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Interim Report - Report No 147, 1975

Case No 763 (Uruguay) - Complaint date: 03-JUL-73 - Closed

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  1. 305. Le comité a examiné le cas pour la dernière fois à sa session de février 1974 à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire (voir 142e rapport du comité, paragr. 191 à 221).
  2. 306. Par une communication en date du 15 mars 1974, la Fédération syndicale mondiale a transmis une communication de la Convention nationale des travailleurs de l'Uruguay contenant des informations complémentaires sur l'affaire. Par deux communications en date des 1er et 16 avril 1974, la Fédération syndicale mondiale a transmis d'autres informations sur le cas. Par ailleurs, par un télégramme du 2 avril 1974, l'Union internationale des syndicats des industries métallurgiques et mécaniques a formulé de nouvelles allégations relatives à ce cas. Dans des communications en date des 19, 20, 22 et 26 mars, 2 avril, 17 juillet et 19 et 22 août 1974, la Convention nationale des travailleurs de l'Uruguay a fourni de nouvelles informations sur l'affaire. Dans d'autres communications en date du 19 avril 1974, le Syndicat des médecins de l'Uruguay a transmis des renseignements complémentaires au sujet du cas. Par une communication datée de mai 1974, l'Organisation ouvrière de l'omnibus a formulé de nouvelles allégations concernant l'affaire. Dans une autre communication transmise au BIT par les Nations Unies le 17 juin 1974, le Syndicat des médecins de l'Uruguay a fourni de nouvelles informations au sujet du cas. Par des communications en date des 27 juin, 11 et 25 juillet 1974, la Fédération internationale des acteurs a formulé des allégations et transmis des informations touchant l'affaire. Une communication du Syndicat des travailleurs sur métaux en date du 16 février 1974, transmise au BIT par les Nations Unies le 12 juillet 1974, contenait des informations complémentaires sur l'affaire. Ces communications ont été transmises au gouvernement pour observations.
  3. 307. Par une communication en date du 20 juin 1974, le gouvernement a fait parvenir certaines observations sur les plaintes.
  4. 308. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 309. La dernière fois qu'il a examiné ce cas, (en février 1974), le comité a noté que les allégations formulées par les diverses organisations plaignantes portaient principalement sur l'arrestation de dirigeants syndicaux et sur la dissolution par décret de la Convention nationale des travailleurs. Vu la nature des allégations et des informations dont il dispose maintenant, le comité estime utile de résumer les allégations déjà examinées ainsi que les observations du gouvernement y relatives avant de poursuivre l'analyse des informations et des allégations qui lui ont été présentées depuis son dernier examen de l'affaire.
    • Allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes, à la dissolution de la Convention nationale des travailleurs et à l'intervention générale dans les questions syndicales
  2. 310. Les organisations plaignantes avaient signalé l'arrestation de nombreux dirigeants syndicaux et cité le nom de certains d'entre eux, dont en particulier Antonio Tamayo, dirigeant de la Convention nationale des travailleurs (CNT) et représentant des travailleurs uruguayens à la 58e session de la Conférence internationale du Travail, qui aurait été arrêté à son retour de la Conférence; Félix Diaz, autre dirigeant de la CNT; Mario Acosta, secrétaire général de la Fédération du bâtiment et vice-président de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, bois et matériaux de construction; Daniel Baldassari, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du pétrole et vice-président de l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires; le docteur Manuel Liberoff, trésorier du Syndicat des médecins de l'Uruguay et cinq autres dirigeants de ce syndicat: Juan J. Ormaechea, Nestor Figari, Alberto Cassamayore, Sergio Assandri et Carlos Buscato; ainsi que Victor Brindisi, secrétaire général de la Fédération de l'enseignement, dirigeant de la CNT et délégué régional de la Fédération des enseignants américains.
