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Interim Report - Report No 108, 1969

Case No 510 (Paraguay) - Complaint date: 06-FEB-67 - Closed

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  1. 231. La plainte figure dans une communication du 6 février 1967 de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (C.L.A.S.C.), communication dont le texte a été transmis au gouvernement par lettre du 20 février 1967 en même temps que le texte d'un manifeste en date du 30 janvier 1967, qui a été écrit par la Confédération chrétienne des travailleurs (Paraguay) affiliée à la C.L.A.S.C. et dont une copie signée a été envoyée à l'O.I.T.
  2. 232. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 10 juin 1968.
  3. 233. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 234. Dans sa communication du 6 février 1967, la C.L.A.S.C allègue que les travailleurs et la commission exécutive du Syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio ont été victimes d'une manoeuvre contre la liberté syndicale. La grève qu'ils ont déclenchée pour réclamer de meilleures conditions de travail aurait été réprimée par le gouvernement. La C.L.A.S.C. ajoute que le gouvernement « a décidé de prendre le contrôle du syndicat et à cet effet il a destitué la commission exécutive qui avait été élue par les travailleurs eux-mêmes et l'a remplacée par des personnes désignées par les autorités du travail en qualité de contrôleurs ». Comme les travailleurs n'ont pas accepté cet acte de force du gouvernement, ni la violation de l'autonomie syndicale, « les autorités nationales du travail ont fait emprisonner les dirigeants légitimes du syndicat ». La C.L.A.S.C conclut en demandant l'intervention de l'O.I.T pour garantir la liberté syndicale et l'application des conventions nos 87 et 98.
  2. 235. Dans le document en date du 30 janvier 1967 envoyé par la Confédération chrétienne des travailleurs (Paraguay), il est précisé entre autres détails qu'à la suite de grèves organisées par le syndicat dans l'entreprise, la Direction nationale du travail, répondant à une demande du patronat, a décidé de s'emparer du contrôle du syndicat et de charger du contrôle trois membres de la Confédération paraguayenne des travailleurs (C.P.T.). Toujours d'après le document en question, les contrôleurs, voyant que la commission exécutive du syndicat « n'exécutait pas servilement leurs injonctions », ont fait frapper les dirigeants du syndicat de cinq années d'incapacité.
  3. 236. Il est affirmé, en outre, qu'au cours de l'assemblée réunie le 15 janvier 1967 en vue de l'élection de nouveaux dirigeants la C.P.T. a désigné le président et les secrétaires de la réunion, réunion qui a dû être suspendue à cause de « l'indignation générale des membres du syndicat » et « la certitude de voir refuser » le candidat qui, selon les allégations, était présenté par une organisation politique et par l'entreprise. Les anciens dirigeants ont été appréhendés. Lorsque, le 29 janvier, l'assemblée a repris ses travaux, une centaine de personnes « qui ne travaillent pas dans l'entreprise frigorifique, qui ne sont pas et n'ont jamais été membres du syndicat » ont jeté le trouble dans l'assemblée « profitant de la complicité de certains éléments de la police et des dirigeants de la C.P.T. », et ont fait approuver une résolution et une liste de candidats. Il aurait été impossible à qui que ce soit de prendre la parole ou de présenter une autre liste, et il n'y aurait pas eu de vote. Tous ces moyens auraient été destinés à éviter que la liste qui aurait bénéficié du soutien majoritaire des membres et qui comptait d'authentiques dirigeants syndicaux puisse prendre en charge la direction du syndicat.
