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Definitive Report - Report No 270, March 1990

Case No 1460 (Uruguay) - Complaint date: 21-JUN-88 - Closed

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  1. 47. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de novembre 1989 et il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration (voir 268e rapport du comité, paragr. 535 à 573, approuvé par le Conseil d'administration à sa 244e session (nov. 1989)) en décidant d'examiner certaines allégations à sa réunion de février 1990, les observations du gouvernement à ce sujet n'ayant été reçues que quelques jours avant la réunion de novembre 1989. (Voir 268e rapport, paragr. 572 et 573.)
  2. 48. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations encore en instance après le dernier examen du cas

A. Allégations encore en instance après le dernier examen du cas
  1. 49. LA PIT-CNT avait allégué dans sa communication du 21 juin 1988 que le 4 décembre 1987 l'entreprise PUMA TRADING SA, qui employait 130 travailleurs, avait licencié Carlos Báez et Williams Maciel, membres du comité directeur du Syndicat des ouvriers et employés de Puma (SOEP), en violation des dispositions de la convention no 98. A l'appui de cette allégation, la PIT-CNT avait fait les observations suivantes qui témoignaient du caractère antisyndical de ces licenciements: 1) les relations ouvriers/patron s'étaient compliquées à l'extrême en 1987, l'employeur ne cessant de semer des obstacles; 2) les dirigeants syndicaux intéressés figuraient sur la liste de candidats aux élections syndicales qui devaient avoir lieu quatre jours après leur licenciement; 3) le licenciement aurait été motivé pour des "raisons de service" puisque les intéressés "ne satisfaisaient pas aux conditions générales exigées par l'entreprise"; 4) lors des audiences au sein du ministère du Travail, les motifs invoqués par l'employeur se seraient avérés impossibles à justifier; 5) les antécédents professionnels des travailleurs licenciés étaient excellents puisqu'ils avaient satisfait à toutes les conditions d'admission dans l'entreprise pour des emplois à responsabilité élevée; 6) l'entreprise n'avait pas expliqué pourquoi elle avait choisi cette date pour les licencier.
  2. 50. La PIT-CNT avait souligné qu'il existe dans la législation uruguayenne des dispositions qui permettent de licencier librement des travailleurs sans en justifier le motif, à la condition de verser l'indemnité prévue; le système, en vertu duquel le ministère du Travail ou l'inspection du travail (décret no 93 du 3 février 1968) infligeait des amendes d'un montant réduit en cas d'actes de discrimination antisyndicale, était absolument inadapté à la réalité du mouvement syndical uruguayen. Dans ce cas précis, la Direction nationale du travail avait fait preuve d'une inefficacité manifeste qui n'avait fait qu'aggraver le conflit puisque les médiateurs désignés avaient paralysé ses activités, laissant aux parties le soin de régler elles-mêmes le différend.
  3. 51. La PIT-CNT avait allégué également qu'au deuxième trimestre de 1987 l'entreprise "Sociedad Anónima Cristalerías del Uruguay", qui employait quelque 650 travailleurs, avait introduit des changements dans les installations qui, selon le syndicat, avaient entraîné des modifications techniques; par conséquent, l'instrument applicable dans ce cas était la convention collective de 1973 signée par les parties et enregistrée par le ministère du Travail. L'organisation syndicale avait exigé du ministère que soit appliquée cette convention. Par ailleurs, des grèves partielles et totales avaient été organisées dans l'entreprise. Alors que les deux parties étaient disposées à négocier, le syndicat avait décidé de suspendre l'une des grèves; l'entreprise avait saisi cette occasion pour accuser de mauvaise conduite notoire MM. Carlos Chemino (trésorier du Syndicat ouvrier de Cristalerías del Uruguay) et Aníbal López (délégué de section) et les avait licenciés en septembre 1987, en violation de la convention no 98. Ces licenciements portaient clairement atteinte à la liberté syndicale, l'imputation de mauvaise conduite n'ayant pas été reconnue par le ministère du Travail dans son jugement. Néanmoins, l'entreprise avait contraint ces travailleurs, affectés par la perte de leur emploi et de l'allocation de chômage, à accepter l'indemnité de licenciement prévue par la législation nationale, pensant ainsi "s'absoudre" de l'accusation de violation des droits syndicaux. La PIT-CNT avait estimé que ce versement, sept mois après l'interruption de la relation de travail, n'effaçait pas l'acte de discrimination et que l'enquête devait se poursuivre.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 52. Le gouvernement déclare, dans sa communication du 3 octobre 1989, que les infractions aux normes des conventions nos 87 et 98 (y compris les cas de licenciements antisyndicaux) sont passibles d'une sanction administrative; il peut s'agir d'un avertissement, d'une amende ou de la fermeture de l'établissement pour une durée pouvant atteindre six jours (loi no 15.903), la dernière mesure nécessitant une décision ministérielle fondée. Le montant de l'amende peut varier de 1 à 50 journées de salaire par travailleur que l'infraction concerne ou pourrait affecter. En cas de licenciement discriminatoire de dirigeants syndicaux, l'Inspection générale du travail, seul organe exécutif chargé de la "police du travail", a fixé le montant des amendes en retenant les journées de l'ensemble des travailleurs de l'entreprise puisqu'un acte de discrimination antisyndicale touche l'ensemble des salariés. Sur le plan administratif, une enquête est ouverte, la conciliation est tentée et l'ordre de réintégration est intimé lorsque l'attitude discriminatoire a donné lieu à un licenciement, faute de quoi l'entreprise est sanctionnée. On peut dès lors conclure sans difficulté que, non seulement le système de sanctions n'est pas faible, mais qu'il est au contraire dissuasif.
