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Interim Report - Report No 97, 1967

Case No 519 (Greece) - Complaint date: 28-APR-67 - Closed

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  1. 4. Les plaintes de la Fédération syndicale mondiale, de la Confédération internationale des syndicats libres et de la Confédération internationale des syndicats chrétiens sont contenues dans trois communications adressées directement à l'O.I.T et datées respective ment des 28 avril, 10 mai et 19 mai 1967. Le texte en a été transmis au gouvernement, pour observations, par trois lettres en date des 5, 16 et 23 mai 1967. Le gouvernement a présenté ses observations sur la plainte de la F.S.M par une communication en date du 18 mai 1967.
  2. 5. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 6. Les plaignants allèguent que l'instauration en Grèce du gouvernement militaire à la suite des événements du 21 avril 1967 s'est traduite par de très graves violations des libertés démocratiques et des droits syndicaux. Les garanties constitutionnelles ayant été suspendues, une brutale répression aurait notamment été déclenchée contre les travailleurs et leurs organisations.
  2. 7. Aux dires des plaignants, les articles 5, 6, 8, 10, 11, 12, 14, 18, 20 et 97 de la Constitution hellénique ayant été suspendus, cela aurait eu pour effet de « liquider les libertés civiles » et de donner « aux militaires le pouvoir le plus absolu pour: emprisonner, sans mandat motivé de l'autorité judiciaire; prolonger pour un temps indéfini la détention préventive des arrêtés; soustraire les arrêtés à leur juge naturel et donc à leur juridiction légale; déférer les civils devant les tribunaux militaires; violer la correspondance personnelle; violer le domicile individuel et celui des organisations sociales ». Les plaignants font valoir en particulier que la suspension des articles 11 et 12 de la Constitution porte une très grave atteinte aux droits syndicaux « puisque ces mesures liquident le droit d'association » et « autorisent l'invasion des locaux syndicaux ». Les plaignants allèguent également que le gouvernement militaire aurait décrété que « la formation de toute association dans des buts syndicaux est absolument interdite » et que la grève est illégale.
  3. 8. Enfin, les plaignants font état de la mise hors la loi de nombreuses organisations syndicales et de l'arrestation de nombreux syndicalistes.
  4. 9. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 4 ci-dessus, le gouvernement n'a à ce jour présenté ses observations que sur les allégations formulées par la F.S.M dans sa communication du 28 avril 1967.
  5. 10. Dans la réponse qu'il fournit à cet égard, le gouvernement fait valoir tout d'abord que les slogans révolutionnaires, l'avilissement des institutions et l'entretien systématique des dissensions avaient créé un climat propre à l'avènement - peut-être définitif - du communisme en Grèce, avec, comme corollaire, la disparition de toute liberté et l'abolition des institutions démocratiques. Le gouvernement déclare ensuite que, dans ces conditions, « ce qui a eu lieu le 21 avril 1967, ce n'était pas une révolution de l'armée, non plus un mouvement en vue d'imposer la dictature, c'était en effet le soulèvement de tous les vrais Hellènes, de tous ceux qui désirent voir leur patrie forte et libre, qui croient à la religion et à la famille et qui désirent pouvoir penser, agir et travailler en liberté, et non comme des esclaves de la dictature communiste ». Le gouvernement ajoute que certaines mesures ont effectivement été prises et qu'ont notamment été suspendues plusieurs dispositions de la Constitution, mais non pas les articles 18 et 20 ainsi que l'allègue la F.S.M.; il ajoute, toutefois, que les mesures en question étaient indispensables pour neutraliser le danger qui menaçait le pays. Le gouvernement affirme que le syndicalisme est complètement libre dans la mesure où il s'agit d'un vrai syndicalisme propre à protéger les droits des travailleurs, et non pas d'un syndicalisme au service des partis politiques. Le gouvernement admet que certains délits sont portés devant les tribunaux militaires, mais qu'il s'agit de délits qui « sapent les bases du pays et visent au renversement du régime démocratique libre ». Il ajoute que tout pays libre menacé de la même manière aurait agi de façon semblable et précise que les mesures prises n'ont pas porté et ne porteront pas préjudice à tout Grec obéissant aux lois. En conclusion, le gouvernement indique que le Bureau international du Travail pourrait envoyer sur place des représentants qui seront à même de s'assurer de la liberté absolue existant en Grèce.
  6. 11. Etant donné que les observations du gouvernement ne portent que sur l'une des trois plaintes déposées devant l'O.I.T, le Comité estime qu'il ne serait pas approprié pour lui de formuler des recommandations au Conseil d'administration avant d'avoir pu prendre connaissance des commentaires du gouvernement au sujet des allégations formulées par les deux autres organisations plaignantes, savoir la C.I.S.L et la C.I.S.C.
  7. 12. Néanmoins, le Comité a noté que les éléments d'information dont il dispose et, notamment, les déclarations officielles des autorités helléniques publiées dans la presse grecque, ont fait état d'événements et de mesures dont certains coïncident avec ceux qu'évoquent les trois plaignants dans leurs communications.
