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Individual Case (CAS) - Discussion: 2021, Publication: 109th ILC session (2021)

Right to Organise and Collective Bargaining Convention, 1949 (No. 98) - Romania (Ratification: 1958)

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Individual Case
  1. 2021
  2. 2011

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2021-ROM-098-Fr

Informations communiquées par le gouvernement

Protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et les actes d’ingérence: articles 1, 2 et 3 de la convention

S’agissant de la charge de la preuve dans les cas de discrimination antisyndicale à l’endroit de dirigeants syndicaux, le ministère de la Justice indique que, dans son arrêt no 681/2016, la Cour constitutionnelle, statuant sur la déclaration d’inconstitutionnalité concernant les dispositions du point 1 de l’article unique de la loi portant modification et complément de la loi sur le dialogue social, a notamment estimé que, «comme elle l’avait dit dans son arrêt no 814 du 24 novembre 2015, les juridictions, au moment d’analyser la légalité du licenciement d’un employé qui occupe également une fonction élective dans un organe syndical, examinent s’il existe le moindre lien entre le motif du licenciement indiqué [selon qu’établi à l’article 61 du Code du travail (motifs liés à l’employé) ou à l’article 65 du Code du travail (motifs non liés à l’employé)] et l’exécution du mandat que les employés de l’unité de travail ont confié à l’employé occupant une fonction élective au sein de l’organe syndical; la responsabilité d’apporter la preuve de la légalité du licenciement incombe à l’employeur, en vertu de l’article 272 du Code du travail.»

Par conséquent, si un employé qui occupe une fonction élective dans un organe syndical conteste la légalité de son licenciement, les dispositions spéciales du Code du travail, selon lesquelles «la charge de la preuve en matière de conflits du travail incombe à l’employeur, qui est tenu de soumettre des éléments de preuve à sa décharge avant le premier jour de comparution» (article 272), deviennent applicables.

Si un dirigeant syndical estime qu’il subit une discrimination, il peut s’adresser au Conseil national de lutte contre la discrimination (CNCD – Consiliul Național pentru Combaterea Discriminării), conformément à la procédure réglementée par l’ordonnance gouvernementale no 137/2000 relative à la prévention et à la sanction de toutes les formes de discrimination. Par conséquent, aux termes du paragraphe 1 de l’article 20 de ce texte, «quiconque considère qu’il subit une discrimination peut en informer le Conseil dans l’année qui suit la date de la commission de l’acte ou la date à laquelle il en a pris conscience». Au paragraphe 6 dudit article, il est dit que «la personne concernée doit présenter les faits fondant la présomption de discrimination directe ou indirecte; il incombe à la personne visée par la plainte de prouver qu’il n’y a pas eu d’atteinte au principe de l’égalité de traitement. Tous les moyens de preuve peuvent être invoqués par-devant le conseil d’administration, conformément aux droits fondamentaux, y compris des enregistrements audio et vidéo ou des données statistiques.»

Par ailleurs, au paragraphe 1 de l’article 27 de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000, il est également établi que la personne qui considère qu’elle subit une discrimination peut saisir les tribunaux, notamment pour demander une compensation et le rétablissement de la situation antérieure à la discrimination ou l’annulation de la situation créée par la discrimination, en vertu du droit jurisprudentiel, une telle saisine n’étant pas subordonnée à une déclaration au conseil. En l’espèce également, la personne concernée doit présenter les faits fondant la présomption de discrimination directe ou indirecte, et la personne visée par la plainte doit apporter la preuve qu’il n’y a pas eu d’atteinte au principe de l’égalité de traitement (article 27, paragraphe 4).

