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Definitive Report - Report No 330, March 2003

Case No 2170 (Iceland) - Complaint date: 22-JAN-02 - Closed

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  1. 855. Les plaintes sont énoncées dans une communication de la Fédération islandaise du travail (désignée par l’abréviation ASÍ) datée du 22 janvier 2002 et dans une communication de la Guilde des officiers de la marine marchande et des navires de pêche (désignée par l’abréviation FFSI) datée du 24 janvier 2002. Dans les communications datées respectivement du 30 janvier et du 1er février 2002, la Fédération internationale des travailleurs du transport (FITT) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ont exprimé le souhait d’être associées à la plainte déposée par la FFSI.
  2. 856. Le gouvernement a répondu dans deux communications datées du 3 septembre 2002 et du 3 mars 2003.
  3. 857. L’Islande a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 858. Selon la plainte de l’ASÍ datée du 22 janvier 2002, l’adoption par l’Althing (Parlement islandais) de la loi no 34/2001 sur les salaires et conditions de travail (etc.) des pêcheurs et datée du 16 mai 2001, ayant eu pour effet d’interdire une grève et un lock-out décidés par certaines organisations syndicales de l’industrie de la pêche et de créer une commission d’arbitrage pour établir les salaires et conditions de travail des membres desdites organisations, contrevient aux paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la convention no 87 ainsi qu’à la convention no 98. Dans sa plainte datée du 24 janvier 2002, la FFSI prétend que la loi no 34/2001 constitue une infraction flagrante et essentielle à la convention no 87.
  2. 859. Pour étayer leurs allégations, les plaignants avancent les arguments suivants concernant le processus qui a conduit à l’adoption de la loi no 34/2001 et à son application.
  3. 860. Les salaires des pêcheurs membres des syndicats affiliés à l’ASÍ avaient été établis antérieurement par des conventions collectives déclarées applicables aux termes de la loi no 10/1998. Selon l’ASÍ, ces conventions collectives ont expiré le 15 février 2001. La FFSI, la Fédération islandaise des gens de mer (désignée par l’abréviation SSI), affiliée à l’ASÍ, l’Association des officiers ingénieurs (désignée par l’abréviation VSFI) ont participé aux négociations avec la fédération regroupant les organisations d’armateurs, soit la Fédération des propriétaires de navires de pêche islandais (désignée par l’abréviation LIU). Au vu des indications fournies par la FFSI, ces négociations ont duré quinze mois. Début 2001, la preuve était faite de l’échec des négociations. Certains syndicats affiliés à l’ASÍ, qui avaient autorisé la Fédération du travail des fjords de l’ouest à négocier pour leur compte, avaient toutefois conclu des accords séparés sur les salaires et les conditions de travail avec l’Association des exploitants de navires des fjords de l’ouest.
  4. 861. Les négociations ont buté sur la fixation du prix du poisson. Les salaires des pêcheurs sont fonction d’une «part» de la prise, dont la valeur dépend du prix du poisson; d’où l’importance de ce dernier dans les négociations collectives concernant les salaires et conditions de travail des pêcheurs. Les négociations ont également porté sur d’autres éléments des conditions de travail pour, notamment, une augmentation de la prestation de décès et de l’indemnisation des accidents du travail, une hausse du salaire minimum et une augmentation des cotisations des armateurs aux caisses de retraite. Aux dires de la FFSI, certains syndicats ont rencontré le Premier ministre le 26 janvier 2001. Le gouvernement s’est engagé à ne pas intervenir dans le conflit, contrairement à ce qu’il avait fait à deux reprises à l’occasion de différends antérieurs pour interdire des grèves dans l’industrie de la pêche.
  5. 862. Le 15 mars 2001 a marqué le début d’une grève nationale décidée par les syndicats composant la FFSI, la SSI et la VSFI. Un lock-out a été décrété par les membres de la LIU. Le 19 mars 2001, l’Althing a adopté la loi no 8/2001, qui reportait la grève et le lock-out au 1er avril 2001. Une traduction du texte de cette loi est jointe à la plainte de la FFSI. Les négociations collectives n’ayant toujours pas donné de résultats à la fin de la suspension de la grève, cette dernière a repris le 2 avril.
