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Definitive Report - Report No 168, November 1977

Case No 825 (Nicaragua) - Complaint date: 23-SEP-75 - Closed

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  1. 108. Le comité a déjà examiné le cas no 849 à sa session de novembre 1976 et a présenté, à cette occasion, un rapport intérimaire. Depuis lors, le gouvernement a adressé une nouvelle communication datée du 23 février 1977. Les plaintes relatives au cas no 825 émanent du Syndicat des charpentiers, maçons, coffreurs et similaires de Managua, de la Fédération syndicale mondiale (FSM) et de la Confédération générale du travail du Nicaragua (indépendante). Elles sont respectivement contenues dans des communications des 23 septembre 1975, 11 février 1976 et 10 janvier 1977. La FSM a adressé des informations complémentaires le 19 janvier 1977. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par des communications datées des 20 décembre 1975 et 9 mars 1977.
  2. 109. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Cas no 825
    1. 110 Le Syndicat des charpentiers, maçons, coffreurs et similaires de Managua alléguait que le gouvernement du Nicaragua avait lancé une vague de répression, arrêtant et poursuivant les dirigeants syndicaux de la Confédération générale du travail (indépendante) et les dirigeants des syndicats affiliés. Il craignait pour la vie, ajoutait-il, de dirigeants syndicaux importants, détenus sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre eux et sans qu'ils soient passés devant une autorité judiciaire. Les obstacles qu'avaient rencontrés les centrales ouvrières dans leur tentative d'organiser de nouveaux syndicats seraient essentiellement le fait du gouvernement. Les travailleurs organisés de diverses industries du pays auraient été menacés et avertis qu'ils ne devaient pas se grouper en syndicats. Les syndiqués seraient sans cesse licenciés. La situation serait identique dans les campagnes: la création de syndicats de travailleurs agricoles ne serait pas permise et, lorsque des syndicats parviendraient malgré tout à se constituer, leurs dirigeants seraient arrêtés sous l'inculpation de subversion.
    2. 111 Le plaignant signalait l'incarcération des neuf dirigeants suivants: Domingo Sánchez Salgado, secrétaire général de la Confédération des paysans et des travailleurs agricoles du Nicaragua (CCTAN), Alejandro Solórzano Obregón, secrétaire aux conflits du Syndicat des charpentiers, maçons, coffreurs et similaires de Managua (SCAAS), Gonzalo Sobalvarro, secrétaire chargé de l'organisation du SCAAS de Diriamba, Juan Sequeira, militant de la Centrale des travailleurs de Masaya, José Antonio Dávila, militant du SCAAS de Managua, Salvador Suárez, secrétaire général de la Centrale des travailleurs de Masaya, Pablo Herrera, secrétaire chargé de l'organisation du SCAAS de Ginotega, Juan Triana, président du Syndicat des typographes de Managua et Julio Rayo, employé au SCAAS de Ginotega. Le plaignant soulignait que ces personnes étaient détenues sans procès.
    3. 112 Le gouvernement affirmait, dans sa communication du 20 décembre 1975, qu'il n'avait jamais cherché ou désiré faire obstacle à la liberté d'association dans le domaine professionnel et qu'il n'avait limité en aucune façon la liberté individuelle des personnes précitées. Il déclarait que le Nicaragua respecte et garantit les droits des travailleurs et en veut pour preuve la prolifération des syndicats existant légalement ainsi que les diverses conventions collectives conclues entre employeurs et syndicats, avec la participation du ministère du Travail.
    4. 113 A sa session de février 1976, le comité avait ajourné ce cas et avait décidé de faire part aux plaignants de la substance des observations du gouvernement et de les inviter à présenter tous commentaires qu'ils désireraient faire à cet égard, étant entendu que le gouvernement aurait la possibilité de répondre à ces commentaires.
    5. 114 Entre-temps, la Fédération syndicale mondiale avait formulé, dans sa communication du 11 février 1976, des allégations analogues à celles présentées par le Syndicat des charpentiers, maçons, coffreurs et similaires de Managua.
