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Individual Case (CAS) - Discussion: 2023, Publication: 111st ILC session (2023)

Right to Organise and Collective Bargaining Convention, 1949 (No. 98) - Indonesia (Ratification: 1957)

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2023-IDN-098-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Le gouvernement a fourni par écrit les informations suivantes ainsi qu’une copie de la loi no 6 de 2023.

Actualisation de la loi sur la création d’emplois

La loi sur la création d’emplois (loi no 11 de 2020 et son amendement) ne porte pas modification des dispositions sur les conventions collectives. Les règles en matière de conventions collectives relèvent toujours de la loi no 13 de 2003 sur la main-d’œuvre et de la loi no 2 de 2004 sur le règlement des conflits collectifs du travail.

S’agissant des conventions collectives pour les travailleurs des petites et moyennes entreprises (PME), la loi sur la création d’emplois dispose clairement que les salaires et les droits des travailleurs à la cessation de la relation de travail (indemnités et autres droits financiers) doivent faire l’objet d’un accord entre les travailleurs et les employeurs. En effet, la capacité financière des PME n’est pas aussi élevée que celle des grandes entreprises.

En ce qui concerne la révision de la loi sur la création d’emplois (suite à la décision de la Cour constitutionnelle no 91/PU-XVIII/2020), le gouvernement déclare ce qui suit:

- Le gouvernement et le Parlement ont procédé à une révision, sur la forme et sur le fond, de la loi en modifiant la loi no 12 de 2021 sur la création de lois, afin d’inclure également un modèle de «loi omnibus» et une participation publique significative.

- Finalisation de la loi no 6/2023 portant promulgation de la loi no 2 de 2022 sur la création d’emplois, afin de remplacer la loi no 11 de 2020.

- La révision de la loi sur la création d’emplois a été effectuée par le biais d’une socialisation et d’un engagement publics avec diverses parties prenantes (syndicats, employeurs, universités et autres secteurs publics). Le gouvernement a également accordé de l’attention aux propositions et suggestions des instituts de recherche indépendants, notamment sur les sujets critiques soulevés par la population.

Article 1 de la convention. Protection adéquate contre tous actes de discrimination antisyndicale

Le gouvernement rappelle que la législation nationale prévoit des procédures pour remédier à la discrimination antisyndicale ou à la violation du droit syndical: loi no 21 de 2000 sur les syndicats de travailleurs et loi no 2 de 2004 sur le règlement des conflits collectifs du travail. Le gouvernement encourage tous les travailleurs et les syndicats à recourir aux procédures nationales prévues par la loi, s’ils estiment que leurs droits ont été bafoués.

Article 2. Protection adéquate contre les actes d’ingérence

Le gouvernement rappelle son commentaire précédent selon lequel l’article 122 de la loi sur la main-d’œuvre ne vise pas à autoriser l’ingérence de la part des employeurs ou des fonctionnaires dans une procédure de vote. À ce jour, le gouvernement n’a pas reçu de plaintes relatives à la présence d’employeurs et/ou de fonctionnaires lors d’un vote. L’article 122 est également l’expression de la souveraineté de l’Indonésie en matière de réglementation de ses affaires intérieures. Il n’y a aucune raison impérieuse de le modifier.

Article 4. Promotion de la négociation collective

En vertu de la loi no 2 de 2004, le règlement des conflits du travail par le biais d’un tribunal d’arbitrage et des relations professionnelles ne peut avoir lieu qu’après que les parties en litige ont épuisé toutes les mesures de négociation. Comme le suggère la commission, le tribunal d’arbitrage et des relations professionnelles sert de dernier recours lorsque les négociations entre les parties échouent.

Le gouvernement reste convaincu que les articles 5, 14 et 24 de la loi no 2 de 2004 sont conformes à l’article 4 de la convention, ainsi qu’aux principes de l’arbitrage obligatoire (en dernier recours lorsque des négociations répétées aboutissent à une impasse). Il n’y a aucune raison impérieuse de modifier ces articles.

Reconnaissance d’organisations aux fins de la négociation collective

Le nombre de conventions collectives conclues à la fin de 2021 était de 17 495. À la fin de 2022, ce nombre s’élevait à 18 144.

Négociation collective au niveau sectoriel

Le gouvernement se concentre toujours sur la création de conventions collectives au niveau de l’entreprise afin de prévenir les litiges à l’avenir, conformément à la loi no 13 de 2003 sur la main-d’œuvre et au décret ministériel no 28 de 2014 sur les règles de conclusion et de validation des règlements d’entreprise et sur la conclusion et l’enregistrement des conventions collectives.

Zones franches d’exportation

Le droit des travailleurs de conclure des conventions collectives dans les zones franches d’exportation (ZFE) reste garanti. À ce jour, 687 conventions collectives ont été conclues dans les ZFE.

Discussion par la commission

Président – Le troisième cas inscrit à notre ordre du jour est l’Indonésie: application de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

Représentant gouvernemental – Au nom du gouvernement, je saisis l’occasion qui m’est donnée pour répondre aux notes de la commission d’experts sur l’application de la convention en Indonésie, liée à la mise en œuvre de la loi sur la création d’emplois et du règlement correspondant et à la mise en pratique de la négociation collective. Nous avons soumis notre réponse écrite et souhaitons saisir cette occasion pour dissiper des préoccupations.

Premièrement, les effets de la loi sur la création d’emplois et la demande d’informations actualisées sur les modifications apportées à la loi. Cette loi a pour objectif principal de promouvoir la création d’emplois et d’améliorer les possibilités d’emploi, tout en assurant une meilleure protection des travailleurs. Cet objectif est atteint de différentes façons: initiatives et amélioration de l’environnement national en matière d’investissement en vue d’attirer des investisseurs nationaux et étrangers; moyens d’agir donnés aux coopératives, aux micro, petites et moyennes entreprises; renforcement de l’industrie nationale et du secteur du commerce. Et, partant: stimulation de la croissance économique en Indonésie.

Cette loi a des effets positifs sur l’Indonésie, en particulier sur l’économie et l’investissement, ainsi que sur l’emploi. Elle doit donc recevoir l’appui de la communauté internationale, car elle représente un moyen concret permettant à l’Indonésie de se relancer et de jeter les bases d’une économie plus forte et plus durable. La loi sur la création d’emplois et son amendement, moyennant la loi no 6/2023 portant règlement gouvernemental relatif à la loi sur la création d’emplois à promulguer, ne change aucune disposition concernant le droit des travailleurs de s’organiser, droit qui est régi par la loi no 13/2003 sur l’emploi (loi sur la main-d’œuvre). Elle dispose que les syndicats et les organisations d’employeurs sont des instruments importants des relations professionnelles. Après la promulgation de la loi, le nombre de syndicats, de fédérations, de confédérations et de syndiqués a considérablement augmenté en Indonésie. D’après les estimations, il y avait plus de 10 000 syndicats comptant plus de 3,2 millions de membres avant la promulgation de la loi. Puis, entre 2020 et 2023, le nombre de syndicats a dépassé les 12 000, avec plus de 4,2 millions de membres. Cela montre clairement que la loi sur la création d’emplois n’a aucun effet négatif sur le droit d’organisation des travailleurs. En outre, la Constitution indonésienne garantit que nul ne peut agir de manière discriminatoire ni antisyndicale à l’égard de certains groupes. Cela est prescrit par la loi no 21/2000 sur les syndicats de travailleurs. Par conséquent, les préoccupations concernant les éventuels effets négatifs de la loi sur la création d’emplois sur l’application de la convention ne sont pas considérées comme pertinentes. La loi sur la création d’emplois ne modifie pas les dispositions relatives à la négociation collective. De manière générale, les dispositions relatives à la négociation collective s’appliquent à toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, aussi bien pour les conventions collectives que pour le règlement des conflits collectifs du travail. S’agissant du salaire, l’Indonésie rappelle que les accords conclus entre employeurs et travailleurs dans les micro et petites entreprises le sont dans le cadre de la négociation collective et que le salaire ne peut être inférieur à la limite inférieure fixée par la réglementation. Cela vise à protéger le salaire des travailleurs et à préserver la viabilité de l’entreprise, compte tenu du fait que la capacité de ces entreprises n’est pas identique à celle des moyennes et grandes entreprises. De ce fait, les préoccupations relatives au fait que la loi sur la création d’emplois limiterait la négociation collective entre les travailleurs et les employeurs dans les micro et petites entreprises ne sont pas fondées. En outre, s’agissant de la modification de la loi sur la création d’emplois comme suite à la décision de la Cour constitutionnelle, nous souhaitons apporter les éléments de réponse suivants.

Les modifications, sur la forme comme sur le fond, ont été apportées à la loi moyennant la révision de la loi no 12/2011 sur l’élaboration de textes législatifs qui régit la méthode dite de la loi omnibus et une participation à la vie publique de qualité, et la loi no 6/2023 portant règlement gouvernemental relatif à la loi sur la création d’emplois à promulguer. Cette modification de la loi a été rendue publique, et des échanges publics ont eu lieu avec différentes parties prenantes, dont des syndicats, des employeurs, des universitaires et des représentants de la société civile. En outre, le gouvernement a étudié la contribution d’institutions de recherche indépendantes, en particulier sur des points critiques soulevés par la population.

Deuxièmement, les observations d’après lesquelles l’Indonésie ne fournit pas de protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. L’Indonésie rappelle que les lois nationales garantissent la protection des travailleurs et des syndicats contre la discrimination antisyndicale. En outre, les procédures de règlement des différends liés à la discrimination antisyndicale ou de violation du droit d’organisation des travailleurs sont expressément énoncées dans la loi no 21/2000 sur les syndicats et la loi no 2/2004 sur le règlement des conflits collectifs du travail. Les travailleurs et les syndicats dont les droits auraient été enfreints sont invités à se tourner vers les dispositions énoncées dans ces deux lois. Le gouvernement a mis en place des services pour qu’il soit plus facile de dénoncer des violations alléguées sur ce point.

Troisièmement, la recommandation de la commission d’experts relative à la modification de plusieurs réglementations nationales. Nous avons soigneusement étudié les commentaires de la commission d’experts sur la procédure de vote dans le cadre de la négociation collective, les accords de négociation collective, article 122 de la loi no 13/2003, et l’arbitrage obligatoire pour régler les différends dans les relations professionnelles, articles 5, 14 et 25 de la loi no 2/2004. La réglementation relative aux procédures de vote, telle qu’énoncée à l’article 122 de la loi no 13/2003, qui renvoie à l’article 119, paragraphe 2, est particulièrement importante, parce qu’elle défend les droits fondamentaux de tous les travailleurs de s’affilier, ou non, à un syndicat, et le droit d’établir ou de s’abstenir d’établir un syndicat. D’après notre analyse, ces articles conservent toute leur pertinence, et rien ne pousse à en justifier la modification.

Quatrièmement, la négociation collective au niveau sectoriel. L’Indonésie met actuellement l’accent sur la promotion de la conclusion de conventions collectives au niveau de l’entreprise, conformément à la loi no 13/2003 et au décret ministériel no 28/2014, et la prévention de différends dans les relations professionnelles au sens large. Nous suivons cette approche, compte tenu que les capacités des entreprises au niveau des secteurs varient.