S’agissant du nombre de cas de discrimination antisyndicale et d’actes d’ingérence par les employeurs portés à l’attention de différentes juridictions, de la durée moyenne d’une procédure et de l’issue des procédures, le ministère de la Justice dit que les données des bases de données statistiques judiciaires qui sont administrées par le ministère portent uniquement sur l’activité des juridictions. Les données sont recueillies par du personnel spécialisé dans chaque juridiction, selon la nomenclature du système ECRIS (système européen d’information sur les casiers judiciaires). Avec cette nomenclature, aucun élément ne permettait de communiquer des données correspondant aux critères demandés, à savoir le nombre d’affaires en cours devant les tribunaux concernant la discrimination antisyndicale et l’ingérence des employeurs. En outre, les statistiques judiciaires ne peuvent pas être ventilées selon les qualités des parties/participants.

S’agissant des actions et des réparations en cas de discrimination antisyndicale, le ministère de la Justice indique que, aux termes du paragraphe 1(r) de l’article 260 du Code du travail, «[l]es actes suivants constituent une infraction et sont sanctionnés comme suit: […] (r) non-respect des dispositions de l’article 5, paragraphes 2 à 9, et de l’article 59(a), passible d’une amende allant de 1 000 à 20 000 lei». L’article 5, paragraphe 2, dispose que «toute discrimination directe ou indirecte contre un employé – discrimination par association, harcèlement ou traitement inéquitable – fondée sur la race, la nationalité, l’appartenance ethnique, la couleur, la langue, la religion, l’origine sociale, les caractéristiques génétiques, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la maladie chronique non transmissible, l’infection à VIH, les choix politiques, la situation ou les responsabilités familiales, l’affiliation ou l’activité syndicale, l’appartenance à une catégorie défavorisée, est interdite.»

D’après l’inspection du travail, entre le 1er janvier et le 30 avril 2021, aucune amende n’a été infligée pour violation de la loi en lien avec l’affiliation ou l’activité syndicale.

Si une personne décide de saisir le CNCD au titre des conditions énoncées à l’article 20 de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000, les décisions rendues par le conseil d’administration sont susceptibles de recours auprès des tribunaux du contentieux administratif, en vertu de la loi (article 20, paragraphe 9); si elle n’est pas contestée dans les quinze jours qui suivent sa communication, la décision a force exécutoire. Une décision rendue par un tribunal de première instance est susceptible de recours dans les quinze jours qui suivent sa communication, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 20 de la loi no 554/2004 relative à la procédure des tribunaux administratifs.

Si le tribunal est directement saisi, en vertu de l’article 27 de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000, le ministère de la Justice précise que, dans son interprétation de ce texte, la Haute Cour de cassation et de justice, dans son arrêt no 10/206, dans l’intérêt de la loi, a établi que «la juridiction compétente pour connaître des demandes de compensation et de rétablissement de la situation antérieure à la discrimination ou d’annulation des effets créés par la discrimination est la cour ou le tribunal, selon le cas, en tant que juridictions de droit civil, en ce qui concerne la procédure par-devant une juridiction compétente et sa valeur, à l’exception des cas dans lesquels la discrimination s’est produite dans le cadre de relations juridiques régies par des lois spéciales et où la protection des droits subjectifs passe par des juridictions spéciales, auquel cas les demandes seront traitées par ces juridictions, selon des dispositions juridiques spéciales.»

En cas de discrimination antisyndicale, comprise comme acte de discrimination présumé commis dans le cadre d’une relation professionnelle, qui est régi par une loi spéciale, à savoir le Code du travail, la juridiction compétente est celle du domicile du plaignant, et seule la décision de la juridiction de première instance est susceptible d’appel (article 214 de la loi no 62/2011 sur le dialogue social).

En consultation avec les partenaires sociaux et conformément à la pratique nationale, la loi no 53/2003 portant Code du travail a été modifiée en 2020 afin de garantir que le harcèlement, l’intimidation et le traitement inéquitable des employés et de leurs représentants, y compris dans l’exercice des droits et activités syndicaux légitimes, sont dûment reconnus (article 5), avec une application effective de sanctions dissuasives, notamment financières, d’un montant allant jusqu’à huit fois le salaire minimum brut mensuel, selon les cas.