  6. 863. S’agissant des parties concernées par la grève et le lock-out, l’ASÍ fournit les informations suivantes. Les syndicats qui avaient autorisé la Fédération du travail des fjords de l’ouest à négocier pour leur compte n’ont pas pris part à la grève. Pour ce qui est de la SSI, cinq des syndicats adhérents n’ont pas appelé à la grève. Par ailleurs, un lock-out général a été imposé par la LIU, sauf dans la région de Snaefellsnes: un des syndicats basés dans cette région figurait parmi les membres de la SSI qui ne participaient pas à la grève.
  7. 864. Le 9 mai, la VSFI et la LIU ont signé une convention collective. Selon la FFSI, cette convention a été approuvée par une petite majorité des membres de la VSFI, à un taux de participation de seulement 27 pour cent. Le 15 mai, la SSI (à l’exception d’un syndicat) a demandé la cessation de la grève. Le ministre des Pêches lui avait donné l’assurance que, si elle mettait fin à la grève, la nouvelle loi en voie d’être adoptée par l’Althing ne s’appliquerait pas à cette organisation ni à ses membres.
  8. 865. Le 16 mai, l’Althing a adopté la loi no 34/2001, qui a pris effet immédiatement. En vertu de l’article premier de cette loi – dont une traduction est jointe à la plainte de la FFSI –, la grève décidée par la FFSI et par d’autres syndicats était déclarée illégale. Le lock-out décidé par les organisations membres de la LIU à l’encontre des membres de la Fédération du travail des fjords de l’ouest et de la SSI était elle aussi déclarée illégale. L’interdiction devait prendre effet avec l’entrée en vigueur de la loi, et durer pendant la période de validité de toute décision rendue par la commission d’arbitrage qui serait créée aux termes de la loi. En outre, si les parties au conflit ne réussissaient pas à conclure un accord avant le 1er juin 2001, une commission d’arbitrage serait créée dont les trois membres seraient désignés par la Cour suprême d’Islande. Dans sa plainte, l’ASÍ souligne que, dans la pratique, l’article premier de la loi a pour effet d’impliquer dans la décision de la commission d’arbitrage des organisations de pêcheurs qui n’étaient pas en grève, soit qu’elles n’y avaient jamais participé, soit qu’elles y avaient mis fin; la VSFI était la seule organisation à ne pas être touchée par le processus parce qu’elle avait conclu un accord avec la LIU. La FFSI confirme dans sa plainte que la SSI était aussi concernée par le processus d’arbitrage mis sur pied en vertu de la loi.
  9. 866. Le 30 juin 2001, la commission a rendu sa décision. En l’espèce, elle a décidé d’étendre l’application de la convention collective conclue par la VSFI aux membres des organisations désignées à l’article premier de la loi no 34/2001. La convention serait valable jusqu’en 2003 (jusqu’au 31 mars selon l’ASÍ, et jusqu’à la fin de 2003 selon la FFSI).
  10. 867. L’ASÍ a porté l’affaire devant les tribunaux du pays. La Cour du district de Reykjavik a estimé, le 18 juillet 2001, que la loi no 34/2001 ne contrevenait pas aux dispositions de la Constitution qui garantissent la liberté d’association et le droit de négociation collective. Le 25 octobre 2001, la Cour suprême de l’Islande a rejeté le cas. L’ASÍ a de nouveau intenté une action auprès de la Cour du district de Reykjavik.
  11. 868. A l’appui de sa plainte, l’ASÍ soutient que la loi no 34/2001 contrevient aux paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la convention no 87. Si l’intervention du gouvernement devait être considérée comme étant valable, l’ASÍ prétend que la loi comporte des mesures qui n’étaient pas adaptées aux circonstances. En l’occurrence, l’ASÍ considère que l’organe créé en vertu de la loi n’était pas une commission d’arbitrage mais un comité administratif. D’autre part, l’ASÍ juge la loi beaucoup trop générale. L’ASÍ fait notamment allusion au fait que la commission d’arbitrage a le pouvoir de décider de la durée de validité de sa décision, ce qui signifie qu’elle a entière liberté pour décider d’une manière arbitraire de la durée des restrictions imposées par la loi à la liberté de négociation.
