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Interim Report - Report No 194, June 1979

Case No 924 (Guatemala) - Complaint date: 14-FEB-79 - Closed

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  1. 360. Les plaintes de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et de la Confédération mondiale du travail (CMT) figurent respectivement dans un télégramme du 14 février 1979 et dans une lettre du 2 mars 1979. La CMT a communiqué de nouvelles informations par des communications des 19 avril et 9 mai 1979. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication du 23 avril 1979.
  2. 361. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 362. La CLAT se réfère au sort de plusieurs dirigeants syndicaux: certains auraient été tués, d'autres auraient disparu, d'autres encore auraient cherché refuge dans des ambassades. Certains, enfin, auraient quitté le pays en raison de la répression exercée contre le mouvement syndical: c'est le cas, semble-t-il, d'Edgar Orellana et d'Emilio Escobar de l'Organisation STIOS, de Marco Antonio Figueroa de l'ATRG, de Miguel Albizures et d'Israel Marquez de la CNT. Les allégations de la CMT portent également sur la situation de nombreux militants et dirigeants syndicaux dans le pays, notamment ceux qui viennent d'être cités: d'après elle, les disparitions et les meurtres seraient quotidiens. Elle affirme que des groupes d'extrême droite, comme 1"'armée secrète anticommuniste" (ESA), assassinent des dirigeants syndicaux et sèment la terreur en faisant circuler la liste de futures victimes parmi lesquelles Julio Celso de León, dirigeant du comité exécutif de la CLAT.
  2. 363. Les plaintes tant de la CLAT que de la CMT ont également trait à l'annulation par le gouvernement de l'enregistrement des organisations de travailleurs ATRG, ANCEP et AGAE. La CMT croit savoir que le gouvernement prépare une liste d'autres organisations de travailleurs contre lesquelles la même mesure serait prise, en particulier dans les secteurs de l'enseignement, de la sécurité sociale et pour les travailleurs municipaux. En outre, toutes les demandes introduites par les organisations de travailleurs pour obtenir la personnalité juridique sont bloquées. En conclusion, la CMT et la CLAT demandent l'envoi d'une commission d'enquête dans le pays.
  3. 364. La CMT signale, dans sa lettre du 19 avril 1979, la mort de Manuel Lopez Balan, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Société "Embotelladora Guatemalteca, Anexos y Conexos" de la filiale guatémaltèque de la Société Coca-Cola: alors que l'intéressé accomplissait, le 5 avril 1979, son travail de distributeur dans la zone 6 de la ville de Guatemala, des inconnus se seraient précipités sur lui, l'auraient tué et se seraient enfuis en toute impunité D'après la CMT, le vol n'est pas le mobile du crime puisque les assassins n'ont pas fait la moindre tentative pour soustraire le produit des ventes effectuées. La CMT décrit en détail les difficultés rencontrées par le syndicat précité pour se constituer en raison de l'hostilité de la direction. Il existait, ajoute-t-elle, un climat permanent d'affrontement entre celle-ci et le comité exécutif du syndicat. Pedro Quevedo, qui présidait ce comité exécutif, a été récemment mitraillé dans le camion qu'il conduisait. Peu après, Israel Marquez Pivaral fut choisi comme secrétaire général à la suite d'élections syndicales. Il devint la cible des attaques de l'entreprise. Après être sorti sain et sauf de deux attentats, il se réfugia à l'Ambassade du Venezuela, puis s'enfuit au Costa Rica. Manuel Lapez Balan lui succéda et reçut aussitôt diverses menaces de mort. Il fut finalement tué de la manière décrite plus haut. Enfin, dans une communication du 9 mai 1979, le président de la CMT signale, en particulier, la détention depuis 1978 de Jose Enrique Garcia Castellanos, dirigeant du syndicat de l'Institut guatémaltèque de sécurité sociale.
  4. 365. Le gouvernement souligne, dans sa communication du 23 avril 1979, que le pays fait face depuis quelques années à une lutte entre groupes politiques extrémistes et clandestins qui maintiennent un climat de violence et de terreur et menacent les institutions de l'Etat en dépit des programmes du gouvernement de développement socio-économique et d'ouverture démocratique. Il semble, selon lui, que l'objectif principal de cette lutte ait été de "déstabiliser" le gouvernement, de prendre le pouvoir et d'instaurer des régimes totalitaires. Cette lutte a fait des victimes parmi les militants et les dirigeants d'un secteur comme de l'autre. Même si la majeure partie des ressources de l'Etat en matière de sécurité, ajoute le gouvernement, a été consacrée au maintien de l'ordre et de la tranquillité, à la protection de la vie et des biens des citoyens, il n'a pas été possible jusqu'à présent d'atteindre les objectifs de paix pour de nombreux motifs, notamment en raison du manque de ressources économiques et techniques permettant de faire front à la violence sous ses multiples facettes; des groupes communistes et anticommunistes poursuivent une guerre ouverte, opérant dans la clandestinité.
  5. 366. Le gouvernement ajoute qu'il ne possède pas actuellement de mécanismes lui permettant de contrôler et d'annihiler ces groupes qui agissent avec une relative impunité, mais veut croire que les enquêtes en cours fourniront des bases pour les dissoudre et envoyer leurs membres devant les tribunaux.