En 2020, l’ordonnance gouvernementale no 137/2000 sur la prévention et la sanction de toutes les formes de discrimination a été complétée par l’adoption de la loi no 167/2020 portant modification et complément de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000, ainsi que complément de l’article 6 de la loi no 202/2002 sur l’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes.

La loi no 167/2020 définit le harcèlement moral sur le lieu de travail comme tout comportement à l’égard d’un employé adopté par un supérieur, un subordonné ou un employé occupant un rang hiérarchique comparable qui, en ce qui concerne la relation de travail, a pour but ou pour effet de dégrader les conditions de travail en portant atteinte aux droits ou à la dignité de l’employé, en portant préjudice à sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel. Cette conduite peut prendre l’une des formes suivantes: i) un comportement hostile ou importun; ii) des commentaires proférés; iii) des actes ou des gestes.

Cette loi a également renforcé les attributions du CNCD, en tant qu’autorité nationale chargée de la prévention, du contrôle, de l’aide et de la médiation entre les parties, et à laquelle il incombe d’enquêter sur les cas de discrimination et les actes de discrimination antisyndicale et d’en sanctionner les auteurs.

Promotion de la négociation collective et négociation avec les représentants élus des travailleurs: article 4 de la convention

La réglementation du dialogue social répond à la situation nationale et au manque de coopération entre les parties, dans un contexte de relations professionnelles conflictuelles, comme l’a également indiqué la Commission européenne dans le rapport de pays de 2018.

Un projet de loi est en cours d’adoption au Parlement, à la Chambre des députés (organe de décision). Ce projet porte révision de la loi sur le dialogue social. Présenté en 2018, il contient dans sa forme actuelle les propositions et modifications des syndicats et des employeurs concernant l’association, la représentativité et la négociation collective, formulées dans le cadre des consultations tenues au Parlement, ainsi que les éléments acceptés des recommandations de l’OIT qui figurent dans le mémorandum technique de 2018.

L’accord des partenaires sociaux en faveur de la révision des secteurs de négociation collective, visée par le gouvernement, était subordonné à l’adoption préalable de la révision de la loi sur le dialogue social.

Comme l’a mis en avant le rapport du BIT sur le dialogue social, la négociation collective sectorielle recule depuis la crise de 2008, la priorité étant accordée à la négociation à l’échelle de l’entreprise afin de s’adapter et de rendre le travail et l’emploi plus flexibles, évolution qui se poursuit à l’heure actuelle. Comme suite au développement de nouvelles économies et de nouvelles formes de travail et d’emploi, l’intérêt pour la syndicalisation et la négociation collective diminue.

La révision du cadre juridique n’éliminera pas directement le problème du manque d’intérêt des employeurs nationaux pour la négociation au plus haut niveau de l’entreprise en raison des difficultés qu’il y a à concilier les intérêts individuels des employeurs.

Le gouvernement a inclus, dans les futurs programmes et stratégies nationaux pour 2021-2027 (Plan national de relance et de résilience, Programme national de réforme et Stratégie nationale pour l’emploi), l’objectif du renforcement de la négociation collective et du soutien à la capacité structurelle, à l’organisation et à l’action des partenaires [sociaux] en tant que premier pas vers la motivation à s’associer et le soutien à l’association, le renforcement de la représentativité et la définition des intérêts sectoriels et nationaux dans le domaine de la négociation.

La loi sur le dialogue social encourage la négociation volontaire au sens de la convention no 98 de l’OIT et de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, à tous niveaux d’intérêt pour les parties. L’article 153 de la loi sur le dialogue social garantit à tous les syndicats le droit de négocier et de conclure des conventions avec l’employeur/les organisations d’employeurs au nom de leurs membres. La convention collective conclue par les syndicats et les employeurs dans le secteur de la construction en est un exemple éloquent.