  12. 869. Selon la FFSI, c’est la quatrième fois en sept ans que, en adoptant la loi no 34/2001, le gouvernement intervient à l’encontre d’une grève légitime décidée par les pêcheurs. Une telle intervention constitue une infraction flagrante et essentielle à la convention no 87. La FFSI soutient en outre que, encouragée par les interventions répétées du gouvernement, la LIU s’est montrée moins disposée à négocier de bonne foi de manière à provoquer une grève prolongée et, du coup, l’intervention du gouvernement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 870. Dans sa communication du 3 septembre 2002, le gouvernement divise sa réponse en quatre parties. Premièrement, il explique la place importante prise par la pêche et les exportations de poisson dans l’économie du pays. Deuxièmement, le gouvernement apporte des explications sur le processus de négociation concernant les salaires et les conditions de travail entre les organisations de pêcheurs et les organisations d’armateurs, et sur la question en suspens: la fixation du prix du poisson. Le gouvernement revient ensuite sur l’adoption et la teneur des lois nos 8/2001 et 34/2001, avant de résumer le jugement rendu par la Cour du district de Reykjavik à l’issue de la seconde action engagée devant elle par l’ASÍ. L’ASÍ a interjeté appel contre la décision de la Cour du district de Reykjavik devant la Cour suprême. La Cour a confirmé la décision de la Cour du district dans un jugement daté du 14 novembre 2002, dont copie est jointe à la communication du gouvernement du 3 mars 2003. Enfin, le gouvernement présente ses arguments en faveur de la compatibilité de la loi no 34/2001 avec les conventions nos 87 et 98.
    • Economie islandaise
  2. 871. Concernant la dimension économique de l’affaire, le gouvernement souligne que le commerce extérieur est à la base du niveau de vie élevé que connaît la population. Environ 40 pour cent de la production intérieure est exportée, outre que les produits de la pêche représentent 60 pour cent des exportations et approximativement 40 pour cent des recettes en devises. Les pêcheries emploient environ 8 pour cent de la population active. Selon le gouvernement, la croissance économique des années quatre-vingt-dix est imputable à la stabilité économique et politique et, en particulier, au processus dit de «réconciliation nationale» (dont il a déjà été question dans la réponse du gouvernement pour le cas no 1768 examiné par le comité), processus dans le cadre duquel le gouvernement et les partenaires sociaux ont réussi à juguler l’inflation, laquelle avait posé un important problème économique.
  3. 872. Le gouvernement rappelle que la pêche est un secteur exposé à des fluctuations du volume des prises comme des prix du produit; en d’autres termes, compte tenu du poids économique du secteur, les affaires commerciales de l’Islande et par conséquent son économie sont assujetties à des fluctuations plus marquées que dans tout autre pays industriel. Les exportateurs de poisson islandais ont su développer leurs marchés, mais ces marchés peuvent facilement être perdus si l’offre ne répond pas à la demande pendant un certain temps. Le gouvernement explique qu’un arrêt prolongé de l’activité dans les pêcheries peut avoir à la fois des effets à court terme (diminution des recettes d’exportation) et des effets à long terme, qui incluent la perte de marchés pour les produits du poisson. La stabilité de l’industrie de la pêche est donc capitale pour l’économie islandaise.
  4. 873. Le gouvernement indique que la grève, qui a repris le 1er avril et qui s’est achevée le 16 mai au bout de six semaines, a été la grève la plus longue jamais menée par les pêcheurs. Il signale que, au second semestre 2001, la monnaie islandaise a perdu 8,2 pour cent de sa valeur; même si un tel recul résulte de nombreux facteurs, il ne fait aucun doute que la longue interruption de l’activité dans la principale industrie du pays y a grandement contribué. L’inflation a repris et l’économie s’est dégradée. Le gouvernement conclut que, face à l’effet de la grève sur l’économie du pays, il n’a eu d’autre choix que d’intervenir et de mettre fin au mouvement. C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner à l’adoption des lois nos 8/2001 et 34/2001.
