455. La plainte qui fait l'objet du cas présent figure dans une communication de l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) datée du 6 juin 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 23 janvier 1997.
- 455. La plainte qui fait l'objet du cas présent figure dans une communication de l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) datée du 6 juin 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 23 janvier 1997.
- 456. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 457. Dans une communication du 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) a fait savoir que, le 17 janvier 1991, elle s'est présentée devant l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale (IGTSS) pour dénoncer les pratiques antisyndicales de l'entreprise Lloyds Bank Limited (BLSA) à l'encontre de ses affiliés. L'organisation plaignante ajoute que, par une décision datée du 10 mars 1994, l'IGTSS a condamné l'entreprise Lloyds Bank Limited (BLSA) à payer une amende de 1 440 U.R. (mille cent quarante unités réajustables) pour avoir commis les actes antisyndicaux suivants, en violation de la convention no 98, article 1, paragraphes 1 et 2: a) l'octroi, en 1990, de gratifications aux membres du personnel qui ont travaillé pendant des grèves de revendication; b) la désignation à des postes de direction aux seuls travailleurs non affiliés au syndicat; c) l'octroi, en 1985, d'une augmentation de salaire de 6 pour cent aux travailleurs non affiliés. Par la suite, l'entreprise condamnée a présenté un recours en révocation auprès de l'IGTSS et un recours hiérarchique auprès du pouvoir exécutif. L'organisation plaignante ajoute que, le 12 février 1996, le pouvoir exécutif, se fondant, d'une part, sur des erreurs d'appréciation des faits et, d'autre part, sur les lois applicables, a révoqué la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale, datée du 10 mars 1994, qui condamnait la Lloyds Bank pour actes de discrimination antisyndicale. L'organisation plaignante envoi, en annexe à la plainte, des exemplaires du rapport du bureau juridique de l'Inspection générale du travail ainsi que le texte des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif.
- 458. L'organisation plaignante ajoute qu'elle a été informée de la décision du pouvoir exécutif datée du 28 février 1996 et qu'elle a introduit à son encontre un recours en nullité dans les délais prévus par la loi auprès du tribunal administratif. L'interjection de cet appel implique une procédure juridique dont la durée moyenne est d'environ trois ans. L'organisation plaignante indique que le tribunal administratif n'est pas un organe spécialisé en matière de droit collectif du travail et que, par conséquent, l'examen d'une plainte déposée par un syndicat pour cause de comportements antisyndicaux de la part d'une entreprise transnationale prendra au moins neuf ans. Le temps qui s'est déjà écoulé et celui que va prendre la procédure contentieuse démontrent bien l'inadéquation des mécanismes nationaux s'agissant de réparer les violations de droits.
- 459. L'organisation plaignante conclut en signalant que, dans le cas présent, les conventions nos 87 et 98 n'ont pas été respectées.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 460. Dans sa communication du 23 janvier 1997, le gouvernement déclare que: 1) le 10 mars 1994, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a pris une décision - pour conclure l'enquête administrative - aux termes de laquelle elle condamnait la Lloyds Bank Limited (BLSA) à une amende, au motif que cette entreprise avait enfreint la convention internationale du travail no 98 en se livrant à des actes antisyndicaux; 2) l'entreprise condamnée a introduit les recours administratifs pertinents à l'encontre de cette décision, conformément aux dispositions des articles 317 et suivants de la Constitution nationale, c'est-à-dire un recours en nullité et un recours hiérarchique; 3) le pouvoir exécutif, le 12 février 1996, a statué sur le recours hiérarchique en révoquant la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale susmentionnée, laissant du coup sans effet la condamnation y afférente; 4) le 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay a saisi l'Inspection générale d'une réclamation, relative à la décision du pouvoir exécutif précédemment mentionnée, invoquant qu'elle contenait des erreurs tant en ce qui concernait ses motifs que ses fondements juridiques; et 5) par ailleurs, l'AEBU a introduit une action en nullité auprès du tribunal administratif, contre la décision du pouvoir exécutif, afin d'obtenir son annulation.
- 461. Le gouvernement fait observer que le tribunal administratif est l'organe juridictionnel suprême en matière administrative qui connaît des demandes en nullité des actes administratifs définitifs et qui juge de leur légalité. En prononçant un jugement définitif, il est en mesure de confirmer ou d'annuler l'acte qui a été contesté. S'il prononce une annulation, l'acte s'éteint de plein droit et les effets de cette extinction sont rétroactifs, de sorte que, dans chaque cas, il faut examiner la portée de cette rétroactivité. Dans le cas présent, le processus d'annulation auquel nous faisons référence en est actuellement à la phase probatoire, et puisque la demande a été contestée par l'administration il faudra encore passer par diverses étapes de procédure (allégations des parties, avis du Procureur général de la République) avant d'arriver au jugement définitif. Le gouvernement fait savoir qu'il informera en temps voulu le Comité de la liberté syndicale des résultats de la procédure judiciaire susmentionnée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 462. Le comité observe que, dans le cas présent, les allégations portent sur des actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de travailleurs affiliés à l'Association des employés de banque de l'Uruguay, commis par l'entreprise Lloyds Bank. Concrètement, l'organisation plaignante allègue que, le 17 janvier 1991, elle a dénoncé auprès de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail des augmentations de salaire aux travailleurs non syndiqués et la nomination à des postes de direction uniquement de travailleurs non affiliés au syndicat, ainsi que l'octroi de gratifications aux travailleurs qui ont travaillé pendant un conflit collectif.