De la même manière, nous disons que les directives européennes favorisent la notion générale de représentants des travailleurs, compris comme syndicats ou représentants des employés. En tant que tels, les représentants des employés sont régis à l’échelon national en tant que représentants élus par le vote de tous les employés de l’entreprise (non uniquement des affiliés, au sens de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971), eu égard à la liberté syndicale et au choix des représentants dans la négociation collective, comme l’a également établi la Cour constitutionnelle de Roumanie dans son arrêt no 62/2019.

Le taux de couverture de la négociation collective tient uniquement compte du nombre d’employés couverts par les conventions collectives conclues dans les unités de travail de plus de 21 employés du fait de l’application erga omnes, sans prendre en compte l’ensemble des conventions collectives en vigueur, les contrats de branche et les contrats sectoriels, les accords volontaires conclus par les parties ou les conventions collectives des fonctionnaires.

Négociation collective dans le secteur public et fonctionnaires non commis à l’administration de l’État: articles 4 et 6 de la convention

En 2021, le gouvernement a adopté un mémorandum de travail concernant la révision de la loi sur la rémunération dans le système public, qui relève du ministère du Travail.

L’élaboration et l’adoption de ce projet suivra les procédures juridiques relatives à la consultation des partenaires sociaux, comme cela a été fait pour la loi sur la rémunération du personnel dans le système public en vigueur, approuvée par la Confédération européenne des syndicats (CES) et fondée sur un système de coefficients négocié avec les syndicats.

D’autres informations relatives aux commentaires et demandes directes de la CEACR concernant l’application de la convention no 98 seront incluses au rapport du gouvernement au titre de l’article 22 de la Constitution de l’OIT.

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental, Conseiller, ministère du Travail et de la Protection sociale – Le gouvernement roumain prend ses obligations vis-à-vis de l’OIT très au sérieux. La Roumanie a ratifié toutes les conventions fondamentales et de gouvernance et plusieurs autres importantes. Nous estimons que le respect et la négociation collective sont les traits caractéristiques de toute communauté moderne et organisée. La liberté syndicale, la négociation collective et le droit de grève sont garantis par la Constitution roumaine.

Tout d’abord, je tiens à porter à votre attention quelques changements législatifs et dispositions importants qui contribueront à assurer un niveau de protection élevé contre la discrimination dans le domaine de l’emploi.

En consultation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, la loi no 53/2003 portant Code du travail a été modifiée en 2020 pour garantir une reconnaissance adéquate du harcèlement, de l’intimidation et de la persécution des employés et de leurs représentants, y compris dans l’exercice des droits et des activités syndicaux légitimes, prévoyant des sanctions dissuasives appliquées efficacement, dont des sanctions financières. Les nouvelles modifications ont été apportées aux articles 5, 59 et 260 du Code du travail par la loi no 151 de 2020. Elles modifient les définitions de la «discrimination», directe et indirecte, en modifiant notamment les motifs établis par le Code du travail qui permettent d’établir quels actes sont constitutifs de discrimination.

En outre, la loi no 151/2020 introduit le concept de «harcèlement», de «discrimination par association» et de «persécution» et établit que tout comportement consistant à ordonner à quiconque, par écrit ou oralement, d’employer une forme de discrimination fondée sur l’un des critères énoncés dans le Code du travail, à l’encontre d’un ou de plusieurs individus, est constitutif de discrimination.

L’article 5(2) dispose que «[t]oute discrimination directe ou indirecte à l’encontre d’un employé, toute discrimination par association, tout harcèlement ou toute persécution, fondés sur la race, la nationalité, l’appartenance ethnique, la couleur, la langue, la religion, l’origine sociale, les caractéristiques génétiques, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la maladie non transmissible chronique, l’infection à VIH, les choix politiques, la situation familiale ou les responsabilités familiales, l’affiliation ou l’activité syndicale, à l’égard de membres d’une catégorie défavorisée, sont interdits».