Cinquièmement, le droit des travailleurs de conclure des conventions collectives dans les ZFE. Je rappelle que mon gouvernement s’est engagé à garantir l’égalité de traitement à tous les travailleurs, y compris à ceux qui travaillent dans des ZFE, et leur droit de conclure des conventions collectives.

En conclusion, l’Indonésie demeure fermement attachée aux principes de l’OIT et à l’application de la convention. Nous sommes indéfectiblement attachés au fait de nous acquitter de nos obligations et de répondre aux observations de la commission d’experts. Nous sommes ouverts au dialogue constructif et à la collaboration avec l’OIT et l’ensemble des parties prenantes sur cette question.

Membres employeurs – Comme nous le savons, la convention nº 98 est une convention fondamentale que l’Indonésie a ratifiée en juillet 1957. Ce cas a fait six fois l’objet d’une discussion dans cette commission: en 1991, 1993, 1994, 1995, 1997 et 1998, mais plus depuis un certain temps. Il a également fait l’objet de 21 observations de la commission d’experts.

Pour rappel, les conflits de réglementation et les données politiques dépassées et ne reflétant pas la réalité au sein du gouvernement central et local s’avéraient de plus en plus destructeurs pour le climat d’investissement en Indonésie. Le gouvernement a pris l’initiative de traiter ces éléments conflictuels en les regroupant dans un cadre intégré connu sous le nom de loi omnibus. Dans sa version initiale, certains aspects de cette loi ont été jugés inconstitutionnels par la Cour constitutionnelle. Alors le gouvernement a entrepris un processus de révision pour corriger les lacunes et parvenir à la loi dans sa version actuelle. Pour ce faire, il a mis en place un processus de socialisation publique et s’est engagé auprès de diverses parties prenantes, dont les syndicats, les employeurs, les universités et d’autres secteurs publics. Nous constatons que le gouvernement a également accordé de l’attention aux propositions et suggestions des instituts de recherche indépendants, notamment sur les sujets critiques soulevés par la population.

Nous notons que la méthodologie ou le concept dit de l’omnibus est utilisé dans d’autres pays pour faire tomber des obstacles similaires. Les membres employeurs sont convaincus qu’une approche globale comme celle-ci pourrait conduire à un renforcement des systèmes économiques en Indonésie, engendrant un climat d’investissement plus favorable et attrayant, et fournissant des protections et des systèmes complets pour la gestion du marché du travail.

Il convient toutefois de veiller à ce que ces mesures ne violent pas les conventions internationales qui ont été ratifiées. En ce qui concerne les observations de la commission d’experts relatives à la protection adéquate contre la discrimination antisyndicale et malgré la révision de la loi omnibus, la Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération syndicale indonésienne pour la prospérité (KSBSI) et la Confédération des syndicats indonésiens (KSPI) affirment que la loi omnibus expose certaines catégories de travailleurs à un risque accru de discrimination antisyndicale. Dans son rapport de 2023, tout en prenant note du fait que la loi est en cours de révision conformément à une décision de la Cour constitutionnelle, la commission d’experts a prié le gouvernement d’examiner les préoccupations des organisations syndicales au sein du Conseil tripartite national pour veiller à ce que la loi révisée soit pleinement conforme à la convention. Nous comprenons que ce processus est effectivement en cours.

S’agissant de l’assurance d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence, la commission d’experts attendait à nouveau du gouvernement qu’il modifie l’article 122 de la loi sur la main-d’œuvre pour interdire la présence de l’employeur lors d’un vote. Il est intéressant de noter que ce commentaire semble plus pertinent pour l’article 119 qui exige que les votes soient administrés par un comité composé de représentants des travailleurs et de responsables syndicaux, en présence d’un représentant du gouvernement et des employeurs.

Nous faisons remarquer ici que l’article prévoit uniquement un rôle passif des employeurs et du gouvernement qui, par leur présence, peuvent néanmoins garantir qu’aucune influence indue n’est exercée sur les travailleurs qui votent.

Nous constatons également que les très nombreux syndicats indonésiens, ou même les travailleurs, n’ont déposé que peu de plaintes, voire aucune, concernant l’application de cette disposition. Il n’y a pas eu non plus de contrôle de la part des tribunaux concernant le respect de l’article 4 de la convention.

En ce qui concerne la promotion de la négociation collective, la commission d’experts a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir également la négociation collective aux niveaux sectoriel et régional, et de communiquer des informations à ce sujet.

Toutefois, les membres employeurs notent que la convention n’exige pas la promotion d’un niveau particulier de négociation collective, mais seulement, et je cite, que «[d]es mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi». Je pense que vous conviendrez qu’il s’agit d’une déclaration assez générale, et non d’une déclaration plus spécifique.

Dans le cas de l’Indonésie, la loi sur la création d’emplois concernant les conventions collectives pour les travailleurs des PME prévoit que les salaires et les droits des travailleurs doivent faire l’objet d’un accord entre les travailleurs et les employeurs. Cette loi reconnaît en grande partie que la possibilité de mener une négociation collective à un niveau plus élevé que celui de l’entreprise est limitée par le nombre considérable de micro et petites entreprises en Indonésie et par les difficultés pratiques inhérentes à leur organisation. Il existe également un grand nombre de syndicats en Indonésie. Plus de 12 000, selon nos informations.

À titre d’information, les micro et petites entreprises représentent plus de 60 pour cent de l’ensemble de l’économie indonésienne, plus de 99 pour cent du total des entreprises indonésiennes étant considérées comme micro et petites et absorbant environ 97 pour cent de l’emploi. En outre, il existe déjà un nombre important de conventions collectives en vigueur. À la fin de l’année 2021, elles étaient au nombre de 17 495; à la fin de l’année dernière, plus de 18 000.

Historiquement, la plupart des micro et petites entreprises se trouvaient dans l’économie informelle, où les salaires ne sont pas réglementés, principalement en raison de l’incapacité à payer le salaire minimum qui était trop élevé par rapport aux bénéfices qu’elles généraient.

La loi omnibus a changé cela. Elle a ramené les micro et petites entreprises dans l’économie formelle de manière à ce qu’elles puissent contribuer plus directement à l’économie nationale et qu’elles bénéficient de toutes les protections du droit au travail, bien que sous des formes qui reflètent la réalité précaire de nombreuses petites entreprises.

L’une de ces formes est l’exemption, pour les micro et petites entreprises, d’appliquer les dispositions relatives aux salaires minima. Cette mesure vise à garantir un salaire équitable aux travailleurs des micro et petites entreprises tout en tenant compte de la viabilité de ces entreprises. Elle ne revient pas à leur signer un chèque en blanc.

Tout salaire convenu doit correspondre à au moins 50 pour cent de la consommation moyenne au niveau provincial et être supérieur d’au moins 25 pour cent au seuil de pauvreté. En outre, fixer les salaires de cette manière n’élimine pas le rôle de la négociation collective. Au contraire, la politique met l’accent sur la nécessité d’une négociation libre et volontaire entre les employeurs et les travailleurs.

Même s’il se concentre actuellement sur la création de conventions collectives au niveau de l’entreprise, le gouvernement s’est également tourné vers l’avenir. Il semble que l’OIT, le gouvernement et les partenaires sociaux sont convenus d’organiser une formation à la médiation et une formation destinée aux représentants des travailleurs et des employeurs, relative à la négociation collective.

S’agissant des ZFE, nous notons que la commission d’experts a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les droits prévus par la convention soient garantis aux travailleurs des zones où sont fabriqués des produits d’exportation, et de continuer de fournir des informations à ce sujet.

La commission d’experts a également demandé des informations sur le nombre de conventions collectives en vigueur. Nous indiquons que les conventions collectives en vigueur dans les ZFE sont actuellement au nombre de 687.

Dans l’ensemble, le nombre de recommandations est limité. Compte tenu de tous ces points, les membres employeurs prient instamment le gouvernement de continuer à traiter les diverses questions découlant de l’introduction de la loi omnibus par l’intermédiaire du Conseil tripartite national et de se prévaloir de l’assistance technique disponible auprès du BIT à ce sujet. Nous le prions également de s’assurer que toute présence d’employeurs ou de représentants du gouvernement à l’occasion d’un vote soit strictement conforme aux dispositions de la convention.

Membres travailleurs – L’application de la convention no 98 par le gouvernement est l’objet de notre discussion. Le rapport de la commission d’experts mentionne un certain nombre de questions relatives à l’application de la convention en droit et dans la pratique, notamment la protection adéquate contre la discrimination antisyndicale et contre les actes d’ingérence, la promotion de la négociation collective et l’extension de la couverture des protections prévues par la convention pour les travailleurs des ZFE et de toutes les zones industrielles et économiques de ce type. La convention protège les travailleurs contre la discrimination antisyndicale et contre les actes qui visent à porter atteinte au droit des travailleurs de s’affilier à une véritable organisation de travailleurs ou de la constituer, ou à porter préjudice à un travailleur au motif de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Elle demande que soient instituées des organismes appropriés pour assurer le respect du droit d’organisation et que des mesures soient prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation en vue de régler les conditions d’emploi. Le rapport phare de l’OIT de 2022 sur la négociation collective indique que la négociation collective peut beaucoup contribuer à la gouvernance inclusive et efficace du travail, avec des effets positifs sur la stabilité, l’égalité, l’efficience, la conformité et la résilience des entreprises et des marchés du travail. Nous sommes préoccupés par le fait que le gouvernement ne prend pas les mesures qui permettront aux travailleurs indonésiens de bénéficier de la protection de la convention. La situation que nous avons à l’esprit est la suivante.

Le 2 novembre 2020, le président Joko Widodo a promulgué la loi no 11 de 2020 sur la création d’emplois, dite loi omnibus, malgré la forte objection d’une large coalition d’organisations syndicales indonésiennes et d’autres organisations de la société civile. Le 25 novembre 2021, la Cour constitutionnelle d’Indonésie a annulé la loi. Alors que cela aurait pu être l’occasion d’engager un véritable dialogue tripartite pour répondre aux nombreuses préoccupations légitimes des syndicats, le gouvernement a pris en décembre 2022 un décret d’urgence en vue de la création d’emplois, qui a rétabli la loi omnibus, avec seulement des modifications mineures. Le Parlement a transformé, le 21 mars 2023, le décret d’urgence en loi, la loi no 6 de 2023. Le motif invoqué de la promulgation de la loi omnibus était d’attirer les investissements étrangers et de stimuler ainsi la croissance économique, alors qu’il aurait fallu faire respecter les dispositions de la convention afin de parvenir à une croissance économique durable et productive, en soustrayant les vrais travailleurs à la spirale des faibles revenus et de la faible protection du travail. La voie choisie par le gouvernement aura pour effet de faire baisser les salaires et d’aggraver les conditions de travail. Elle rendra la vie encore plus difficile pour les travailleurs qui souffrent déjà de l’impact de la pandémie de COVID-19. Principalement, la loi porte gravement atteinte au système actuel de fixation des salaires en Indonésie, en supprimant la protection du salaire minimum pour la quasi-totalité des travailleurs indonésiens, ce qui a pour effet de compromettre les négociations salariales tripartites qui permettent de fixer les salaires minima, ainsi que la capacité des syndicats à négocier les salaires au niveau de l’entreprise. De fait, au lieu d’encourager et de promouvoir un mécanisme de négociation collective, la loi en exempte les micro et petites entreprises, où les salaires doivent désormais être fixés sur la base d’un accord entre l’entrepreneur et les travailleurs de l’entreprise.