- 463. Le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle: i) le 10 mars 1994, après avoir mené une enquête, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail a rendu une décision par laquelle elle condamne l'entreprise Lloyds Bank à payer une amende pour avoir enfreint la convention internationale du travail no 98 en commettant des actes antisyndicaux; ii) l'entreprise a introduit des recours administratifs à l'encontre de la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale; iii) le 12 février 1996, le pouvoir exécutif a révoqué la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale qui condamnait l'entreprise; iv) le 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay a introduit un recours administratif et un recours en nullité auprès des autorités judiciaires (tribunal administratif) à l'encontre de la décision prise par le pouvoir exécutif; v) le processus judiciaire en est à la phase probatoire, de sorte que plusieurs étapes de procédure doivent encore s'accomplir avant que le jugement définitif ne soit prononcé.
- 464. Pour ce qui est de l'allégation relative à une augmentation de salaire de 6 pour cent octroyée aux travailleurs non affiliés au syndicat en 1985, le comité prend note du fait que, comme l'affirme l'organisation plaignante et aux termes des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif, cette augmentation n'a pas été appliquée en un premier temps aux travailleurs affiiliés. Bien qu'elle l'ait été par la suite, notamment après que le syndicat a mené des actions collectives, le comité estime que les travailleurs syndiqués ont subi un préjudice clairement dû à leur affiliation syndicale. Dans ces conditions, le comité, tout en soulignant que "nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées" (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690), demande au gouvernement de prendre des mesures pour éviter que des actes de discrimination semblables ne se reproduisent à l'avenir.
- 465. Quant aux allégations relatives à l'octroi de gratifications aux travailleurs non affiliés au syndicat au cours d'un conflit collectif, le comité fait observer que, d'une part, les décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du bureau juridique stipulent que:
- "... Ainsi, il est pleinement reconnu dans ces décisions que les gratifications dont il est question ont été octroyées exclusivement aux fonctionnaires non affiliés au syndicat et au plus fort du conflit du secteur bancaire, alors que le renouvellement de la convention collective était en négociation"; et "Si cette mesure n'est pas de nature répressive et si elle ne constitue pas une prime au mérite professionnel indépendamment de l'affiliation syndicale, comme l'a soutenu la Lloyds Bank dans le cadre d'une argumentation à laquelle elle a renoncé depuis, on peut se demander quelle était alors sa véritable finalité. Et c'est sans doute celle qui est mentionnée dans le rapport du bureau juridique... c'est-à-dire celle de récompenser, au cours d'un conflit, les membres du personnel qui n'ont pas participé à l'action collective. Voilà qui discrédite l'activité syndicale, d'où la dénonciation d'actes antisyndicaux exerçant un effet discriminatoire."
- Par ailleurs, le comité observe que la décision du pouvoir exécutif révoquant celle de l'Inspection générale du travail stipule que:
- "...selon les preuves rassemblées, il est manifeste que la gratification n'a pas été octroyée à tous les employés non affiliés mais seulement à certains d'entre eux, soit moins de 35 pour cent, de sorte que l'on ne saurait invoquer un acte de discrimination à l'égard des membres du syndicat. Ces gratifications ne sont pas une rémunération obligatoire mais plutôt des sommes d'argent que l'employeur, sans y être obligé, décide de verser aux fonctionnaires dont il estime qu'ils les ont méritées..."
- 466. A cet égard, observant que même si l'on prend en compte la décision du pouvoir exécutif aux termes de laquelle ces gratifications n'ont pas été octroyées à la totalité des travailleurs non affiliés, le comité constate qu'aucun travailleur affilié n'a reçu de gratification, et que ces gratifications ont été octroyées au cours d'une période de conflit provoqué par la négociation d'une convention collective. Dans ce contexte, le comité estime que l'octroi de gratifications aux membres du personnel non affiliés au syndicat - même s'il ne s'agit pas de la totalité d'entre eux- à l'exclusion de tous les travailleurs affiliés, en période de conflit collectif, constitue un acte de discrimination antisyndicale, en violation de la convention no 98. Ceci étant, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes ne se reproduisent.