    6. 115 Dans sa communication du 10 janvier 1977, la Confédération générale du travail (indépendante) (CGTI) indique que les syndicalistes dont les noms avaient été communiqués dans la plainte initiale ont, par la suite, été remis en liberté du fait qu'on n'avait pu retenir aucune charge contre eux. Mais, poursuit la CGTI, au cours de 1976 d'autres syndicalistes furent incarcérés. Elle cite les noms de Pablo Emilio Centeno Pérez, président du Syndicat des chauffeurs de Managua; Ramón Duarte Mora, du Syndicat des cordonniers de Granada; Pedro Baltodano González, du syndicat des travailleurs des scieries de Managua; Bernardo Aráuz, dirigeant paysan de la CCTAN et Jesús Aráuz, également dirigeant paysan. Aucune charge concrète n'a été retenue contre eux et on ne les a pas poursuivis en justice. Ils se trouvent maintenant en liberté.
    7. 116 L'organisation plaignante ajoute que sont de nouveau détenus: Gonzalo Navarro Marin, du Syndicat de la construction (SCAAS) du département de Carazo, et Carlos Salgado Membreño, secrétaire à l'organisation de la Confédération générale du travail (indépendante). Le premier fut arrêté le 28 décembre 1976 et le second le 30 du même mois alors qu'il revenait de l'étranger. Aucun d'entre eux n'a, selon l'organisation plaignante, commis de délits et, par conséquent, ils n'ont pas été poursuivis en justice. Ces personnes sont maintenues au secret et ne peuvent rencontrer des membres de leur famille ou des avocats.
    8. 117 Par la suite, la CGTI se réfère à certaines questions qui font l'objet, selon elle, de violations de la convention no 87. Elle déclare en premier lieu à cet égard que le ministère du Travail, par l'intermédiaire du Département des associations syndicales, fournit aux personnes qui désirent constituer un syndicat, des formulaires qui doivent être obligatoirement remplis. Ces formulaires constituent des brouillons de l'acte constitutif et des statuts qui sont complétés selon le type de syndicat dont il s'agit. L'organisation plaignante estime que, de ce fait, les syndicats ne peuvent rédiger librement leurs statuts et formuler leur programme d'action.
    9. 118 Bien que les documents constitutifs d'un syndicat soient élaborés par le ministère du Travail, ils sont soumis, affirme la CGTI, à un examen du Département juridique du ministère. L'organisation cite, à cet égard, l'exemple du Syndicat des travailleurs des entreprises d'automobiles qui a été inscrit et légalisé un an après avoir déposé la documentation exigée, c'est-à-dire lorsque les travailleurs s'étaient déjà désintéressés du syndicat en raison des actes dilatoires du ministère. Un autre exemple est celui du syndicat des travailleurs du commerce de Managua, auquel la personnalité juridique a été refusée parce que ce syndicat n'était pas de type professionnel, mais de type industriel. De même, selon la CGTI, d'autres syndicats indépendants n'ont pas obtenu la personnalité juridique. Il s'agit, toujours selon les plaignants, d'une discrimination systématique contre le mouvement syndical indépendant. En conclusion, la CGTI demande l'envoi au Nicaragua d'une commission en vue de constater les irrégularités dont, selon elle, sont victimes le mouvement syndical en général et la CGTI en particulier.
    10. 119 Dans sa lettre du 19 janvier 1977, la FSM allègue que le gouvernement du Nicaragua a organisé une forte répression contre les dirigeants ouvriers et paysans qui exigeaient des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. Elle se réfère à ce sujet à l'arrestation de Carlos Salgado Membreño, secrétaire général de la CGTI, qui aurait été arrêté par des agents spéciaux de la garde nationale.
    11. 120 Dans sa réponse du 9 mars 1977, le gouvernement se réfère, en premier lieu, aux personnes mentionnées dans les lettres de la. CGTI et de la FSM. Au sujet de Ramón Duarte Mora, Pedro Pablo González, Bernardo Aráuz et Jesús Aráuz, le gouvernement indique que les autorités compétentes ne possèdent aucune information sur une possible détention de ces personnes ou sur le fait qu'elles auraient été arrêtées pour avoir participé à des mouvements de caractère syndical. Ramón Duarte Mora est la seule de ces personnes, Précise le gouvernement, qui soit connue pour sa participation à des affaires syndicales. En outre, le gouvernement déclare qu'aucune organisation ayant pour sigle CCTAN n'est connue au Nicaragua.
