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Direct Request (CEACR) - adopted 2021, published 110th ILC session (2022)

Migrant Workers (Supplementary Provisions) Convention, 1975 (No. 143) - Mauritania (Ratification: 2019)

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  1. 2021

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La commission prend note du premier rapport du gouvernement sur la convention. La commission observe cependant que le rapport du gouvernement fournit très peu, voire pas du tout, d’informations sur les nombreuses questions soulevées dans le cadre du formulaire de rapport sur l’application de la convention, approuvé par le Conseil d’administration du BIT.
Article 1 de la convention. Respect des droits fondamentaux de l’homme des travailleurs migrants. La commission observe que certains des articles de la Constitution relatifs aux droits fondamentaux s’appliquent aux citoyens. Elle note que cela est le cas en particulier des articles 1 (protection contre la discrimination) et 10 (liberté de circuler, liberté d’opinion et de pensée, liberté d’expression, liberté de réunion, liberté d’association et d’adhérer à toute organisation politique ou syndicale de leur choix). La commission relève par ailleurs que, dans ses observations finales, le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW ) a exprimé sa préoccupation face à la persistance du travail forcé des travailleurs migrants. Le CMW a également relevé avec préoccupation la situation des femmes migrantes en situation irrégulière, qui travaillent comme employées domestiques et qui sont exposées à l’exploitation et à la prostitution (CMW/C/MRT/CO/1, 31 mai 2016, para. 30). Enfin, la commission se réfère à ses commentaires sur l’application de la convention (n° 96) sur les bureaux de placement payants (révisé) 1949, dans le cadre desquels elle a demandé au gouvernement de fournir ses commentaires au sujet des observations de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLMT) alléguant des abus sévères subis par les travailleuses domestiques mauritaniennes à l’étranger. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures adoptées pour assurer la protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants étrangers en Mauritanie. Plus particulièrement, la commission prie le gouvernement d’indiquer si les droits fondamentaux reconnus aux citoyens par la Constitution sont également reconnus aux travailleurs étrangers et travailleuses étrangères dans les pays. Elle prie également le gouvernement de lui fournir des informations sur les mesures adoptées pour assurer le respect des droits fondamentaux des mauritaniens et mauritaniennes travaillant à l’étranger.
Article 2. Flux migratoires. Mesures visant à prévenir et à lutter contre les mouvements clandestins de migrants, l’emploi illégal des migrants, et sanctions.  La commission note que, selon le profil migratoire établi par l’OIM, la Mauritanie est essentiellement un pays de destination et de transit majeur pour les migrants d’Afrique subsaharienne (principalement du Sénégal et du Mali mais aussi de la Gambie, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, etc.). Nombre de migrants installés dans le pays travaillent dans le secteur informel et transitent par la Mauritanie pour se rendre en Europe notamment en Espagne en passant par les Iles Canaries. Elle prend note de l’indication dans le rapport du gouvernement selon laquelle à l’avenir la gestion de la migration de main d’œuvre sera mieux informée grâce aux mesures mises en place au sein de l’Office nationale des statistiques qui introduira une série de questions sur la migration sur le travail dans le module emploi de l’enquête sur les conditions de vie des ménages (EPCV) et l’enquête emploi. À cet égard, la commission souligne qu’au terme de l’article 2 de la convention, tout pays pour lequel la présente convention est en vigueur doit s’attacher à déterminer systématiquement s’il existe des migrants illégalement employés sur son territoire et s’il existe, en provenance ou à destination de son territoire ou en transit par celui-ci, des migrations aux fins d’emploi dans lesquelles les migrants sont soumis au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour et leur emploi à des conditions contrevenant aux instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux, pertinents ou à la législation nationale. Elle rappelle que les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs doivent être pleinement consultées et avoir la possibilité de fournir leurs propres informations à ce sujet. La commission prie donc le gouvernement de fournir des informations sur la mise en place du système lui permettant de collecter à l’avenir des données précises sur les migrations à des fins d’emploi en provenance ou à destination de son territoire, ou en transit. En particulier, la commission prie également le gouvernement de communiquer des statistiques, ventilées par sexe et par nationalité: i) sur les flux migratoires en provenance et à destination de la Mauritanie; et dans la mesure du possible ii) le nombre de travailleurs étrangers qui résident légalement dans le pays, le nombre de travailleurs qui s’y sont rendus pour y travailler et se trouvent en situation irrégulière ainsi que iii) le nombre de citoyens mauritaniens qui quittent la Mauritanie pour chercher un emploi à l’étranger et se trouvent dans une situation régulière ou irrégulière.