  4. 237. Dans sa communication du 10 juin 1968, le gouvernement transmet une note du ministère de la Justice et du Travail, qui formule, pour l'essentiel, les remarques suivantes. Par des plaintes de la firme International Products Corporation, les autorités du travail ont eu connaissance d'une succession de grèves organisées par les travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio, sans que ceux-ci aient rempli au préalable aucune des conditions prévues par le Code du travail (art. 330, 353 et 354). Face à cette grave situation, la Direction du travail a demandé un rapport du Syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio, d'où il est ressorti que les trois dernières grèves n'avaient pas été autorisées par le syndicat, mais avaient été décidées par les travailleurs, sans que les responsables de cet organisme en aient été informés. Cette déclaration claire et décisive a permis de conclure que le syndicat, n'ayant pas participé à une décision de cette importance, avait perdu son autorité sur ses membres et qu'il y avait donc lieu de le placer sous contrôle, afin de rétablir des relations normales entre les travailleurs et l'employeur, par le canal approprié. La Direction du travail, par la résolution no 139 du 23 juillet 1966, a donc décrété la mise sous contrôle dudit syndicat.
  5. 238. D'après la note du ministère de la Justice et du Travail, pour que ce contrôle puisse être effectué sans ingérence de la part des autorités administratives, cette mission a été confiée à la C.P.T, confédération à laquelle le syndicat susnommé est affilié; et c'est cette centrale syndicale qui a désigné les membres de la Commission de contrôle. Aux termes du rapport présenté par les contrôleurs, il y avait eu « abus et mauvaise gestion des fonds sociaux » en même temps que perte de l'autorité et du contrôle du syndicat sur ses membres. Pour ces différentes raisons, les contrôleurs ont convoqué régulièrement une assemblée générale des membres, au cours de laquelle les dirigeants ont été élus librement et démocratiquement, sans aucune contrainte.
  6. 239. Le ministère soutient catégoriquement qu'il n'y a pas eu d'intervention de la part des autorités du travail dans cette assemblée. Il ajoute qu'il est faux de prétendre qu'il y ait eu recours à la force pour imposer l'élection de soi-disant chefs syndicaux, puis qu'on avait chargé de cette intervention la confédération dont ce syndicat fait partie, de même qu'il est faux d'accuser la Direction du travail d'avoir fait emprisonner les dirigeants syndicaux puisque cette mesure n'entre pas dans les attributions de ladite autorité.
  7. 240. Le ministère de la Justice et du Travail indique que, selon des informations reçues de la Direction nationale des affaires techniques du ministère de l'Intérieur, les travailleurs suivants ont été mis en détention en date du 12 janvier 1967, aux fins d'enquête au sujet d'activités subversives dans la localité de San Antonio: MM. Mauro Ramírez Arias, Cecilio Rojas Bedoya, Antonio Pereira Ayala et César Rufino Bedoya. Ils ont été remis en liberté le 24 janvier de la même année. Au 29 janvier, date à laquelle s'est tenue l'assemblée, plus aucun travailleur de l'entreprise frigorifique ne se trouvait privé de liberté.
  8. 241. Le gouvernement affirme qu'actuellement les relations entre travailleurs et employeurs ont lieu tout à fait normalement. En outre, il dénonce « les activités pseudo-syndicales de caractère communiste qui se déroulent en se réclamant de la démocratie chrétienne dans tous les syndicats qui exercent librement leurs fonctions, dans le but visible de détruire et de diviser la classe ouvrière ».
    • Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux
  9. 242. Le comité prend note de la communication du gouvernement selon laquelle aucun dirigeant du syndicat en question ne fut détenu sur l'initiative des autorités du travail. Des autres informations qui figurent dans la réponse détaillée du gouvernement et en particulier de celles qui ont été fournies par le ministère de l'Intérieur, il se dégage cependant que MM. Ramírez, Rojas, Pereira et Bedoya ont été détenus une douzaine de jours, en raison de prétendues activités subversives, et qu'ils ont été remis en liberté quelques jours avant la réunion de l'assemblée qui a renouvelé la commission exécutive du syndicat.