    • Négociations sur les salaires et conditions de travail
    • entre les gens de mer et les exploitants de navires
  5. 874. Concernant les négociations sur les salaires et conditions de travail des pêcheurs, le gouvernement fait les commentaires suivants. Pour commencer, le gouvernement rappelle que la liberté d’association et la négociation collective sont couvertes par la loi no 80/1938 sur les syndicats et les conflits du travail. En Islande, la plupart des syndicats comptent très peu de membres parce que la structure économique du pays, y compris les industries de la pêche et de la transformation du poisson, se compose essentiellement de petites et moyennes entreprises. C’est pourquoi les syndicats se sont regroupés au sein d’organisations plus grandes à l’échelle nationale ou régionale. L’ASÍ est la plus grande fédération du pays. Les syndicats disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de négocier et d’approuver des conventions collectives. Les syndicats peuvent négocier directement ou autoriser les associations régionales ou nationales à le faire pour leur compte. Dans tous les cas, les membres de chaque syndicat conservent la liberté d’approuver ou de rejeter chaque convention collective négociée.
  6. 875. Le gouvernement considère que les salaires et conditions de travail doivent être déterminés essentiellement par le biais de négociations collectives. Pour faciliter les choses, un médiateur-conciliateur spécial a été institué par la loi no 80/1938. En premier lieu, le médiateur joue un rôle d’intermédiaire lorsque les parties à un différend ont décidé d’en référer à lui. Quand sa médiation n’aboutit pas, il peut aussi faire une proposition de compromis pour régler le différend. Une telle proposition n’est possible qu’une fois épuisés tous les efforts de médiation, et il incombe au médiateur de décider quel est le moment le plus opportun pour ce faire.
  7. 876. S’agissant des salaires des pêcheurs, le gouvernement indique que le principal sujet de conflit qui a surgi dans les négociations collectives est la question du cadre à l’intérieur duquel le prix du poisson doit être fixé, étant donné que ce prix constitue le fondement du système de partage des prises selon lequel le salaire des pêcheurs est calculé. Le gouvernement ajoute qu’un certain salaire minimum est garanti aux pêcheurs. Dans les années quatre-vingt-dix, le prix du poisson est devenu fortement déréglementé. Après une grève de deux semaines chez les gens de mer en 1994, une loi provisoire a été adoptée en vertu de laquelle le gouvernement a chargé un comité d’étudier des moyens d’éviter que le négoce de contingents de pêche ait un effet de distorsion sur les salaires des pêcheurs. Une autre grève, d’une durée de trois semaines, est survenue en 1995, à l’issue de laquelle une convention collective a été signée. Cette convention incluait des dispositions obligeant les exploitants de navires et les équipages à négocier le prix du poisson. D’autres dispositions prévoyaient l’instauration d’un comité spécial de réception des plaintes. L’existence de ce comité a été inscrite dans la loi no 84/1995. Il avait pour fonction de traiter l’information sur les cours du poisson et de fixer le prix du poisson par voie directe lorsque les parties ne parvenaient pas à s’entendre. La loi no 84/1995 a été remplacée par la loi no 13/1998, laquelle a établi la Direction des prix des parts de capture; cette dernière avait pour fonction de surveiller les cours du poisson et de promouvoir une évaluation juste et équilibrée des parts de capture revenant aux pêcheurs. Une troisième grève, entamée en 1998, a été interrompue après que le gouvernement eut manifesté son intention d’intervenir. La grève a repris au terme de plusieurs tentatives infructueuses d’aboutir à un accord; une proposition de compromis du médiateur-conciliateur s’est alors heurtée à un refus. La proposition a été ultérieurement reprise dans la loi no 10/1998 concernant les salaires et conditions de travail des pêcheurs.
  8. 877. La loi no 10/1998 devait s’appliquer jusqu’au 15 février 2000 et les négociations ont commencé en décembre 1999. Les difficultés relatives au prix du poisson ont resurgi. Au début de l’année 2001, alors que les négociations n’avaient presque rien donné, la FFSI, la SSI et la VSFI ont lancé un appel à la grève, qui a débuté le 15 mars. Elle s’est déroulée sans la participation des syndicats qui avaient été autorisés par la Fédération du travail des fjords de l’ouest à négocier pour son compte. Les exploitants de navires ont imposé un lock-out dans tout le pays à l’exception de la région de Snaefellsnes, qui a donc échappé à la grève et au lock-out.