  3. 311. La Fédération syndicale mondiale (FSM) avançait que 60 dirigeants syndicaux étaient recherchés par la police, parmi lesquels figuraient le président de la CNT, José d'Elia et son vice-président, Vladimir Turiansky, ainsi qu'Enrique Pastorino, président de la FSM. Selon la FSM, quelque 1.500 travailleurs au total auraient été arrêtés et menacés d'être jugés par des tribunaux militaires. La FSM dressait par ailleurs une liste de 42 dirigeants syndicaux détenus et la Confédération mondiale du travail (CMT) citait les noms de 27 personnes arrêtées (liste qu'elle qualifiait de partielle).
  4. 312. Dans sa communication datée du 3 octobre 1973, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires signalait que, le 30 juin 1973, les autorités uruguayennes, avec l'aide des forces armées, auraient brutalement réprimé la grève entreprise par les travailleurs du pétrole, membres de l'organisation syndicale qui lui est affiliée, et placé la raffinerie ANCAP sous contrôle militaire. L'organisation plaignante ajoutait que le siège du syndicat aurait été fermé et les réunions interdites. De plus, le président de l'organisation syndicale, Jonás Steneri, serait détenu et son secrétaire général, Daniel Baldassari, ainsi que son secrétaire trésorier feraient l'objet d'un mandat d'arrestation. L'organisation plaignante indiquait enfin que l'autre organisation uruguayenne qui lui est affiliée, la Fédération des ouvriers du verre, serait, elle aussi, dans l'impossibilité d'exercer ses activités.
  5. 313. La Fédération syndicale internationale de l'enseignement affirmait, dans sa communication du 12 novembre 1973, que le gouvernement uruguayen poursuivait sa répression des enseignants syndiqués. Elle signalait que les locaux de plusieurs organisations d'enseignants avaient été violés, les machines à écrire et les ronéos détruites, les documents et archives confisqués. Elle ajoutait que le président de la Fédération de l'enseignement secondaire, Victor Cayota, était emprisonné.
  6. 314. Dans sa communication du 27 novembre 1973, la Confédération mondiale du travail (CMT) dressait une liste, incomplète selon elle, de dirigeants syndicaux détenus depuis près de cinq mois. Ainsi seraient détenus à l'Ecole des armes et des services de l'armée, outre certains dirigeants déjà mentionnés, Roberto Olmos, secrétaire général du syndicat des arts graphiques; Héctor Betancourt, dirigeant de la Fédération du transport; Honorio Lindner, dirigeant de la CNT et président de la Fédération nationale des employés municipaux; Aparicio Guzmán, dirigeant du syndicat des arts graphiques et Rubén Villaverde, dirigeant de la CNT et de la Fédération des travailleurs des services d'assainissement de l'Etat. La CMT Signalait, en outre, que de nombreux travailleurs seraient toujours détenus dans divers lieux: casernes, Direction de la police de Montevideo, commissariats de police locaux et stade "Cilindro municipal", et elle citait les noms de certains d'entre eux. Selon la CMT, aucun de ces travailleurs incarcérés n'aurait été condamné, ni même jugé. Leur seul délit, ajoutait la CMT, serait d'avoir défendu le respect de la Constitution et l'exercice de la liberté syndicale.
  7. 315. Dans sa communication du 10 décembre 1973, la Fédération latino-américaine du bâtiment, bois et matériaux de construction signalait que son affilié en Uruguay, le Syndicat unique de la construction et branches annexes, avait vu son siège investi par la troupe, ses fonds confisqués et ses réunions interdites.
  8. 316. La FSM, la CMT et l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et matériaux de construction dénonçaient, d'autre part, la dissolution par décret de la Convention nationale des travailleurs. Le décret de dissolution, paru le 30 juin 1973, expliquait cette mesure par l'attitude des dirigeants de la CNT tendant à susciter la violence et à en faire l'apologie, incitant les travailleurs à occuper les lieux de travail, et empêchant ainsi le fonctionnement normal des services publics et l'approvisionnement de la population.
