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- 55. La plainte formulée par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine figure dans une communication du 10 août 1957. Le gouvernement a présenté des observations sur cette plainte dans une communication du 1er juin 1960.
- 56. Lorsqu'il a examiné le cas à sa réunion du 8 novembre 1960, le Comité a soumis ses conclusions définitives au Conseil d'administration en ce qui concerne certaines allégations portant sur la détention de travailleurs et de fonctionnaires syndicaux; ces conclusions ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 147ème session (15-18 novembre 1960). Le Comité a présenté un rapport intérimaire sur les autres allégations - celles qui se rapportent à une attaque de la police contre une réunion de travailleurs, à la détention de M. Insfrán, secrétaire général du Syndicat Grau et à un déni de droits syndicaux - à l'égard desquelles il a décidé de demander au gouvernement de fournir un complément d'informations. De nouvelles informations ont été communiquées par le gouvernement dans une lettre adressée au Directeur général du B.I.T le 24 janvier 1961. Le Comité est donc maintenant en mesure de poursuivre l'examen de ces allégations.
- 57. Le Paraguay n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives à une attaque de la police contre une réunion de travailleurs
- 58 Il est allégué que, le 1er mai 1955, les travailleurs étaient réunis paisiblement au Panthéon des héros pour honorer la mémoire de leurs camarades persécutés, lorsque la police ouvrit le feu sur eux, tuant ou blessant plusieurs d'entre eux; d'autres furent jetés en prison et persécutés.
- 59 La seule allusion expresse que le gouvernement ait faite à cette allégation figurant dans sa réponse du 1er juin 1960 a été de dire que l'accusation portée était fausse.
- 60 A sa réunion du 8 novembre 1960, le Comité a fait observer que par le passé, lorsque des allégations précises ont été formulées, il n'a pu considérer comme satisfaisantes les réponses de gouvernements qui ne s'en tiennent qu'à des généralités et que, dans les cas où les informations contenues dans la réponse d'un gouvernement ne semblaient pas répondre à la question ou paraissaient être d'un caractère trop général, il a prié le gouvernement intéressé de lui faire parvenir des informations plus détaillées afin de lui permettre d'exprimer une opinion bien motivée au Conseil d'administration. Dans le cas présent, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir des informations plus détaillées sur les incidents évoqués, qui auraient eu lieu au Panthéon des héros le 1er mai 1955.
- 61 Dans sa lettre du 24 janvier 1961, le gouvernement déclare catégoriquement que, le 1er mai 1955, la Journée du travail a été célébrée comme d'habitude par la Confédération syndicale du Paraguay, qu'aucun incident ne s'est produit, qu'aucun travailleur n'a été maltraité au Panthéon des héros et que le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de prendre des mesures juridiques pour préserver l'ordre public.
- 62 Le Comité est saisi de deux déclarations brèves, mais contradictoires en ce qui concerne la célébration de la Journée du travail en 1955 au Paraguay. Il y a lieu de relever, néanmoins, que tandis que le gouvernement conteste absolument qu'il se soit produit quelque incident, les plaignants, bien qu'ils déclarent qu'on a ouvert le feu sur les travailleurs et que certains d'entre eux furent tués ou blessés alors que d'autres étaient emprisonnés ou persécutés, ne donnent pas le nom d'un seul travailleur victime des graves incidents allégués et qu'en aucun cas, ils ne se réfèrent à la situation du point de vue de l'affiliation syndicale d'aucun des individus en question.
- 63 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il ait été porté atteinte aux droits syndicaux.
- Allégations relatives à la détention de M. Insfrán, secrétaire général du Syndicat Grau
- 64 Il est allégué que, quelques mois avant le dépôt de la plainte en août 1957, M. Insfrán, secrétaire général du Syndicat Grau, a été emmené de vive force alors qu'il se trouvait à son domicile, et enfermé dans les cachots du camp de concentration de Chaco, en raison de ses activités pour la défense de la liberté démocratique et des droits syndicaux.