La grande majorité des travailleurs indonésiens (97 pour cent), comme nous l’avons entendu, sont occupés dans des micro, petites ou moyennes entreprises, selon les chiffres de 2018 de Statistiques Indonésie (agence nationale de la statistique).

En outre, un certain nombre de dispositions compromettent l’obligation de mettre en place des mesures visant à encourager et à promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation, en alimentant la précarisation de l’emploi et en sapant ainsi la protection accordée aux travailleurs pour constituer des syndicats, organiser leur activité et négocier. Par exemple, les réformes relatives aux contrats à durée déterminée, à l’externalisation du travail et de la main-d’œuvre et au licenciement risquent d’accroître encore le recours à l’emploi précaire dans le pays. L’instabilité économique et sociale et l’insécurité des travailleurs, déjà importantes, s’en trouveront exacerbées. La loi supprime effectivement de nombreuses dispositions et restrictions qui portaient sur l’utilisation des contrats à durée déterminée et qui étaient contenues dans la précédente loi no 13 de 2023. Sans ces dispositions, les travailleurs sont exposés au risque d’un recours abusif aux contrats à durée déterminée, d’où une incapacité sociale et l’absence de la croissance économique équilibrée et durable qui est nécessaire pour améliorer la vie des gens.

Les nouvelles dispositions de la loi qui favorisent la flexibilité, si elles ne sont pas modifiées, feront que les protections mineures qui subsistent dans la loi deviendront des dispositions de pure forme qui seront largement dénuées de sens. Comme l’a récemment observé la commission d’experts, il incombera au travailleur dont le contrat à durée déterminée n’a pas été prolongé ou renouvelé de démontrer que la non-prolongation ou le non-renouvellement du contrat est le résultat d’une discrimination antisyndicale ou d’un autre motif interdit. Cela affaiblira l’effet des dispositions contre la discrimination antisyndicale contenues dans la convention. La loi prévoit également que les fournisseurs de main-d’œuvre peuvent externaliser de la main-d’œuvre pour exécuter toutes les fonctions de l’entreprise utilisatrice, y compris ses fonctions essentielles. En outre, le fournisseur de main-d’œuvre est le seul responsable des travailleurs, ce qui exonère apparemment l’entreprise utilisatrice de toute responsabilité à l’égard de l’ensemble des travailleurs, même lorsque le fournisseur de main-d’œuvre enfreint la loi.

Comme dans le cas des contrats à durée déterminée, la déréglementation de l’externalisation de la main-d’œuvre aura des effets profondément négatifs sur l’exercice des droits fondamentaux des travailleurs. Comme l’a expliqué l’OIT, la présence de multiples fournisseurs de main-d’œuvre peut fragmenter l’unité de négociation, empêchant ainsi les travailleurs d’atteindre le seuil réglementaire nécessaire pour constituer un syndicat ou être reconnus en tant qu’agents de négociation. De plus, si plusieurs unités de négociation sont en place dans l’entreprise, elles risquent de ne pas disposer d’un pouvoir de négociation suffisant lors des négociations collectives.

Outre les problèmes créés par la loi sur la création d’emplois, la commission d’experts a également mis en lumière un certain nombre de questions législatives et politiques que le gouvernement aurait dû traiter au lieu de créer de nouveaux problèmes graves. Nous mentionnerons ici la demande qu’a formulée la commission d’experts: modifier l’article 122 de la loi sur la main-d’œuvre afin d’interdire la présence de l’employeur pendant le vote; modifier les articles 5, 14 et 24 de la loi no 2 de 2004 sur le règlement des conflits du travail, pour garantir que l’arbitrage obligatoire pendant les négociations collectives ne peut être demandé que dans des circonstances exceptionnelles, et garantir aussi le respect du principe de la négociation collective libre et volontaire; prendre les mesures nécessaires pour promouvoir également la négociation collective aux niveaux sectoriel et régional; fournir des informations à cet égard; veiller à ce que les droits prévus par la convention soient garantis aux travailleurs dans toutes les zones, y compris les ZFE, où des produits d’exportation sont fabriqués; et continuer à informer de l’état d’avancement de la consultation tripartite susmentionnée.

Le gouvernement a encore beaucoup à faire pour rendre la législation et les pratiques conformes à la convention. Nous le prions instamment de procéder immédiatement à un examen approfondi de sa législation, y compris de la nouvelle loi sur la création d’emplois, dans un cadre tripartite et avec le soutien technique du BIT, afin de garantir le plein respect du droit à la négociation collective que la convention protège.

Membre employeuse, Indonésie – Je vous remercie d’accorder l’occasion à la Chambre de commerce et d’industrie de l’Indonésie (APINDO) de fournir à la commission des informations complémentaires sur l’application de la convention par l’Indonésie. Pour ce faire, nous vous proposons de tenir compte de la situation de l’emploi qui a poussé les autorités à promulguer la loi de 2020 sur la création d’emplois, confirmée par l’adoption de la loi no 6 de 2023, suivant le modèle de la loi omnibus.

Selon une enquête effectuée par l’Agence nationale de la statistique en août 2019, la population active de l’Indonésie se composait approximativement de 133 millions de personnes, dont 126 millions en emploi et 7 millions sans emploi. On y dénombrait également 28 millions de travailleurs à temps partiel et 8 millions de personnes sous-employées. Entre-temps, la population active a augmenté de 2 millions de personnes et devrait s’accroître tous les ans d’environ 3 millions de personnes. Des efforts doivent être consentis pour créer des emplois pour quelque 45,8 millions d’individus. La question des possibilités d’emploi est directement liée à celle du niveau d’éducation de la main-d’œuvre indonésienne qui, dans la grande majorité, ne dépasse pas celui du cycle secondaire.

Les enjeux en matière d’emploi sont aussi amplifiés par le bonus démographique de l’Indonésie qui devrait atteindre son maximum en 2030. Il s’agit de gérer efficacement une population en âge de travailler abondante et productive pour que le pays en retire le plus d’avantages possible.

À en croire les données du Conseil de coordination des investissements de l’Indonésie, le taux d’absorption de la main-d’œuvre a fortement diminué. En 2013, pour des investissements d’un montant de 398 000 milliards de roupies indonésiennes, le taux d’absorption était de 4 594 travailleurs par 1 000 milliards de roupies indonésiennes. Toutefois, en 2022, alors que les investissements s’élevaient à 1 207 000 milliards de roupies indonésiennes, le taux d’absorption n’était plus que de 1 081 travailleurs par 1 000 milliards de roupies indonésiennes. Ces chiffres indiquent que les investissements ont triplé ces dix dernières années tandis que le taux d’absorption de la main-d’œuvre a chuté de 75 pour cent. Il convient de prêter une attention particulière à cette tendance à la baisse du taux d’absorption de la main-d’œuvre, surtout sachant que plus de la moitié des travailleurs indonésiens étaient employés dans le secteur informel.

La loi sur la création d’emplois s’accompagne de révisions et de mises à jour d’articles de la précédente loi de 2003 sur la main-d’œuvre.

Ces modifications de la réglementation du travail ont été mises en œuvre pour répondre aux exigences des droits constitutionnels du peuple indonésien. En effet, l’article 27(2) de la Constitution de l’Indonésie de 1945 précise que tout citoyen indonésien a le droit à un travail et à des moyens de subsistance humainement décents.

Du reste, il convient de noter que, malgré quelques changements en ce qui concerne les conditions d’emploi, la nouvelle loi prévoit aussi de nouveaux régimes de protection pour les travailleurs. En effet, la loi sur la création d’emplois crée un nouveau dispositif de protection pour les travailleurs licenciés grâce à un régime de prestations de chômage et prévoit une indemnisation pour les travailleurs temporaires dont il n’était pas question dans la précédente loi sur la main-d’œuvre.

Étant donné que l’Indonésie a ratifié neuf conventions fondamentales, nous voulons croire que la loi en question a été rédigée délibérément pour veiller à ce que les dispositions ne compromettent pas le principe du respect des droits fondamentaux des travailleurs tels qu’énoncés dans la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

Les inquiétudes concernant de possibles violations de la convention liées aux modifications apportées à la réglementation du travail ne sont pas fondées. Il existe une réglementation spécifique relative aux salaires des travailleurs dans les micro et petites entreprises, car il ne serait pas réaliste d’y appliquer les mêmes normes que dans les moyennes et grandes entreprises. Toutefois, l’article 90(b) de la loi sur la création d’emplois précise aussi que tout accord conclu entre employeurs et travailleurs sur le salaire minimum des travailleurs des micro et petites entreprises ne peut prévoir qu’il soit inférieur à un pourcentage donné de la consommation publique moyenne. De plus, le personnel de ces entreprises continue d’être couvert par toutes les réglementations relatives à la protection sociale et à la sécurité et la santé au travail. La loi doit trouver un équilibre entre la réalisation d’idéaux et la prise en compte des réalités.

D’après des données récentes, le monde de l’entreprise en Indonésie repose essentiellement sur les micro, petites et moyennes entreprises qui emploient 119,56 millions de personnes (soit 96,92 pour cent de la main-d’œuvre). Ces données viennent soutenir l’objectif de la loi sur la création d’emplois, à savoir donner une autonomie accrue aux micro et petites entreprises et en faciliter le développement pour qu’elles augmentent les possibilités d’emploi et participent à une distribution équitable de la prospérité dans la population indonésienne.

Conformément à la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, l’élaboration de la loi no 11 de 2020 a suivi un processus détaillé et complet, incluant l’intégration des attentes des différentes parties prenantes et la tenue d’un dialogue social poussé au sein du Forum tripartite de consultation.

Nous souhaiterions profiter de l’occasion qui nous est donnée pour souligner que l’association patronale respecte le droit à la négociation collective sur le lieu de travail. Par conséquent, nous nous efforçons toujours d’y renforcer les capacités de négociation collective. En témoigne notre collaboration avec le programme de coopération des employeurs néerlandais, la Fédération nationale des syndicats chrétiens et la KSBSI en vue d’organiser des formations sur le dialogue social entre la direction et le personnel sur le lieu de travail pour qu’ils parviennent à rédiger une convention collective adaptée à leur entreprise.

L’APINDO ne prétend pas que tout est parfait. Le gouvernement a encore beaucoup à faire pour s’assurer que la loi sur la création d’emplois remplit le rôle qui lui est dévolu, à savoir fournir de nombreuses possibilités d’emploi pour le bien-être de l’ensemble de la population indonésienne. La coordination entre le gouvernement central et les autorités locales pour réaliser un objectif commun doit encore être renforcée en vue d’améliorer la qualité et la productivité de la main-d’œuvre qui devient un défi permanent.