  9. 317. Dans sa communication parvenue au BIT le 13 novembre 1973, le gouvernement a indiqué, sans entrer dans les détails, les circonstances qui, selon lui, avaient conduit à la détention des dirigeants syndicaux en question et à la dissolution de la Convention nationale des travailleurs. A l'appui de ses commentaires, il joignait un décret approuvé par le gouvernement le 30 juin 1973 qui dissout la Convention, ordonne la saisie de ses biens et l'arrestation de ses dirigeants.
  10. 318. Dans ladite communication, le gouvernement déclarait, en premier lieu qu'il avait déployé des efforts soutenus pour rechercher les solutions les plus utiles, les plus justes et les meilleures pour les travailleurs du pays. A cet effet, il aurait mené des conversations directes avec les divers secteurs du monde du travail et aurait aussi favorisé le dialogue constructif entre toutes les organisations syndicales de travailleurs et d'employeurs du pays. Il aurait, de plus, proposé des augmentations de salaires et des améliorations des conditions de travail et mis en oeuvre la création de commissions paritaires consultatives. Cette politique gouvernementale aurait rencontré l'accueil le plus favorable de la part de nombreuses organisations syndicales et de l'immense majorité des travailleurs
  11. 319. Pourtant, poursuivait le gouvernement, la CNT, dirigée par des extrémistes à l'idéologie totalitaire et appartenant à des groupes minoritaires, se serait opposée à cette politique gouvernementale en ignorant la liberté du travail, en faisant l'apologie de la violence, en encourageant l'occupation abusive des lieux de travail publics et privés et en incitant à la perpétration d'actes de sabotage et à de graves et continuels désordres dans la rue, paralysant ainsi les services publics, l'approvisionnement de la population et l'ensemble des activités du pays. Ce qui était en jeu, estimait le gouvernement, n'était pas une question de grève, mais de groupes minoritaires qui incitaient la CNT à provoquer le chaos social et à faciliter un changement d'organisation sociale, politique et économique. L'affrontement violent de la CNT avec les pouvoirs publics ne répondait, selon le gouvernement, à aucun motif professionnel mais à des fins politiques notoires, dont en premier lieu le renversement des institutions légales.
  12. 320. Le gouvernement déclarait que l'usage de la violence n'est admissible dans aucune société organisée et doit être rejeté de la façon la plus absolue. Il remarquait à ce propos que l'article 80, alinéa 6, de la Constitution de l'Uruguay ordonnait la suspension de la citoyenneté en cas d'appartenance à des organisations sociales ou politiques qui, par la violence ou par la propagande incitant à la violence, tendent à détruire les bases fondamentales de la communauté nationale.
  13. 321. De plus, le gouvernement rappelait que l'article 39 de la Constitution nationale donne à toute personne le droit de s'associer pour n'importe quelle fin, pourvu que l'association ne soit pas illégale. La loi no 9936 du 18 juillet 1940 définit l'association illégale comme celle qui appelle à la violence contre les institutions de la République ou contre les pouvoirs publics. La loi, dans son article 2, prévoit que de telles associations seront dissoutes et que ses dirigeants ou adhérents seront inculpés en vertu de la loi pénale.
  14. 322. Ces dispositions montrent clairement, ajoutait le gouvernement, que la CNT est devenue une association illicite au sens précité. Ses activités pouvaient constituer, selon le Code pénal, des délits de rébellion, d'émeutes, d'incitation publique à la délinquance, d'incitation à désobéir aux lois et à promouvoir la haine des classes et d'outrage à l'autorité. C'était à la justice pénale de définir les délits et les responsabilités pénales des dirigeants et adhérents de l'organisation.
