pour motifs antisyndicaux; que l’indemnité prévue dans de tels cas, ne pouvant dépasser six mois de salaire, est dérisoire et n’a aucun effet dissuasif; qu’aux termes de la législation nationale la réintégration dans l’entreprise est prévue seulement dans les cas de licenciements abusifs contrevenant au principe d’égalité de traitement entre femmes et hommes (art. 10 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité, LEg)); et que les 11 exemples présentés démontrent l’ampleur des pratiques antisyndicales au niveau national. [Voir 335e rapport, paragr. 1336 et 1337.] Le comité avait également noté les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles la législation nationale offre une protection adéquate aux délégués et représentants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale, conformément à l’article 1 de la convention no 98; la genèse des articles pertinents du Code des obligations (CO) montre que le législateur avait précisément l’intention de renforcer la protection des travailleurs contre les licenciements abusifs; l’indemnité prévue par le CO allant jusqu’à six mois de salaire est suffisamment dissuasive eu égard au fait que la très grande majorité des entreprises suisses sont des petites et moyennes entreprises; cette indemnité est fixée en équité par le juge, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, dans le cadre d’une procédure simplifiée, gracieuse et rapide lorsque la valeur du litige ne dépasse pas 30 000 francs suisses; la protection des représentants des travailleurs contre les licenciements abusifs, prévue par le CO, est plus forte que dans les autres cas de licenciements abusifs car, dans ce cas, le licenciement est abusif parce qu’il est donné pendant que le travailleur concerné est représentant des travailleurs au sein d’une commission d’entreprise, et en l’absence de motif justifié de résiliation, motif dont la preuve incombe à l’employeur. [Voir 335e rapport, paragr. 1338.] Dans ses recommandations, le comité avait invité le gouvernement, de concert avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, à examiner la situation en droit et en pratique en matière de protection contre les licenciements pour motifs antisyndicaux afin que, si la discussion tripartite l’estime nécessaire, des mesures soient prises pour qu’une telle protection soit réellement efficace dans la pratique. Le comité a également demandé au gouvernement de lui fournir des informations sur l’évolution de la situation quant aux questions traitées dans ce cas. [Voir 335e rapport, paragr. 1356.]
  3. 1134. Traitant tout d’abord des arguments d’ordre procédural soulevés par le gouvernement, le comité note que ce dernier déclare que la convention no 98 ne serait pas directement applicable dans l’ordre constitutionnel et juridique suisse. A cet égard, le comité rappelle que l’obligation à laquelle sont soumis tous les Membres de l’OIT prévue à l’article 19, paragraphe 5 d) de la Constitution de l’OIT dispose que les Etats doivent prendre les mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions des conventions ratifiées. Le comité a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler cette obligation de respecter pleinement les engagements pris en ratifiant les conventions de l’OIT. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 11.] Alors que la manière dont l’application d’une convention ratifiée est assurée en droit et en pratique varie d’un Etat à l’autre en raison du régime constitutionnel et légal interne, le fondement de cette obligation ne pourrait être remis en question.
  4. 1135. Pour ce qui est de l’affirmation du gouvernement que les principes démocratiques suisses n’accordent aucune légitimité démocratique à la procédure en cours devant le comité, le comité rappelle que les Etats qui ont décidé d’adhérer à l’OIT se sont engagés à respecter les principes fondamentaux définis dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 10.] L’existence du comité découle de cette obligation constitutionnelle fondamentale et du souci des mandants de l’OIT de contribuer à la mise en œuvre effective des principes concernant la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1, 2, et 3.] En outre, le comité rappelle que la procédure spéciale sur la liberté syndicale n’a pas pour objet de blâmer ni de sanctionner quiconque, mais d’engager un dialogue tripartite constructif afin de promouvoir le respect des droits syndicaux dans la loi et la pratique. [Voir 323e rapport, cas no 1888, paragr. 199.]