Cette nouvelle modification inclut également les cas qui ne sont pas considérés comme de la discrimination, qui visent à couvrir certaines prescriptions professionnelles essentielles et décisives et qui pourraient justifier des exclusions ou des distinctions s’agissant d’un emploi particulier, exclusions ou distinctions qui sont liées à la nature même de cette activité ou des conditions dans lesquelles elle est effectuée, dans la mesure dans laquelle le but est légitime et les prescriptions proportionnées.

En outre, la loi no 151 modifie l’interdiction de renvoyer les employés aux termes de l’article 59(a) du Code du travail en alignant les critères pertinents sur ceux établis pour l’interdiction de la discrimination.

Enfin, ces modifications prévoient, en vertu de l’article 260(1)(r), la peine en cas de manquement auxdites dispositions. Une amende comprise entre 1 000 et 20 000 lei, soit environ 200 et 4 500 euros, a été introduite récemment. D’après l’inspection du travail, entre le 1er janvier 2020 et le 30 avril 2021, aucune amende n’a été appliquée pour disposition de la loi liée à l’affiliation ou à l’activité syndicale.

Hormis les amendements au Code du travail, les dispositions de la loi no 167/2020 introduisent la définition légale du harcèlement moral. La loi no 167 portant modification et complément de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000, ainsi que complément de l’article 6 de la loi no 202/2002 sur l’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes, apporte également des modifications à la législation relative à la discrimination et définit le harcèlement moral au travail comme tout comportement à l’égard d’un employé adopté par un supérieur, un subordonné ou un employé occupant un rang hiérarchique comparable qui, en ce qui concerne la relation de travail, a pour but ou pour effet de dégrader les conditions de travail en portant atteinte aux droits ou à la dignité de l’employé, en portant préjudice à sa santé physique ou mentale ou en compromettant son avenir professionnel. Cette conduite peut prendre l’une des formes suivantes: un comportement hostile ou importun; des commentaires proférés; des actes ou des gestes.

Cette loi renforce également les attributions du Conseil national de lutte contre la discrimination (CNCD), en tant qu’autorité nationale chargée de la prévention, du contrôle, de l’aide et de la médiation entre les parties, et à laquelle il incombe d’enquêter sur les cas de discrimination et les actes de discrimination antisyndicale et d’en sanctionner les auteurs.

Plusieurs obligations spécifiques sont prévues pour les employeurs afin de prévenir et de combattre les actes de harcèlement moral sur le lieu de travail, dont:

l’obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour prévenir et combattre des actes de harcèlement moral sur le lieu de travail, notamment en établissant des sanctions disciplinaires y afférentes dans leur règlement intérieur;

l’interdiction d’établir, sous quelque forme que ce soit, une règle ou une mesure interne qui oblige, conditionne ou encourage les employés à accomplir un acte de harcèlement moral sur le lieu de travail.

La loi no 167 prévoit plusieurs sanctions spécifiques applicables aux employés qui commettent un acte de harcèlement, passible de peines d’amende allant de 10 000 à 15 000 lei, et aux employeurs qui manquent à leurs obligations dans ce contexte: ceux ci encourent des peines d’amende comprises entre 30 000 et 200 000 lei, soit environ 6 000 et 40 000 euros.

En outre, la nouvelle loi établit les mesures spécifiques qu’un tribunal ou, dans certains cas, le CNCD peut imposer dans la mesure où il est statué qu’un acte de harcèlement moral sur le lieu de travail a été commis:

l’obligation faite à l’employeur de payer à l’employé un montant égal aux droits salariaux qui ne lui ont pas été accordés;

l’obligation faite à l’employeur de payer à l’employé des dommages-intérêts compensatoires et des dommages-intérêts pour préjudice moral;

l’obligation faite à l’employeur de modifier les mentions disciplinaires concernant l’employé.

S’agissant des modifications apportées à la loi no 202/2002, l’article 6 a été complété par l’ajout d’une interdiction du harcèlement moral fondé sur le sexe, les dispositions de l’ordonnance gouvernementale no 137 étant applicables également à ces cas, en conséquence.