Article 3. Collaboration avec les autres États membres pour prévenir et supprimer les migrations clandestines et l’emploi illégal. La commission note que le gouvernement collabore avec d’autres États Membres au sujet de la migration dans le cadre de nombreux accords internationaux. Elle accueille favorablement cette coopération et rappelle à ce sujet que selon les Principes généraux et directives opérationnelles concernant le recrutement équitable approuvés en 2016 par le Conseil d’administration du BIT, les gouvernements devraient rendre publics les accords bilatéraux et multilatéraux sur les migrations de main d’œuvre et informer les travailleurs migrants de leurs dispositions (paragraphe 13.1). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Article 4. Échange systématique d’informations. Consultation des partenaires sociaux. La commission observe que la loi n° 2020-017 du 6 août 2020 relative à la prévention et la répression de la traite des personnes et la protection des victimes prévoit la création d’une Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants dont l’une des fonctions est d’animer la coopération avec ses homologues dans les pays étrangers avec lesquels elle a des accords de coopération et pour accélérer l’échange de renseignements avec elles de manière à permettre l’alerte précoce des infractions visées par la loi et d’en éviter la commission. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les activités de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants concernant l’échange systématique d’informations, ainsi que sur tout autre mécanisme en place concernant l’échange d’informations au sujet de la migration aux fins d’emploi , et de préciser si les partenaires sociaux sont consultés dans le cadre de ces mécanismes.
Article 6. Détection efficace de l’emploi illégal de travailleurs migrants. La commission note que, selon l’article 18 du décret n° 2018-025 du 08 février 2018 abrogeant et remplaçant le décret n° 2009-224 en date du 29 octobre 2009 fixant les conditions d’emploi de la main d’œuvre étrangère et instituant le permis de travail pour les travailleurs étrangers, l’inspecteur du travail ou l’officier de police ou tout agent administratif commis à cet effet constate les manquements prévus par le dit décret. Elle note à cet égard la préoccupation du CMW selon laquelle les inspections du travail porteraient davantage sur le statut des travailleurs migrants que sur leurs conditions de travail (CMW/C/MRT/CO/1, paragr. 30). La commission rappelle à ce propos que la coopération entre les services de l’inspection du travail et ceux de l’immigration devrait être menée avec discernement, en gardant à l’esprit que l’objectif premier de l’inspection du travail est de protéger les droits et intérêts de tous les travailleurs et d’améliorer leurs conditions de travail, non pas de s’assurer de l’application du droit de l’immigration. Lorsqu’une grande proportion des ressources de l’inspection du travail est utilisée pour vérifier le statut des travailleurs migrants, cela peut mobiliser des ressources considérables en termes de personnel, temps et ressources matérielles, au détriment des ressources à disposition pour l’inspection des conditions de travail, et dissuader les migrants de porter plainte (Étude d’ensemble de 2016 concernant les instruments relatifs aux travailleurs migrants, paragraphe 482). La commission prie le gouvernement de fournir des précisions sur le rôle de l’inspection du travail dans la vérification du statut des travailleurs migrants. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités destinées à détecter la présence de travailleurs migrants employés de manière illégale ou l’organisation de migrations clandestines aux fins d’emploi, et d’indiquer les sanctions administratives, civiles ou pénales qui ont été infligées à l’encontre des personnes qui organisent des migrations clandestines aux fins d’emploi, ou de celles qui emploient illégalement des migrants. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute procédure judiciaire ayant été engagée conformément aux articles pertinents du Code pénal, en indiquant les sanctions imposées aux auteurs.
