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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 318, November 1999

Case No 1994 (Senegal) - Complaint date: 02-OCT-98 - Closed

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431. Dans une communication du 2 octobre 1998, l'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) a déposé une plainte contre le gouvernement du Sénégal pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 29 janvier 1999. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication du 8 mars 1999.

  1. 431. Dans une communication du 2 octobre 1998, l'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) a déposé une plainte contre le gouvernement du Sénégal pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 29 janvier 1999. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication du 8 mars 1999.
  2. 432. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 433. L'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) fait état de violation des droits syndicaux et se réfère plus particulièrement au cas du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité (SUTELEC). Ce syndicat oeuvre au sein de la Société nationale d'électricité du Sénégal (SENELEC), société d'Etat qui détient le monopole de la production, du transport et de la distribution d'énergie électrique au Sénégal.
  2. 434. L'organisation plaignante allègue que le secrétaire général de SUTELEC, M. Mademba Sock, qui est également secrétaire général de UNSAS, aurait été arrêté le 20 juillet 1998 avec 26 autres syndicalistes et que, au total, 38 syndicalistes auraient été licenciés par la direction de SENELEC. L'organisation plaignante considère que ces actions sont le fait du directeur général de SENELEC, qu'il aurait agi de connivence avec le gouvernement et la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal. Ces faits s'inscrivent dans le cadre d'un ensemble d'événements ci-après décrits et au cours desquels le gouvernement et les autorités de SENELEC auraient violé les principes les plus élémentaires de la liberté syndicale.
  3. 435. D'abord, l'organisation plaignante allègue que le gouvernement aurait fait obstacle à la libre négociation collective au sein de SENELEC. UNSAS spécifie que le gouvernement n'a pas respecté un protocole d'accord conclu le 2 juin 1997 avec SUTELEC dans le cadre de la réforme du secteur de l'électricité visant à privatiser la production, la distribution et la vente de l'énergie électrique. Ce protocole visait notamment à consacrer une formule pour résoudre le problème des besoins en investissement et celui de la préservation du service public et des intérêts des travailleurs. En outre, il était expressément prévu que toute modification ultérieure du protocole devait être soumise à une discussion préalable et à la signature d'un avenant.
  4. 436. Or, selon l'organisation plaignante, le gouvernement aurait violé délibérément ce protocole d'accord en décidant unilatéralement et sans consultation préalable que la transformation de SENELEC n'interviendrait qu'à titre intérimaire et s'effectuerait non plus par augmentation préalable du capital avant toute ouverture aux intérêts privés, mais par la mise en vente d'actions immédiatement aux intérêts privés.
  5. 437. Egalement, l'organisation plaignante estime que le directeur général et le conseil d'administration de SENELEC même font obstacle à la libre négociation collective. L'organisation plaignante explique que, le 16 février 1998, SUTELEC a introduit auprès du conseil d'administration de la société une demande de rencontres pour des négociations portant notamment sur l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement pour les agents non inscrits aux départs volontaires, l'indexation de la gratification sur la masse salariale annuelle et la promotion d'agents méritants. L'organisation plaignante allègue qu'après trois rencontres tenues avec la direction générale, les 17 et 20 mars ainsi que le 3 avril 1998, les autorités de SENELEC auraient manifestement eu recours à des mesures dilatoires. A cet égard, l'organisation plaignante précise que le directeur général n'aurait pas donné suite pendant plus de deux mois au projet d'additif relatif essentiellement aux négociations sur la promotion d'agents méritants établi selon l'usage par les représentants de la direction du personnel et deux membres de SUTELEC. Egalement, l'organisation plaignante ajoute que, bien que saisi depuis février 1998, le conseil d'administration de SENELEC ne s'est pas encore prononcé sur l'augmentation des salaires, la qualification et l'endettement du personnel ainsi que sur le fait que le directeur général ait manifesté un manque certain de bonne volonté dans le cadre des discussions relatives à la restructuration des unités de direction.
