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Interim Report - Report No 133, 1972

Case No 668 (Jordan) - Complaint date: 21-MAY-71 - Closed

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  1. 281. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois en mars 1972, lorsqu'il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 267 à 281 du 129e rapport du comité. Lors de sa session de juin 1972, le comité avait ajourné l'examen de ce cas parce qu'il n'avait pas reçu les informations demandées au gouvernement.
  2. 282. Dans des communications en date des 22 mars, 8 juin et 9 septembre 1972, la Fédération générale des travailleurs jordaniens a présenté des allégations de violation des droits syndicaux en Jordanie et, dans deux autres communications datées, l'une du 10 et l'autre du 15 avril 1972, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires a fourni des informations complémentaires en rapport avec les plaintes. Ces allégations et informations complémentaires ont été communiquées au gouvernement pour qu'il présente ses observations. Dans une communication en date du 14 juin 1972, le gouvernement a fait tenir certaines observations concernant les plaintes.
  3. 283. La Jordanie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 284. Lors de son dernier examen du cas, le comité était saisi d'informations contradictoires concernant la prétendue dissolution, par les autorités, de la Fédération générale des syndicats, le gouvernement ayant déclaré qu'un nouveau comité de direction avait été nommé à cette fédération, conformément aux statuts de cette organisation, après la démission des membres de son comité de direction, incapables de s'entendre. Le comité avait, par conséquent, demandé des informations complètes et précises sur cet aspect du cas.
  2. 285. Il avait également été allégué que le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka avait été dissous et son secrétaire révoqué, alors que les autorités auraient créé le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie. A cet égard, le comité avait prié le gouvernement de lui envoyer copie de la décision ministérielle publiée conformément à la loi no 16, de 1970, qui avait ordonné la fusion de syndicats de type analogue, la dissolution du syndicat mentionné ci-dessus, la création du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination du comité de direction de cette organisation.
  3. 286. Le comité avait également prié le gouvernement de fournir des informations aussi précises que possible sur l'allégation d'arrestation, en 1970, de Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, dirigeant syndical et membre de la direction de la Fédération interarabe de l'agriculture, ainsi que sur les procédures judiciaires déclenchées par cette mesure et sur leur résultat. Des informations étaient également demandées au sujet des allégations concernant l'arrestation et le décès, en prison, du dirigeant syndical Mustapha Abdul Aziz qui, d'après les plaignants, arrêté le 22 avril 1971, avait été torturé et était décédé en prison.
  4. 287. Dans sa communication du 22 mars 1972, la Fédération générale des syndicats jordaniens se réfère à la dissolution, en octobre 1971, du comité exécutif de la fédération et à son remplacement par un comité désigné en application de la loi martiale. La fédération déclare aussi que, le 5 janvier 1972, tous les syndicats de travailleurs ont été dissous et que le ministre du Travail a modifié les statuts de la fédération comme ceux de tous les autres syndicats. De plus, le ministre avait nommé des comités administratifs. Les organisations plaignantes annexaient à leur communication une liste contenant les noms de six syndicalistes qui, d'après elles, auraient été mis à mort par les autorités entre mai et septembre 1971. Elles joignaient également à leur communication une liste de syndicalistes qui, d'après elles, étaient emprisonnés en Jordanie. Dans leur communication du 8 juin 1972, les organisations plaignantes déclarent que des centaines de syndicalistes sont encore en prison et que nombreux sont ceux d'entre eux qui ont été mis à mort par pendaison. Dans leur communication du 9 septembre 1972, les organisations plaignantes allèguent que deux syndicalistes, savoir Fayez Albijani et Mohammad Abu Shammaa'h, ont été arrêtés le 1er juillet 1972 et qu'ils sont encore en prison, où ils ont été torturés. En outre, affirment les organisations plaignantes, les autorités ont déporté le président du Syndicat des femmes palestiniennes, Issam Abdulhadi.
  5. 288. Dans une communication du 10 avril 1972, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires a envoyé le texte d'un mémoire que lui avaient adressé seize syndicats jordaniens qui protestaient contre l'immixtion des autorités jordaniennes dans les affaires syndicales. Cette organisation transmettait également le texte d'une résolution adoptée par le conseil central de la Confédération internationale des syndicats arabes, les 17 et 19 janvier 1972, qui condamne les autorités jordaniennes et refuse de reconnaître la délégation syndicale jordanienne officielle.