Article 7. Consultation des partenaires sociaux. La commission note que la Stratégie nationale pour une meilleure gestion de la migration adoptée en 2010 prévoyait la mise en place d’un dispositif institutionnel de gestion, suivi et d’évaluation de la migration et la participation des partenaires sociaux, notamment par le biais de la mise en place d’un Comité national de la gestion de la migration. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle il entend renforcer la coopération avec les partenaires sociaux à travers la mise en place du Conseil national du dialogue social (décret n° 2021-012 du 26 janvier 2021, portant création du Conseil National du Dialogue Social), qui permettra que des discussions soient engagées avec les mandants tripartites pour réfléchir aux modalités d’intégration et de protection des droits des travailleurs migrants. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le Comité national de Gestion de la Migration a été mis en place en pratique et, le cas échéant, de lui fournir des informations détaillées quant à ses activités. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les activités du Conseil national du dialogue social en matière de migration aux fins d’emploi.
Article 9. Possibilité de faire valoir ses droits. La commission prend note du fait que selon l’article 21 de la Constitution de la République Islamique de Mauritanie, tout étranger qui se trouve régulièrement sur le territoire national jouit pour sa personne et pour ses biens de la protection de la loi. Elle note cependant la préoccupation du CMW selon laquelle les travailleurs migrants doivent faire face à des formes d’exploitation telles qu’une rémunération insuffisante ou des heures de travail excessives et au manque d’information sur l’accès effectif aux voies de recours pour contester leurs expulsions (CMW/C/MRT/CO/1, , paragraphes 30 et 38). La commission rappelle à cet égard qu’en règle générale, les arrêtés d’expulsion ne devraient pas avoir pour effet de priver les travailleurs migrants du droit de former un recours contre ces décisions, ni de porter plainte, dans la pratique, contre la violation de leurs autres droits (Étude d’ensemble de 2016, paragraphe 499). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour permettre aux travailleurs migrants de faire recours contre les décisions d’expulsion et de faire valoir leurs droits découlant d’emplois actuels ou antérieurs. En particulier, elle prie le gouvernement d’indiquer les mesures adoptées pour que les travailleurs migrants concernés puissent présenter des requêtes à l’inspection du travail, mais également devant le tribunal compétent.
Article 9, paragraphe 3. Coût de l’expulsion. La commission observe que selon l’article 33 (b) du décret n° 64-169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration en République Islamique de Mauritanie, lorsqu’un étranger résidant en Mauritanie quitte définitivement le territoire national, il doit être procédé au remboursement de la caution de rapatriement versée à l’arrivée, après mainlevée donnée par le ministre de l’Intérieur, lorsqu’il aura été établi que l’étranger est titulaire d’un billet de passage pour l’extérieur. Rappelant que la convention prévoit expressément qu’en cas d’expulsion du travailleur ou de sa famille, ceux-ci ne devront pas en supporter le coût, elle prie le gouvernement de préciser si la caution de rapatriement est utilisée à des fins de couverture du coût de l’expulsion de travailleurs migrants et de leur famille.
Article 10. Politique nationale d’égalité de traitement des travailleurs migrants. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la Stratégie nationale pour une meilleure gestion de la migration adoptée en 2010 fait actuellement l’objet d’une révision pour tenir compte de nouveaux contextes de gouvernance, et notamment de l’adoption en 2018 du Pacte de Marrakech pour des migrations sûres, ordonnées et régulières par la communauté internationale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la mise en œuvre en pratique de la Stratégie nationale pour une meilleure gestion de la migration, et le cas échéant, sur sa révision à la lumière du Pacte de Marrakech pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Plus généralement, elle prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’adoption d’une politique nationale visant à garantir l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, de sécurité sociale, de droits syndicaux et culturels et de libertés individuelles et collectives pour les personnes qui, en tant que travailleurs migrants ou en tant que membres de leur famille, se trouvent légalement sur son territoire.