  9. 878. La grève, qui tombait pendant la saison de la pêche au capelan, a été reportée au 1er avril 2001 par la loi no 8/2001. Elle a repris le 2 avril. Entre-temps, le médiateur-conciliateur avait rencontré plus de 70 fois les parties qui s’en étaient remises à son intervention. Le 9 mai 2001, la VSFI a conclu un accord avec la LIU. Cet accord contenait des dispositions sur la fixation du prix du poisson. Le gouvernement pensait que cette convention collective ouvrirait la voie à d’autres accords. Le gouvernement indique que, sur la foi des déclarations des autres parties au conflit ainsi que du médiateur-conciliateur, il n’y avait aucune chance que la question soit réglée par voie de médiation. En outre, selon le médiateur, il n’existait aucune base sur laquelle il aurait pu faire une proposition de compromis. Ainsi qu’il l’explique, le gouvernement a considéré que toutes les possibilités de négociation avaient été épuisées en vain; la grève se poursuivait et rien n’indiquait combien de temps elle pourrait durer. Le gouvernement explique qu’il n’a eu d’autre solution que de prendre des mesures d’urgence pour mettre fin à la grève en promulguant une loi.
    • Loi no 34/2001 et jugement de la
    • Cour du district de Reykjavik
  10. 879. Le gouvernement souligne que, après six semaines de grève, il lui a fallu éviter qu’un mouvement de plus longue durée entraîne des dommages irréparables pour l’économie islandaise. A cet égard, le gouvernement indique que les habitants des petites localités, dont la subsistance est fondée sur l’industrie de la pêche, étaient gravement menacés dans leur existence même par la grève et le lock-out, que des travailleurs des usines de poisson commençaient à se retrouver au chômage et que la grève commençait à avoir un effet négatif sur la commercialisation du poisson islandais à l’étranger; enfin, les recettes d’exportation du pays se ressentaient de la grève, ce qui contribuait à la dépréciation de la devise islandaise. Aux yeux du gouvernement, il était donc devenu urgent de mettre un terme à la grève et au lock-out et de trouver une solution raisonnable et équitable. Le gouvernement ajoute que la décision prise par les syndicats de la SSI (à l’exception d’un seul) de cesser la grève le 15 mai n’a pas empêché le maintien du lock-out. L’Althing a opposé une certaine résistance à la loi, au motif général que le législateur n’avait pas le droit d’intervenir dans un conflit du travail en adoptant une loi et en portant ainsi atteinte aux droits reconnus par la Constitution; des critiques se sont aussi manifestées au sujet du processus d’arbitrage prévu par la loi.
  11. 880. Concernant les mesures incluses dans la loi, le gouvernement considère que la nomination des membres du tribunal d’arbitrage par la Cour suprême a apporté la garantie de l’indépendance du tribunal. En l’espèce, le gouvernement rappelle que les parties ont eu jusqu’au 1er juin 2001 pour conclure un accord. La Cour suprême ne devait constituer un tribunal d’arbitrage composé de trois personnes qu’en l’absence d’accord. Le tribunal avait pour mission de déterminer les salaires et conditions de travail des pêcheurs membres des syndicats mentionnés à l’article premier de la loi, c’est-à-dire des syndicats des pêcheurs en grève et des syndicats des armateurs qui maintenaient le lock-out. En vertu de l’article 3, le tribunal d’arbitrage devait tenir compte de certains éléments au moment de rendre sa décision, à savoir: les conventions collectives qui avaient pu être passées au cours des derniers mois, l’intérêt qu’elles présentaient au regard de la question à l’étude, l’évolution générale des salaires et la situation particulière des parties mentionnées à l’article premier. Le gouvernement ajoute que, pour garantir l’indépendance du tribunal, il lui a confié la tâche de déterminer les autres éléments devant intervenir dans sa décision ainsi que la durée de validité de cette dernière.
  12. 881. Le gouvernement explique que, aucun accord n’ayant été conclu au 1er juin, le tribunal d’arbitrage a été mis sur pied. Celui-ci a d’abord fait une dernière tentative de médiation, mais en vain. Puis il s’est employé à rendre sa décision après avoir invité les parties à exprimer leurs points de vue par écrit. Sa décision a été annoncée le 30 juillet 2001.