  5. 1136. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle les principes démocratiques suisses n’accordent aucune légitimité démocratique à une éventuelle recommandation du comité au gouvernement préconisant une révision législative, le comité rappelle que son mandat consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 6.] Suite à l’examen d’une plainte, le comité a donc à de nombreuses occasions demandé la modification de la législation de tel ou tel pays. Les mesures précises prises afin de mettre en œuvre ces recommandations et la procédure interne qui s’applique à cet égard sont clairement laissées à la discrétion du gouvernement concerné.
  6. 1137. Concernant les allégations de l’USS, le comité note que ce dernier confirme que des discussions ont eu lieu au sein de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT entre les représentants du gouvernement, des employeurs, de l’USS et de Travail.Suisse. Selon l’USS, les discussions sont bloquées car les représentants patronaux s’opposent à toute amélioration de la protection des délégués syndicaux et des représentants élus des travailleurs, malgré des propositions de compromis que l’USS a présentées. Face à cette opposition, l’USS est d’avis que le gouvernement semble estimer ne pas être en mesure d’agir.
  7. 1138. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les licenciements antisyndicaux se multiplient en Suisse. Le comité prend note des nouveaux exemples fournis par l’USS s’ajoutant aux 11 cas mentionnés dans la plainte initiale.
  8. 1139. Le comité prend note de la réponse très détaillée fournie par le gouvernement. Celle-ci se réfère à la situation décrite dans la plainte de l’USS de 2003, ainsi qu’au rapport intérimaire du comité du 17 novembre 2004. Le comité note que le gouvernement fournira séparément une réponse relative aux nouvelles allégations de l’USS. Le comité compte que ce sera fait dès que possible.
  9. 1140. Le comité note que, d’après le gouvernement, la consultation tripartite demandée par le comité dans sa recommandation précédente a bien eu lieu: premièrement, au sein de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT lors de nombreuses réunions citées en détail par le gouvernement; et, deuxièmement, par une discussion tripartite, organisée sous les bons offices du gouvernement, en date du 28 novembre 2005. Cette discussion tripartite n’a pas permis, au terme d’un examen de la situation en droit et en pratique, de déboucher sur de nouvelles mesures en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux.
  10. 1141. D’une manière générale, le comité tient à rappeler qu’il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 697.] Plus particulièrement, pour ce qui est des dirigeants et délégués syndicaux, un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.]
  11. 1142. Le comité rappelle sa conclusion dans son examen antérieur qu’à bien des égards la législation et la pratique nationales suisses sont conformes aux principes précités et qu’il existe, aux termes de la législation nationale, une protection contre les actes de discrimination antisyndicale, la question ayant par ailleurs été attentivement examinée par les autorités suisses lors de la ratification de la convention no 98. Bien que le présent cas porte seulement sur les licenciements pour motifs antisyndicaux, le comité avait relevé qu’il existait une protection expresse des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale au moment de l’embauche, en vertu de la loi sur la protection des données (LPD), ainsi que pour les licenciements pour motifs antisyndicaux et pour les représentants élus des travailleurs. Le comité avait également pris bonne note des observations du gouvernement sur l’article 12 de la loi fédérale sur la participation (LPart) sur la protection des membres de la représentation élue des travailleurs dans l’entreprise qui est complétée par l’article 336, alinéa 2 a) et b), du CO. Enfin, le comité avait relevé le renversement de la charge de la preuve, inscrit dans la loi, lorsqu’un représentant élu des travailleurs est licencié, et l’allègement de la charge de la preuve, admis par les tribunaux, pour les travailleurs qui allèguent un licenciement antisyndical mais qui ne sont pas des représentants élus des travailleurs.
