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- 30. La plainte de la Fédération syndicale mondiale est contenue dans une communication en date du 23 février 1965, adressée directement à l'O.I.T. Le texte en ayant été transmis au gouvernement pour observations, celui-ci a répondu par une communication datée du 30 juin 1965.
- 31. Le Portugal n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 32. L'organisation plaignante soutenait tout d'abord, en termes généraux, que les actions en vue d'obtenir de meilleures conditions de vie et de travail menées au cours des années récentes par les travailleurs des industries du liège et du textile, les pêcheurs et les travailleurs d'autres professions avaient entraîné pour ceux-ci des mesures de répression, des arrestations en masse et des condamnations à de lourdes peines de prison, aggravées par des mesures dites « de sécurité ».
- 33. L'organisation plaignante citait en particulier le cas de M. José Rodrigues Vitoriano, ancien ouvrier de l'industrie du liège et ancien président du syndicat de cette industrie dans la ville de Silves.
- 34. Les plaignants alléguaient qu'après avoir gagné l'estime générale des travailleurs par son activité de chef syndicaliste, M. Rodrigues Vitoriano aurait été arrêté en 1948 et jugé sous la fausse inculpation d'avoir profité de sa charge officielle pour participer aux activités du mouvement ouvrier clandestin. Il aurait été condamné à deux ans et six mois de prison, qui auraient été suivis d'une période de détention de six autres mois. En 1953, il aurait été accusé d'avoir commis des délits contre la sécurité de l'Etat et, après s'être vu interdire par le tribunal de se défendre contre les accusations dont il faisait l'objet, il aurait été condamné à une peine de quatre années de prison. En 1957, alors que cette peine venait à son terme, il aurait été accusé « d'activités subversives menées à l'intérieur de la forteresse de Caxias », où il se trouvait détenu, « dans le but de renverser le gouvernement par la force », accusation, affirmaient les plaignants, uniquement fondée sur son appartenance au mouvement de solidarité de la forteresse de Caxias. Les plaignants prétendaient que la défense avait montré, avec d'abondantes preuves à l'appui, que de telles organisations de solidarité parmi les prisonniers politiques avaient toujours existé au Portugal et que ces organisations humanitaires n'avaient aucune signification politique. Le tribunal aurait toutefois condamné le prévenu à cinq années de prison, période pouvant être prolongée de un à trois ans au titre des mesures dites « de sécurité » et à la suspension de ses droits politiques pendant quinze ans.
- 35. Dans sa communication en date du 30 juin 1965, le gouvernement, après avoir nié qu'une forme quelconque de répression soit ou ait été exercée contre les travailleurs désireux de faire usage de leurs droits syndicaux, indiquait que M. José Rodrigues Vitoriano avait été condamné le 30 juin 1948 à une peine de deux ans et six mois de prison pour s'être livré, en qualité de membre d'une organisation secrète et subversive, à une activité criminelle ayant pour but de porter atteinte à la Constitution portugaise et de changer la forme du gouvernement en recourant à la violence. Après avoir été remis en liberté le 6 mai 1951, déclarait le gouvernement, M. Rodrigues Vitoriano a été condamné le 22 janvier 1952 à quatre ans de prison à la suite d'une nouvelle accusation. Alors qu'il purgeait cette peine, précisait le gouvernement, il a commis à nouveau des actes criminels pour lesquels il s'est vu condamner à six ans et six mois de prison ainsi qu'à une période maximum de trois années d'internement. Le gouvernement indiquait en terminant que cette sentence n'avait pas encore été entièrement exécutée.
- 36. Saisi du cas à sa 41ème session, tenue au mois de novembre 1965, le Comité a rappelé qu'à de nombreuses occasions antérieures, lorsque des gouvernements avaient répondu à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été détenus pour activités syndicales en déclarant que ces personnes avaient été détenues en réalité pour activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité avait toujours suivi la règle consistant à demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet de ces détentions et de leurs motifs exacts. Le Comité a rappelé également que, si dans certains cas, il avait décidé que des allégations relatives à l'arrestation ou à la détention de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, cela était dû au fait qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations prouvant de manière suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions étaient étrangères aux activités syndicales des intéressés, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, nuisibles à l'ordre public ou de caractère politique. Le Comité a rappelé enfin que chaque fois que des cas avaient fait l'objet de procédures judiciaires devant des tribunaux nationaux et qu'il avait été d'avis que ces procédures pourraient lui fournir des indications utiles pour apprécier le bien ou le mal-fondé des allégations formulées, il avait toujours demandé aux gouvernements intéressés de lui communiquer le texte des jugements prononcés ainsi que celui de leurs considérants.
- 37. Le Comité a constaté que, dans le cas d'espèce, le gouvernement avait répondu en termes généraux que, à l'origine, M. Rodrigues Vitoriano avait été condamné le 30 juin 1948 pour s'être livré à une activité criminelle ayant pour but de porter atteinte à la Constitution portugaise et de changer la forme du gouvernement en recourant à la violence, et que, par la suite, il avait été condamné à deux reprises à des peines de prison respectivement de quatre ans et de six mois pour avoir commis des actes criminels dont le gouvernement ne précisait pas la nature.
- 38. Le Comité a en conséquence chargé le Directeur général de prier le gouvernement, au nom du Comité, de bien vouloir fournir le texte des trois jugements prononcés contre M. José Rodrigues Vitoriano ainsi que celui de leurs attendus.
- 39. Cette demande ayant été adressée au gouvernement par une lettre en date du 22 novembre 1965, ce dernier a répondu par une communication datée du 25 janvier 1966.
- 40. Il ressort du texte des jugements fourni par le gouvernement que l'intéressé a été reconnu coupable par les tribunaux judiciaires de Lisbonne des crimes prévus et punis par l'article 173, paragraphe 1, première partie du Code pénal. Après avoir indiqué que M. José Rodrigues Vitoriano a avoué spontanément être membre du Parti communiste portugais, le jugement le plus récent rendu par les juges du Tribunal pénal de Lisbonne précise que M. Rodrigues Vitoriano, en qualité de « fonctionnaire » de ce parti, « association secrète et subversive, qui a notamment pour objectif de supprimer l'actuelle forme de gouvernement par des moyens anticonstitutionnels », s'est livré à des activités partisanes; il a été reconnu coupable « d'avoir reçu et financé les journaux de propagande communiste Avante et Militante, d'avoir payé des cotisations, de s'être occupé de réunir des fonds pour le Parti en achetant et en vendant des billets de loterie, d'avoir assisté à des réunions présidées par des membres de la hiérarchie du Parti, d'avoir établi des contacts avec des « fonctionnaires » et d'autres éléments du Parti, d'avoir attiré de nouveaux membres au Parti ainsi que d'avoir organisé et dirigé des cellules communistes ».
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 41. Il apparaît, au vu des charges retenues contre M. José Rodrigues Vitoriano, telles qu'elles ressortent du texte des jugements communiqués par le gouvernement sous la forme de photocopies certifiées conformes, que l'intéressé semble s'être livré à des activités dépassant le cadre d'activités syndicales normales. De leur côté, les plaignants, hormis l'énoncé du fait que la personne en cause était dirigeant syndical, n'ont pas donné d'indication ni mentionné de fait susceptible d'établir un lien entre la qualité ou l'activité syndicale de M. Rodrigues Vitoriano et les mesures dont il a été l'objet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 42. Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu, en l'occurrence, violation des droits syndicaux et il recommande donc au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.