  10. 243. Le comité tient à rappeler que dans des cas précédents où il avait été allégué que des dirigeants syndicaux avaient été détenus de façon préventive, le comité a estimé que de telles mesures pouvaient constituer une ingérence sérieuse dans l'exercice des droits syndicaux et qu'il semblait nécessaire que ces mesures fussent justifiées par des circonstances graves; le comité a ajouté qu'à moins d'être dûment accompagnées de garanties judiciaires, appliquées dans un délai raisonnable, ces mesures pourraient porter à critique, et que la politique de tout gouvernement devrait être de veiller à ce que soient dûment garantis les droits de l'homme, particulièrement le droit de toute personne détenue à être jugée équitablement et le plus tôt possible. Le comité a également fait remarquer que la détention par les autorités de syndicalistes, pour lesquels il n'a été trouvé ultérieurement aucun motif de condamnation, pourrait impliquer des restrictions aux droits syndicaux. Dans ces mêmes cas, le comité a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement qu'il veuille bien prendre des dispositions afin que les autorités en question reçoivent des instructions appropriées pour supprimer le danger que ces mesures de détention entraînent pour les activités syndicales.
  11. 244. Dans le cas présent, il ne ressort pas des éléments d'information disponibles que la détention ait été exécutée en vertu de procédures judiciaires. Cependant le comité, tenant compte de ce que les intéressés ont été remis en liberté, recommande au Conseil d'administration, sous réserve de ce qui a été exprimé au paragraphe précédent, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives à la mise sous contrôle d'un syndicat
  12. 245. On peut déduire des informations fournies au comité que le syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio a subi le régime de la mise sous contrôle depuis juillet 1966 jusqu'à janvier 1967. D'après la communication du gouvernement, une telle mesure a été prise en raison des diverses grèves que les travailleurs ont organisées sans satisfaire aux conditions préalables fixées dans le Code du travail et sans consultation du syndicat, ainsi que de la nécessité de rétablir des relations entre les travailleurs et l'employeur par le canal approprié. Dans la réponse du gouvernement, il est également fait mention de certains actes de mauvaise gestion des fonds syndicaux, mais cette question, sur laquelle aucun détail n'a été donné, semble avoir été soulevée a posteriori, à savoir dans le rapport des contrôleurs.
  13. 246. L'une des dispositions du Code du travail auxquelles se réfère le gouvernement précise que, pour que les travailleurs qui font partie d'un syndicat puissent déclencher une grève, la décision doit être prise par les deux tiers des membres du syndicat et après délibération en assemblée générale et vote secret contrôlé par l'autorité du travail (art. 353, al b)). Il convient de signaler également que, d'après l'article 356, lorsque la grève est déclarée par une proportion de travailleurs inférieure à celle qui est indiquée ci-dessus, l'autorité compétente dira qu'il n'y a pas état de grève et intimera aux travailleurs qui auraient abandonné leur poste de travail l'ordre de reprendre leur service dans les vingt-quatre heures, sous peine de résiliation de leur contrat de travail. D'après l'article 357 du code, si les conditions préalables de forme n'ont pas été réunies, il en résultera toujours une sanction pour les travailleurs, à savoir la suspension du salaire pendant la période de la grève.
  14. 247. La question soulevée dans la plainte ne se réfère cependant pas à l'application des dispositions relatives aux grèves, mais à la violation présumée de l'autonomie du syndicat, aux mesures qui auraient été prises contre les dirigeants en fonctions, et au rôle des contrôleurs qui, selon les plaignants, se seraient livrés à des manoeuvres destinées à imposer la désignation d'une commission exécutive qui ne jouirait pas de l'appui de la majorité des membres du syndicat.
  15. 248. En effet, la C.L.A.S.C indique que la mise sous contrôle a impliqué la destitution de l'ancienne commission exécutive et la Confédération chrétienne des travailleurs mentionne que ses dirigeants ont été frappés de cinq années d'incapacité. En outre, les contrôleurs ont convoqué une assemblée dans laquelle seraient intervenues par la force des personnes étrangères au syndicat, et où les membres n'auraient pas eu la possibilité de présenter d'autres candidats, de prendre la parole ni même de voter.
