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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 9. La plainte est contenue dans deux communications émanant du Congrès des syndicats birmans et datées respectivement des 15 décembre 1955 et 3 février 1956.
- 10. Il est allégué que les travailleurs de la Vertennes Company de Rangoon se seraient constitués en syndicat le 25 août 1955 et - les employeurs ne respectant pas la législation en ce qui concerne la protection du travail - auraient présenté diverses revendications relatives aux conditions d'emploi. Les employeurs auraient refusé de négocier ; ils se seraient en outre abstenus de répondre aux invitations à participer aux tentatives de conciliation fixées par le conciliateur du gouvernement pour les 13 septembre, 20 septembre, 27 septembre et 5 octobre 1955. Après que les travailleurs eurent manifesté et menacé de porter plainte, conformément à la loi modificatrice de 1954 sur les conflits du travail, contre l'abstention des employeurs, une réunion mixte aurait eu lieu le 25 octobre 1955, qui se serait soldée par la signature d'un accord entre les deux parties, accord qui prévoyait la création dans les huit jours d'un comité d'entreprise chargé d'examiner les revendications des travailleurs. Les employeurs n'auraient pas respecté les engagements qu'ils auraient pris en signant l'accord. Le 2 novembre 1955, la Vertennes Company a été achetée par la Tin Aye Company. Les communications adressées à la nouvelle compagnie seraient restées sans réponse.
- 11. Les employeurs s'étant refusés à discuter les questions en litige, deux grèves symboliques de deux et trois heures ont été décrétées respectivement les 25 et 26 novembre 1955. Il est allégué que l'un des propriétaires de l'entreprise aurait assailli un gréviste et aurait ensuite, par de fausses déclarations, provoqué l'arrestation de grévistes pacifiques.
- 12. Une grève symbolique d'une journée aurait été déclarée le 10 décembre à 6 heures ; les employeurs auraient fait savoir aux travailleurs que tous ceux qui ne reprendraient pas le travail à 10 heures auraient à se considérer comme licenciés. La grève aurait duré jusqu'à midi, heure à laquelle la Direction du travail aurait convoqué les parties pour le 13 décembre en vue d'une tentative de conciliation. Le plaignant indique que les travailleurs auraient essayé de reprendre le travail à 13 heures, mais que 19 d'entre eux auraient été licenciés. Ultérieurement, les travailleurs auraient manifesté pacifiquement à plusieurs occasions ; les employeurs et leurs agents auraient menacé de tirer sur les travailleurs, auraient causé des dommages et auraient ensuite accusé faussement les travailleurs, ce qui a ainsi valu à plusieurs manifestants d'être accusés d'avoir troublé l'ordre public.
- 13. Il est allégué que les employeurs auraient négligé de répondre à la convocation à une tentative de conciliation du 13 décembre 1955, violant ainsi les dispositions de l'alinéa 27 de la loi modificatrice de 1954 sur les différends du travail.
- 14. Il est enfin allégué que le renvoi de 19 grévistes constituerait une violation de l'article 14 B de la loi susmentionnée, qui interdit les licenciements et les lock-outs alors qu'un conflit se trouve à l'examen et pendant les sept jours qui suivent son examen par une commission de conciliation.
- 15. A sa quatorzième session (Genève, mai 1956), le Comité, en l'absence des observations du gouvernement, a décidé d'ajourner son examen du cas à sa quinzième session.
- ANALYSE DE LA PREMIÈRE REPONSE
- 16. Dans sa réponse en date du 18 septembre 1956, le gouvernement birman déclarait que le licenciement des 19 travailleurs ne saurait être considéré comme une mesure illégale et ne constitue pas un lock-out au sens de l'article 2 e) de la loi modificatrice de 1954 sur les différends du travail ; le gouvernement ajoute que les employeurs n'auraient pas commis de violation de l'article 14 B de la loi, ceux-ci ayant notifié leur renvoi aux travailleurs avant d'avoir reçu une convocation à la tentative de conciliation ; enfin, les employeurs auraient demandé par écrit, en motivant leur demande, que la réunion prévue pour le 13 décembre soit ajournée et n'auraient par suite pas commis de faute en n'y assistant pas.
- 17. Le gouvernement indiquait en terminant que plusieurs tentatives ultérieures de conciliation étant restées sans succès, le différend avait été porté devant la Cour d'arbitrage.
- DECISIONS ANTERIEURES DU COMITE
- 18. A sa quinzième session (Genève novembre 1956), le Comité avait noté que toutes les allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte aux droits syndicaux dans ce cas se fondaient sur l'assertion que les faits reprochés constituaient autant de violations des dispositions de la loi modificatrice de 1954 sur les différends du travail ; le Comité avait noté en outre que le gouvernement estimait qu'il n'y avait pas eu violation de la loi ; il avait noté enfin que le différend se trouvait porté, en application de la loi, devant la Cour d'arbitrage. Ayant considéré que le résultat de la procédure engagée devant la Cour d'arbitrage était susceptible de lui fournir des éléments d'appréciation de la plus haute importance lorsqu'il serait appelé à formuler ses conclusions, le Comité avait chargé le Directeur général de demander au gouvernement birman de bien vouloir l'informer du résultat de la procédure engagée devant la Cour d'arbitrage, de lui communiquer copie du jugement lorsque celui-ci aurait été rendu et de décider d'ajourner jusqu'alors son examen du cas.