Cependant, le gouvernement n’a eu de cesse de démontrer son engagement en faveur du bien-être de la population indonésienne. Cela a été manifeste pendant la pandémie de COVID-19 que nous avons traversée avec succès.

Nous pensons qu’il est possible de promouvoir le bien-être du peuple indonésien grâce à une collaboration entre toutes les parties prenantes qui partagent une même vision. Les associations patronales ont aujourd’hui besoin d’une meilleure situation nationale qui permette à toutes les parties de jouer pleinement leur rôle. Nous espérons donc que la commission conviendra avec nous qu’il revient aux parties concernées de répondre en interne aux questions nationales en se concentrant sur les meilleurs intérêts de la population indonésienne grâce à un dialogue social constructif et en faisant preuve d’un esprit tripartite. Nous pensons que c’est ainsi qu’il est possible de parvenir à la justice sociale et au travail décent.

Membre travailleuse, Indonésie – L’examen de ce cas par la commission est important et vient à point nommé. Comme le souligne le rapport de la commission d’experts, la mise en œuvre de la convention en Indonésie est très problématique. La loi sur la création d’emplois, connue sous le nom de loi omnibus, et ses règlements d’application portent clairement atteinte aux droits des travailleurs, suppriment de nombreuses protections et, en particulier, les droits protégés par la convention.

Avant d’aborder les principales questions relatives à la mise en œuvre de cette convention, je tiens à préciser certains points liés à cette loi sur la création d’emplois. Le 2 novembre 2020, le président Joko Widodo a signé la loi no 11 sur la création d’emplois, connue sous le nom de loi omnibus. Les syndicats et la société civile se sont opposés à cette loi sur la création d’emplois en raison de son impact négatif sur la promotion et la protection des droits au travail.

Lors de l’élaboration de la loi, le gouvernement n’a pas procédé aux consultations qui s’imposent avec les syndicats. Les syndicats ont uni leurs voix pour exprimer leur opposition. En conséquence, le 25 novembre 2021, la Cour constitutionnelle a jugé la loi omnibus inconstitutionnelle et ordonné au gouvernement d’améliorer la loi dans un délai de deux ans. Mais au lieu d’appliquer la décision de la Cour constitutionnelle, le président Joko Widodo a pris un raccourci en publiant le décret tenant lieu de loi (Perppu) no 2 de 2022 pour imposer l’application de la loi omnibus.

Tout comme la loi sur la création d’emplois, les dispositions du Perppu affaiblissent considérablement les droits fondamentaux et le bien-être des travailleurs, notamment en matière de fixation du salaire minimum, prolongation des contrats de travail à court terme, réglementation souple en matière d’externalisation, allongement des heures supplémentaires et réduction des indemnités de licenciement, etc.

Le gouvernement a affirmé que le Perppu no 2 de 2022 avait été adopté en raison de l’état d’urgence provoqué par les conséquences économiques de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les syndicats et les organisations de la société civile ont manifesté leur opposition en organisant des grèves nationales, car il n’y avait pas de raisons à cet état d’urgence.

Le 20 mars 2023, le Directeur général du BIT a écrit une lettre au gouvernement pour lui faire part des préoccupations exprimées par les trois plus grandes confédérations syndicales (KSPI, KSBSI et KSPSI) face au risque que ce décret d’urgence soit promulgué en tant que loi. Ce décret a toutefois été adopté par le Parlement et est devenu la loi no 6/2023. Les manifestations pacifiques contre cette loi se sont poursuivies. Avec la promulgation de cette loi, la précédente loi no 11 de 2020 sur la création d’emplois, automatiquement, ne s’applique plus.

Il y a une ambiguïté à cet égard. D’une part, la nouvelle loi est déjà promulguée et en vigueur, mais il y a au moins 49 règlements d’application actuellement en vigueur qui découlent de la loi no 11 de 2020, laquelle a été annulée. Cela étant, l’examen de la convention par cette commission est important et vient à point nommé, car la loi porte clairement atteinte aux principes de la convention.

Pour faciliter la mise en œuvre de la loi sur la création d’emplois, le gouvernement a publié plusieurs règlements d’application, notamment: i) le règlement no 35/2021 sur l’emploi à durée déterminée, l’externalisation de la main-d’œuvre, etc.; ii) le règlement no 36/2021 sur les salaires; et iii) le règlement no 5/2023 du ministère de la Main-d’œuvre concernant l’ajustement du temps de travail et des salaires. Je limiterai mon intervention à la manière dont ces règlements d’application décisifs affaiblissent la convention.

Premièrement, le règlement no 35/2021 a affaibli le pouvoir des syndicats en matière de négociation collective. En ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée, ce règlement offre une certaine flexibilité aux employeurs, puisqu’il n’y a plus de restriction en matière de prolongation et de renouvellement, si ce n’est que la durée totale du contrat à durée déterminée ne doit pas excéder cinq ans. Par ailleurs, les médias se sont récemment fait l’écho de la pratique de la «staycation», révélée par des travailleuses, qui consiste à demander aux travailleuses de passer une nuit avec leur patron pour prolonger leur contrat de travail de courte durée.

En ce qui concerne l’externalisation de la main-d’œuvre, en vertu de la loi omnibus, une entreprise peut facilement affaiblir un syndicat existant composé de travailleurs directement embauchés et exerçant des fonctions essentielles: il suffit pour cela de recruter de nouveaux travailleurs par l’intermédiaire d’une agence de placement. En ce qui concerne la cessation d’emploi, la loi omnibus démantèle une garantie cruciale en matière de cessation d’emploi. Avec un tel assouplissement des procédures de licenciement, les travailleurs sous contrat à durée déterminée seront plus réticents à s’affilier à des syndicats, ce qui a pour effet d’affaiblir la fonction et le rôle que jouent les syndicats. En ce qui concerne les indemnités de licenciement, elles ont été réduites en vertu de la loi omnibus. Deuxièmement, le règlement n° 36/2021 limite les droits des syndicats en matière de négociation collective et porte gravement atteinte au système salarial. La loi omnibus réduit considérablement le rôle de la négociation tripartite des conseils salariaux dans la détermination des salaires minima. La loi omnibus introduit une nouvelle méthode selon laquelle le salaire minimum sera fixé sur la base des données fournies par l’agence nationale de la statistique.

Le fait que ce système ne permet plus aux syndicats de négocier les prix des produits de base, l’un des éléments les plus importants dans la détermination du salaire minimum, réduit la capacité des syndicats à négocier efficacement les salaires.

La loi sur la création d’emplois a également aboli les salaires minima sectoriels. En outre, la loi exempte les petites et microentreprises de l’obligation de payer le salaire minimum. Cette règle d’exemption salariale constitue une violation flagrante du droit universel au salaire, qui affirme que toute personne a droit à un salaire juste et décent, sans discrimination d’aucune sorte.

Troisièmement, le règlement no 5/2023 du ministère de la Main-d’œuvre viole le droit des syndicats à la négociation collective. Le règlement no 5 de 2023 du ministère de la Main-d’œuvre est entré en vigueur en mars 2023. L’article 8 de ce règlement précise que les entreprises du secteur susmentionné peuvent ajuster et réduire les heures de travail et les salaires des travailleurs jusqu’à 75 pour cent. Bien que la réduction des salaires se fasse sur la base d’un accord entre l’employeur et les travailleurs (à titre individuel), les syndicats sont très préoccupés par le fait que le règlement nie l’existence de représentants syndicaux, en particulier au niveau de l’entreprise, et qu’il viole ainsi le processus de négociation collective.

Ce règlement ignore clairement l’obligation faite aux employeurs de communiquer aux syndicats des données appropriées sur la cause des réductions de salaire. Les faits sur le terrain montrent qu’un certain nombre d’entreprises dans les secteurs susmentionnés ont appliqué des réductions de salaires et modifié la durée du travail sans aucun dialogue préalable avec les syndicats existants.

Comme le souligne le rapport, nous soutenons l’avis de la commission d’experts selon lequel le gouvernement devrait prendre des mesures pour modifier la loi sur le règlement des conflits du travail.

Les explications ci-dessus montrent clairement que la loi sur la création d’emplois et ses règlements d’application portent atteinte aux principes fondamentaux énoncés dans la convention. Par conséquent, par l’intermédiaire de cette commission, nous prions instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures pour: i) modifier la loi sur la création d’emplois ainsi que ses règlements d’application, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir le plein respect de la convention; et ii) suspendre l’application de tous les règlements d’application de la loi sur la création d’emplois.

À ce propos, nous demandons l’assistance technique du BIT pour s’assurer que l’amendement proposé est conforme à la convention, par le biais d’une demande de mission de contacts directs en Indonésie.

Membre gouvernementale, Brunéi Darussalam – Je m’exprime au nom des États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). L’ASEAN salue les nombreux efforts et initiatives de l’Indonésie pour respecter la convention. À cet égard, elle félicite le pays pour les récentes modifications apportées à sa législation, dans le cadre de sa loi sur la création d’emplois, pour améliorer le développement économique, les relations commerciales, les investissements et la protection des travailleurs.

Modifier la législation est une entreprise de grande ampleur, et il faudra prendre le temps d’en observer les effets dans la pratique. Il est essentiel d’assurer un contrôle public pour garantir l’application de cette loi. Dans ce contexte, l’ASEAN est heureuse de constater que la Constitution de l’Indonésie garantit le droit de tous les citoyens de porter devant la Cour constitutionnelle leurs inquiétudes relatives aux lois nationales. Elle se réjouit que le gouvernement s’engage pleinement à éviter toute violation des droits individuels liée à la promulgation de cette loi.

Par ailleurs, l’ASEAN prie instamment l’Indonésie de continuer à mobiliser et à consulter de manière constructive les partenaires tripartites. La loi sur la création d’emplois devrait faciliter et encourager le dialogue et la recherche de consensus entre les employeurs et les travailleurs. Elle salue l’engagement de l’Indonésie à cet égard qui souligne sa volonté de préserver les droits des travailleurs et de garantir un traitement équitable à tous les travailleurs, y compris ceux qui sont employés dans des micro et petites entreprises et les travailleurs des ZFE.

En outre, l’Indonésie a établi et mis en place des cadres juridiques qui intègrent des garanties et des voies de recours que l’on peut estimer appropriées pour répondre aux préoccupations relatives à la discrimination antisyndicale. Toutefois, elle recommande que l’Indonésie poursuive l’examen de ces dispositions pour veiller à leur entière conformité avec la convention et à l’efficacité totale de leur mise en œuvre.

L’ASEAN est consciente du partenariat solide que l’Indonésie et l’OIT ont bâti tout au long du processus d’amendement et s’en félicite, étant donné que cette collaboration ouvre la voie vers le respect total de la convention. C’est le moment opportun pour l’Indonésie de poursuivre ses efforts louables visant à protéger et faire progresser les droits des travailleurs. Nous exprimons ici notre soutien indéfectible à la mise en œuvre continue et durable des activités prévues à cet égard.