  6. 438. C'est cette attitude désintéressée de la part des autorités, ajoutée au fait que la direction générale de SENELEC ait persisté dans son offre des départs volontaires faite au personnel malgré les effets négatifs de cette politique sur le fonctionnement régulier de l'entreprise, qui poussa SENELEC, lors de son assemblée générale du 9 juillet 1998, à demander aux travailleurs concernés par les cumuls de poste et les heures supplémentaires de s'en tenir au poste initial et aux heures normales de travail. L'organisation plaignante insiste sur le fait qu'il n'y a aucun lien entre ces mesures et les interruptions générales de courant qui auraient eu lieu le 15 juillet suivant puisqu'elle rappelle qu'un même type d'interruption était déjà survenu auparavant, le 29 juin. Les interruptions ne sauraient être le résultat d'un quelconque sabotage, insiste-t-elle.
  7. 439. C'est à la suite de ces événements et d'une plainte du directeur général de SENELEC pour sabotage des installations électriques que la police a procédé le 20 juillet 1998 à l'arrestation, sans mandat, de M. Mademba Sock, secrétaire général de SUTELEC, et de 26 autres de ses camarades, alors qu'intervenait au même moment une troisième interruption générale de courant électrique. Après une garde à vue de quatre jours, les personnes arrêtées ont été déférées au Parquet puis inculpées, notamment du chef d'"atteinte portée au libre exercice de l'industrie ou du travail par suite d'un plan concerté entraînant la dégradation d'installations d'utilité publique. Actes et manoeuvres tendant à compromettre la sécurité publique". Les personnes arrêtées ont été mises en détention préventive le 23 juillet 1998 suivant le mandat de dépôt du juge d'instruction.
  8. 440. Le tribunal saisi a prononcé le 8 décembre 1998 la relaxe de tous les prévenus sur les chefs de "dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique appartenant à SENELEC" et de "complicité d'actes de dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique appartenant à SENELEC". Toutefois, MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye ont été condamnés à six mois de prison ferme pour avoir été jugés coupables d'avoir commis des actes ou manoeuvres de nature à compromettre la sécurité publique, délit prévu par l'article 80 du Code pénal. Le tribunal a estimé que les mesures prises à la suite de l'assemblée générale de juillet 1998 (voir supra) avaient pour conséquence prévisible "la baisse de rendement, un dysfonctionnement dans la production et la distribution de l'électricité en raison de la vétusté reconnue du matériel" et que des "menaces sérieuses susceptibles de générer des troubles étaient ainsi faites contre un service essentiel". En déclarant MM. Sock et Dieye coupables, le tribunal a aussi relevé que le Code pénal n'incrimine pas un résultat obtenu mais les conséquences que pouvaient entraîner les actes ou manoeuvres visés. MM. Sock et Dieye ont purgé leur peine et ont recouvré leur liberté le 23 janvier 1999.
  9. 441. En plus de ces arrestations, l'organisation plaignante ajoute que le directeur général de SENELEC aurait initié des procédures de licenciement contre 38 membres de SUTELEC, y compris ceux ayant été arrêtés. Le directeur général de SENELEC se serait vu accorder par l'Inspection régionale du travail de Dakar, en date du 24 juillet 1998, l'autorisation de licencier 13 délégués du personnel sur la base de motifs tels que l'incitation à une grève de zèle, l'incitation du personnel à la désobéissance, l'abandon de poste et la manoeuvre entraînant l'interruption partielle du fonctionnement du service. Le ministre du Travail et de l'Emploi aurait confirmé cette décision de l'Inspection régionale du travail en date du 16 septembre 1998.
  10. 442. L'organisation plaignante fait également état d'intervention et de répression systématiques de ses réunions et manifestations syndicales pacifiques. A cet égard, UNSAS précise que toutes ses demandes d'autorisation de marches pacifiques ou de réunions publiques ont été systématiquement rejetées. Alors que les premières décisions n'étaient pas motivées, les plus récentes ont été assorties de motifs liés au trouble de l'ordre public. Enfin, l'organisation plaignante affirme que ses tentatives de manifestations ont toutes été réprimées de façon violente.