    12. 121 Pour ce qui est de Pablo Emilio Centeno Pérez, le gouvernement signale qu'il a été arrêté à la fin de 1976 alors qu'il revenait d'un voyage en Europe orientale pour des démarches de type subversif contre le gouvernement du Nicaragua. Une fois l'enquête effectuée, il a été remis en liberté. Le gouvernement ajoute qu'il n'a été arrêté à aucun moment pour des activités de nature syndicale.
    13. 122 Au sujet de Gonzalo Navarro Marin, du Syndicat de la construction (SCAAS) du département de Carazo, le gouvernement précise qu'il a été incarcéré provisoirement pour fautes de police et qu'il se trouve maintenant en liberté. Le gouvernement relève en outre qu'il n'existe pas de syndicat de la construction dans le département de Carazo, où ce type d'activités ne se rencontre que très rarement.
    14. 123 Le gouvernement mentionne également le cas de Carlos Salgado Membreño qui a été momentanément arrêté, aux fins d'enquête, à l'aéroport international "Las Mercedes" à son retour d'Europe orientale, alors qu'on avait appris qu'il participait à des activités subversives contre la sécurité de la République. Il ne fut donc pas arrêté, poursuit le gouvernement, dans le cadre d'une répression dirigée contre des dirigeants ouvriers et paysans qui auraient exigé des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. De plus, le gouvernement indique que, tout comme le signataire de la plainte présentée par la CGTI, Carlos Salgado Membreño est signataire du programme de l'Union démocratique de libération (UDEL), mouvement strictement politique et subversif.
    15. 124 Les allégations concernant les formulaires d'actes constitutifs et de statuts à remplir lors de la création d'un syndicat sont, selon le gouvernement, totalement fausses et absurdes. Jamais le ministère du Travail n'a exigé de quiconque de signer ou de remplir des formulaires. Il existe, dans ce ministère, un département juridique et un département des associations syndicales qui prêtent leur assistance aux travailleurs. Les procédures de constitution d'un syndicat sont clairement définies dans le Code du travail, lequel est distribué gratuitement à tous les travailleurs qui le demandent.
    16. 125 Parfois, poursuit le gouvernement, des travailleurs viennent demander au département juridique comment élaborer un acte constitutif et des statuts et celui-ci donne les explications nécessaires de manière générale et sur la base des lois existantes. Ces demandes sont formulées car il est fréquent que ces types d'actes soient rédigés par des avocats ou des notaires dont les travailleurs ne peuvent payer les honoraires.
    17. 126 A propos des allégations concernant la discrimination dont serait victime le mouvement syndicat indépendant, le gouvernement affirme que les autorités du travail ne manifestent aucune préférence pour personne pas plus qu'elles ne font de discrimination à l'égard des groupes qui ont des activités réellement syndicales. A titre de preuves, le gouvernement adresse des copies d'accords signés entre des entreprises et le Syndicat des charpentiers, maçons, coffreurs et similaires (SCAAS). Il joint également des coupures de presse faisant état de réunions au ministère du Travail auxquelles participaient des syndicalistes de la CGTI et du SCAAS.
  • Cas no 849
    1. 127 La plainte de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et de la Confédération mondiale du travail (CMT) concernait l'Union des travailleurs agricoles de Nueva Segovia (UTC) qui, selon les organisations plaignantes, est affiliée à la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) et groupe plus de 40 communautés et organisations de travailleurs ruraux de la région.
    2. 128 Dans leur communication, les plaignants déclaraient que l'armée nationale avait empêché la tenue d'une réunion du Conseil des organisations de base de l'UTC, convoquée pour les 13 et 14 décembre 1975 près de Jalapa, dans le département de Nueva Segovia. En effet, précisaient les plaignants, le secrétaire général de là Centrale des travailleurs du Nicaragua, Adolfo Bonilla, avait été arrêté le 13 décembre en compagnie de deux autres personnes alors qu'il devait participer à la réunion prévue pour ce jour.