  15. 323. L'action du gouvernement dans le présent cas était, déclarait celui-ci, justifiée dans la mesure où, selon la Constitution, il était responsable du maintien de la paix et devait prendre des mesures urgentes de sécurité dans les cas graves et imprévus de troubles (article 168, alinéas 1 et 17). De plus, l'article 5 de la loi no 14068 du 10 juillet 1972 donne au gouvernement le pouvoir de suspendre, dans tous les locaux, publics ou privés, les réunions ou activités qui provoquent ou rendent possible une atteinte à l'ordre public. Etant donné ce devoir premier de maintenir l'ordre, il était naturel que le gouvernement dût dissoudre la CNT et ordonner l'arrestation de ses dirigeants, en les mettant à la disposition de la justice pénale compétente.
  16. 324. Le gouvernement estimait, en outre, que les allégations formulées à son encontre d'avoir violé les conventions nos 87 et 98 n'étaient pas fondées. Si la convention no 87 dispose que les autorités publiques "doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter" les droits des organisations ou à en entraver l'exercice légal, elle énonce, d'autre part, que "dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus... de respecter la légalité". Or, ajoute le gouvernement, la CNT a cru que son autonomie et sa liberté d'action étaient telles qu'elle pouvait impunément négliger le droit du pays et même s'efforcer de le supprimer. Elle ignorait la défense des intérêts professionnels pour laquelle les syndicats existent pour soutenir certains intérêts politiques.
  17. 325. Certes, poursuivait le gouvernement, un syndicalisme éloigné de toute influence de la part des partis politiques est presque inconcevable dans un monde démocratique, mais on doit cependant éviter que le mouvement syndical soit l'instrument d'une idéologie déterminée ou d'une faction politique et que ses décisions ne traduisent pas la volonté de ceux qui se sont associés librement pour défendre leurs intérêts.
  18. 326. En outre, le gouvernement estimait que les commentaires qu'il a développés au sujet de la Convention nationale des travailleurs s'appliquaient également aux allégations formulées par le Syndicat des médecins de l'Uruguay et par l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires à propos de l'organisation étatique ANCAP. En conclusion, le gouvernement déclarait qu'il n'avait cessé de respecter les dispositions des conventions nos 87 et 98.
  19. 327. La résolution gouvernementale du 30 juin 1973, annexée à la communication du gouvernement, déclarait la CNT illicite et prononçait sa dissolution. Elle ordonnait la fermeture des locaux, la confiscation de ses biens et le blocage de tout dépôt en son nom ou au nom de ses dirigeants dans les institutions bancaires. Les dirigeants responsables de l'association étaient mis en état d'arrestation. Enfin, les dirigeants et adhérents qui se seraient exposés à des actes présumés illicites seraient soumis à la juridiction pénale compétente.
  20. 328. Dans une autre communication, en date du 16 janvier 1974, le gouvernement déclarait que l'emprisonnement d'Antonio Tamayo et les recherches effectuées à l'encontre d'Enrique Pastorino n'avaient aucun lien avec leur qualité de dirigeants syndicaux. Selon le gouvernement, l'arrestation d'Antonio Tamayo avait été ordonnée par le pouvoir exécutif en vertu des mesures d'urgence (article 168, alinéa 17, de la Constitution) et une présomption d'activités subversives ayant porté atteinte à la sécurité de l'Etat était à l'origine des recherches effectuées à l'encontre d'Enrique Pastorino. Dans une communication plus récente, en date du 31 janvier 1974, le gouvernement signalait que M. Tamayo avait été libéré à la fin décembre 1973.
  21. 329. En ce qui concerne l'arrestation de dirigeants syndicaux, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle Antonio Tamayo avait été libéré en décembre 1973, et a attiré l'attention du gouvernement, en particulier, sur le principe selon lequel, chaque fois que des syndicalistes sont détenus, y compris lorsqu'ils sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement estime sans rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales, les intéressés doivent être jugés équitablement et dans les plus brefs délais par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Le Conseil d'administration a également prié le gouvernement de bien vouloir indiquer si des procédures ont été engagées contre tous les syndicalistes en question, et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire qui a tenu à connaître de leur cas, d'indiquer l'état d'avancement de la procédure et de fournir les textes des jugements une fois qu'ils seront rendus avec leurs attendus.