  2. 53. Le gouvernement ajoute que, par rapport au système administratif, le système judiciaire fonctionne en toute indépendance et que les travailleurs peuvent réclamer auprès des tribunaux ordinaires les salaires et les indemnités auxquels ils ont droit ainsi que la déclaration de nullité de leur licenciement. Ces formalités judiciaires bénéficient d'une procédure sommaire qui aboutit éventuellement à une seconde instance, avec la sentence du Tribunal d'appel du travail. Il existe également un recours en cassation devant la Cour suprême de justice qui accepte les cas de licenciements antisyndicaux, quel que soit le montant de la réclamation.
  3. 54. En ce qui concerne les formalités judiciaires, elles sont elles-mêmes réglementées par le décret-loi no 14.188 du 5 avril 1974 qui prévoit une procédure accélérée. Il faut cependant reconnaître que, dans les faits, le délai d'obtention d'une sentence définitive peut se prolonger de telle sorte que, dans de nombreux cas, les parties préfèrent parvenir à un accord avant d'épuiser la procédure. Le gouvernement explique qu'une réforme de la procédure avec les jugements par audience a été mise en place et qu'elle doit entrer en vigueur en novembre 1989. Cette réforme devrait notamment raccourcir la durée des procès, y compris celle des procès relatifs au travail.
  4. 55. Malgré l'indépendance entre la procédure administrative et la procédure judiciaire évoquée plus haut, il va de soi que tous accords ou transactions judiciaires ou extrajudiciaires conclus entre les parties impliquent l'arrêt des formalités administratives concernant l'affaire.
  5. 56. Plus concrètement, le gouvernement soutient qu'il n'y a eu aucune violation des conventions nos 87 et 98 dans l'entreprise "Sociedad Anónima Cristalerías del Uruguay". D'après le gouvernement, le fait à l'origine du conflit qui a conduit notamment au licenciement de deux ouvriers a été l'exécution, sur décision de la direction de l'entreprise, d'essais sur une des machines de la "section révision" en vue d'obtenir une production continue avec une augmentation sensible de la productivité. D'après les syndicats, les essais demandés par l'entreprise supposaient des modifications techniques et une restructuration des tâches qui exigeaient l'application de la convention collective du 8 décembre 1972. L'entreprise a par la suite suspendu les essais et le syndicat de son côté a recouru à l'action directe. Finalement, la division des relations de travail de la Direction nationale du travail, à la suite d'une visite de l'inspecteur du travail dans l'entreprise, a considéré que le type de tâches demandées à titre d'essai par l'entreprise ne constituait pas un changement technique et n'impliquait aucun risque pour la sécurité ou la santé des travailleurs.
  6. 57. Le gouvernement indique que les deux travailleurs de l'entreprise "Sociedad Anónima Cristalerías del Uruguay" ont été licenciés par l'entreprise pour avoir empêché la reprise du travail une fois le conflit réglé et les mesures levées. Le ministère, en se prononçant sur ces licenciements, a suivi la procédure ordinaire; il a stocké, à la suite de plusieurs audiences et de l'étude des pièces présentées par les parties que les versions des faits étaient clairement opposées et qu'il n'existait pas d'éléments de preuve suffisants démontrant que l'entreprise avait agi dans un esprit de discrimination antisyndicale. Ce qui a été confirmé par les déclarations des travailleurs, c'est qu'ils avaient ordonné l'arrêt des machines une fois le conflit réglé. Dans tous les cas, il existe des désaccords au sujet de la portée que les parties accordent à cette attitude. Il faut notamment signaler que les travailleurs n'ont pas été obligés d'accepter une indemnisation. Cette dernière a été, au contraire, librement acceptée par les travailleurs, lesquels non seulement n'ont pas réclamé à la justice une indemnisation ou l'annulation de leur licenciement, mais - d'un commun accord avec l'entreprise - se sont présentés devant les tribunaux ordinaires pour demander l'homologation d'une transaction accordée par voie extrajudiciaire, sans l'intervention du ministère ou du syndicat. Visiblement cet accord, homologué judiciairement, implique que le ministère suspend toutes les mesures administratives se rapportant à cette affaire.