Le CNCD est l’autorité nationale compétente dans le domaine de la discrimination. Il garantit le respect et l’application du principe de la non-discrimination, conformément à la législation nationale et au droit international. C’est une autorité publique autonome, sous contrôle parlementaire, qui exerce son activité dans le domaine de la discrimination, à partir de 14 critères de discrimination, et qui prononce des sanctions. Le CNCD a été établi comme suite à l’adoption de l’ordonnance gouvernementale no 137 et de la décision gouvernementale no 1194 de 2001 sur l’organisation et le fonctionnement du CNCD. Le comité directeur du CNCD est un organe collectif et délibératif qui assure les tâches fixées par la loi. Il est composé de neuf membres ayant rang de secrétaire d’État, nommés par les deux chambres du Parlement réunies en session plénière. S’agissant des questions de contentieux, le CNCD intervient avant le tribunal et se prononce formellement sur les plaintes, par exemple par des décisions ou des recommandations adressées aux parties. Les décisions du CNCD sont juridiquement contraignantes pour les parties concernées et sont susceptibles d’appel.

L’ordonnance gouvernementale no 137 régit la prévention et la sanction de toutes les formes de discrimination et incorpore la directive de l’Union européenne (UE) no 43 de 2000 en établissant le principe de l’égalité de traitement entre les personnes, indépendamment de leur origine raciale ou ethnique, ainsi que la directive no 78 de 2000, qui établit un cadre général d’égalité de traitement dans l’emploi et la profession. L’ordonnance gouvernementale no 137 protège tous les individus, quelle que soit leur situation. Elle contient des dispositions sur la discrimination, le harcèlement et la persécution, et fixe les sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions légales.

Les paragraphes suivants élargissent la définition de la discrimination aux instructions à visée discriminatoire, à la discrimination indirecte, au harcèlement et à la persécution. Selon ladite ordonnance, l’élimination de toutes les formes de discrimination passe par: la prévention au moyen de la mise en place de mesures spéciales de protection pour les personnes défavorisées qui ne bénéficient pas de l’égalité de chances; la médiation en vue du règlement à l’amiable des conflits nés de la commission d’actes de discrimination; la sanction du comportement discriminatoire.

À titre d’exemple, je donnerai le cas de la discrimination à l’égard d’un syndicat et des syndicalistes dont l’affaire est passée par toutes les étapes du processus juridique. Fin 2014, peu après qu’une compagnie aérienne eut reçu un avis concernant l’existence du syndicat du personnel navigant «Aerolimit Professional», le dirigeant syndical a été licencié. Peu après, 19 membres de ce syndicat ont été licenciés et leurs postes supprimés. Le 19 mars 2015, le tribunal a statué que le président du syndicat avait été licencié abusivement et a ordonné à la compagnie de le réintégrer. La compagnie a décidé de ne pas appliquer la décision de justice et refusé de le mettre en service actif en arguant d’une enquête de sécurité de l’autorité nationale d’aviation. Cet argument a été rejeté ultérieurement par l’autorité elle-même.

Le 12 mai 2015, le tribunal a décidé que la soumission visant la dissolution du syndicat était illégale, et le syndicat «Aerolimit Professional» a été autorisé à représenter le personnel navigant dans la compagnie. Le 3 juillet 2015, le CNCD a estimé que la compagnie s’était rendue coupable du licenciement de 19 membres du personnel au motif de leur affiliation syndicale et a dit que la résiliation des contrats de travail était discriminatoire et qu’elle visait à faire cesser le mouvement syndical.

Par décision no 260 de 2015, le CNCD a établi ce qui suit:

La communication exprimant le désaccord quant à la création du syndicat constitue un acte de discrimination en vertu de l’article 2(1) et (5), lu conjointement avec l’article 7 de l’ordonnance gouvernementale no 137.

La résiliation des contrats de travail des personnes associées au syndicat nouvellement formé représente une discrimination.

Cette discrimination visait à faire cesser le mouvement syndical, ce qui constitue un acte extrêmement grave.