- 19. En l'absence des informations attendues sur l'issue de la procédure engagée devant le tribunal d'arbitrage, le Comité a également ajourné son examen du cas à ses seizième, dix-septième et dix-huitième sessions (février, mai et octobre 1957).
- 20. Le tribunal a rendu sa sentence le 20 novembre 1957. Le texte en a été communiqué par le gouvernement, en birman par une lettre en date du 14 décembre 1957, et en anglais par une lettre du 7 février 1958.
- ANALYSE DE LA DEUXIEME REPONSE
- 21. La sentence du tribunal arbitral déclare que lorsque des revendications ont été présentées à l'employeur en août 1955, des réunions ont été organisées par le conciliateur du gouvernement. Aux trois premières réunions, les représentants de la compagnie Vertennes s'abstinrent de participer ; à la quatrième réunion, un accord fut obtenu concernant certains points relatifs aux comités d'entreprise. L'employeur ne fit pas preuve d'esprit de collaboration lors des efforts de mise sur pied des comités d'entreprise ; en novembre 1955, l'affaire passa à la Tin Aye Company. Plusieurs demandes furent présentées par le syndicat au nouvel employeur en ce qui concerne les comités d'entreprise, auxquelles il ne fut pas donné suite. C'est alors que les grèves symboliques des 24 et 25 novembre 1955, mentionnées dans la plainte, eurent lieu. Des réunions furent convoquées par le conciliateur pour les 26 et 28 novembre 1955. L'employeur n'assista pas à la seconde. Les travailleurs déclarèrent par la suite qu'il avait été abouti à un accord, mais aucun accord n'a été signé en présence du conciliateur. A 6 heures, le 10 décembre 1955, les travailleurs se mirent en grève. Ils reçurent l'ordre de l'employeur de reprendre le travail avant 10 heures sous peine de licenciement. A midi, les travailleurs, informés par le conciliateur qu'une réunion mixte serait convoquée pour le 13 décembre, reprirent le travail. Ils furent informés par l'employeur que tous les 19 d'entre eux étaient renvoyés étant donné qu'ils n'avaient pas repris le travail à 10 heures.
- 22. Sur la base de ces faits, le tribunal a estimé que la direction s'était dérobée aux réunions et aux discussions avec les travailleurs sur les revendications de ces derniers ; que l'employeur et non le syndicat s'était rendu coupable d'un manque de coopération avec le conciliateur ; que chaque fois qu'il y a eu grève, l'employeur a été prévenu, mais n'a fait aucun effort pour aboutir à un règlement à l'amiable. Le tribunal a estimé enfin que le licenciement des grévistes n'était pas justifié.
- 23. Par contre, le tribunal a estimé que les travailleurs, qui étaient des travailleurs occasionnels engagés sur la base d'un salaire journalier, s'étaient montrés grossiers au cours du différend et s'étaient conduits d'une manière propre à envenimer les relations entre les parties ; il a constaté également qu'alors qu'ils étaient encore employés, les travailleurs s'étaient rendus coupables de plusieurs fautes (mépris des règles de discipline, conduite négligente des véhicules de l'employeur, vol d'essence, etc.). Dans ces conditions, le tribunal a estimé que les travailleurs ne devraient pas être réintégrés, mais qu'une compensation équivalente à deux mois de salaire devrait leur être versée à titre d'indemnité de licenciement injustifié et que l'arriéré de leurs salaires devrait leur être payé.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 24. Le cas, dans son ensemble, se rapporte essentiellement aux demandes présentées à leur employeur par certains travailleurs en vue de l'établissement d'un comité d'entreprise. L'employeur n'ayant pas donné suite à ces demandes et s'étant montré réticent pour négocier, les travailleurs déclenchèrent une série de courtes grèves. Par mesure de représailles, l'employeur les licencia. L'affaire ayant été portée devant un tribunal d'arbitrage, celui-ci a estimé que l'employeur s'était rendu fautif de ne pas participer aux tentatives de conciliation et que les licenciements étaient injustifiés. Le tribunal accorda aux travailleurs une indemnité équivalant à deux mois de salaire ; il n'ordonna cependant pas leur réintégration en raison de leur conduite durant le différend et avant celui-ci, conduite qui avait contribué à envenimer les relations entre les parties.
- 25. Dans le passé, le Comité a estimé qu'en cas de différend du travail, « l'attitude conciliante ou intransigeante de l'une des parties à l'égard des revendications présentées par l'autre est affaire de négociation entre ces deux parties dans le cadre de la loi du pays ». Le Comité a pris la même position en matière de licenciement d'employés. Ces questions sont précisément celles qui se posent dans le cas d'espèce et le Comité - tenant compte du fait que les questions à l'origine du différend ont fait l'objet d'une sentence de la part d'un tribunal indépendant, rendue à la suite d'une procédure présentant toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière, que cette sentence a redressé les torts causés aux travailleurs en octroyant à ceux-ci une indemnité considérée comme équitable par le tribunal - estime qu'il serait inopportun de poursuivre l'examen du cas. Le Comité rappelle également que, lorsqu'une indemnité a été accordée, il a estimé que la question de savoir si elle était ou non suffisante devait être réglée par les tribunaux nationaux compétents et qu'il ne serait pas opportun qu'elle soit examinée dans le cadre de la procédure d'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 26. Dans ces conditions, pour les raisons indiquées au paragraphe 25 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait inopportun de poursuivre l'examen du cas.