En outre, l’ASEAN insiste sur l’importance de répondre aux difficultés émergentes qui ont des répercussions sur le marché du travail traditionnel et l’harmonie sociale. Nous prions instamment l’OIT de maintenir une coopération étroite avec ses États Membres en favorisant un environnement qui promeut le travail décent pour tous les travailleurs. Ensemble, nous pouvons prendre les devants et régler ces problèmes pour garantir le bien-être de nos travailleurs.

Interprétation du russe: Membre gouvernementale, Bélarus – Je voudrais tout d’abord remercier la délégation de l’Indonésie pour son rapport, qui contient des commentaires détaillés sur les questions soulevées par la commission d’experts. Nous notons que le gouvernement tient à respecter rigoureusement les conventions de l’OIT. Nous saluons la poursuite d’une politique cohérente de l’emploi et du travail ainsi que les mesures prises au niveau national pour développer le dialogue social.

Nous nous félicitons des mesures prises par le gouvernement pour garantir la participation des partenaires sociaux, des représentants de la société civile et du monde universitaire à la préparation de la loi sur la création d’emplois. Nous sommes convaincus que cette approche en matière d’élaboration de ce texte permettra à l’État d’accroître les possibilités d’organisation de la négociation collective, tout en renforçant la base juridique nécessaire pour prévenir toutes les formes de discrimination au travail et dans l’emploi et en sensibilisant les travailleurs à leurs droits.

Nous demandons au gouvernement de poursuivre ces efforts, et au BIT de continuer à fournir à l’Indonésie et aux partenaires sociaux du pays l’assistance technique nécessaire.

Membre employeuse, Thaïlande – La Confédération des employeurs de Thaïlande prend la parole au nom de la Confédération des employeurs de l’ASEAN (ACE). Avec la fin de la pandémie, tous les pays doivent s’adapter aux nouvelles façons de travailler et élaborer une stratégie globale de reconstruction de leur économie. À ce sujet, nous estimons qu’il n’existe pas de stratégie universelle, car chaque pays rencontre des difficultés uniques. Il est donc impératif que l’Indonésie reconstruise son économie en rajeunissant la loi sur le travail moyennant la promulgation de la loi no 11 de 2020 au moyen de la méthode dite omnibus. En l’espèce, l’ACE estime que le gouvernement a minutieusement examiné tous les aspects répondant aux intérêts de toutes les parties prenantes concernées, notamment en organisant un dialogue social entre le gouvernement, les syndicats et l’APINDO. Cette pratique est conforme à l’esprit de tripartisme visé par la convention no 144.

L’ACE estime qu’au cours du dialogue social tous les intérêts, y compris ceux des employeurs, n’ont pu être satisfaits. Toutefois, pour la viabilité économique de l’Indonésie sur le long terme, elle estime que la loi sur la création d’emplois est la voie à suivre pour la réalisation de la justice sociale et du travail décent en Indonésie. Le dialogue social prouve clairement que le gouvernement fait de son mieux pour faire une place à toutes les parties concernées afin de s’acquitter de ses responsabilités s’agissant de l’amélioration du bien-être de la société indonésienne.

L’ACE espère que le cas de l’Indonésie pourra être réglé en interne moyennant le dialogue social entre les membres tripartites, et prie la commission d’experts de procéder à un réexamen complet de ce cas pour un meilleur avenir pour les Indonésiens.

Membre travailleuse, Belgique – La loi no 13 de 2003 comportait de nombreuses protections et limitations concernant l’objet, la durée et les renouvellements des contrats de durée déterminée. Toutes ces protections ont été abrogées par la loi omnibus de 2020. La limitation à trois ans des contrats de durée déterminée a été portée à cinq ans par le Règlement gouvernemental no 35 de 2021. La disposition qui prévoyait la transformation d’un contrat oral en un contrat de durée indéterminée a été supprimée. Si les contrats à durée déterminée pour un travail de nature permanente restent interdits, la nouvelle loi rend cette interdiction inopérante.

Le déséquilibre important du pouvoir de négociation entre employeur et travailleur fait qu’en pratique l’employeur peut imposer les conditions contractuelles au travailleur sans négociation. Dès lors, beaucoup plus de travailleurs sont embauchés via des contrats précaires consécutifs, avec des protections légales limitées. Et des entreprises ont licencié des travailleurs sous statut permanent, pour les réembaucher comme travailleurs temporaires.

Les contrats précaires créent des obstacles à l’exercice du droit à la liberté syndicale. Les travailleurs engagés dans une activité syndicale peuvent être plus facilement soumis à des représailles, et licenciés. Ces contrats ont un impact négatif sur les groupes exposés à la discrimination en matière d’emploi, en particulier sur les femmes. Ainsi, il est courant que les employeurs ne renouvellent pas le contrat des femmes enceintes.

Enfin, le pouvoir accru de l’employeur du fait de la précarité de l’emploi peut aussi conduire à la violence et au harcèlement. Le renouvellement des contrats peut faire l’objet d’un chantage aux relations sexuelles via la pratique répandue de la «staycation». Récemment, une travailleuse d’une entreprise de cosmétiques de la ville de Bekasi, à l’ouest de Java, a témoigné qu’avant le renouvellement de son contrat, le directeur l’avait invitée via WhatsApp à le rejoindre dans un hôtel pour de soi-disant vacances. Si elle rejetait cette invitation, la travailleuse risquait de voir son contrat non renouvelé. L’affaire a été traitée par l’inspection du travail et la police et, le 29 mai, le ministre du Travail a publié un décret no 88 concernant les lignes directrices pour la prévention et le traitement du harcèlement sexuel et de la violence au travail en lien avec cette pratique.

Il est certes hautement souhaitable que l’Indonésie lutte contre la violence et le harcèlement, notamment fondés sur le genre et ratifie la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement, 2019.

Cependant, la protection contre la violence et le harcèlement requiert aussi la possibilité de négocier de meilleures conditions de travail, notamment une meilleure sécurité de l’emploi et une véritable protection contre le licenciement.

Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Nous remercions le gouvernement d’avoir fourni des informations supplémentaires à cette commission concernant les mises à jour de la loi sur la création d’emplois, également appelée loi omnibus.

Le gouvernement fait état de diverses mesures qu’il a prises pour répondre aux préoccupations liées à la loi sur la création d’emplois, notamment pour réviser la loi, sur le fond comme sur la forme, en modifiant la loi no 12 de 2021 sur la création de lois afin d’y inclure des dispositions détaillant un «modèle de loi omnibus» et un processus de participation à la vie publique significatif. Il indique également que la loi no 2 de 2022 sur la création d’emplois remplace la loi no 11 de 2020. Nous notons également que la loi a été promulguée par le biais d’un décret d’urgence, ou Perppu.

Nous notons de graves sujets de préoccupations concernant le processus d’élaboration et de consultation, ainsi que l’impact sur la législation du travail en vigueur. Nous prenons également note des informations selon lesquelles les travailleurs continuent d’exprimer leurs inquiétudes quant aux changements apportés à plusieurs lois.

Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les modifications apportées par la loi omnibus menacent la liberté syndicale et le droit d’organisation et de négociation collective des travailleurs indonésiens.

En particulier, nous notons que la flexibilité accrue qui permet aux entreprises d’utiliser des contrats temporaires pour des périodes prolongées au lieu d’embaucher une main-d’œuvre permanente et la capacité accrue pour les entreprises d’externaliser le travail permanent à des entreprises privées de sous-traitance fournissant uniquement des travailleurs temporaires mettent plus particulièrement en péril ces droits.

En outre, les travailleurs contractuels et externalisés auront un recours limité, voire aucun recours, pour contester les conditions de travail dans les entreprises utilisatrices et risqueront de perdre leur emploi s’ils tentent de porter ces préoccupations devant un tribunal du travail; et, également, l’utilisation de travailleurs de plusieurs entreprises d’externalisation dans une seule entreprise utilisatrice peut sérieusement fragmenter la main-d’œuvre, permettant l’utilisation d’employeurs multiples par l’entreprise sous-traitante, ce qui empêchera les travailleurs de s’organiser et de négocier collectivement.

À cette fin, nous prions instamment le gouvernement de supprimer de la loi sur la création d’emplois les dispositions relatives au travail qui entravent le droit à la liberté syndicale et le droit de négociation collective, et nous demandons au gouvernement de travailler en étroite collaboration avec le BIT pour veiller à ce que toutes les réformes à venir du droit du travail soient conformes aux normes internationales du travail.

Nous prions également le gouvernement de mettre immédiatement en œuvre les recommandations de la commission d’experts et de mettre fin aux dispositions concernant le recours à l’arbitrage obligatoire en modifiant les articles 5, 14 et 24 de la loi sur le règlement des conflits collectifs du travail. Les États-Unis restent fermement déterminés à collaborer avec le gouvernement pour faire progresser les droits des travailleurs en Indonésie.

Membre travailleur, États-Unis – Je voudrais commencer par me faire l’écho des commentaires de mon collègue syndicaliste indonésien: l’imposition par le gouvernement de la loi omnibus sur la création d’emplois représente une grave menace pour les droits fondamentaux des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective.

En effet, malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle de novembre 2021 ordonnant au gouvernement de reformuler la loi, avec la pleine contribution des partenaires sociaux, le gouvernement a préféré aller de l’avant avec une série de changements très impopulaires de la réglementation, espérant, à tort, attirer l’investissement direct étranger.

Je me concentrerai sur un changement très problématique qui porte directement atteinte au droit des syndicats indonésiens de négocier collectivement au nom de leurs membres. Par le règlement no 36 de 2021, le gouvernement a supprimé la capacité des syndicats et des entreprises à négocier des niveaux de salaire minima par branche pouvant dépasser le salaire minimum en vigueur. La suppression des négociations sectorielles pour la fixation des salaires réduira considérablement les salaires des travailleurs dans plusieurs secteurs, tels que l’exploitation minière, la construction et l’habillement. Elle viole également le droit des syndicats d’utiliser une méthode éprouvée de négociation collective pour augmenter les salaires de leurs membres et des travailleurs en général.

Selon nous, cette attaque contre les droits des travailleurs à s’organiser et à négocier collectivement nuit aux efforts que déploie l’Indonésie pour se positionner en tant que source durable de minéraux essentiels dans l’industrie en plein essor des batteries pour véhicules électriques.

Actuellement, le gouvernement propose aux États-Unis un accord de libre-échange pour les minerais essentiels afin que les entreprises qui utilisent des minerais indonésiens puissent bénéficier de crédits d’impôt américains pour les véhicules électriques.

Le mouvement syndical américain suit cette affaire de près et insistera pour que tout accord commercial contienne des engagements fermes en faveur du respect des droits fondamentaux des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective.

Nous prions instamment la commission de recommander vivement à l’Indonésie de modifier la loi omnibus, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir le respect de la convention.