- 467. Pour ce qui est de l'allégation relative à la désignation à des postes de direction de travailleurs non affiliés au syndicat, le comité observe que les décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du bureau juridique stipulent que:
- "...les décisions font état de l'infraction à la convention n 98 puisque l'impossibilité pour le personnel affilié au syndicat des banques d'accéder à des postes de direction est prouvée. Il ne s'agit donc pas de faire retomber sur l'employeur la charge d'étayer ses affirmations en produisant une preuve générique et négative, mais plutôt d'analyser avec soin les éléments de preuve concrets apportés à ces dossiers. Ainsi, on peut faire référence à des témoignages et à des documents probants qui étayent la conclusion selon laquelle la politique de promotion de la banque a été discriminatoire à l'égard des affiliés à l'AEBU... Parmi les déclarations versées au dossier, on peut signaler celles qui portent sur l'expérience personnelle d'affiliés qui ont reçu des propositions de promotion, assujetties à la condition qu'ils se désaffilient du syndicat (MM. Vietez et Tucuna); par ailleurs, des personnes occupant déjà des postes de direction ont été promues dès qu'elles se sont désaffiliées..." "... dans le règlement de cette question, la déclaration de M. David Oscar Vietez revêt une importance fondamentale puisqu'il témoigne de ce que M. Máximo Domínguez avait insinué que si lui, David Oscar Vietez se désaffiliait de l'AEBU, il pourrait éventuellement être nommé à un poste de direction. Compte tenu de ce qui précède, nous affirmons qu'il y a eu acte antisyndical manifeste, réitéré dans le temps, puisque divers témoignages ont fait mention de cas concrets de travailleurs qui, lorsqu'ils se sont désaffiliés du syndicat, ont accédé à des postes de direction".
- La décision du pouvoir exécutif révoquant la décision administrative stipule que:
- "... La jurisprudence de notre pays en matière sociale signale que l'un des facteurs déterminants des responsabilités des fonctionnaires de niveau exécutif et de direction, par rapport à celles des fonctionnaires de grade moins élevé est ce rôle de protagoniste qu'ils assument dans la formulation des décisions et dans la gestion des entreprises; il est donc impossible de limiter le pouvoir de sélection des cadres de direction, lequel ne saurait être considéré, en soi,comme discriminatoire." "Il n'est pas prouvé que des fonctionnaires se soient désaffiliés du syndicat dans le seul but d'être promus à des postes de direction puisque, dans le cas où référence a été faite à ces procédures, la promotion s'est produite plusieurs années après la désaffiliation; il est donc impossible d'établir un lien de cause à effet entre les deux événements."
- 468. A cet égard, le comité observe que les conclusions des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif divergent. Par conséquent, le comité estime qu'il ne dispose pas des éléments d'information suffisants pour déterminer si, pour des raisons antisyndicales, les postes de direction ont été réservés aux seuls travailleurs non affiliés à l'organisation syndicale. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement du tribunal administratif dès qu'il sera prononcé.
- 469. Enfin, le comité observe avec inquiétude que les actes de discrimination allégués dans le cas présent ont été dénoncés aux autorités administratives en janvier 1991, que trois ans et deux mois plus tard, en mars 1994, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail a pris une décision condamnant l'entreprise en question, qu'un an et onze mois plus tard, en mars 1996, le pouvoir exécutif a statué sur les recours présentés par l'entreprise révoquant cette décision et qu'en juin 1996 l'organisation plaignante a introduit des actions administratives et judiciaires contre la décision du pouvoir exécutif (selon les déclarations du gouvernement, au moment de la rédaction de sa réponse de janvier 1997, le processus en était encore à la phase probatoire). Ainsi, tout en constatant que plus de six ans se sont écoulés depuis la dénonciation initiale auprès de l'administration jusqu'à ce jour, le comité observe qu'il a récemment examiné un cas dans le cadre d'une plainte contre le gouvernement de l'Uruguay, et qu'il a déjà eu l'occasion de déplorer la lenteur des enquêtes administratives concernant les actes de discrimination; il avait déjà demandé au gouvernement de prendre des mesures pour qu'à l'avenir ce type d'enquête soit effectuée rapidement (voir 283e rapport, cas no 1596 (Uruguay), paragr. 371 et 374 b)). Compte tenu de ce qui précède, et rappelant que "les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale équivaut à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés." (voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 749), le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lors de dénonciations d'actes de discrimination antisyndicale, les autorités pertinentes effectuent sans délai une enquête et prennent les mesures qui s'imposent pour remédier à ces actes de discrimination.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 470. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Pour ce qui est de l'allégation relative à l'augmentation de salaire des travailleurs non affiliés au syndicat AEBU, le comité, tout en soulignant que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées, demande au gouvernement qu'il prenne des mesures pour éviter que des actes de discrimination semblables ne se reproduisent à l'avenir.
- b) A propos des allégations relatives aux gratifications octroyées aux travailleurs non affiliés au syndicat pendant un conflit collectif, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes, qui sont contraires à la convention no 98, ne se reproduisent.
- c) En ce qui concerne l'allégation relative à la désignation de travailleurs uniquement non syndiqués à des postes de direction de l'entreprise Lloyds Bank, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement du tribunal administratif à cet égard, dès qu'il sera prononcé.
- d) Rappelant que les procédures relatives à des questions de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces car une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale équivaut à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés; le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lors de dénonciations d'actes de discrimination antisyndicale, les autorités pertinentes effectuent une enquête sans délai et prennent les mesures qui s'imposent pour remédier aux actes de discrimination constatés.