  13. 882. Concernant le jugement rendu par la Cour du district de Reykjavik le 21 mars 2002, le gouvernement souligne les points suivants. L’ASÍ a prétendu que la loi no 34/2001 contrevenait aux articles 74 et 75 de la Constitution, en plus d’être en infraction avec divers traités internationaux ratifiés par l’Islande, notamment les conventions nos 87 et 98. La cour a reconnu que des facteurs économiques indéniables militaient en faveur du gouvernement, selon lequel l’intérêt du public était en jeu lorsqu’il a décidé d’intervenir pour arrêter la grève. La cour a reconnu que les syndicats non grévistes et ceux qui n’avaient pas appliqué le lock-out n’étaient pas liés par la loi no 34/2001. Le gouvernement indique qu’il ne s’est pas opposé aux griefs du plaignant à cet égard et qu’il n’avait jamais eu l’intention d’appliquer la loi à ces syndicats. Par ailleurs, la cour a partagé l’opinion de l’ASÍ selon laquelle l’organe créé en vertu de la loi n’était pas un véritable tribunal d’arbitrage au sens juridique du terme mais une commission administrative habilitée à trouver une solution au problème des salaires des pêcheurs. La cour a jugé que la loi no 34/2001 ne contrevenait pas aux dispositions de la Constitution islandaise au regard, notamment, des conventions de l’OIT.
    • Loi no 34/2001 et conventions nos 87 et 98
  14. 883. Concernant la compatibilité de la loi no 34/2001 avec les conventions nos 87 et 98, le gouvernement rejette catégoriquement l’accusation selon laquelle la loi déroge aux dispositions des deux conventions. Sur ce point, le gouvernement renvoie à ses arguments concernant l’incidence d’une grève prolongée sur l’économie. Il rappelle qu’il a toujours beaucoup compté sur les conventions collectives pour fixer les salaires et conditions de travail. En outre, pour accroître les chances de succès des négociations, le gouvernement a institué un dispositif par lequel les parties qui le souhaitent peuvent en référer au médiateur-conciliateur. C’est ce qui explique que le gouvernement ait longtemps attendu avant d’intervenir dans la grève. Le gouvernement se réfère aux conclusions du comité pour le cas no 1768 ainsi qu’au paragraphe 258 de l’étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, qui a servi de base auxdites conclusions, pour souligner que, au vu de ces documents, les autorités peuvent être fondées à intervenir dans un conflit en créant un tribunal d’arbitrage quand les négociations se trouvent dans une impasse. A cet égard, le gouvernement rappelle que tel était le cas dans l’affaire dont le comité avait été saisi. De plus, la grève prolongée s’accompagnait de graves effets dans l’économie et tout avait été fait pour aider les parties à conclure un accord. Le gouvernement rejette avec force l’argument de l’ASÍ selon lequel la loi no 34/2001 contrevient aux paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la convention: la liberté d’association est garantie par la Constitution islandaise et l’on ne peut en aucun cas dire que la loi no 34/2001 restreint le droit, pour les organisations de pêcheurs, d’élaborer leurs propres règles et d’organiser leur mode de contrôle et de fonctionnement.
  15. 884. Dans sa communication du 3 mars 2003, le gouvernement souligne à nouveau l’impact de la grève et du lock-out sur l’économie nationale. Il rappelle que le système islandais de négociation collective a été conçu en étroite coopération avec les partenaires sociaux, notamment à la suite des commentaires de l’OIT sur le fonctionnement du système. Enfin, le gouvernement indique que les syndicats n’ayant pas participé à la grève et les organisations d’armateurs n’ayant pas décidé d’un lock-out ont conclu un accord collectif le 26 novembre 2002, lequel accord reflète les termes de la décision du tribunal d’arbitrage. Le gouvernement confirme que la décision du tribunal est valable jusqu’à la fin 2003.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 885. Le comité observe que, globalement, les versions des plaignants et du gouvernement ne se contredisent pas quant aux événements ayant conduit à l’adoption de la loi no 34/2001. Le comité note que les plaignants ne contestent pas la loi no 8/2001 ayant eu pour effet de reporter la grève de deux semaines. Le comité prend également note du jugement rendu par la Cour du district de Reykjavik le 21 mars 2002, tel qu’il ressort de la réponse du gouvernement, ainsi que du jugement de la Cour suprême en date du 14 novembre 2002.