    3. 129 D'autres éléments militaires avaient procédé à l'arrestation des dirigeants de l'UTC parmi lesquels Cástulo López, président; Venancio Blandón, contrôleur; Francisco Cáceres, secrétaire à la formation; Máximo Zeledón, secrétaire aux coopératives; Vicente Garcia, membre; ainsi qu'à celle de deux membres de l'exécutif de la CTN, Carlos Huembes et Ofilio Garciá. Tous furent enfermés dans deux centres de détention (Jalapa et Ocotal) et soumis à des tortures physiques et psychologiques pendant deux jours au cours desquels on intima l'ordre aux dirigeants de l'UTC et de la CTN d'abandonner leurs activités de type syndical dans la région, faute de quoi ils seraient éliminés physiquement.
    4. 130 A la suite des démarches effectuées par le département juridique de la CTN, les dirigeants détenus furent mis en liberté le 15 décembre, après qu'on leur eut rasé la tête et qu'on eut menacé les dirigeants nationaux de subir des conséquences en cas de retour dans la région. Malgré leur rapide mise en liberté, Máximo Zeledón, Vicente Garcia et Matias Talavera durent subir un traitement médical et hospitalier en raison des traitements qui leur furent infligés par les éléments de la force publique. En conséquence de tous ces faits, la réunion du conseil de l'UTC ne put avoir lieu, ce qui, selon les plaignants, répondait à l'objectif du gouvernement.
    5. 131 Dans sa réponse, le gouvernement déclarait que les allégations présentées par les organisations plaignantes étaient fausses, préméditées et de nature plus politique que syndicale. Le gouvernement ajoutait qu'aucune organisation connue sous le nom de Centrale des travailleurs du Nicaragua pas plus que sous le nom d'Union des travailleurs agricoles de Nueva Segovia n'était enregistrée au Département des organisations syndicales ou au Département des coopératives du ministère du Travail. Il en était de même pour des communautés ou organisations de travailleurs ruraux qui seraient affiliées à l'UTC.
    6. 132 Le gouvernement joignait en outre un extrait du journal "La Prensa" du 14 décembre 1974 qui contenait le programme minimum de l'Union démocratique de libération (UDEL), mouvement politique d'opposition auquel participe la Centrale des travailleurs du Nicaragua. Parmi les noms des signataires de ce programme figuraient, à titre de représentants de la CTN, ceux de Adolfo Bonilla et de Carlos Huembes, tous deux cités dans la plainte.
    7. 133 A sa session de novembre 1976, le comité avait notamment recommandé au Conseil d'administration':
      • - d'attirer l'attention sur certains principes et considérations concernant en particulier l'arrestation de syndicalistes;
      • - de prier le gouvernement d'apporter des précisions quant aux motifs qui auraient pu justifier les mesures d'arrestation prises à l'encontre des personnes en cause;
      • - de prier le gouvernement de présenter ses observations au sujet des allégations concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés aux personnes détenues;
      • - de transmettre la substance de la réponse du gouvernement aux organisations plaignantes afin que ces dernières présentent leurs commentaires au sujet de cette réponse et, notamment, apportent des précisions quant à la situation de la Centrale des travailleurs du Nicaragua et de l'Union des travailleurs agricoles qui, selon le gouvernement, ne sont pas enregistrées au ministère du Travail.
    8. 134 Depuis lors, les organisations plaignantes n'ont présenté aucun commentaire.
    9. 135 Dans sa communication du 23 février 1977, le gouvernement confirme la détention momentanée d'Adolfo Bonilla, Carlos Huembes et Ofilio Garcia. Le lieu de l'arrestation se situe dans une région montagneuse du nord du pays placée sous contrôle militaire spécial en raison de l'existence à cet endroit d'opérations de guérilla menées par des éléments subversifs armés contre le gouvernement légal. Dans ces conditions, les arrestations constituaient, selon le gouvernement, des mesures de sécurité dans la mesure où Adolfo Bonilla et Carlos Huembes sont des éléments rebelles et subversifs, militants de groupes politiques qui cherchent à renverser l'ordre institutionnel et à s'emparer du gouvernement.