Interprétation de l’arabe: Membre gouvernementale, Égypte – Nous avons pris note de la déclaration du représentant gouvernemental au sujet de l’application de la convention. L’Indonésie revoit de fond en comble sa législation relative à l’emploi. Cette révision est menée par le gouvernement et le Parlement au moyen d’une consultation publique à laquelle participent toutes les parties prenantes: syndicats, employeurs, universitaires et membres d’autres secteurs. Le gouvernement veille à ce que la législation nationale contienne des dispositions régissant différents éléments du travail. Il invite toutes les parties prenantes à se prévaloir de ces dispositions dans leurs relations professionnelles. Il encourage la conclusion de conventions collectives, au nombre de 18 000 en 2022. Il fait en sorte qu’une analyse approfondie soit menée au niveau de l’entreprise et que soient prises les mesures nécessaires pour éviter les conflits sur le lieu de travail. Nous réaffirmons que l’OIT a un rôle important à jouer en aidant les États Membres à avoir les moyens de garantir qu’ils sont en conformité avec les dispositions des normes internationales du travail.

Membre travailleur, Pays-Bas – La loi sur la création d’emplois a un impact sur le monde du travail indonésien à plusieurs égards: aussi bien frein aux augmentations de salaire que flexibilité accrue du travail limitant la liberté syndicale et la négociation collective, entre autres impacts. À l’instar des intervenants précédents, je souhaiterais me concentrer sur un point concernant le salaire minimum. La loi sur la création d’emplois a entraîné des changements substantiels en ce qui concerne le calcul du salaire minimum. Dans le cadre du nouveau régime, le calcul du salaire décent basé sur le pouvoir d’achat devient un calcul du filet de sécurité. En vertu de la loi sur la main-d’œuvre de 2003, le salaire minimum était basé sur trois éléments, à savoir le panier de salaires négocié de manière tripartite, également connu sous le nom de Komponen Hidup Layak, la productivité et la croissance économique. La loi sur la création d’emplois a introduit une nouvelle formule qui affaiblit le lien entre le salaire minimum légal et le coût de la vie, et ne permet donc plus de compenser adéquatement la hausse de l’inflation pour les travailleurs bénéficiant du salaire minimum. Cela réduit la capacité de ces derniers à maintenir ou à augmenter leur niveau de vie et celui de leur famille.

En outre, j’aimerais ajouter un commentaire sur le règlement no 36 de 2021, qui exempte les micro et petites entreprises du salaire minimum au niveau provincial, régional ou municipal.

La grande majorité des travailleurs indonésiens, environ 97 pour cent de la main-d’œuvre, comme nous l’avons déjà dit, sont employés dans des micro, petites et moyennes entreprises. Selon les données publiées par le ministère des Coopératives et des PME de la République d’Indonésie, on dénombrait plus de 64 millions de PME en 2019, ce qui représentait 99,9 pour cent, voire plus, de la population totale des entreprises et active, je le répète, 97 pour cent de la main-d’œuvre totale. L’exemption des PME est contraire à l’article 90 de la loi sur la main-d’œuvre de 2003, qui «interdit aux employeurs de verser un salaire inférieur au salaire minimum». Pour être encore plus précis, cet article dispose clairement: i) qu’il est interdit aux entrepreneurs de verser des salaires inférieurs au salaire minimum visé à l’article 89; ii) que les entrepreneurs qui ne sont pas en mesure de verser le salaire minimum peuvent être autorisés à reporter le paiement; et iii) que les procédures de report du paiement du salaire minimum doivent être réglementées par une décision ministérielle. Tout cela constitue un socle important pour les travailleurs dans leurs négociations salariales avec tous les employeurs.

Or ce socle n’existera pas tant qu’il y aura des exceptions dans l’application du salaire minimum pour de grands groupes de travailleurs, même si ce salaire minimum n’est même pas égal à un salaire de subsistance.

Par conséquent, le règlement no 36 de 2021 prive 97 pour cent de la main-d’œuvre du droit à une véritable négociation salariale, ce qui va à l’encontre de l’objectif fondamental de la convention.

Membre gouvernemental, Algérie – La délégation algérienne remercie le gouvernement de la République d’Indonésie pour les informations fournies, ce qui est un signe de sa bonne volonté de coopérer avec les organes de contrôle de l’OIT. Les informations supplémentaires fournies par le gouvernement contiennent des éléments qui résument diverses questions et décrivent la volonté du gouvernement de continuer à progresser dans le dialogue social inclusif, à améliorer la liberté syndicale et à renforcer la protection contre tout acte de discrimination antisyndicale.

C’est pourquoi nous saisissons la présente occasion qui nous est offerte pour indiquer qu’il est important d’accorder au gouvernement le temps nécessaire pour engager un dialogue social constructif avec les organes et ses syndicats représentatifs, dans le cadre de sa législation nationale et dans le respect de ses obligations et engagements au titre des normes internationales en la matière, et ce à l’effet de renforcer la négociation collective dans tous les lieux de travail, ce qui permettra une meilleure adaptation des relations de travail aux spécificités des entreprises.

Le gouvernement a mis en place des mécanismes pour promouvoir la négociation collective sectorielle et le dialogue social tripartite, en réalisant des progrès constructifs en matière de création d’emploi décent et de lutte contre le chômage et de prévention des conflits collectifs de travail, y compris dans les zones franches. Aussi, la Constitution du pays dispose clairement que les droits et libertés de chacun sont protégés par la loi de manière indépendante et impartiale.

Nous apprécions également la communication et les échanges approfondis avec les partenaires sociaux et le nombre important de conventions et accords collectifs de travail conclus, notamment en matière de conditions de travail.

Enfin, la délégation algérienne espère que les conclusions de la commission seront objectives, techniques et équilibrées, sur la base des informations fournies par le gouvernement.

Membre travailleuse, République de Corée – Par solidarité avec les travailleurs indonésiens, je voudrais exprimer mes préoccupations au sujet du règlement no 36/2021 sur les salaires, qui abolit de facto la négociation aux fins de la fixation du salaire minimum.

En vertu de la loi de 2003 sur la main-d’œuvre, les conseils salariaux, qui réunissent des représentants du gouvernement, des employeurs et des syndicats, jouent un rôle prépondérant dans la fixation des salaires minimums à l’échelle des provinces et des districts. Dans le même temps, les conseils salariaux ont déterminé conjointement les «besoins liés à un niveau de vie décent», c’est-à-dire les éléments nécessaires pour couvrir différentes dépenses (alimentation, logement, habillement, éducation, santé, transport, loisirs, épargne). D’autres éléments, tels que la productivité au niveau national et local, la croissance économique et la situation des secteurs marginalisés, devaient aussi être pris en compte. Ainsi, les débats sur la prise de décisions au sein des conseils salariaux, notamment au sujet des «besoins liés à un niveau de vie décent», constituaient un espace de négociation crucial où les syndicats pouvaient exercer leurs droits de représenter leurs membres et les travailleurs.

Ce mécanisme s’est détérioré et l’espace de négociation a été restreint lorsque le règlement gouvernemental no 78/2015 a été pris. Ce règlement a modifié le cycle d’actualisation des «besoins liés à un niveau de vie décent», qui est passé d’un an à cinq ans. Autrefois, le salaire minimum était fixé automatiquement en combinant le taux d’inflation et la croissance économique. Mais les «besoins liés à un niveau de vie décent» étaient toujours utilisés pour déterminer le salaire minimum et il y avait une marge de négociation.

Le règlement no 36/2021, qui est un décret d’application de la loi sur la création d’emplois, a considérablement détérioré le mécanisme. En vertu de ce nouveau règlement, le salaire minimum est fixé de manière technocratique à partir de formules préétablies et de données fournies par l’agence nationale de la statistique. Le coût réel des éléments dont les travailleurs ont besoin pour boucler leurs fins de mois n’est plus pris en considération et les syndicats n’ont pas voix au chapitre dans la détermination du salaire minimum.

Alors que le système de négociation collective n’a pas encore été effectivement mis en place, le processus de fixation du salaire minimum a remplacé de facto la négociation salariale. La fixation du salaire minimum sur la seule base de formules préétablies, lorsqu’elle se conjugue avec d’autres modifications contenues dans le règlement no 36/2021, privera les syndicats du droit de négocier des hausses salariales.

Je me joins à mes collègues travailleurs pour demander au gouvernement de rendre la législation conforme à la convention.

Membre travailleur, Brésil – Le gouvernement a modifié substantiellement l’article 66 de la loi no 13/2003 sur l’externalisation des activités des entreprises et ses effets sur les conditions de travail.

Avant la loi omnibus, la législation établissait que les travailleurs d’un fournisseur habilité de main-d’œuvre ne pouvaient pas être affectés à des fonctions de base ou à l’activité principale de l’entreprise. Malheureusement, la loi omnibus a déréglementé la relation de travail triangulaire et étendu le champ de l’externalisation à toute activité de l’entreprise utilisatrice, y compris ses fonctions de base ou son activité principale.

Il s’agit là d’une modalité de décentralisation de l’activité productive qui est directement préjudiciable aux droits des travailleurs. Elle est bien connue dans les pays d’Amérique latine, en particulier au Brésil qui, jusqu’à l’année dernière, était sous le joug de politiques néolibérales appliquées par des gouvernements autoritaires.

En outre, la nouvelle loi exonère l’entreprise principale de toute responsabilité dans le cas où le sous-traitant ne respecterait pas ses obligations en matière de travail et de sécurité sociale.

Mais, ce qui est grave dans la loi omnibus, c’est qu’elle méprise le droit à la liberté syndicale, car l’entreprise peut sérieusement nuire aux syndicats en engageant des travailleurs par l’entremise d’agences de placement.

La législation indonésienne ne reconnaît pas aux travailleurs engagés par l’intermédiaire d’une agence ou d’un fournisseur de main-d’œuvre le droit de s’affilier au syndicat en place dans l’entreprise principale. La loi dispose que ces travailleurs peuvent, au mieux, s’affilier au syndicat en place dans l’entreprise de leur employeur direct.

Il est évident que cette extrême fragmentation du travail n’est pas propice à l’application de la convention collective en vigueur dans l’entreprise principale.

Cela aboutira à des conditions de travail différentes pour les travailleurs du sous-traitant et pour les travailleurs de l’entreprise principale, même s’ils travaillent sûrement au même endroit et effectuent probablement les mêmes tâches.

En résumé, le gouvernement doit abroger d’urgence les règlements relatifs à la sous-traitance de la main-d’œuvre qui portent atteinte au travail décent en Indonésie.

Membre gouvernemental, Türkiye – Nous remercions le gouvernement pour les informations qu’il a fournies et saluons sa volonté de s’engager et de coopérer de manière constructive avec l’OIT. Le gouvernement a fait preuve d’efforts pour réviser la loi sur la création d’emplois et adapter son cadre législatif actuel afin de se conformer aux normes de l’OIT. Nous l’encourageons à continuer de prendre les mesures nécessaires dans ce sens.

Nous nous félicitons que la loi sur la création d’emplois prenne en compte les circonstances particulières auxquelles sont confrontés les travailleurs des PME et que cette loi tienne compte de la capacité financière de ces dernières, garantissant ainsi un juste équilibre entre les droits des travailleurs et la viabilité de ces entreprises.

En outre, nous félicitons le gouvernement d’avoir cherché activement à obtenir la contribution de diverses parties prenantes, dont les syndicats, les employeurs, les universités et d’autres secteurs de la société. L’affirmation du gouvernement selon laquelle le droit national prévoit des procédures pour lutter contre la discrimination antisyndicale et contre les violations du droit des travailleurs de se syndicaliser, ainsi que son encouragement aux travailleurs et aux syndicats à utiliser ces procédures, sont remarquables.