  2. 886. Le comité observe que la loi no 34/2001 a eu pour conséquences, d’une part, d’interdire une grève provoquée par un processus de négociation collective laborieux et, d’autre part, de fixer les salaires et conditions de travail des pêcheurs par le biais d’un processus d’arbitrage obligatoire. Le comité doit donc vérifier si la loi no 34/2001 est conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98.
  3. 887. Les plaignants estiment que l’adoption de la loi no 34/2001, qui a eu pour effet d’interdire la grève pendant une certaine période, transgresse la convention no 87 et en particulier son article 3; par ailleurs, l’adoption de la loi no 34/2001 s’ajoute à une suite d’interventions du gouvernement face à des mouvements de grève légitimes. Pour sa part, le gouvernement insiste sur les points suivants: 1) il a longuement attendu avant de se décider à intervenir; en effet, lorsque la loi no 34/2001 a été adoptée, la grève durait depuis six semaines; 2) la grève prolongée a eu de graves retombées sur l’économie du pays; 3) tout avait été fait pour que les salaires et conditions de travail des pêcheurs soient déterminés dans le cadre d’une négociation collective, et les positions des deux parties étaient irréconciliables. D’autre part, l’ASÍ prétend que les mesures inscrites dans la loi ne sont pas proportionnées avec ce que les circonstances exigeaient. Le gouvernement prétend ce qui suit: 1) la nomination d’un tribunal d’arbitrage a constitué une mesure proportionnée aux circonstances; 2) la loi avait pour objet de permettre aux parties au conflit de trouver une solution raisonnable et équitable.
  4. 888. Concernant la mention par le gouvernement des conclusions du comité pour le cas no 1768 (paragr. 29), le comité a reconnu, comme la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, qu’il arrive un moment dans les négociations où, après des négociations prolongées et infructueuses, l’intervention des autorités peut être justifiée lorsqu’il devient évident que l’impasse ne pourra être résolue sans une initiative de leur part. [Voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 258.] Ceci étant, le comité est d’avis que la seule existence d’une impasse au cours de négociations collectives ne suffit pas à justifier que les pouvoirs publics interviennent pour imposer un arbitrage aux parties à un conflit du travail. Toute intervention des pouvoirs publics dans un conflit du travail doit être compatible avec le principe de la négociation libre et volontaire; cela signifie que les organismes appelés à résoudre des différends entre les parties à une négociation collective doivent être indépendants, et le recours à ces organismes devrait se faire sur une base volontaire [voir Recueil, op. cit., paragr. 858], excepté lorsqu’il y a une crise nationale aiguë, ce que, dans le présent cas, le comité n’a pas été en position de déterminer.
  5. 889. Dans le cas présent, le comité souhaiterait faire les remarques suivantes. Premièrement, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il n’avait jamais eu l’intention d’appliquer la loi no 34/2001 aux syndicats non grévistes. Le comité observe toutefois, au vu des indications des plaignants et du jugement de la Cour du district de Reykjavik, que les dispositions de la loi n’excluaient pas explicitement les syndicats non grévistes du champ d’application de la loi. Le comité note que, dans le cas no 1768, cette question avait déjà été abordée et qu’il a été demandé au gouvernement «de s’abstenir à l’avenir d’avoir recours à de telles interventions législatives». [Voir 299e rapport, paragr. 111.] Le comité note enfin que les syndicats non grévistes et les armateurs n’ayant pas décidé un lock-out ont conclu un accord collectif après que la question a été clarifiée par la Cour du district de Reykjavik et par la Cour suprême.
  6. 890. Le comité estime en outre que le système institué par la loi ne pouvait obtenir et garder la confiance des parties parce que la nature de l’organe d’arbitrage n’était pas claire et que l’issue du processus était déterminée à l’avance par des critères législatifs. Sur ce dernier point, le comité note au regard de l’article 3 de la loi que l’organe d’arbitrage ainsi institué devait prendre en considération plusieurs éléments et en particulier les accords sur les salaires conclus dernièrement ainsi que l’évolution générale de la situation relative aux salaires. Le comité doit signaler de nouveau qu’il avait déjà soulevé cette question à propos d’une disposition législative similaire dans le cas no 1768, et il attire l’attention du gouvernement sur la conclusion qu’il a présentée au paragraphe 110 de son 299e rapport.