  16. 249. A cela, le gouvernement répond que les autorités administratives du travail ne se sont pas immiscées dans les affaires du syndicat, que l'assemblée a été convoquée en bonne et due forme et que les membres y ont élu leurs dirigeants selon une procédure libre et démocratique et sans aucune coercition.
  17. 250. Il apparaît que le seul point sur lequel concordent toutes ces informations est le fait même de la mise sous contrôle, opération qui a été confiée par le gouvernement à la Confédération paraguayenne des travailleurs. Cette dernière circonstance confère certainement au cas un caractère spécial mais elle ne permet pas à elle seule de déclarer terminé l'examen des allégations. Il convient de rappeler à ce sujet que, dans un cas précédent, le comité a estimé que les plaignants n'avaient pas fait la preuve de l'intervention directe du gouvernement intéressé dans la vie syndicale, mais qu'il a cependant souligné que la liberté syndicale devait être assurée en fait aussi bien qu'en droit, et qu'il a attiré l'attention de ce gouvernement sur l'opportunité de prendre les mesures appropriées, le cas échéant, pour assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice des droits syndicaux, même en ce qui concerne d'autres organisations et des tiers. Dans le cas présent, le gouvernement lui-même indique qu'il a confié à la C.P.T la mission de mettre sous contrôle l'organisation en question.
  18. 251. La C.L.A.S.C invoque les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, instruments qui ont été ratifiés par le Paraguay. La seule allégation qui pourrait avoir un rapport quelconque avec la deuxième de ces conventions est celle qui se réfère à l'appui qu'aurait donné l'entreprise à un candidat à la nouvelle commission exécutive du syndicat. En effet, conformément au paragraphe 2 de l'article 2 de la convention no 98, les organisations de travailleurs devront bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence tels que des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs. Cependant, les plaignants ne fournissent aucun détail à l'appui de cette allégation.
  19. 252. D'autre part, le fait même de la mise sous contrôle, la détention préventive des dirigeants des syndicats des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio peu avant les élections syndicales, et les allégations détaillées selon lesquelles une telle mise sous contrôle a empêché les membres du syndicat de participer librement à l'assemblée, et en particulier à l'élection de leurs dirigeants - allégations auxquelles le gouvernement refuse toute véracité -, se rapportent aux dispositions de l'article 3 de la convention no 87 qui précise, entre autres choses, que les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, et que les autorités publiques devront s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  20. 253. Enfin, le comité ne dispose pas d'informations provenant du gouvernement au sujet de la déclaration d'incapacité pour cinq ans des anciens dirigeants. S'il s'avère que cette mesure a été prise, il serait intéressant, afin de poursuivre l'examen du cas, de savoir si elle reste en vigueur, et de connaître en même temps les dispositions légales sur lesquelles elle se fonde.
  21. 254. Pour les raisons ci-dessus, le comité recommande au Conseil d'administration de souligner l'importance qu'il a toujours attachée à la disposition citée de l'article 3 de la convention no 87 et, en outre, de demander au gouvernement des informations au sujet du point mentionné précédemment au paragraphe 253.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 255. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) pour ce qui est des allégations relatives à la détention de plusieurs dirigeants du syndicat des travailleurs de l'entreprise frigorifique de San Antonio, de prendre note, sous réserve des principes exposés précédemment au paragraphe 243, que les intéressés ont été remis en liberté et de décider de ne pas poursuivre l'examen de ces allégations;
    • b) pour ce qui est des allégations relatives à une intervention dans ce syndicat:
    • i) de souligner une fois de plus l'importance qu'il a toujours attachée à la disposition contenue dans l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon laquelle les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer dans les plus brefs délais si, comme l'allèguent les plaignants, une mesure quelconque de déclaration d'incapacité est en vigueur contre les anciens membres de la commission exécutive du syndicat, en même temps que les dispositions légales sur lesquelles cette mesure se base;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport, lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement à l'alinéa h) ii) du présent paragraphe.
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