  22. 330. Pour ce qui est de la dissolution de la Convention nationale des travailleurs, le Conseil d'administration a attiré l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative et que, de la même façon, la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif ne permet pas d'assurer les droits de la défense, droits qui ne peuvent être garantis que par la voie judiciaire normale. Le Conseil d'administration a également prié le gouvernement de bien vouloir envoyer ses commentaires sur les allégations relatives à l'interdiction des activités de la Fédération des ouvriers du verre et du Syndicat unique de la construction et branches annexes, et aux mesures prises contre plusieurs organisations d'enseignants. Le Conseil d'administration a en outre prié le gouvernement de bien vouloir envoyer des précisions sur la nature des actes qui sont imputés à Enrique Pastorino.
    • Nouvelles allégations concernant l'arrestation de dirigeants syndicaux et l'intervention générale dans des questions syndicales
  23. 331. Dans la communication de la Convention nationale des travailleurs de l'Uruguay transmise au BIT en date du 15 mars 1974 par la Fédération syndicale mondiale, il est allégué que Sonia Guarnieri, dirigeante de la Fédération des fonctionnaires de la santé publique, a été arrêtée au Brésil en septembre 1973 puis remise à la police de Rivera. Elle a été alors transférée à Montevideo où elle a été torturée dans les locaux de la Direction de la police. Les plaignants signalent que cette personne avait été recherchée par la police lorsqu'un mandat d'arrêt avait été lancé contre les dirigeants de la CNT. Elle a été arrêtée et détenue pendant plus d'un mois. Selon les plaignants, cette personne est~ détenue au onzième commissariat de Montevideo avec un certain nombre d'autres femmes appartenant au mouvement syndical (trois d'entre elles travaillent au Conseil central des allocations familiales et sont dirigeantes de l'Association professionnelle AFAF).
  24. 332. Les plaignants ajoutent que Léon Duarte, secrétaire du syndicat de la Fabrique uruguayenne de pneumatiques (FUNSA) est détenu depuis le 1er janvier à l'Ecole militaire, et Rogelio Zorrón, dirigeant de la CNT et des travailleurs de la Régie autonome de l'énergie et des téléphones (AUTE) dans les locaux de la Marine. Ils donnent les noms d'environ quarante syndicalistes, en précisant l'association professionnelle à laquelle ils appartiennent, qui sont détenus au stade "Cilindro Municipal" depuis janvier ou février 1974. Selon eux, Michelini Olivera et Heber Alonso, membres de l'AUTE, ont été torturés par la police et ce dernier a été retiré du stade "Cilindro" pour être transféré dans une prison militaire.
  25. 333. Les plaignants ajoutent que, le 22 février 1974, les autorités ont publié un document où figurent les noms et les photos des dirigeants syndicaux recherchés. Parmi eux se trouvent tous les membres de la direction de la CNT. Les plaignants précisent que divers journaux ont publié ce document en supplément à leurs éditions normales.
  26. 334. Dans sa communication en date du 1er avril 1974, la Fédération syndicale mondiale indique que, selon une information publiée par le quotidien "El Dia" le 19 mars 1974, le secrétariat du Colonel Alberto Ballestrino, chef de la police de Montevideo, a annoncé officiellement que toutes les autorisations pour l'organisation de réunions ou d'assemblées de caractère syndical étaient suspendues. Elle ajoute que le même quotidien a publié le 20 mars 1974 le communiqué officiel no 35 du chef de la police de Montevideo dans lequel il est annoncé que "les demandes d'autorisation pour l'organisation de réunions syndicales devront être motivées comme par le passé. Selon le résultat de l'étude de chaque cas, l'autorisation de réunion sera accordée ou non, conformément à la réglementation en vigueur". Selon la FSM, ces communiqués dénotent une violation flagrante du droit des organisations syndicales à tenir des réunions. Ces organisations doivent s'adresser à la Direction de la police et au ministère de l'Intérieur pour demander l'autorisation d'organiser des réunions, en indiquant le jour, le lieu et le thème de ces réunions.