- 65 Pour ce qui est de l'argument, dont le gouvernement fait état dans sa lettre du 1er juin 1960, et selon lequel, lorsque des mesures ont été prises à l'encontre de personnes, y compris des syndicalistes, qui se sont livrées à des activités séditieuses ou insurrectionnelles, ces mesures ont été prises en conformité avec les pouvoirs souverains qui appartiennent au gouvernement, et aucune organisation internationale n'a le droit de l'en blâmer. Lors de sa session du 8 novembre 1960, le Comité a relevé que le Conseil d'administration, dans un certain nombre de cas antérieurs, a, sur la recommandation du Comité, rejeté de tels arguments en faisant valoir que le point de savoir si une accusation de crime formulée sur la base de faits et d'allégations mettant en cause l'exercice des droits syndicaux, doit être considérée comme une question touchant un crime ou comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux, ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. Par conséquent, dans le cas présent, le Comité considère qu'il est compétent pour examiner le cas de M. Insfrán quant au fond.
- 66 Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a souligné l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, dans tous les cas, y compris ceux où des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement intéressé considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales. De surcroît, lorsque, par le passé, les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales, en déclarant que les personnes en cause avaient, en fait, été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure, ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur ces arrestations, et en particulier sur la procédure légale ou judiciaire engagée à la suite de ces arrestations et sur le résultat de ces procédures. Le Comité recommande, par conséquent, au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement intéressé sur l'importance qu'il attache au principe susvisé, selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu, et de prier ledit gouvernement de bien vouloir faire savoir au Conseil d'administration si M. Insfrán, secrétaire général du Syndicat Grau, est incarcéré ou interné, et fournir des informations sur la procédure légale ou judiciaire engagée dans son cas, ainsi que sur le résultat de cette procédure.
- 67 Dans sa communication du 24 janvier 1961, le gouvernement déclare que M. Insfrán a été arrêté il y a plus de dix-huit mois alors qu'il distribuait des brochures d'inspiration communiste, mais qu'il avait été libéré un mois plus tard et qu'il s'était rendu librement à Montevideo et à Buenos Aires, puis à Cuba.
- 68 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu par une autorité judiciaire impartiale et indépendante dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement intéressé considère comme étrangers à leurs activités syndicales;
- b) de décider, compte tenu de la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Insfrán a été libéré après un mois de détention puis a quitté le pays librement, que, sous réserve de l'observation formulée à l'alinéa a) ci-dessus, il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations relatives à un déni de droits syndicaux
- 69 Il est allégué qu'un état de siège injustifiable existe dans le pays, que l'exercice des libertés constitutionnelles, du droit d'organisation et du droit de grève est rendu impossible et que les travailleurs ne peuvent améliorer leurs conditions de travail parce qu'ils ne sont pas autorisés à constituer une organisation syndicale libre et indépendante; une centrale syndicale, patronnée par le gouvernement, est la seule organisation reconnue. En conséquence, déclarent les plaignants, les travailleurs du Paraguay demandent la cessation de l'état de siège et revendiquent le droit de s'organiser et le droit de grève, ainsi qu'un salaire minimum de 156,52 guaranis.
- 70 Dans sa réponse, du 1er juin 1960, le gouvernement déclare qu'il n'a, à aucun moment, refusé de reconnaître les droits syndicaux des travailleurs, ou invoqué l'état de siège pour persécuter ceux-ci. Le gouvernement affirme que, pendant la période 1948-1960, des lois protégeant le droit des travailleurs de s'affilier à des syndicats ont été adoptées; il existe des lois réglementant le droit des travailleurs de s'organiser ainsi que le droit de grève. Le gouvernement nie l'existence d'une «centrale syndicale d'Etat » et déclare qu'il existe dans le pays des centaines de syndicats qui élisent librement leurs membres et dont les délégués ont constitué la Confédération des syndicats du Paraguay. Dans le pays, le déclenchement des grèves est subordonné au respect des conditions définies par la loi; il existe des conseils de conciliation. Les questions concernant les travailleurs sont du ressort du ministère du Travail. Le gouvernement ajoute que les plaintes émanant des travailleurs ont toujours été examinées avec toute l'attention appropriée, mais que des grèves ont été déclenchées à maintes reprises pour des raisons professionnelles. Le gouvernement conclut en déclarant que le salaire d'une journée de travail de huit heures est de 161 guaranis - soit un salaire supérieur à celui que revendiquent les plaignants.
- 71 A sa réunion du 8 novembre 1960, le Comité a observé que l'un des arguments essentiels dont le gouvernement fait état est que, pendant la période 1948-1960, des lois garantissant le droit des travailleurs de constituer des syndicats et concernant le droit de grève ont été promulguées. Aucun autre détail n'est fourni à ce sujet. Le Paraguay est redevenu Membre de l'O.I.T en 1956, mais n'a fourni aucun des rapports prévus par l'article 19 de la Constitution de l'O.I.T sur l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ou de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, pendant la période se terminant le 31 décembre 1957, comme l'a demandé le Conseil d'administration.