  12. 1143. Pour ce qui est de la sanction proprement dite, le comité avait tenu à rappeler les principes suivants: 1) le comité a précisé qu’il n’apparaît pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 707; voir également 326e rapport, cas no 2116, paragr. 592; 332e rapport, cas no 2262, paragr. 394; 333e rapport, cas no 2186, paragr. 351]; 2) il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale afin d’assurer l’efficacité pratique des articles 1 et 2 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 743.] Quant à la question de la réintégration en cas de licenciement antisyndical, le comité avait rappelé que: 1) nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 755]; 2) le gouvernement doit prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent soient réintégrés dans leurs fonctions lorsqu’ils ont été licenciés pour des activités liées à la création d’un syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 757.] A cet égard, le comité a demandé dans de nombreux cas au gouvernement d’obtenir la réintégration des travailleurs concernés dans leur poste de travail sans perte de salaires. Il a également recommandé au gouvernement, dans les cas où une réintégration s’avère impossible en raison de circonstances particulières au lieu de travail, de veiller à ce que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux.
  13. 1144. Le comité observe que les travailleurs ont présenté, lors de la réunion du 28 novembre 2005, des idées de modifications législatives dont la reprise de la solution prévue dans la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg). A cet égard, le comité avait noté dans son examen antérieur du cas que la législation suisse offrait une protection supérieure aux travailleurs victimes de licenciements liés au non-respect du principe d’égalité qu’aux travailleurs victimes de licenciements antisyndicaux. Selon l’organisation plaignante, seul le licenciement abusif fait dans le cadre de la loi sur l’égalité femmes et hommes peut donner lieu à une réintégration dans l’entreprise tandis que le gouvernement avait souligné que le but de la LEg est différent de celui du CO, la LEg ayant pour but précis de promouvoir dans les faits le principe constitutionnel de l’égalité entre femmes et hommes en interdisant toute discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l’emploi, alors que le CO réglemente les droits et obligations des parties au contrat de travail. Le gouvernement avait précisé que la solution retenue par le législateur pour assurer la promotion du principe constitutionnel de l’égalité de traitement entre femmes et hommes reposait sur l’annulabilité du congé et non pas sur le principe de la réintégration du travailleur ou de la travailleuse. Le gouvernement avait souligné qu’avec le Parlement suisse il a voulu établir une protection spéciale en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes.
  14. 1145. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles le Conseil fédéral comme la majorité parlementaire ne se sont pas montrés favorables à une modification de la législation en matière de protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux. Il note aussi que les débats parlementaires et publics sur les mesures d’accompagnement relatives à l’extension de la libre circulation des personnes ainsi que le résultat de la votation populaire du 25 septembre 2005 ont exprimé un soutien à la position du Conseil quant aux mesures d’accompagnement qui ne contiennent pas de mesures spécifiques sur le renforcement de la protection contre les licenciements antisyndicaux.
  15. 1146. Le comité note toutefois la déclaration du gouvernement selon laquelle le débat de fond sur le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs pour motifs antisyndicaux n’est pas clos, et qu’il pourrait se poursuivre, pour les milieux syndicaux notamment, dans un contexte politique plus large au plan national. A cet égard, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour prévoir le même type de protection pour les représentants syndicaux victimes de licenciements antisyndicaux que pour ceux victimes de licenciements violant le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes, y compris la possibilité d’une réintégration, eu égard aux principes fondamentaux mentionnés plus haut et conformément aux conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Suisse.
  16. 1147. Le comité note aussi que, d’après le gouvernement, la jurisprudence des tribunaux suisses en matière de protection contre les congés abusifs a évolué récemment de manière positive et qu’elle est notamment marquée par la possibilité d’obtenir une réparation pour tort moral en sus de l’indemnité, s’il semble que l’indemnité maximale de six mois n’est pas suffisante pour tenir compte du tort moral subi. Le comité note cependant que, en matière de résiliation abusive du contrat de travail pour motif antisyndical, il existe des différences entre les cantons et que les indemnités varient selon les situations, pouvant être inférieures mais également supérieures à trois mois de salaire, selon les circonstances. Dans la mesure où les indemnités pour licenciement antisyndical dans certains cantons ne seraient pas dissuasives, le comité encourage la poursuite des discussions tripartites sur ce point, ainsi que sur l’ensemble de la question. Le gouvernement rappelle que l’assistance technique du Bureau est à la disposition du gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1148. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour prévoir le même type de protection pour les représentants syndicaux victimes de licenciements antisyndicaux que pour ceux victimes de licenciements violant le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes, y compris la possibilité d’une réintégration, eu égard aux principes fondamentaux mentionnés plus haut et conformément aux conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Suisse.