  11. 443. Enfin, l'organisation plaignante allègue que ses locaux syndicaux auraient été violés. En date du 19 août 1998, les forces de l'ordre auraient lancé plusieurs grenades lacrymogènes dans le local du syndicat en vue, notamment, de disperser une tentative de réunion publique qu'il avait organisée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 444. D'entrée, le gouvernement explique qu'il n'existe pas de différend entre lui et UNSAS ou SUTELEC. En fait, le gouvernement déclare que le différend oppose plutôt la direction de SENELEC et SUTELEC et concerne certaines questions relatives notamment à l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement des travailleurs, l'indexation de la gratification sur la masse salariale annuelle, la promotion d'agents méritants et la suspension d'un dispositif d'incitation aux départs volontaires. Le gouvernement précise que, au-delà des revendications sectorielles qui ont, pour la plupart, trouvé une issue heureuse entre la société d'énergie et le syndicat, le différend trouve son origine dans la mise en oeuvre des réformes envisagées dans le secteur de l'énergie. Le gouvernement explique que, face au tarissement des sources traditionnelles de financement et à l'importance croissante des besoins d'investissement, l'Etat a entrepris un vaste programme de réformes. Dans ce cadre, le gouvernement a engagé un large dialogue avec les partenaires sociaux qui a permis l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la loi no 98-06 du 28 janvier 1998 autorisant la transformation de SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire. Le gouvernement poursuit en soulignant que, avant l'adoption de cette loi, les concertations avec SUTELEC avaient permis la signature du protocole d'accord du 2 juin 1997 qui portait sur le maintien de SENELEC comme opérateur principal chargé du transport, de la distribution et de la vente de l'énergie électrique; l'introduction de producteurs indépendants d'électricité; et la transformation de SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire où l'Etat détiendrait 51 pour cent des actions, dont 10 pour cent devaient être cédés aux travailleurs. Le gouvernement déclare que, sept mois seulement après la promulgation de la loi no 98-06, SUTELEC a initié une grève dite de zèle pour faire échec manifestement à l'application de cet accord.
  2. 445. Le gouvernement affirme que SENELEC baignait alors dans un climat de revendications qui a culminé dans l'ordre donné par SUTELEC à ses membres, au cours de l'assemblée générale du 9 juillet 1998, de refuser d'effectuer des heures supplémentaires légalement autorisées et de cumuler des postes de travail. Cette situation aurait duré jusqu'au 15 juillet 1998, date à laquelle une coupure d'électricité serait survenue dans la quasi-totalité du pays. Selon le gouvernement, les investigations menées par les services techniques de SENELEC ont fait état d'exactions et de voies de faits commises sur le matériel de production. Le gouvernement explique que c'est à la suite de ces incidents que la direction générale de SENELEC aurait porté plainte et que l'instruction de la plainte par la justice a abouti à l'arrestation du secrétaire général de SUTELEC et de 26 de ses camarades. La direction générale de SENELEC a par la suite procédé à la rupture des contrats de travail qui la liaient avec 38 responsables syndicaux impliqués dans cette affaire. Le gouvernement affirme que les motifs des arrestations et détentions des responsables de SUTELEC ne sont pas liés à leurs activités syndicales et que les licenciements intervenus ne sont pas non plus motivés par l'exercice de droits syndicaux.
  3. 446. Le gouvernement reprend par la suite chacune des allégations de la plainte plus en détail. En ce qui a trait plus précisément aux allégations relatives au non-respect du protocole d'accord du 2 juin 1997, le gouvernement explique que les seuls changements apportés par l'adoption de la loi no 98-06 concernent: la part d'actions cédées aux travailleurs qui est fixée de manière précise à 10 pour cent et un délai d'option qui est ouvert aux travailleurs jusqu'au 31 décembre 1998. Si SENELEC, avant l'ouverture aux intérêts privés, décide d'une augmentation de capital, seul l'Etat qui est actionnaire unique peut souscrire à cette augmentation. De plus, le gouvernement précise qu'avant l'adoption de la loi no 98-06 le ministre de l'Energie aurait tenu une réunion avec les responsables de SUTELEC pour les informer des précisions qui seraient ainsi apportées.
  4. 447. Pour ce qui est des entraves à la libre négociation collective imputées au directeur général et au conseil d'administration de SENELEC, le gouvernement souligne que l'organisation plaignante reconnaît elle-même la tenue de trois réunions avec la direction de SENELEC (les 17 et 20 mars et le 3 avril 1998) qui auraient permis d'obtenir de considérables acquis salariaux de l'ordre de 15 pour cent d'augmentation pour le plus bas niveau de rémunération et de 5 pour cent pour le plus haut niveau. De plus, un protocole d'accord du 17 mars 1998 prévoit une nouvelle augmentation en décembre 1998 de 5 pour cent applicable à l'ensemble des travailleurs.