Il convient également de saluer les récentes évolutions concernant la protection adéquate contre les actes de discrimination et d’ingérence antisyndicales, la promotion de la négociation collective, la reconnaissance des organisations aux fins de la négociation collective, mises en place par le gouvernement pour rendre sa législation nationale conforme aux normes de la convention. Soulignons également le fait que le gouvernement se concentre sur la création de conventions collectives au niveau de l’entreprise afin de prévenir les conflits, tandis que les travailleurs des ZFE ont le droit de s’engager dans des négociations collectives.

Il convient de préciser que le gouvernement est déterminé à travailler sur les questions soulevées par l’OIT et les partenaires sociaux dans un esprit de dialogue constructif et qu’il est prêt à entamer une discussion ouverte sur la manière d’améliorer la situation avec eux.

Nous sommes convaincus que l’Indonésie continuera à travailler en étroite collaboration avec l’OIT et les partenaires sociaux.

Observateur, Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) – Je voudrais attirer l’attention des membres de cette enceinte sur le fait que le règlement no 5/2023 du ministère de la Main-d’œuvre, qui autorise l’entreprise à réduire les salaires de 25 pour cent et à réduire la durée du travail, porte gravement atteinte aux droits des travailleurs et de leurs représentants, tels qu’ils sont garantis par la convention.

Ce règlement n’offre pas la possibilité de négociations transparentes et sur un pied d’égalité entre les syndicats et les employeurs. Les dispositions de l’article 9(1) ne prévoient pas explicitement l’obligation pour les employeurs de prouver aux travailleurs et/ou aux organisations de travailleurs que l’entreprise a effectivement subi des pertes dues à la récession économique mondiale. D’après les rapports des syndicats, l’affirmation de l’employeur selon laquelle l’entreprise a subi des pertes ou une diminution des commandes est purement et simplement verbale; elle n’est étayée par aucun document ou donnée vérifiable, tel qu’un rapport d’audit externe. La négociation et la conclusion des négociations collectives sont toujours fondées sur la bonne foi, ce qui nécessite la divulgation de la situation financière réelle et concrète de l’entreprise.

Les dispositions de l’article 9(1) ont également eu un impact sur la durée du travail, l’ajustement des salaires dans les cas où il y a plusieurs syndicats dans une entreprise donnée. C’est le cas d’une entreprise coréenne de la ville de Karawang. Elle compte 11 syndicats, pour un total de 20 000 travailleurs. La production est stable, les commandes sont bonnes et certaines lignes de production emploient des travailleurs qui font des heures supplémentaires.

La méthode utilisée par les entreprises consiste à amener les travailleurs à signer des accords liés au règlement no 5/2023, en recourant à l’intimidation; s’ils refusent de signer ces accords, les entreprises procéderont à des licenciements massifs. Les travailleurs, des femmes pour la plupart, n’ont pas eu le choix. Après avoir obtenu l’«approbation» des travailleurs, l’entreprise a entamé des négociations avec 11 syndicats pour faire entrer en vigueur le règlement no 5/2023. Le syndicat n’a pas le choix puisque les membres ont déjà donné leur accord. L’entreprise a réduit la durée du travail sous l’expression «Stay At Home on Saturdays» (rester à la maison le samedi). La réduction de la durée du travail a entraîné une baisse des salaires pouvant aller jusqu’à 35 pour cent.

Ce problème est plus répandu et plus préoccupant dans les entreprises où il n’y a pas de syndicat pour contester l’application de ce règlement.

Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je tiens à féliciter publiquement le nouveau porte-parole du groupe des employeurs. Je pense que du sang neuf, de nouvelles idées, de nouvelles voix au sein de cette commission sont bienvenus et essentiels à la survie de celle-ci. Nous espérons que sa présence nous conduira à de nouvelles approches et contribuera à donner un nouvel élan aux travaux de la commission. Bien entendu, cela s’applique à tout le monde, y compris à moi-même. Pour en revenir au cas, je tiens essentiellement à insister sur le fait que, malgré les assurances du gouvernement à l’égard des mécanismes de contrôle de l’OIT, une large part des travailleurs d’Indonésie se voient refuser les droits prévus par la convention.

Je pense aux travailleurs qui assurent des services publics vitaux, notamment les travailleurs de santé, les fonctionnaires des autorités locales et municipales et les fonctionnaires de l’administration nationale. Ces travailleurs n’ont pas le droit de se syndiquer ni le droit de négociation collective. Autrement dit, la restriction s’applique à un large éventail de travailleurs, au-delà des exceptions prévues par la convention.

La commission d’experts a relevé que la Constitution octroie aux fonctionnaires le droit de s’affilier à des «organisations professionnelles» de leur choix. Il semble toutefois qu’il y a une contradiction, car le gouvernement parle d’une obligation faite à ces fonctionnaires, selon leur statut, de s’affilier aux organisations professionnelles correspondant au poste qu’ils occupent. Par conséquent, nous avons une contradiction, d’une part, et une Constitution qui leur offre l’affiliation à une organisation professionnelle qui n’est pas un syndicat au sens de la convention, d’autre part.

Je tiens également à souligner que les fonctionnaires bénéficient de la liberté syndicale, aux termes de la loi no 21/2000, mais que la loi qui octroie ces droits n’a pas encore été adoptée.

En guise de conclusion, je dirais simplement que nous espérons que la commission adoptera des conclusions et qu’elle traitera ces questions de la manière qui convient à l’importance de ces allégations.

Observateur, IndustriALL – Je m’exprime ici au nom d’IndustriALL Global Union pour exprimer notre profonde frustration face à l’adoption, le 21 mars de cette année, du décret d’urgence pour la création d’emplois. Cette loi sur la création d’emplois est identique au règlement précédent dont la Cour constitutionnelle a déclaré, sous certaines conditions, l’inconstitutionnalité en 2021.

La loi sur la création d’emplois est très dangereuse pour l’avenir des travailleurs indonésiens et de leur famille, y compris les travailleurs des industries manufacturières, minières et énergétiques. Quelque 56,4 millions de travailleurs formels en Indonésie (ainsi que leur famille, soit environ 80 millions de personnes) se verront refuser un travail décent et une protection sociale décente.

Par le passé, et en raison du nouveau décret, les procédures régulières ont été ignorées et de nombreuses dispositions hostiles aux travailleurs demeurent en vigueur. Nous nous joignons à tous les syndicats, aux étudiants et aux organisations de la société civile pour nous opposer fermement à ce choix politique. IndustriALL Global Union soutient également la demande de recours devant la Cour constitutionnelle.

Les dispositions de la loi sur la création d’emplois portent atteinte aux droits des travailleurs et à la protection de l’environnement. La loi comprend des dispositions qui concernent la durée du travail, les indemnités de licenciement, le travail contractuel, l’externalisation et la capacité des syndicats à s’organiser et à faire grève, détériorant ainsi les conditions de travail actuelles, alors que c’est le contraire qui devrait se produire.

Le gouvernement ne devrait pas utiliser la crise mondiale, le ralentissement économique et les projets visant à attirer davantage d’investissements étrangers pour justifier son recul dans le domaine des droits des travailleurs. La loi sur la création d’emplois conduit à une plus grande flexibilité du travail au détriment des droits fondamentaux des travailleurs, ce qui n’est pas acceptable.

La loi élimine le salaire minimum de branche et le salaire minimum régional, voire réduit les niveaux de salaire actuels; elle impose un recours excessif au travail précaire et favorise la progression de ce dernier, notamment l’externalisation, elle compromet les contrats de travail à durée déterminée, les salaires des travailleuses en congé et en congé maternité ne seront pas payés, les heures de travail imposées relèveront de l’exploitation et les licenciements seront plus faciles à réaliser, sans recours à la négociation ou au recours en justice.

Par conséquent, IndustriALL Global Union prie le gouvernement d’abroger la loi sur la création d’emplois, qui va à l’encontre des intérêts du peuple et des travailleurs indonésiens.

Représentant gouvernemental – Permettez-moi de remercier une fois encore la commission et l’ensemble des mandants de l’OIT pour leurs précieuses observations et recommandations. La commission joue un rôle essentiel sur la voie de la justice sociale, du travail décent et de la protection mondiale des droits des travailleurs. Nous avons donc écouté avec attention et pris note des recommandations de la commission. Nous sommes ravis d’avoir entendu certaines délégations reconnaître l’attachement indéfectible de l’Indonésie à la défense et au respect des principes consacrés par la convention.

Nous avons tout aussi attentivement entendu les préoccupations et recommandations formulées par les travailleurs, les employeurs et les groupes gouvernementaux. Nous avons entendu nombre de recommandations constructives qui aideront le gouvernement à œuvrer efficacement à l’application de la convention. Nous faisons toutefois observer que certaines préoccupations exprimées par des collègues n’étaient pas liées au contexte de la convention. Je tiens à rappeler sans équivoque que l’Indonésie demeure fermement attachée aux principes de l’OIT et à l’application efficace de la convention.

Comme nous l’avons dit dans nos réponses, nous maintenons que les préoccupations relatives à une violation de la convention liée à l’application de la loi sur la création d’emplois et à la mise en pratique de la négociation collective en Indonésie ne sont pas fondées.

Premièrement, le processus législatif régissant la loi sur la création d’emplois était pleinement conforme à notre Constitution et au principe fondamental de la participation de la population. En outre, l’Indonésie fait en sorte que chaque citoyen ait le droit d’exprimer des préoccupations concernant la loi devant la Cour constitutionnelle.

Deuxièmement, il est essentiel de souligner que la loi sur la création d’emplois vise à améliorer et non à entraver l’accès à la négociation collective. En effet, la disposition qui régit la négociation collective telle qu’énoncée dans notre cadre du travail actuel demeure inchangée et applicable.

Troisièmement, notre gouvernement demeure indéfectiblement attaché à préserver le droit des travailleurs de s’affilier à des syndicats. Nous disposons de cadres juridiques solides pour prévenir la discrimination sur le lieu de travail et nous nous employons à faire connaître leurs droits aux travailleurs.

Quatrièmement, l’Indonésie, en tant que troisième plus grande démocratie au monde, demeure pleinement attachée à l’application de la convention, car nous sommes convaincus que le droit d’organisation et de négociation collective fait partie intégrante de la démocratie. L’Indonésie tient également à continuer d’améliorer le dialogue social au niveau national et souhaite prier l’OIT de continuer à faciliter ces processus en apportant le soutien nécessaire et pertinent à nos partenaires sociaux sur ce point.

Cinquièmement, le gouvernement est en train d’élaborer un règlement relatif à la loi sur la création d’emplois. À ce propos, le gouvernement assure que la participation à la vie publique et la négociation collective, en tant que principe fondamental de la convention, sont pleinement respectés.