Égalité de traitement. Droits syndicaux. La commission observe que l’article 273 du Code du travail dispose que les membres chargés de l’administration ou de la direction d’un syndicat professionnel doivent, s’ils sont étrangers, justifier de l’exercice en République islamique de Mauritanie de la profession défendue par le syndicat pendant cinq années consécutives. La commission rappelle que l’article 10 de la convention fait obligation au gouvernement de formuler et appliquer une politique nationale d’égalité en matière de «droits syndicaux» et que les règles régissant l’élection de dirigeants syndicaux doivent être laissées à la discrétion des syndicats concernés. Elle rappelle en outre que, si le principe demeure celui de l’égalité de traitement sans condition, elle a admis certaines dérogations qui restreignent l’accès des travailleurs migrants à des fonctions syndicales pour autant que ces travailleurs aient la possibilité d’accéder à des fonctions syndicales à l’expiration d’une durée raisonnable de résidence dans le pays d’accueil (Étude d’ensemble de 2016, paragraphe 410). À la lumière de ce qui précède, la commission prie le gouvernement d’envisager de réduire la période de résidence exigée d’un travailleur étranger désireux d’exercer des fonctions syndicales.
Article 12 c). Activités à destination des travailleurs migrants. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le Ministère de la fonction publique et du travail a organisé une campagne de communication et de sensibilisation sur la portée et les enjeux de la convention, dans les régions à forte concentration de travailleurs migrants (Nouadhibou, Rosso, Sélibabi Alioune), à l’attention des mandants tripartites, associant les autorités territoriales et les forces de sécurité. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures envisagées ou adoptées pour encourager les programmes d’éducation visant à ce que les travailleurs migrants connaissent leurs droits et puissent les exercer en pratique.
Article 14 b). Reconnaissance des qualifications. En l’absence d’informations transmises à ce sujet, la commission prie le gouvernement de préciser si des mesures ont été adoptées pour réglementer les conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles, y compris les certificats et les diplômes, acquis à l’étranger.
Article 14 c). Restrictions de l’accès à certains emplois et fonctions. La commission observe que selon l’article 30 du décret n° 64-169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration en République Islamique de Mauritanie, aucun étranger ne peut exercer en Mauritanie sans autorisation spéciale du Ministre de l’intérieur, les professions suivantes: agent en douane, transitaire ou commissionnaire de transports; agent s’occupant d’immigration et d’émigration; agent d’assurances; agent maritime; ravitailleur de navires, consignataire de bateaux; directeur d’une agence de voyage ou d’une compagnie aérienne; entrepreneur de transports en commun; changeur de monnaies; imprimeur; dépositaire de journaux ou d’écrits périodiques; géomètre; commerçant en armes et munitions; exploitant de dépôts d’hydrocarbures, dérivés ou résidus; prospecteur de produits minéraux; et hôtelier et débitant de boissons. La commission rappelle que l’interdiction générale et permanente de l’accès des étrangers à certains emplois est contraire au principe d’égalité de traitement. La convention autorise cependant certaines restrictions au principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’emploi: 1) l’article 14 a) permet à l’État de subordonner le libre choix de l’emploi à des restrictions temporaires pendant une période prescrite ne devant pas dépasser deux années, tandis que 2) l’article 14 c) permet de restreindre l’accès à des catégories limitées d’emplois et de fonctions lorsque cela est nécessaire dans l’intérêt de l’État (Étude d’ensemble de 2016, paragraphe 370). Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’examiner la liste des emplois «protégés» à la lumière de l’article 14 c) de la convention et de la modifier en conséquence. Entretemps, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont l’article 30 du décret n° 64-169 du 15 décembre 1964 susmentionné est appliqué dans la pratique.
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