- 72 Dans ces conditions, le Conseil d'administration, sur la recommandation, du Comité, a prié le gouvernement de bien vouloir lui fournir le texte des dispositions législatives qu'il a mentionnées dans sa réponse.
- 73 Dans sa communication du 24 janvier 1961, le gouvernement déclare que la liberté syndicale est définie au Paraguay par les dispositions des articles 19 et 32 de la Constitution, dont le gouvernement a communiqué un exemplaire au Bureau, et que la protection des organisations de travailleurs et d'employeurs est assurée aux termes du décret-loi no 3080, du 18 décembre 1937. Le gouvernement déclare qu'il a également joint à sa réponse un exemplaire de la revue du département du Travail qui contient le texte du décret législatif susmentionné. Néanmoins, ce document n'est pas parvenu au Bureau.
- 74 La situation juridique concernant les allégations portées devant le Comité n'est nullement claire. L'article 19 de la Constitution consacre le droit d'association à des fins légales, conformément à la législation réglementant l'exercice de ce droit. L'article 32 auquel le gouvernement se réfère également prévoit que l'Etat réglemente l'organisation, le fonctionnement et les activités des organismes politiques.
- 75 Le 12 mars 1931, le gouvernement du Paraguay a promulgué le décret no 39361 concernant le droit de réunion et d'association. Le 20 février 1945, le gouvernement a promulgué le décret no 7347, qui déclare que les organisations de travailleurs sont dans une phase de réorganisation. Dans sa lettre du 24 janvier 1961, le gouvernement déclare que la protection des organisations de travailleurs est assurée aux termes du décret législatif no 3080, du 18 décembre 1937, dont un exemplaire a été, selon l'affirmation du gouvernement, joint à sa lettre, mais qui n'est pas parvenu au Bureau, le Bureau n'a pu se procurer aucun exemplaire de ce texte. Enfin, dans sa lettre du 1er juin 1960, le gouvernement déclare que certaines lois adoptées durant la période 1948-1960, protègent le droit des travailleurs d'adhérer à des syndicats, tandis que d'autres lois concernent le droit syndical et le droit de grève, mais, en réponse à la demande d'informations du Conseil d'administration, le gouvernement ne donne pas de détails sur ladite législation d'après-guerre.
- 76 Par conséquent, le Comité estime qu'avant de formuler ses recommandations au Conseil d'administration sur cet aspect du cas, il serait nécessaire qu'il obtienne du gouverne ment des informations sur la question de savoir si le décret no 39361, du 12 mars 1931, concernant le droit de réunion et d'association est encore en vigueur, la mesure dans laquelle le décret législatif no 3080, du 18 décembre 1937, a été modifié par le décret no 7347, du 20 février 1945, déclarant que les organisations de travailleurs sont dans une phase de réorganisation, et sur la question de savoir si ce dernier décret est encore en vigueur. Le Comité désire également prendre connaissance du texte du décret législatif no 3080, du 18 décembre 1937, et d'informations y relatives, y compris les exemplaires des textes s'y rapportant, de la législation dont il est question dans la lettre du gouvernement du 1er juin 1960 comme ayant été promulguée entre 1948 et 1960 pour protéger le droit des travailleurs d'adhérer à des organisations syndicales et des autres lois concernant le droit d'association et le droit de grève dont il est également question dans la lettre du gouvernement du 1er juin 1960.
- 77 Le Comité recommande, en conséquence, au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir les informations et les exemplaires des textes législatifs mentionnés au paragraphe 76 ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 78. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à une attaque de la police contre une réunion de travailleurs, que les plaignants n'ont pas fourni la preuve de ce que, dans ce cas, les droits syndicaux aient été violés;
- b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la détention de M. Insfrán, secrétaire général du Syndicat Grau:
- i) d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu par une autorité judiciaire impartiale et indépendante dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement intéressé considère comme étrangers à leurs activités syndicales;
- ii) de décider que, étant donné la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Insfrán a été libéré après un mois de détention, puis a quitté le pays de sa propre volonté, et sous réserve de l'observation formulée à l'alinéa i) ci-dessus, il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- c) de décider, en ce qui concerne les allégations concernant le déni des droits syndicaux, de demander au gouvernement de fournir les informations et le texte des dispositions législatives dont il est question au paragraphe 76 ci-dessus.