Le CNCD a également prononcé une amende de 25 000 lei (environ 5 500 euros), dont 5 000 lei pour expression du désaccord quant à la création du syndicat et 20 000 lei pour avoir résilié les contrats de travail des personnes associées au syndicat nouvellement formé.

Outre la sanction appliquée, le comité directeur du CNCD a ordonné à l’accusé de communiquer le résumé de cette décision dans les médias nationaux et dans sa propre publication, distribuée aux voyageurs.

Le 16 juillet 2015, le tribunal a prononcé la réintégration des membres du personnel navigant licenciés par la compagnie. Il a estimé que la résiliation des contrats de travail de tous les travailleurs licenciés dans ce cas était illicite et a ordonné à la compagnie de les réintégrer dans leurs fonctions. En outre, la compagnie a été obligée de payer à ces travailleurs leur salaire couvrant la période allant de la date de leur licenciement à celle de leur réintégration. Chaque requérant a eu droit à une indemnisation d’environ 1 130 euros.

Le 7 mars 2019, la Haute Cour de cassation et de justice a débouté au fond la compagnie qui avait formé un recours en annulation de l’acte administratif du CNCD. La décision de la Haute Cour était définitive.

Le 9 décembre 2020, le tribunal a approuvé l’exécution forcée fondée sur le titre exécutoire représenté par la décision du CNCD et confirmé la décision du tribunal. Il a également confirmé la décision du CNCD, confirmée par la décision finale de la Haute Cour de cassation et de justice, contraignant la compagnie à publier le résumé de la décision dans les médias nationaux et son propre magazine, distribué aux passagers, en vertu de l’article 26(2) de l’ordonnance gouvernementale no 137/2000.

Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement pour les informations transmises, mais nous souhaitons replacer la discussion d’aujourd’hui sur le cœur du sujet qui est abordé dans le rapport de la commission d’experts. La Roumanie fait l’objet, depuis de nombreuses années, d’observations persistantes concernant l’application de la convention. Je rappelle que notre commission a examiné ce cas lors de sa session en 2011. Les problèmes traités à cette époque sont similaires à ceux que nous sommes amenés à discuter aujourd’hui et les craintes exprimées se sont réalisées. La situation s’est tellement dégradée que les organisations syndicales ont dû déposer une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale en 2018.

Un processus de réforme a bien été entamé, mais celui-ci semble aujourd’hui gravement menacé. Je souhaite attirer l’attention de la commission sur trois aspects.

Premièrement, comme le relève la commission d’experts dans son rapport, la législation roumaine ne prévoit pas de protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale. Le gouvernement a communiqué à notre commission des observations écrites à ce propos. D’une part, il est évident que la modification intervenue en 2020 ne couvre pas les actes de discrimination antisyndicale, puisque ce motif n’est pas spécifiquement repris. D’autre part, le commentaire du gouvernement quant à l’article 260 du Code du travail ne permet pas de vérifier dans quelle mesure cette disposition est efficace et suffisamment dissuasive. Par conséquent, le gouvernement roumain reste en défaut de démontrer en quoi sa législation est suffisamment protectrice contre les actes de discrimination antisyndicale, et que cette protection est suffisamment dissuasive et efficace.

Le deuxième problème porte sur la représentativité. En guise de remarque générale, le gouvernement affirme dans ses observations écrites que la régulation du dialogue social dans le pays souffre d’un manque de coopération entre les parties. Il convient néanmoins de rappeler que le gouvernement a aussi une responsabilité importante dans la création d’un environnement propice au dialogue social. C’est notamment l’objet de l’article 4 de la convention qui appelle à des mesures appropriées pour encourager et promouvoir la négociation collective. À toute fin utile, rappelons que l’article 5 d) de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, ratifiée par la Roumanie, précise que les mesures prises dans ce cadre doivent s’assurer que «la négociation collective ne soit pas entravée par suite de l’inexistence de règles régissant son déroulement ou de l’insuffisance ou du caractère inapproprié de ces règles».