  6. 289. Dans sa réponse, en date du 14 juin 1972, le gouvernement transmet le texte d'une déclaration prononcée lors d'une conférence de presse donnée le 28 octobre 1971 par le secrétaire provisoire de la fédération, M. Moussa Kwaidor, qui, d'après le gouvernement, expliquait la situation syndicale en Jordanie. Le gouvernement ajoutait que les élections syndicales qui ont eu lieu en Jordanie se sont déroulées conformément à la loi temporaire du travail no 67, dont l'article 234 prévoit que les candidats au comité administratif ne doivent pas avoir été condamnés pour crime ou mauvaise conduite. Pour cette raison, des objections ont été élevées à la candidature de certains membres du comité administratif.
  7. 290. Dans la déclaration fournie par le gouvernement, le secrétaire provisoire de la fédération affirme qu'en juillet 1970 des élections en vue de la nomination d'un conseil exécutif ont eu lieu à l'assemblée générale de l'organisation. Les candidats portés sur la liste du travail et de la libération nationale l'emportèrent sur ceux de la liste progressiste, mais des difficultés ne tardèrent pas à surgir. En février et en juillet 1971, l'ancien secrétaire général fut amené à présenter sa démission et, trois mois à peine après les élections, trois membres du conseil avaient quitté le pays, à titre définitif pour deux d'entre eux. Les travaux du conseil furent interrompus à deux reprises, d'août 1970 à janvier 1971 et d'août à septembre 1971. Le 5 septembre 1971, un autre membre du conseil présenta sa démission et, le 12 septembre 1971, cinq membres démissionnèrent, l'harmonie faisant défaut au sein du conseil. Un autre encore des membres de ce dernier démissionnait le 24 septembre 1971.
  8. 291. Agissant à l'encontre de l'article 29, alinéa a), du règlement intérieur, poursuit le texte de la déclaration, le secrétaire général s'adressa aux six membres dont les noms figuraient sur la liste d'attente. Ignorant si la décision ainsi prise était régulière, les six ; personnes en question suggérèrent de convoquer l'assemblée générale, ce à quoi le secrétaire général réagit en déclarant que, la plupart des syndicats n'ayant pas versé leurs contributions, l'assemblée générale ne serait pas en mesure de statuer sur quoi que ce soit. Le 28 septembre 1971, le secrétaire général offrit au ministre des Affaires sociales et du Travail sa démission et celle de tous ses collègues du conseil exécutif, ce qui consacra la dissolution complète de cet organe.
  9. 292. Dans ces circonstances, poursuit le texte de la déclaration, un conseil exécutif provisoire fut nommé pour gérer les affaires de l'organisation pendant une période de deux mois (c'est-à-dire jusqu'au 5 décembre 1971), date à laquelle l'assemblée générale devait se réunir pour procéder à l'élection d'un nouveau conseil exécutif.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 293. Le comité constate que, si elle renseigne sur les événements qui ont abouti à la nomination d'un conseil exécutif de la Fédération générale des syndicats jordaniens, la déclaration communiquée par le gouvernement ne contient pas d'informations sur les questions au sujet desquelles le comité avait demandé des renseignements détaillés et précis. Le gouvernement n'a, notamment, pas répondu aux allégations concernant la dissolution du Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, l'établissement du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination du comité de direction de cette organisation, ni aux allégations relatives à l'arrestation de Ahmad Abdul Karim Abou Odeh et à l'arrestation et au décès en prison de Mustapha Abdul Aziz. En outre, le gouvernement n'a pas envoyé copie de la décision ministérielle publiée conformément à la loi no 16, de 1970, que lui demandait le comité, décision qui, d'après les organisations plaignantes, ordonnait la fusion des syndicats de type analogue en une seule organisation. De plus, les organisations plaignantes ont présenté des allégations complémentaires relatives, notamment, à l'arrestation, à l'emprisonnement, à la déportation et l'exécution de certains syndicalistes, de même qu'à la dissolution, le 5 janvier 1972, de tous les syndicats et à la nomination, par les autorités, de comités administratifs pour les syndicats nouvellement créés. Le gouvernement n'a pas fait tenir d'informations au sujet des allégations rappelées ci-dessus.
  2. 294. Par le passé, le comité a souligné que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait et que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux.