    10. 136 Le gouvernement signale à nouveau qu'Adolfo Bonilla et Carlos Huembes sont signataires du programmé de lutte subversive adopté par l'Union démocratique de libération (UDEL) qui constitue un mouvement politique en totale opposition au gouvernement actuel. Leur arrestation provisoire était donc logique afin qu'une enquête soit menée sur leur séjour dans cette région.
    11. 137 Le gouvernement déclare ne pouvoir donner d'informations au sujet des autres personnes mentionnées dans la plainte car leur détention fut brève et provisoire. Ils retrouvèrent la liberté dès que l'absence de liens avec les éléments subversifs de la région fut vérifiée.
    12. 138 Le gouvernement rejette énergiquement les allégations relatives aux mauvais traitements dont auraient été victimes les personnes arrêtées.
    13. 139 Enfin, le gouvernement réaffirme que les syndicats mentionnés dans la plainte n'existent pas.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité au sujet des deux cas
    1. 140 Le comité constate que les deux cas qui lui sont soumis ont trait en particulier à des mesures d'arrestation qui, selon les plaignants, auraient été prises à l'encontre de dirigeants syndicaux. En outre, l'un des deux cas contient des allégations relatives à l'intervention des autorités dans la rédaction des règlements constitutifs et statuts des syndicats et à la discrimination dont seraient l'objet certaines organisations dans l'attribution de la personnalité juridique.
    2. 141 Pour ce qui est des mesures d'arrestation, le gouvernement déclare ne pas posséder d'informations sur la détention de certaines personnes mentionnées par les plaignants. Au sujet des personnes dont il confirme l'arrestation, le gouvernement précise que ces mesures ont été prises parce qu'il s'agissait d'éléments subversifs, ou en raison d'activités subversives ou à fin d'enquête, mais en aucun cas pour des activités syndicales. Ces détentions ont été de courte durée et toutes les personnes mentionnées ont par la suite été relâchées sans avoir été poursuivies en justice. Différents motifs sont avancés par le gouvernement pour justifier ces mesures: voyage en Europe orientale, séjour dans des régions où se déroulent des opérations de guérilla, participation au programme de l'Union démocratique de libération (UDEL).
    3. 142 Le comité considère que si le gouvernement était fondé à penser que certaines des personnes arrêtées étaient impliquées dans des actions de nature subversive, elles auraient dû être mises rapidement à la disposition de la justice pour être jugées en bénéficiant des garanties d'une procédure judiciaire normale. Le comité tient à souligner à cet égard l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Cependant, l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
    4. 143 Au sujet de l'Union démocratique de libération (UDEL), le gouvernement précise qu'il s'agit d'un mouvement ayant un programme strictement politique et d'action subversive contre le gouvernement constitutionnel du Nicaragua. Le comité a pris connaissance du texte joint en annexe à la réponse du gouvernement et a constaté qu'il s'agit d'un programme d'opposition, signé par les représentants de différentes organisations politiques ou syndicales, qui traite notamment de questions concernant la démocratisation du pays, le développement national économique, l'adoption d'une nouvelle législation sociale et la souveraineté nationale. Différentes propositions sont exprimées sur chacun de ces points. En premier lieu, le programme prévoit la liberté d'information et d'expression, la promulgation de lois sur la fraude fiscale, sur la fonction publique et sur les élections, ainsi que l'instauration d'un régime de droit, fondé sur le respect de la Constitution. Au plan économique, il est notamment proposé de nationaliser progressivement les ressources minières, forestières et maritimes, de réaliser une réforme agraire; de promouvoir une politique d'industrialisation nationale et de réglementer les investissements étrangers. Dans le domaine social, la nouvelle législation proposée comprend quatre éléments: le Code du travail, qui doit garantir la liberté syndicale et le droit de grève, la réglementation des organisations paysannes, le statut des enseignants et la lutte pour le plein emploi. Le programme se réfère aussi à la nécessité d'une réorganisation du Pouvoir judiciaire et à la mise sur pied d'un plan national de santé. Enfin, différents points traitent de la politique extérieure qui doit être "indépendante, fondée sur le principe de l'égalité juridique des Etats ainsi que sur l'équité économique".
    5. 144 Le comité croit, sur ce point, utile de se référer aux principes énoncés dans la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1952. Cette résolution prévoit que "lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec des partis politiques ou d'entreprendre une action politique conforme à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays".