  8. 13. Ainsi, selon un décret royal publié dans la presse grecque, les articles de la Constitution mentionnés par les plaignants ont été suspendus.
  9. 14. En vertu du décret royal no 280, du 21 avril 1967, la loi de 1912 sur l'état de siège a été remise en vigueur, ce qui, d'après un communiqué officiel publié dans la presse grecque, aurait les conséquences suivantes: « l'arrestation et l'incarcération de tout individu sont autorisées sans aucune formalité, c'est-à-dire sans mandat d'arrêt de l'autorité compétente et sans qu'il soit nécessaire que l'intéressé soit pris sur le fait; la mise en liberté sous caution est interdite pour tout délit politique et la détention pour ce motif n'est soumise à aucune limitation de temps; tout individu, indépendamment de sa qualité, peut être traduit devant des tribunaux d'exception (cours martiales) ou des comités judiciaires extraordinaires; toute assemblée ou réunion dans des locaux ou en des lieux publics est interdite; de telles réunions seront dissoutes par les armes; la création de toute corporation à des fins syndicales est interdite; la grève est interdite de manière absolue; toute perquisition effectuée au cours de la journée ou de la nuit aux domiciles des particuliers, dans les bâtiments publics et les services gouvernementaux est autorisée sans aucune restriction, la communication et la publication d'informations par tout moyen ainsi que par voie de presse, de radio et de télévision sont interdites si elles ne sont pas soumises au préalable à la censure; les lettres ainsi que tout moyen de correspondance sont soumis à la censure; ce sont des tribunaux d'exception (cours martiales) qui connaissent des crimes, des délits politiques ainsi que des délits de la presse, qu'ils concernent ou non la vie privée des intéressés, ainsi que des actes punissables relevant normalement de la compétence des tribunaux de deuxième instance; tout individu qui commet un acte punissable, même s'il ne met pas en danger la sécurité des forces armées du pays, est traduit devant les tribunaux d'exception (cours martiales) ».
  10. 15. Un communiqué publié par l'état-major général le 25 avril 1967 et cité dans la presse grecque prévoit notamment que sont interdites « les réunions en lieux publics de plus de cinq personnes et les réunions dans les locaux privés, à l'exception des salles de spectacle ».
  11. 16. Enfin, une décision de l'état-major général en date du 4 mai 1967 et citée par la presse hellénique ordonne: « a) la suppression et la dissolution des associations et organisations suivantes, ainsi que des organisations qui leur sont affiliées et de toutes leurs sections fonctionnant sur l'ensemble du territoire national; b) la saisie de tous leurs biens meubles et immeubles (meubles, matériel de bureau, etc.), tout bail de location étant dorénavant considéré comme résilié; c) la saisie de leurs archives et leur consignation auprès des autorités policières compétentes; d) la suppression de tout écriteau portant le nom de l'association ou de l'organisation intéressée; e) la saisie de leurs fonds déposés auprès des établissements bancaires de Grèce; les établissements en question sont tenus de faire connaître dans les vingt-quatre heures aux chefs militaires compétents le montant des fonds déposés par ces organisations; f) les associations et organisations qui doivent être dissoutes sont citées ci-après ». Suit une liste de deux cent quatre-vingts associations et organisations, parmi lesquelles quelque cent cinquante centres ouvriers ou organisations syndicales du premier et du second degré.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 17. Etant donné la nature des allégations formulées et les déclarations officielles des autorités helléniques reproduites dans la presse grecque, le Comité, tenant compte du fait que la Grèce a ratifié les conventions internationales du travail (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et qu'elle s'est par conséquent engagée à respecter les obligations découlant pour elle de cette ratification, estime, sans entendre formuler à ce stade aucune conclusion sur les allégations spécifiques dont il est saisi et auxquelles le gouvernement n'a pas encore répondu, devoir néanmoins dès à présent rappeler l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée à certains principes fondamentaux qui semblent être mis en cause dans la présente affaire.
  2. 18. Ces principes sont les suivants:
    • a) lorsque des syndicalistes sont arrêtés pour des délits politiques ou de droit commun, ils devraient, à l'instar de toute autre personne, être jugés promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante selon une procédure offrant toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière;
    • b) les travailleurs doivent avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations (art. 2 de la convention no 87);
    • c) les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action (art. 3 de la convention no 87);
    • d) la liberté de réunion et la liberté d'expression, notamment par la voie de la presse, sont des aspects essentiels de la liberté syndicale;
    • e) les syndicats ne sauraient être dissous ou suspendus par voie administrative (art. 4 de la convention no 87);
    • f) les biens syndicaux devraient jouir d'une protection adéquate;
    • g) le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense et de promotion des intérêts professionnels.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 19. Le Comité recommande au Conseil d'administration de souligner l'importance des principes rappelés ci-dessus; il lui recommande en outre de prier le gouvernement de bien vouloir présenter le plus rapidement qu'il lui sera possible ses observations au sujet des allégations formulées par la C.I.S.L et la C.I.S.C et d'ajourner en attendant l'examen de l'affaire.
    • Genève, 31 mai 1967. (Signé) Roberto AGO, président.
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