  5. 448. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la détention arbitraires de 27 membres de SUTELEC, y compris de cinq des plus hauts dirigeants de ce syndicat et de 12 délégués du personnel, le gouvernement déclare qu'à aucun moment la justice n'aurait été influencée. A cet égard, le gouvernement précise, tout comme l'organisation plaignante, que la justice a rendu, en date du 8 décembre 1998, un verdict globalement en faveur de SUTELEC, démontrant ainsi sa totale indépendance. A cette occasion, le tribunal a relaxé purement et simplement tous les prévenus et les a blanchis de tous les chefs d'accusation pesant contre eux. Le tribunal a uniquement déclaré MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye coupables d'avoir commis des actes de nature à compromettre la sécurité publique et les a condamnés chacun à six mois d'emprisonnement ferme. Le gouvernement joint une copie du jugement prononcé.
  6. 449. Concernant l'offre de départs volontaires faite au personnel, le gouvernement estime que l'appréciation négative qu'en fait SUTELEC ne saurait engager la direction générale de SENELEC qui a la responsabilité légale de définir la politique de l'entreprise et à qui la loi reconnaît à cet égard un pouvoir de libre direction. Le gouvernement précise toutefois que cette politique vise en particulier les agents malades ou ceux à proximité de la retraite, les non-cadres âgés de 50 ans et plus, les cadres âgés de 55 ans et plus, les agents ne justifiant pas d'un niveau d'instruction au moins égal à la troisième secondaire ainsi que les agents en service dans les postes de travail en voie d'extinction. Le gouvernement regrette que SUTELEC critique l'offre sans tenter d'intervenir pour obtenir de la direction qu'elle l'améliore.
  7. 450. Pour ce qui est des allégations de licenciements de syndicalistes, y compris 19 délégués du personnel et 10 dirigeants syndicaux, le gouvernement déclare qu'ils ont été autorisés par l'Inspection régionale du travail de Dakar sur demande dûment motivée de SENELEC fondée sur les griefs suivants: incitation à une grève de zèle, incitation du personnel à la désobéissance; incitation à la réduction volontaire de la production; abandon de poste; manoeuvre entraînant l'interruption partielle du fonctionnement du service; et perte de confiance. Le gouvernement observe qu'en incitant à la grève de zèle sans préavis les responsables de SUTELEC ont violé les dispositions des articles L.273 et L.274 du Code du travail et se sont rendus coupables de faute justifiant leur licenciement en application de l'article L.275 dudit code. De plus, le gouvernement rappelle qu'aux termes de l'article 19 du règlement intérieur de SENELEC le licenciement d'un salarié peut être prononcé en cas: d'incitation des membres du personnel à la désobéissance; de réduction volontaire de la production; d'insubordination; et de refus d'accomplir le travail demandé dans le cadre de l'activité normale du salarié. Le gouvernement estime dès lors que la décision rendue par l'Inspection régionale du travail de Dakar, confirmée par le ministre du Travail, trouve son fondement juridique dans la loi et dans le règlement intérieur venant compléter le contrat individuel de travail des individus concernés.
  8. 451. Concernant les allégations d'interdiction et de répression systématiques des réunions et manifestations syndicales pacifiques, le gouvernement explique que le législateur a accordé un large pouvoir d'appréciation aux autorités administratives qui, sur la base de simples présomptions de troubles, peuvent interdire les manifestations publiques. Le gouvernement déclare que tous les arrêtés d'interdiction signés par les autorités administratives sont fondés sur les dispositions législatives pertinentes. De plus, le gouvernement note que UNSAS a renoncé au recours en contestation qui peut être introduit devant le Conseil d'Etat.
  9. 452. Concernant les allégations portant sur la violation du local du siège de UNSAS, le gouvernement rappelle que l'inviolabilité des locaux syndicaux est érigée en principe par l'article L.27 du Code du travail. Toutefois, ce principe ne vaut que si les organisations syndicales concernées se conforment aux dispositions légales régissant la tenue de réunions publiques ou de manifestations sur la voie publique. A cet égard, le gouvernement regrette que les militants de UNSAS utilisent le local syndical comme lieu de refuge ou base de repli lors des dispersions de manifestations non autorisées.