  27. 335. Dans sa communication du 16 avril 1974, la Fédération syndicale mondiale ajoute que, le 6 mars 1974, le siège de l'Union nationale des travailleurs de la métallurgie et des branches annexes (UNTMRA), à Montevideo, a été occupé par la police qui a arrêté neuf travailleurs qui se trouvaient sur les lieux. Selon la FSM, le 8 mars, le local de la Fédération des ouvriers de la laine a été occupé et 38 travailleurs arrêtés. M. Freire Pizzano, directeur de la Fédération, a été sévèrement frappé Le 19 mars, le Syndicat unique des transports maritimes a été investi. Neuf travailleurs ont été arrêtés. En outre, ajoutent les plaignants, le professeur J. Bouton, dirigeant du Syndicat des médecins, a été arrêté à son domicile et emprisonné sans que les autorités aient fourni d'information sur les causes de son arrestation ni sur son sort actuel.
  28. 336. Dans une autre communication en date du 2 avril 1974, l'Union internationale des syndicats des industries métallurgiques et mécaniques fait savoir que plusieurs dirigeants du Syndicat de la métallurgie UNTMRA (Uruguay) affilié à l'union ont été arrêtés en raison de leurs activités syndicales.
  29. 337. Dans une communication en date du 19 mars 1974, la Convention nationale des travailleurs fait mention d'un certain nombre d'actes arbitraires de la part du régime militaire, y compris la dissolution par décret de la Convention, la perquisition de nombreux locaux syndicaux, l'ordre d'arrestation de tous les dirigeants de la CNT, l'interdiction de percevoir les cotisations syndicales, le licenciement de travailleurs pour leurs activités syndicales et l'emprisonnement de tous ceux qui perçoivent des cotisations syndicales. Dans une communication en date du 20 mars 1974, la CNT avance qu'en général, la liberté syndicale et les droits humains sont totalement méconnus en Uruguay. Dans une autre communication datée du 22 mars, elle fait état de la perquisition effectuée dans les locaux de l'Union nationale des travailleurs sur métaux et des industries similaires, de la Fédération des ouvriers de la laine et du Syndicat unique des transports maritimes, en mars 1974, et des arrestations qui ont suivi. La CNT ajoute que ces trois organisations syndicales ont uniquement des activités syndicales. Selon la convention, l'intervention de la police et des forces armées dans la vie syndicale se produit de plus en plus souvent depuis le coup d'Etat de juin 1973. Dans de nombreux cas, les biens syndicaux ont été endommagés, dérobés ou confisqués. Dans une communication en date du 26 mars 1974, la CNT allègue en outre que le 22 mars, les locaux du Congrès des ouvriers du textile ont été perquisitionnés, et que, par ailleurs, toutes les émissions de caractère syndical transmises par les stations nationales de radio ont été interdites.
  30. 338. Dans une communication en date du mois de mai 1974, l'Organisation ouvrière de l'omnibus avance qu'après avoir été libéré de prison en décembre 1973, Antonio Tamayo a repris ses activités dans les organisations syndicales des transports ainsi qu'en tant que délégué général des travailleurs auprès de la Commission de la productivité, des prix et des revenus (organisme tripartite). Selon elle, après une brève période d'activité, Tamayo ainsi que 48 militants syndicaux et sociaux ont été congédiés par la Compagnie uruguayenne des transports en commun, SA (CUTCSA).
  31. 339. Dans une communication en date du 29 mai 1974, le Syndicat des médecins de l'Uruguay affirme que le Dr. Barret Diaz, secrétaire général du syndicat, est détenu depuis le 24 mai sans raison ni procès.