  6. 367. Pour ce qui est de l'annulation de la personnalité juridique des associations ATRG, ANCEP et AGAE, le gouvernement signale que celles-ci ne respectaient pas les objectifs pour lesquels, conformément à leurs statuts, elles avaient été constituées: au lieu de défendre des intérêts professionnels, elles ont participé activement à une politique sectaire et ont collaboré avec la subversion déclarée contre le régime constitutionnel.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 368. Le comité a relevé la gravité de certaines allégations formulées par les plaignants qui se réfèrent notamment à la mort ou à la disparition de dirigeants syndicaux; d'autres syndicalistes auraient trouvé refuge dans des ambassades ou à l'étranger. Ces plaintes révèlent un climat de violence que le gouvernement confirme en soulignant qu'il résulte de la lutte que se livrent des groupements extrémistes clandestins. Il ajoute que cette lutte a fait des victimes parmi les militants et dirigeants d'une faction comme de l'autre.
  2. 369. Cette situation ne peut que créer une atmosphère d'insécurité et d'incertitude peu propice au libre exercice des activités syndicales ainsi qu'au fonctionnement même des organisations de travailleurs. Dans de telles circonstances, en effet, des responsables syndicaux exerçant normalement leurs activités de défense des intérêts des travailleurs peuvent craindre, parfois avec raison, d'être les victimes de ces attentats. De plus, les difficultés ainsi rencontrées dans l'exercice des droits syndicaux risquent de provoquer de nouvelles violences ainsi qu'une désaffection vis-à-vis du syndicalisme, ce qui ne peut qu'être préjudiciable aux intérêts des travailleurs et, en définitive, à la communauté nationale dans son ensemble.
  3. 370. Le comité a déjà signalé, dans des cas antérieurs, que des situations de ce type appellent des mesures sévères de la part des autorités. En l'espèce, il ressort de la réponse du gouvernement que des enquêtes sont en cours sur les activités des groupements subversifs et que leurs membres devraient être déférés devant les tribunaux. Le comité note ces informations. Les allégations présentées contiennent des informations précises sur la mort de M. Manuel Lopez Balan, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Société Embotelladora Guatemalteca. Le gouvernement n'a pas encore répondu à cette allégation qui a été reçue récemment. Le comité désire néanmoins signaler dès à présent que, dans d'autres cas se rapportant à la mort d'un syndicaliste, il avait attaché une importance particulière à ce que les circonstances du décès fassent l'objet d'une enquête approfondie afin que les faits soient éclaircis et les responsabilités déterminées en pleine objectivité et indépendance. Le gouvernement n'a pas répondu non plus aux allégations, reçues peu avant la session du comité, concernant la détention depuis 1978 de José Enrique Garcia Castellanos, dirigeant du syndicat de l'Institut guatémaltèque de sécurité sociale.
  4. 371. Pour ce qui est de l'annulation de la personnalité juridique de trois organisations de travailleurs (ATRG, ANCEP et AGAS), le gouvernement déclare que celles-ci ont participé activement à une politique sectaire et ont collaboré avec la subversion. A cet égard, le comité a toujours souligné que les syndicats ne jouissaient d'aucune immunité leur permettant d'exercer impunément des activités dépassant le cadre syndical et préjudiciables à l'ordre public. Il a toutefois insisté pour que, dans tous les cas, des mesures équivalant à la suspension ou à la dissolution d'une organisation de travailleurs soient décidées par la voie judiciaire. En vertu de l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par le Guatemala, les syndicats ne sont pas sujets à dissolution par la voie administrative. En effet, prises par les autorités administratives, de telles mesures risquent de paraître arbitraires. Pour cette raison et pour garantir une procédure impartiale et objective ainsi que les droits de la défense, ces décisions, si elles sont nécessaires, devraient être prises par une instance judiciaire qui jouit d'une pleine indépendance.
  5. 372. L'article 226 du code du travail du Guatemala prévoit que: "A la demande du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, les tribunaux du travail et de la prévoyance sociale doivent prononcer la dissolution des syndicats lorsqu'il peut être prouvé en justice: a) qu'ils interviennent dans les questions de politique électorale ou de parti, qu'ils se mettent au service d'intérêts étrangers contraires à ceux du Guatemala, qu'ils engagent ou favorisent des luttes religieuses ou raciales, qu'ils déploient des activités contraires au régime démocratique établi par la constitution, qu'ils obéissent à des consignes de caractère international contraires à ce même régime ou que, de toute autre façon, ils violent la disposition de l'article 206 qui leur enjoint de concentrer leur activité sur la défense et la protection des intérêts économiques et sociaux communs à leurs membres; b) ..." Selon l'article 217 du code, d'autre part, la personnalité juridique est indispensable pour que les syndicats puissent agir en tant que tels.
  6. 373. En l'espèce, le comité n'a pas à sa disposition d'informations précises sur le type de procédure (judiciaire ou administrative) qui a abouti au retrait de la personnalité juridique des trois organisations citées par les plaignants ni sur les faits concrets qui ont abouti à cette décision.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 374. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa préoccupation au sujet des violences exercées contre des syndicalistes et créant un climat peu propice au libre exercice des activités syndicales et au libre fonctionnement des organisations;
    • b) de prier le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations relatives à la mort du syndicaliste Manuel Lopez Balan (en indiquant notamment si ce décès fait l'objet d'une enquête et, dans l'affirmative, le résultat de celle-ci) ainsi qu'à la détention de José Enrique Garcia Castellanos;
    • c) d'inviter également le gouvernement à fournir des informations précises sur la procédure suivie pour retirer la personnalité juridique aux organisations ATRG, ANCEP et AGAE ainsi que sur les faits concrets qui ont abouti à cette décision;
    • d) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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