  10. 453. En dernier lieu, le gouvernement rappelle qu'en octobre 1992 presque toutes les régions du Sénégal avaient été plongées dans l'obscurité dans des conditions identiques à celles prévalant lors des événements du 15 juillet 1998. A cette époque, M. Mademba Sock lui-même avait imputé les actes perpétrés à son organisation syndicale, sans faire l'objet d'aucune sanction.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 454. Le comité note que ce cas traite de nombreuses allégations de violation des droits syndicaux, notamment d'entraves à la libre négociation collective, d'arrestations, de détentions et de licenciements de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, ainsi que d'interdiction de manifestation publique et de violations des locaux syndicaux.
  2. 455. Concernant les allégations d'entraves à la négociation collective, le comité note que l'organisation plaignante fait état de mesures dilatoires de la part de la direction générale de SENELEC lors de rencontres par des négociations portant notamment sur l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement pour les agents non inscrits aux départs volontaires, l'indexation de la gratification et la promotion d'agents méritants, ainsi que du non-respect par le gouvernement d'un protocole d'accord signé le 2 juin 1997 entre le gouvernement et SUTELEC. Le comité note que le gouvernement et l'organisation plaignante font état de trois réunions entre la direction générale de SENELEC et SUTELEC; en outre, le gouvernement ajoute que ces rencontres auraient abouti à un accord entre les parties sur de nombreux points, ce qui n'est pas démenti par l'organisation plaignante. A la lumière des informations qu'il possède, notamment quant aux réunions entre le syndicat et l'entreprise et à la conclusion d'un accord subséquent, le comité n'est pas en mesure de conclure que la direction générale de SENELEC ait entravé le droit à la négociation collective ou n'ait pas négocié de bonne foi avec SUTELEC. Toutefois, le comité insiste sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s'efforcer de parvenir à un accord, ce qui suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 816.) Le comité prie dès lors le gouvernement de le tenir informé du déroulement des négociations menées entre le syndicat SUTELEC et les représentants de la société d'énergie SENELEC.
  3. 456. Pour ce qui est du protocole d'accord du 2 juin 1997, le comité observe qu'il stipule expressément que SENELEC doit être maintenue comme opérateur principal du secteur chargé du transport, de la distribution et de la vente d'énergie au Sénégal (art. 1). Au regard du protocole, les parties se sont entendues pour transformer SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire, l'Etat devant détenir au moins 51 pour cent des actions de la société (art. 3 b)). En outre, la possibilité reste ouverte à l'Etat de céder aux travailleurs de SENELEC, à la demande de SUTELEC, une partie des actions qu'il détient (art. 3 c)). Enfin, il est expressément prévu que les parties doivent respecter scrupuleusement le protocole dont toute modification doit faire l'objet de discussions et, le cas échéant, de la signature d'un avenant (art. 7). Toutefois, le comité note que la loi no 98-06 du 28 janvier 1998 prévoit, en son article 2, que le niveau de la participation de l'Etat dans le capital social comprenant la part d'actions portée pour les travailleurs (10 pour cent) sera de 51 pour cent au maximum (art. 2) et que le niveau final de la participation publique sera de 41 pour cent au maximum, SENELEC devenant alors à majorité privée. Dans ces conditions, le comité ne peut que déplorer les contradictions manifestes qui existent entre la loi no 98-06 et le protocole d'accord du 2 juin 1997 et prier le gouvernement de respecter, à l'avenir, les ententes dûment négociées et conclues.