  3. 295. Pour ce qui est de la fusion obligatoire, prévue par la loi no 16, de 1970, des syndicats de type analogue, le comité note que plus récemment, en novembre 1971, le gouvernement a adopté une nouvelle loi du travail (loi temporaire du travail no 67), dont l'article 214 dispose qu'il ne pourra pas être créé plus d'un seul syndicat général par métier ou profession, ni plus d'un syndicat par groupe de métiers ou de professions analogues, assimilés ou connexes dans une seule branche de l'industrie. En vertu de l'article 257 de la même loi, les fédérations auront le droit de créer une fédération générale commune et, en vertu de l'article 258, toute demande de création d'une fédération générale devra être soumise au ministre, qui pourra l'accepter ou l'écarter. L'article 277 dispose que les syndicats qui ne parviendront pas à mettre leurs activités en harmonie avec la loi devront être dissous et que leur patrimoine sera transféré au ministère.
  4. 296. Par le jeu de ces dispositions, la nouvelle loi sur le travail a institué un système syndical unique, situation qui appelle, de la part du comité, les mêmes observations que celui-ci a formulées lorsqu'il a examiné ce cas en mars 1972 (129e rapport, paragr. 278), époque où il a rappelé, comme il l'a déjà fait à des occasions précédentes, que, si les travailleurs peuvent avoir généralement avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales, l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, une telle intervention étant en contradiction avec les principes de la liberté syndicale. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné, à propos d'une question analogue, « qu'il existe une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays, où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et, notamment, l'intervention de celui-ci par voie législative. » Tout en appréciant pleinement le désir de tout gouvernement de favoriser un mouvement syndical fort en évitant les inconvénients qui découlent d'une multiplication indue de petits syndicats rivaux, dont l'indépendance risque d'être compromise par leur faiblesse même, le comité a appelé l'attention sur le fait qu'en pareil cas il est préférable pour le gouvernement d'encourager les syndicats à se grouper volontairement pour constituer des organisations fortes et unies que de leur imposer par la loi l'obligation de s'unir, obligation qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va donc à l'encontre des principes énoncés dans les conventions internationales du travail relatives à la liberté syndicale.
  5. 297. En outre, le comité considère qu'une disposition en vertu de laquelle le ministre peut, discrétionnairement, approuver ou rejeter la création d'une fédération générale, ainsi qu'il est prévu par l'article 258 de la loi temporaire du travail no 67, n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale.
  6. 298. Le comité note également que le gouvernement fait référence à la nouvelle loi sur le travail, dont l'article 234 prévoit que les candidats au comité administratif ne doivent pas avoir été condamnés pour crime ou mauvaise conduite. Pour cette raison, des objections ont été opposées, lors des dernières élections, à certaines candidatures. A cet égard, le comité a signalé que la condamnation pour une activité, qui, de par sa nature, ne saurait porter préjudice à l'exercice judicieux de fonctions syndicales officielles, ne devrait pas constituer un motif de disqualification pour les mandats syndicaux et que tout texte législatif interdisant ces fonctions aux personnes condamnées pour tout type de délit pourrait être considéré comme incompatible avec les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 299. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'appeler l'attention des gouvernements sur les considérations figurant au paragraphe 294 ci-dessus;
    • b) de prier de nouveau le gouvernement de fournir des informations complètes et précises au sujet des allégations de dissolution du Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, de constitution du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et de désignation de son comité de direction;
    • c) de prier le gouvernement de fournir des informations complètes et précises au sujet de l'allégation de dissolution, le 5 janvier 1972, par le gouvernement, de tous les syndicats de travailleurs, et de reconstitution desdits syndicats avec des motifs administratifs nommés par les autorités;
    • d) d'inviter le gouvernement à fournir des informations aussi précises que possible sur les allégations suivantes: arrestation de Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, notamment en ce qui concerne les poursuites judiciaires déclenchées par cette mesure et leur résultat; arrestation et décès, en prison, de Mustapha Abdul Aziz; arrestation et emprisonnement de Fayaz Albijani et de Mohammad Abu Shamaa'h; déportation d'Issam Abdulhadi; exécution et emprisonnement des syndicalistes dont les noms sont indiqués par les organisations plaignantes;
    • e) d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 296, 297 et 298 ci-dessus;
    • f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées au présent paragraphe.
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