    • b) Le comité encourage la poursuite des discussions tripartites sur l’ensemble de la question, y compris la situation dans certains cantons relative aux indemnités pour licenciement antisyndical.
    • c) Le comité demande au gouvernement de lui soumettre dès que possible ses commentaires relatifs aux dernières allégations de l’organisation plaignante contenues dans sa communication du 7 avril 2006.
    • d) Le comité rappelle que l’assistance technique du Bureau est à la disposition du gouvernement.

Z. Annexe

Z. Annexe
  • Proposition de modifications législatives de l’USS présentée le 28 novembre 2005 à la commission d’experts tripartite
    1. 1 Les membres d’une représentation des travailleurs et les délégués syndicaux sont protégés pendant l’exercice de leur mandat et pendant l’année qui suit la fin de celui-ci. Ils ne peuvent être licenciés en raison de l’exercice de leur activité en tant que représentants des travailleurs.
    2. 2 Si un employeur envisage de licencier un membre d’une représentation des travailleurs ou un délégué syndical – pour une raison autre qu’un juste motif autorisant un licenciement immédiat au sens de l’article 337 CO –, il doit annoncer cette intention, préalablement et par lettre recommandée, au travailleur concerné et à l’Office cantonal de conciliation (variante: à l’Office cantonal du travail). Si le travailleur concerné est un délégué syndical, l’employeur doit aussi communiquer son intention, de la même manière, au syndicat concerné.
    3. 3 L’Office cantonal de conciliation convoque les parties à bref délai. Si le travailleur est membre d’un syndicat, ce dernier a droit à participer comme partie à la procédure. L’office entend les parties, reçoit et examine les pièces produites et peut procéder à l’audition de tiers.
    4. 4 L’office communique aux parties sa décision d’autoriser ou de refuser l’autorisation de licencier dans les trente jours qui suivent la réception de l’annonce d’intention de licencier de l’employeur.
    5. 5 Si l’employeur ne respecte pas la procédure d’annonce de l’intention de licencier à l’Office cantonal de conciliation ou passe outre au refus d’autorisation de licencier, le licenciement est annulable. Le travailleur concerné, qui entend contester la résiliation de son contrat de travail et en solliciter l’annulation, doit saisir le tribunal, au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé.
    6. 6 Le juge peut ordonner la réintégration du travailleur et la poursuite des rapports de travail pour la durée de la procédure, lorsqu’il paraît vraisemblable que les conditions d’une annulation du congé sont remplies.
    7. 7 Le travailleur peut renoncer, au cours du procès, à poursuivre les rapports de travail et demander une indemnité au sens de l’article 336a du Code des obligations en lieu et place de l’annulation du congé.
    8. 8 Au sens des dispositions qui précèdent, constituent une représentation toute structure (par exemple, commission du personnel, comité d’entreprise, commission des cadres, etc.) ou toute délégation de travailleurs dans une structure de l’entreprise (par exemple représentant des travailleurs au Conseil d’administration) ou dans une structure paritaire (par exemple représentant des travailleurs au sein d’un conseil de fondation d’une institution de prévoyance), légitimées à défendre les intérêts des personnes qu’elles représentent vis-à-vis de l’employeur.
  • Tous les membres d’une représentation des travailleurs bénéficient de la protection, qu’ils aient été formellement élus ou aient été désignés, pour autant que cette désignation ait fait l’objet d’une communication écrite entre la représentation et l’employeur ou soit de notoriété publique dans l’entreprise.
    1. 9 Au sens des dispositions qui précèdent, est un délégué syndical la personne désignée par un syndicat pour le représenter dans l’entreprise dans laquelle il travaille, auprès des travailleurs et de la direction, et dont le nom et la qualité de délégué syndical ont été communiqués à l’employeur par lettre recommandée.
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