  4. 457. Pour ce qui est des allégations relatives à l'arrestation et à la détention arbitraires de 27 membres de SUTELEC, y compris du secrétaire général de UNSAS et SUTELEC, de dirigeants syndicaux et de délégués du personnel, le comité rappelle d'entrée qu'il s'agit d'allégations extrêmement graves et que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général, et des libertés syndicales en particulier. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 71.) Le comité note que ces personnes ont été accusées de "dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique", de "violences et voies de faits", d'"atteinte au libre exercice du travail", d'"actes ou manoeuvres de nature à compromettre la sécurité publique" et de "complicité" à la suite des interruptions générales de courant électrique qu'a connues le Sénégal au cours de l'été 1998. Le tribunal qui a été saisi de cette affaire a toutefois conclu que les preuves qui lui ont été présentées pour étayer ces accusations n'étaient pas suffisantes pour conclure à la perpétration de ces délits et a relaxé tous les inculpés, à l'exception de MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye qui ont pour leur part été jugés coupables d'un seul chef d'accusation, à savoir d'avoir commis des actes de nature à compromettre la sécurité publique, délit prévu à l'article 80 du Code pénal. Ils ont été condamnés à six mois de prison ferme, peine qu'ils ont entièrement purgée. Le comité observe que le tribunal fonde sa décision sur le fait que la conséquence prévisible du refus du cumul de poste et du boycott des heures supplémentaires, mesures décidées lors de l'assemblée générale de SUTELEC tenue le 9 juillet 1998, était "la baisse de rendement, un dysfonctionnement dans la production et la distribution de l'électricité en raison de la vétusté du matériel" et que "des menaces sérieuses susceptibles de générer des troubles, étaient ainsi faites contre un service essentiel". Le tribunal ajoute que l'article 80 du Code pénal vise exactement ce type de situations puisqu'il "incrimine non pas le résultat, mais les conséquences que pouvaient entraîner les actes ou manoeuvres ... (et) ... qu'il est permis de retenir qu'il vise un élément matériel très large qui consiste à une activité quelconque qui peut résulter non seulement d'un fait ou d'un geste mais aussi d'un écrit ou d'un discours et même de propos tenus en public". Le tribunal a dès lors conclu que les agissements de MM. Sock et Dieye présentaient ces caractéristiques et les a jugés coupables.
  5. 458. Dans ces circonstances, le comité observe que la société d'énergie SENELEC offre un service essentiel, c'est-à-dire un service dont l'interruption peut causer une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. Dans un tel cas, le comité rappelle avoir déjà admis que le droit de grève -- ou toute interruption du service -- peut faire l'objet de restrictions dans de tels services essentiels, dans la mesure où les travailleurs concernés bénéficient d'une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui ont été imposées à leur liberté d'action pendant les différends survenus dans ces entreprises ou services. Pour ce qui est de la nature des "garanties appropriées", le comité indique que la limitation du droit de grève devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 546 et 547.) Dans le cas d'espèce, le comité estime que l'absence de telles mesures compensatoires combinée à la portée extrêmement large de l'incrimination prévue à l'article 80 du Code pénal qui incrimine non pas les résultats mais les conséquences qu'auraient pu entraîner certains faits et agissements sur la sécurité publique a participé à l'établissement d'un climat de tension qui a mené aux arrestations et détentions dont il est fait mention dans la plainte; de manière à éviter que ne se reproduisent de telles situations regrettables, le comité rappelle au gouvernement que les activités syndicales ne doivent pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs de SENELEC une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui sont imposées à leur liberté d'action, protection pouvant prendre la forme de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  6. 459. Concernant le licenciement des membres de SUTELEC qui ont été arrêtés puis relaxés, le gouvernement affirme que les contrats individuels de travail de ces 25 travailleurs et de 11 autres syndicalistes qui n'ont pas été arrêtés ont été résiliés par l'Inspection régionale du travail de Dakar sur demande de SENELEC sur la base de griefs liés à l'interruption générale de courant électrique survenue le 15 juillet 1998. Toutefois, notant que le tribunal pénal a acquitté les 25 travailleurs qui avaient été arrêtés, le comité déplore vivement les licenciements des membres de SUTELEC qui ont été acquittés ainsi que les licenciements de ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une arrestation. Dans ce contexte, le comité demande au gouvernement de réévaluer la situation à la lumière du jugement prononcé en décembre 1998 et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires afin que tous les syndicalistes et dirigeants syndicaux membres de SUTELEC qui ont été licenciés à la suite des incidents de juillet 1998 se voient offrir la réintégration dans leur poste de travail, sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Enfin, le comité relève que les licenciements de syndicalistes ont été autorisés par l'inspection régionale du travail et confirmés par le ministre du Travail, entités qui, dans le présent cas, pourraient être perçues comme partiales, étant entendu qu'avant l'adoption de la loi no 98-06 qui a eu pour effet de transformer SENELEC en société anonyme à participation majoritaire privée, cette société était publique. Le comité demande en outre au gouvernement d'assurer que les organes chargés de protéger les dirigeants syndicaux contre les licenciements de nature antisyndicale agissent en toute impartialité et indépendance.