Les efforts déployés par l’Indonésie pour promouvoir la négociation collective sont un processus continu. Nous avons conscience des défis qui nous attendent, y compris les chocs économiques et les perturbations mondiales s’agissant des marchandises. Toutefois, ces difficultés n’entameront en rien notre attachement indéfectible à la promotion et à la protection du droit de négociation collective des travailleurs. L’Indonésie continuera de prendre des mesures pour renforcer le contrôle de la mise en pratique des droits des travailleurs, notamment le droit de participer à la négociation collective. Dans le même temps, nous augmenterons les programmes de formation et de renforcement des capacités. En conclusion, le gouvernement se félicite que des points de vue constructifs et équilibrés aient été exprimés sur l’application de la convention. Le gouvernement est également ouvert à la collaboration avec l’ensemble des États Membres de l’OIT, le groupe des travailleurs et le groupe des employeurs pour réduire au minimum les violations de la convention.

Membres travailleurs – Comme vous l’avez entendu au cours de la discussion, la loi sur la création d’emplois n’est pas le fruit d’un dialogue social tripartite. Nous rappelons au gouvernement qu’il est tenu, en vertu de la convention, de consulter les partenaires sociaux et les organisations de travailleurs et d’employeurs. Il ne suffit pas de parler de la loi à des universitaires et à des chercheurs.

L’imposition unilatérale d’une nouvelle législation est contraire à l’obligation de mettre en place des mécanismes appropriés pour garantir le respect du droit d’organisation et de négociation collective.

Alors qu’ils bénéficiaient de protections formelles en vertu de la loi no 13/2003, les travailleurs indonésiens ont subi de nombreuses et graves violations de leurs droits fondamentaux. Cette loi, souvent, n’était pas respectée ou appliquée mais les travailleurs, en particulier ceux qui étaient syndiqués, étaient protégés contre l’exploitation. Les protections qui existaient ont été encore affaiblies.

Ces réformes conduiront très probablement à une nouvelle érosion des syndicats ainsi que de la couverture et de la qualité des négociations collectives.

La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont mis en évidence de graves problèmes qui relèvent de notre discussion. Nous ne constatons aucun progrès dans la résolution de ces problèmes tels que la répression violente de syndicalistes qui réclament simplement un salaire suffisant pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Le gouvernement doit se réunir avec les organisations de travailleurs pour aborder ces questions cruciales.

Nous prions donc instamment le gouvernement de revoir la loi sur la création d’emplois avec les partenaires sociaux et d’adopter dans les plus brefs délais les modifications indispensables pour rendre cette loi conforme à la convention. Dans l’intervalle, le gouvernement doit:

- suspendre l’application de toutes les dispositions prises en vertu de la loi sur la création d’emplois;

- modifier l’article 122 de la loi sur la main-d’œuvre afin d’interdire la présence de l’employeur pendant le vote;

- modifier les articles 5, 14 et 24 de la loi no 2/2004, ou la loi sur le règlement des conflits collectifs du travail afin de garantir que l’arbitrage obligatoire pendant les négociations collectives ne puisse être demandé que dans des circonstances exceptionnelles;

- prendre les mesures nécessaires pour promouvoir également la négociation collective aux niveaux sectoriel et régional. Selon nous, la négociation collective à ces niveaux est appropriée dans le contexte national de l’Indonésie, et donc conforme à la convention;

- veiller à ce que les droits prévus par la convention soient garantis aux travailleurs dans toutes les zones équivalentes aux zones franches d’exportation, où des produits d’exportation sont fabriqués;

- communiquer, cette année, à la commission d’experts les mesures prises pour se conformer à ces recommandations et accepter l’assistance technique du BIT dans la mise en œuvre de ces recommandations, en mettant particulièrement l’accent sur la réforme législative avec la pleine participation des partenaires sociaux;

- accepter une mission de contacts directs.

Membres employeurs – Nous répétons simplement quelques points soulevés précédemment concernant la protection adéquate contre l’antisyndicalisme et la discrimination. Nous faisons à nouveau observer que la commission d’experts a demandé au gouvernement d’examiner les sujets de préoccupation exprimés ici par les intervenants et par le gouvernement, et nous prenons note de la volonté du gouvernement de travailler avec les syndicats, les employeurs et le BIT sur toutes ces questions. Nous le prions instamment de s’atteler à cette tâche. La recommandation incluse dans le rapport de février 2023 préconise essentiellement de faire appel au Conseil tripartite national pour réaliser ces tâches. Certes, le rapport a été publié il y a peu, mais le temps passe, et nous nous faisons l’écho de l’appel lancé par les membres travailleurs au gouvernement pour qu’il remette son rapport sur les mesures prises cette année à l’OIT. En d’autres termes, et pour reprendre une formulation néo-zélandaise, il faut s’y mettre.

En ce qui concerne la promotion de la négociation collective, cet après-midi, nous avons notamment entendu des intervenants qui appelaient à une large négociation collective et même à une négociation sectorielle et au niveau de l’industrie. Toutes ces demandes sont pertinentes, mais nous devons aussi nous assurer que nous tenons compte de la réalité et nous avons entendu à quel point l’économie dépend des micro et petites entreprises, à quel point peu d’entre elles ont un syndicat au sens traditionnel du terme, le nombre de syndicats déjà impliqués, plus de 12 000 dans le pays, qui font déjà partie de l’environnement de la négociation collective, même si de nombreux travailleurs n’ont pas encore adhéré à un syndicat, sans oublier le nombre de conventions collectives qui est considérable. Il est amplement démontré que la négociation collective est accessible et disponible à titre volontaire, comme envisagé par la convention, et que la forme réelle de la négociation ne dépend pas tant de ce que les gens veulent, mais de ce qui est possible. Nous devons donc veiller à ne pas nous contenter de fixer le résultat à atteindre. Tous les résultats sont possibles, en fonction de ce qui fonctionnera le mieux et le plus.

En ce qui concerne la description par certains de la portée de la loi omnibus, nous avons l’impression que la principale exemption de la loi est en fait la disposition relative au salaire minimum. Cette exemption ne semble pas être généralisée. Il nous semble que la loi omnibus permet en fait à beaucoup plus de personnes qu’auparavant de bénéficier d’une protection juridique, mais à différents niveaux. Nous reconnaissons que le traitement du salaire minimum pour les micro et petites entreprises est différent du traitement du salaire minimum pour les plus grandes entreprises et que cette question devra être résolue à l’avenir. Il s’agit d’une question qui se pose dès maintenant, sur laquelle il faudra se pencher à nouveau, au niveau tripartite, afin de s’assurer que l’ensemble du pays évolue vers une économie disposant d’un salaire minimum équitablement applicable et adéquat. En attendant, la population doit s’engager dans cette voie.

Nous aimerions aborder rapidement le règlement des conflits et le recours à l’arbitrage obligatoire. Nous constatons que le règlement des conflits collectifs du travail prévoit qu’une partie à la négociation ne peut intenter une action en justice qu’après que les parties en conflit ont mené une médiation ou une conciliation bipartite. Cela correspond à l’avis de la commission d’experts selon lequel les recours autorisés à l’arbitrage obligatoire incluent les situations où les négociations se sont prolongées ou sont infructueuses et, fondamentalement, l’arbitrage devient le seul mécanisme offrant des chances de sortir de l’impasse. Il semble donc, à première vue, en tout cas, que le recours à l’arbitrage en vertu du règlement des conflits collectifs du travail soit en fait conforme à ce que la commission d’experts avait observé.

Enfin, nous voudrions simplement répéter notre demande au gouvernement, à savoir continuer à traiter les diverses questions découlant de l’introduction de la loi omnibus par l’intermédiaire du Conseil tripartite national et se prévaloir de toute l’assistance technique disponible auprès du BIT, afin de s’assurer que la présence des employeurs ou des représentants du gouvernement lors d’un vote est en fait strictement conforme aux dispositions de la convention et, comme je l’ai dit précédemment, faire rapport à l’OIT sur toutes ces questions cette année, afin que nous puissions nous assurer des progrès accomplis et les mesurer.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a relevé avec une profonde préoccupation, en rapport avec la convention, les importantes lacunes dans le droit et la pratique en ce qui concerne la protection contre la discrimination antisyndicale, le champ de la négociation collective autorisé par la loi, la promotion de la négociation collective, et l’ingérence dans la négociation collective libre et volontaire.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures efficaces et assorties de délai pour:

- réviser la loi sur la création d’emplois en consultation avec les partenaires sociaux et adopter sans délai les amendements nécessaires pour rendre la loi conforme à la convention;

- veiller à ce qu’il n’existe, en droit et dans la pratique, aucune ingérence de la part des employeurs ou des fonctionnaires lors d’une procédure de vote de syndicats, conformément à l’article 2 de la convention;

- assurer le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire comme moyen d’éviter qu’il ne soit recouru à la négociation collective libre et volontaire que dans des circonstances très limitées et veiller à ce que son utilisation n’entrave pas le droit des syndicats d’organiser librement leurs activités;

- promouvoir la négociation collective et fournir des informations à la commission d’experts sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur les résultats obtenus, y compris le nombre de conventions collectives en précisant les secteurs d’activité concernés;

- veiller à ce que les droits reconnus par la convention soient garantis aux travailleurs dans toutes les zones, équivalentes aux zones franches d’exportation, où sont fabriqués des produits d’exportation, et fournir des informations à la commission d’experts sur les tendances et le nombre de conventions collectives en vigueur dans ces zones;

- prévenir tout acte de violence et garantir, en droit et dans la pratique, une protection adéquate des individus lorsqu’ils exercent légitimement leurs droits au titre de la convention, notamment au moyen d’un accès effectif et rapide à la justice, d’une indemnisation adéquate ainsi que de l’imposition de sanctions effectives et suffisamment dissuasives;

- fournir à la commission d’experts des statistiques sur le nombre de plaintes déposées pour discrimination antisyndicale et ingérence, le nombre de plaintes portées devant les tribunaux, ainsi que les recours formés, les sanctions imposées et la durée moyenne des procédures pour chaque catégorie; et

- prendre des mesures décisives et efficaces pour promouvoir un climat de non-violence, ainsi qu’un dialogue social et des relations de travail constructifs à tous les niveaux.

La commission prie le gouvernement de se prévaloir sans délai de l’assistance technique du BIT en se concentrant particulièrement sur la réforme législative du droit du travail, dont la loi sur la création d’emplois, avec la pleine participation des partenaires sociaux, pour garantir le plein respect de ses obligations au titre de la convention, en droit et dans la pratique.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes et détaillées à la commission d’experts sur les mesures prises et les progrès réalisés concernant ces recommandations, avant sa prochaine réunion.

Représentant gouvernemental – Je prends note des conclusions de la commission concernant l’application de la convention par l’Indonésie. Nous sommes sensibles aux nombreux appels lancés et au soutien exprimé par le groupe des employeurs et plusieurs gouvernements à l’Indonésie au sujet de la mise en œuvre efficace de la loi sur la création d’emplois en vue de créer et d’encourager la création d’emplois et d’améliorer les possibilités d’emploi. L’Indonésie, troisième démocratie du monde par la taille, demeure fermement attachée à la mise en œuvre des principes et droits fondamentaux au travail des normes internationales du travail, dont la convention no 98. À ce sujet, le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, prendra les mesures nécessaires pour renforcer l’application de la convention, conformément à ses priorités et à sa politique nationales.

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