  7. 891. Même s’il considère qu’un arrêt de travail dans le secteur de la pêche peut avoir des conséquences importantes sur l’économie du pays, le comité estime qu’un tel arrêt ne met pas en danger la vie, la santé et la sécurité de la personne dans tout ou partie de la population. Pour toutes ces raisons, et tout en notant que la loi a octroyé aux parties deux semaines supplémentaires pour aboutir à un accord avant que le processus d’arbitrage soit enclenché, le comité considère que le processus établi par la loi n’est pas compatible avec le principe de la négociation libre et volontaire. Le comité rend cette conclusion avec préoccupation étant donné que l’organe d’arbitrage devait décider de la durée d’applicabilité de la convention collective signée par la VSFI et la LIU, en particulier aux membres de la FFSI et de la SSI.
  8. 892. De manière plus générale, le comité regrette de constater qu’en adoptant la loi no 34/2001, les pouvoirs publics sont intervenus pour la troisième fois en sept ans dans des négociations collectives concernant les salaires et conditions de travail des pêcheurs. Le comité note que les négociations dans cette branche d’activité se révèlent régulièrement difficiles et que ces difficultés semblent structurelles puisqu’elles sont liées à la fixation du prix du poisson. Le comité note également que le dispositif de médiation et de conciliation n’a pas permis aux parties de conclure un accord, et que ce n’est pas la première fois que ce dispositif se solde par un échec. Le comité signale que les pouvoirs publics ont aussi effectué plusieurs interventions d’ordre législatif à l’occasion d’autres négociations collectives au cours des vingt dernières années, dont certaines ont été portées à l’attention du comité et de la commission d’experts. Sur ce point, le comité renvoie à ses conclusions concernant les cas nos 1458, 1563 et 1768. Dans le cas no 1563, et notamment au paragraphe 376 de son 279e rapport, le comité a déjà signalé que: «Au cours des dernières années, le gouvernement a eu plusieurs fois recours à des interventions dans la négociation collective. C’est ainsi que, dans un cas précédent relatif à l’Islande (voir 262e rapport, cas no 1458, paragr. 124 à 153, et en particulier paragr. 148), le comité avait constaté qu’il y avait eu intervention législative générale dans le processus de négociation pas moins de neuf fois au cours des dix années précédentes. Ces interventions révèlent incontestablement l’existence de difficultés dans le fonctionnement du système des relations professionnelles.»
  9. 893. De l’avis du comité, ces considérations montrent que le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour éviter des interventions législatives et pour faciliter le déroulement de négociations collectives pleinement volontaires. Le comité considère que de telles mesures sont d’autant plus nécessaires aujourd’hui que les conventions collectives en vigueur relatives aux salaires et conditions de travail des pêcheurs et déclarées applicables en vertu de la loi no 34/2001 arrivent bientôt à expiration et qu’il y a fort à craindre que les mêmes difficultés ne ressurgissent. Il demande donc au gouvernement de revoir le mécanisme et les procédures employés dans le pays en matière de négociation collective. Le comité signale au gouvernement que le Bureau se tient à sa disposition pour lui fournir une assistance technique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 894. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité rappelle que, comme le reconnaît la loi sur les syndicats et les différends du travail islandaise, les travailleurs et les employeurs ont le droit d’avoir recours à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts professionnels.
    • b) Le comité considère que le processus d’arbitrage prévu par la loi no 34/2001 a contrevenu au principe de la négociation collective libre et volontaire; le comité rappelle à cet égard que les organismes appelés à résoudre des différends entre les parties à une négociation collective doivent être indépendants et que le recours à ces organismes devrait se faire sur une base volontaire, excepté lorsqu’il y a une crise nationale aiguë, ce que, dans le présent cas, le comité n’a pas été en position de déterminer.
    • c) Déplorant que de nombreux cas similaires violant les dispositions des conventions nos 87 et 98 sont intervenus dans le passé, le comité demande au gouvernement de changer le mécanisme et les procédures employés au niveau national en matière de négociation collective afin d’éviter dans le futur des interventions législatives répétées dans les négociations collectives; le comité signale au gouvernement que le Bureau se tient à sa disposition pour lui fournir une assistance technique.
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