  7. 58. Enfin, le gouvernement déclare considérer que la plainte relative à des pratiques antisyndicales de l'entreprise PUMA TRADING SA ne met pas en évidence de violations des conventions nos 87 et 98. Le gouvernement signale, par un acte en date du 10 mai 1988, que les travailleurs concernés ont accepté le paiement de l'indemnité licenciement accordée par l'entreprise sans recourir à la voie judiciaire pour effectuer une réclamation quelconque.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 59. Le comité note que ces allégations se réfèrent, d'une part, à l'inadaptation du système actuel de protection contre les pratiques antisyndicales et, d'autre part, au licenciement de quatre dirigeants syndicaux.
  2. 60. Pour ce qui est du premier point, le comité note que le système actuel de protection contre les pratiques antisyndicales comprend la possibilité de s'adresser à l'autorité administrative aux fins de conciliation ou d'investigation des faits, et que des amendes peuvent être infligées ou l'établissement être temporairement fermé si, par exemple, il ignore la mise en demeure de l'administration de réintégrer le travailleur victime d'un licenciement discriminatoire; le système actuel comprend également la possibilité de réclamer une indemnisation ainsi que la déclaration de nullité de licenciement auprès des tribunaux. Dans ces conditions, le comité estime que le système actuel, bien qu'il ne porte pas atteinte à la convention no 98, pourrait être amélioré en ce qui concerne l'accélération de la procédure. A cet égard, le comité prend note des récentes réformes tendant à accélérer l'adoption des jugements en matière de relations professionnelles.
  3. 61. En ce qui concerne le licenciement des dirigeants syndicaux, le comité observe que, selon le gouvernement, MM. Carlos Chemino et Aníbal López n'ont pas engagé de recours contre leur licenciement, que l'entreprise "Sociedad Anónima Cristalerías del Uruguay" a invoqué que ces derniers avaient empêché la reprise du travail une fois le conflit terminé et la levée des mesures syndicales communiquée, et que l'enquête administrative s'est heurtée à des versions des faits clairement opposées, bien qu'il ait été établi par les parties (qui accordent une portée différente à ces actes) que les travailleurs licenciés avaient ordonné l'arrêt des machines de l'entreprise Sociedad Anònima Cristalerías del Uruguay une fois le conflit collectif réglé dans celle-ci. Devant la contradiction existant entre les faits allégués et la réponse du gouvernement sur les circonstances de ces licenciements, le comité ne peut parvenir à une conclusion.
  4. 62. En ce qui concerne le licenciement de MM. Carlos Báez et Williams Maciel, dirigeants syndicaux de l'entreprise PUMA TRADING SA, le comité observe que la situation diffère sensiblement de la précédente. De fait, le gouvernement ne donne aucune précision quant aux faits concrets motivant le licenciement des deux dirigeants et se borne à décrire les possibilités d'obtention d'une protection juridique offertes aux intéressés et à faire valoir qu'ils ont accepté le paiement de l'indemnité de licenciement. Le comité souhaite faire mention d'une série d'indications sur le caractère antisyndical du licenciement de ces dirigeants communiquée par la partie plaignante, et regrette que le gouvernement n'ait fourni aucun commentaire à cet égard, bien que ces licenciements datent de décembre 1987. Le comité observe cependant que, selon l'organisation plaignante, les relations ouvriers/patrons s'étaient compliquées à l'extrême en 1987, l'employeur ne cessant de semer des obstacles, et que les dirigeants syndicaux intéressés figuraient sur la liste du candidat aux élections syndicales qui devaient avoir lieu quatre jours après leur licenciement. En outre, lors d'audience au ministère du Travail, les motifs invoqués par l'employeur s'étaient avérés impossibles à justifier, les antécédents professionnels des travailleurs licenciés étaient excellents puisqu'ils avaient satisfait à toutes les conditions d'admission à l'entreprise pour des emplois à responsabilité élevée, et l'entreprise n'a pas expliqué pourquoi elle avait choisi cette date pour les licencier.
  5. 63. Dans ces conditions, considérant que le fait d'accepter une indemnité de licenciement sans la contester devant un tribunal n'implique pas en soi la légitimité du licenciement, le comité signale, de manière générale, à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à ce que tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi tels que licenciements et autres mesures préjudiciables soient interdits et sanctionnés; ceci est particulièrement nécessaire dans le cas de délégués syndicaux car, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en toute indépendance, ceux-ci doivent être assurés qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 64. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité signale, de manière générale, à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à ce que tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi tels que licenciements et autres mesures préjudiciables soient interdits et sanctionnés; ceci est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les délégués syndicaux car, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en toute indépendance, ces derniers doivent être assurés qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent.
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