    6. 145 Le comité note que, selon le gouvernement, certaines des arrestations concernent des dirigeants d'organisations non enregistrées au ministère du Travail. Le comité regrette que les organisations plaignantes invitées à présenter leurs commentaires sur ce point n'aient pas répondu. Le comité n'est pas en mesure, dans ces conditions, de se prononcer sur cette question.
    7. 146 Le comité note que le gouvernement nie l'existence des mauvais traitements qui, selon les allégations, auraient été infligés à certaines personnes arrêtées. Le comité ne peut que constater que les versions données par les plaignants et le gouvernement sur ce point sont en totale contradiction. Il tient à rappeler de façon générale qu'au cours de leur détention, les syndicalistes, comme toute autre personne, devraient bénéficier des garanties prévues par la Déclaration universelle des droits de l'homme. En outre, des plaintes concernant des mauvais traitements de détenus devraient faire l'objet d'enquêtes de la part des gouvernements pour que les mesures qui s'imposent soient prises.
    8. 147 Au sujet des allégations relatives à l'intervention des autorités dans la rédaction des règlements constitutifs et des statuts des syndicats ainsi qu'à la discrimination dont seraient victimes certaines organisations syndicales pour l'obtention de leur personnalité juridique, le comité a pris connaissance des dispositions pertinentes du Code du travail et du règlement sur les associations syndicales. Le comité a relevé que l'article 198 du Code du travail énumère différentes questions qui doivent être traitées dans les règlements constitutifs et les statuts des syndicats. Le comité estime que les dispositions aux termes desquelles les statuts doivent satisfaire à certaines exigences posées par la loi n'enfreignent pas le principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements administratifs, à condition que ces exigences soient conformes aux principes de la liberté syndicale et que l'approbation des statuts ne soit pas laissée à la discrétion des autorités publiques. Le comité est également d'avis que l'élaboration de statuts et de règlements types destinés à servir de guides aux syndicats, sous réserve que les circonstances soient telles qu'il n'existe en fait aucune obligation de les accepter ni aucune pression exercée à cette fin, n'implique pas nécessairement une ingérence dans le droit des organisations syndicales d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté.
    9. 148 Dans le cas présent, le comité considère que l'énumération dans le Code du travail des points devant être inscrits dans les statuts ne constitue pas en soi une atteinte au droit des organisations syndicales d'élaborer librement leurs règlements intérieurs. Cependant, le comité a relevé qu'aux termes des articles 199 du Code du travail et 13 du règlement sur les associations syndicales, l'Inspection générale du travail peut refuser l'enregistrement de l'organisation concernée en cas d'irrégularités ou de violation de la loi. En vertu de l'article 200 du code, cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le ministère du Travail. Le comité tient à souligner qu'en ce domaine, il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative. Ce recours constitue une garantie nécessaire contre les décisions illégales ou mal fondées des autorités chargées d'enregistrer les statuts.
    10. 149 Le comité doit en outre exprimer ses regrets du fait que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations spécifiques concernant la longue durée de la procédure d'enregistrement dans le cas du Syndicat des travailleurs des entreprises d'automobiles et le refus d'obtention de la personnalité juridique au Syndicat des travailleurs du commerce de Managua. Le comité souligne à cet égard que, s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, celles-ci, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 150. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations concernant l'arrestation de dirigeants syndicaux:
    • i) de prendre note de la libération des personnes mentionnées par les plaignants;
    • ii) d'appeler l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 142 à 146 ci-dessus concernant, d'une part, l'arrestation de dirigeants syndicaux et, de l'autre, l'indépendance du mouvement syndical, et, notamment,
    • iii) de signaler au gouvernement que la détention par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé entraîne des restrictions de la liberté syndicale;
    • b) au sujet des allégations concernant l'intervention des autorités dans la rédaction des statuts des syndicats et l'obtention de la personnalité juridique, d'appeler l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 147 à 149 ci-dessus, et notamment:
    • i) sur le fait qu'il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative tendant à refuser l'enregistrement de statuts syndicaux ou l'octroi de la personnalité juridique à un syndicat, et
    • ii) que, s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, celles-ci, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations.
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