  32. 340. Dans des communications datées des 27 juin et 11 juillet 1974, la Fédération internationale des acteurs a allégué qu'Eduardo Prous, vice-président de la Fédération et secrétaire du Syndics des acteurs de l'Uruguay, avait été arrêté. Dans une communication du 25 juillet 1974, elle a fait savoir que M. Prous avait été relâché mais que l'on ne savait pas encore s'il pourrait continuer à exercer sa profession en Uruguay.
  33. 341. Dans des communications en date des 17 juillet et 19 août 1974, la Convention nationale des travailleurs de l'Uruguay souligne que toute activité syndicale a cessé dans le pays en faisant allusion au cas des syndicalistes détenus qui ont été torturés. Elle déclare en particulier que, par une récente communication, le chef de la police a fait savoir à l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) que le siège de l'association serait fermé si elle poursuivait ses activités et persistait dans ses revendications. Dans une autre communication en date du 22 août 1974, la CNT fait observer qu'en août, quatre dirigeants de syndicats portuaires, à savoir Juan Gómez; Rubén Bello, Agustin Tapia et Humberto de los Santos, ont disparu et qu'on ne sait plus rien d'eux.
  34. 342. Dans une communication en date du 20 juin 1974, le gouvernement transmet copie des communications échangées entre le commissariat de police, le directeur de la Direction nationale de l'information et des renseignements et le directeur général chargé de la coordination exécutive, où il est indiqué que les neuf personnes dont les noms suivent ont été détenues au stade "Cilindro Municipal" et ont été par la suite libérées: Victor Brindisi, Hector Goñi, Miguel Bouzas, Victor Cayota, Carlos Espinosa, Alberto Fernandez, Sonia Guarnieri, José Luis Cola Horne et Romulo Oraison. L'une de ces personnes, Sonia Guarnieri, aurait été mise en détention le 20 octobre 1973, remise en liberté le 20 novembre 1973 et de nouveau arrêtée le 14 février 1974. Elle serait encore en prison. En outre, trois autres personnes (Ricardo Vilaro, A. Rubio et Héctor Rodriguez) auraient été conduites à la prison centrale sur instruction du juge militaire. Les personnes susmentionnées auraient été détenues en application des mesures de sécurité d'urgence, en leur qualité de membres de la Convention nationale des travailleurs, organisation qui a été dissoute pour avoir eu des activités contraires à l'intérêt national. Il est fait mention de sept autres dirigeants syndicaux (Antonio Tamayo, Félix Diaz, Roberto Olmos, Héctor Betancourt, Honorio Lindner, Aparicio Guzmán et Rubén Villaverde) qui ont fait l'objet d'une détention provisoire pour les mêmes motifs, mais ont tous retrouvé leur liberté. Le dirigeant syndical Héctor, P. Rodriguez, ainsi que deux professeurs, aurait été inculpé par les autorités judiciaires militaires pour activités séditieuses, à la suite de l'enquête menée après l'explosion d'une bombe à la Faculté d'ingénierie.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 343. Après avoir examiné toutes les informations qui lui ont été communiquées, le comité se déclare préoccupé par les nombreuses et graves accusations portant sur la violation des libertés syndicales formulées à l'encontre du gouvernement, et il regrette que celui-ci n'ait pas répondu à un grand nombre des allégations formulées. Le comité a souligné dans le passé que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux.
  2. 344. En ce qui concerne l'arrestation et la détention de syndicalistes, le comité voudrait appeler de nouveau l'attention du gouvernement sur les principes qu'il a évoqués lorsqu'il a examiné l'affaire en février 1974 selon lesquels, chaque fois que des syndicalistes sont détenus, y compris lorsqu'ils sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement estime sans rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales, les intéressés doivent être jugés équitablement et dans les plus brefs délais par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Quand il est apparu au comité que, d'après les informations qui lui avaient été fournies, les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes, qu'ils avaient bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière et qu'ils avaient été condamnés pour des actes qui n'avaient aucun rapport avec les activités syndicales normales, le comité a estimé que le cas n'appelait pas un examen plus approfondi. Il a cependant insisté sur le fait que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées relève d'un délit criminel ou de l'exercice des droits syndicaux n'est pas de celles qui peuvent être tranchées unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'est au comité qu'il appartient de se prononcer sur ce point, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement.