  7. 460. En ce qui concerne les allégations d'interdiction et de répression systématiques des réunions et manifestations syndicales pacifiques, le comité note que, selon le gouvernement, il existe un large pouvoir d'appréciation des autorités administratives pour interdire des manifestations publiques. A cet égard, le comité rappelle que les droits syndicaux comprennent le droit fondamental de tenir des manifestations publiques. Si, pour éviter des désordres, les autorités décident d'interdire une manifestation dans les quartiers les plus fréquentés d'une ville, une telle interdiction ne constitue pas un obstacle à l'exercice des droits syndicaux, mais les autorités devraient s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre. Les autorités ne doivent avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public est sérieusement menacé. L'intervention de la force publique doit rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et le gouvernement devrait prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 136 et 137.) Dans le cas présent, le comité déplore vivement toute répression violente de manifestations syndicales qui a pu avoir lieu; il prie instamment le gouvernement de donner les instructions nécessaires afin que de telles réunions puissent avoir lieu sans l'intervention des forces de l'ordre. En outre, le comité prie le gouvernement de s'entendre avec l'organisation plaignante afin que celle-ci puisse organiser des réunions publiques pacifiques, ce qui constitue un aspect important des droits syndicaux.
  8. 461. Enfin, en ce qui concerne les allégations portant sur la violation du local abritant le siège de UNSAS, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles les militants de UNSAS se sont réfugiés dans leurs locaux à la suite de la dispersion d'une manifestation publique par les forces de l'ordre. Le comité se réfère à ce propos aux paragraphes précédents concernant la répression violente de manifestation publique. De plus, au sujet des assauts menés contre les locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes, le comité rappelle que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes, fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales, et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 179.) Dans le cas présent, le comité demande au gouvernement de s'assurer que de telles violations des locaux syndicaux ne se reproduisent plus et prie le gouvernement de prendre des mesures sévères contre les responsables de cet incident afin qu'ils soient sanctionnés et de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 462. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Concernant les allégations d'entrave à la négociation collective, le comité, insistant sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s'efforcer de parvenir à un accord, prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement des négociations menées entre SUTELEC et les représentants de la société d'énergie SENELEC.
    • b) Concernant le protocole d'accord du 2 juin 1997, le comité ne peut que déplorer les contradictions manifestes qui existent entre la loi no 98-06 du 28 janvier 1998 et le protocole et prier le gouvernement de respecter, à l'avenir, les ententes dûment négociées et conclues.
    • c) Concernant l'arrestation et la détention de syndicalistes à la suite d'une interruption générale d'électricité en juillet 1998, le comité, insistant sur le fait que le droit de grève puisse être restreint dans des services dits essentiels dans la mesure où les travailleurs concernés bénéficient de garanties appropriées, prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs de SENELEC une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui sont imposées à leur liberté d'action, protection pouvant prendre la forme de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Concernant les allégations de licenciements des membres de SUTELEC, le comité demande au gouvernement de réévaluer la situation à la lumière du jugement de relaxe prononcé en décembre 1998 et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires afin que tous les syndicalistes et dirigeants syndicaux membres de SUTELEC qui ont été licenciés à la suite des incidents de juillet 1998 se voient offrir la réintégration dans leur poste de travail sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité demande en outre au gouvernement d'assurer que les organes chargés de protéger les dirigeants syndicaux contre les licenciements de nature antisyndicale agissent en toute impartialité et indépendance.
    • e) Concernant les allégations d'interdiction et de répression de manifestations syndicales, le comité déplore vivement toute répression violente de manifestations syndicales qui a pu avoir lieu; il prie instamment le gouvernement de donner les instructions nécessaires afin que de telles réunions puissent avoir lieu sans l'intervention des forces de l'ordre. En outre, le comité prie le gouvernement de s'entendre avec l'organisation plaignante afin que celle-ci puisse organiser des réunions publiques pacifiques, ce qui constitue un aspect important des droits syndicaux.
    • f) En ce qui concerne les allégations portant sur la violation du local abritant le siège de UNSAS, le comité demande au gouvernement de s'assurer que de telles violations des locaux syndicaux ne se reproduisent plus et prie le gouvernement de prendre des mesures sévères contre les responsables de cet incident afin qu'ils soient sanctionnés, et de le tenir informé à cet égard.
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