  3. 345. Le comité aimerait également souligner, comme il l'a fait à diverses reprises dans le passé, que l'arrestation, par les autorités, de syndicalistes contre lesquels aucun motif de condamnation n'a été ultérieurement retenu, peut entraîner des restrictions à l'exercice des droits syndicaux. Les gouvernements doivent faire en sorte que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées, en vue de faire disparaître le danger que les arrestations représentent pour les activités syndicales.
  4. 346. Le comité, ayant mis l'accent sur les principes susmentionnés, qui s'appliquent aux nouvelles allégations formulées à l'encontre du gouvernement depuis son dernier examen de l'affaire aussi bien qu'à celles primitivement présentées par les plaignants, est aussi d'avis que les informations dont il dispose soulèvent la question de savoir si le gouvernement respecte les principes essentiels énoncés dans les conventions sur la liberté syndicale qui ont été ratifiées par l'Uruguay. En particulier, les nouveaux renseignements fournis au comité par les plaignants, non seulement mentionnent de nombreux cas précis d'arrestation et de détention de syndicalistes, mais ils contiennent aussi des allégations concernant la violation du droit de réunion syndicale, l'occupation de locaux syndicaux (Fédération des travailleurs de la laine, Union nationale des travailleurs sur métaux et des industries similaires, Syndicat des travailleurs du textile et Syndicat unique des transports maritimes), et le licenciement de syndicalistes en raison de leurs activités syndicales.
  5. 347. Vu la portée et la gravité des allégations présentées, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui communiquer rapidement des informations complètes sur tous les points dont il est question dans les allégations formulées par les plaignants, spécialement en ce qui concerne l'arrestation et la détention des dirigeants syndicaux cités, en indiquant les raisons précises de leur arrestation et s'ils ont été ou non jugés, ainsi que sur les allégations relatives à une ingérence dans les affaires syndicales (droit de réunion syndicale, occupation par la force de locaux syndicaux, interdiction alléguée des activités de la Fédération des ouvriers du verre et du Syndicat unique de la construction et branches annexes et sur les mesures prises 8 l'encontre de plusieurs organisations d'enseignants).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 348. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa préoccupation devant la portée et la gravité des allégations formulées et son regret que le gouvernement n'ait pas fourni au comité suffisamment de renseignements sur un grand nombre de ces allégations pour lui permettre d'arriver à des conclusions sur les points soulevés en ayant une parfaite connaissance des faits;
    • b) de souligner que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des droits syndicaux en droit comme en fait, et que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux;
    • c) en ce qui concerne l'arrestation et la détention de syndicalistes, d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes énoncés aux paragraphes 344 et 345 ci-dessus, et de le prier de fournir des renseignements complets au sujet des syndicalistes mentionnés par les plaignants, en indiquant en particulier les raisons précises de leur arrestation et en indiquant si des procédures ont été introduites contre eux et, dans l'affirmative, quels en sont les résultats;
    • d) de prier le gouvernement de communiquer rapidement des informations aussi complètes et aussi précises que possible sur tous les points mentionnés dans les allégations formulées par les plaignants (y compris celles relatives à l'ingérence dans les questions syndicales, au droit de réunion, à l'occupation de force de locaux syndicaux, à l'interdiction des activités de la Fédération des ouvriers du verre et du Syndicat unique de la construction et branches annexes, et aux mesures prises à l'encontre de plusieurs organisations d'enseignants),
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement.
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