Concernant plus spécifiquement la question de la représentativité, la législation roumaine actuellement en vigueur est fondée sur le principe du négociateur exclusif. Autrement dit, seule l’organisation qui regroupe plus de la moitié des travailleurs de l’entreprise peut négocier pour l’ensemble des travailleurs des conventions ayant un effet erga omnes. À défaut, ce sont des représentants élus qui procèdent à cette négociation, au détriment des organisations syndicales minoritaires qui, elles, ne peuvent négocier que pour leurs membres.

Le système de négociateur exclusif n’est pas en soi contraire aux normes de l’OIT. Ce qui pose davantage question, c’est le recours à des travailleurs élus et les conséquences que cela engendre. Cela appelle plusieurs observations. Rappelons d’abord que la convention garantit le droit à la négociation collective aux organisations de travailleurs, je répète, aux organisations de travailleurs.

De même, tant la convention no 154 que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, ratifiée d’ailleurs par la Roumanie, précisent sans aucune ambiguïté que le recours aux représentants élus ne peut servir à affaiblir la situation des organisations de travailleurs. Le système des représentants des travailleurs a été conçu comme un mécanisme subsidiaire aux organisations de travailleurs, et non pas comme un substitut à celles-ci. Il ressort des informations communiquées par le gouvernement roumain que, depuis une adaptation intervenue en 2016, la négociation collective via les représentants élus n’est possible que dans les entreprises qui ne comptent pas de syndicat représentatif.

Or, eu égard au seuil de représentativité exigé, c’est-à-dire 50 pour cent plus un, cela signifie concrètement que, dans la majorité des entreprises, ce sont les représentants élus qui négocient en lieu et place des syndicats qui n’atteignent pas ce seuil. Dès lors, ce sont ces représentants qui font office de négociateurs exclusifs. Pourtant, une lecture cohérente des instruments de l’OIT ne permet d’appliquer le mécanisme de négociateur exclusif qu’entre organisations syndicales. En effet, en étendre le bénéfice aux représentants reviendrait à les avantager par rapport aux organisations syndicales et à affaiblir celles-ci.

Le gouvernement roumain explique que rien n’empêche les organisations syndicales de négocier pour leurs membres au niveau de l’entreprise, mais que, eu égard à leur manque de représentativité, les accords conclus n’ont pas d’effet erga omnes. D’une part, et comme nous venons de l’indiquer, cette pratique est de nature à affaiblir les organisations syndicales. D’autre part, on peut s’interroger sur l’intérêt de négocier au sein d’une entreprise uniquement pour ses propres membres avec les inégalités de traitement que cela engendre. En outre, la procédure d’élection des représentants pose en elle-même problème, dans la mesure où la législation ne permet pas aux organisations syndicales de présenter des listes lorsqu’elles sont affiliées à une fédération au niveau de la branche. De plus, le processus est organisé par l’employeur, sans possibilité pour les syndicats d’en contrôler la transparence.

Si le gouvernement souhaite, comme il le prétend, lutter contre le manque de coopération entre les organisations et renforcer leur représentativité, il existe assurément d’autres moyens plus appropriés et plus respectueux du pluralisme syndical. Cette question doit d’ailleurs être rapprochée des conditions fixées pour créer un syndicat au niveau de l’entreprise, et qui exigent de compter plus de 15 travailleurs. Ce faisant, la législation prive une frange importante de travailleurs du droit de se syndiquer et de négocier collectivement via leurs organisations. En outre, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, les organisations syndicales sont bien demandeuses d’un dialogue au niveau national. Au demeurant, à supposer même qu’une des deux parties ne soit pas demandeuse d’un dialogue, il incombe toujours au gouvernement de promouvoir et d’encourager la négociation à tous les niveaux conformément à la convention.

Je souhaite clore mon propos en évoquant un dernier élément. Le gouvernement roumain semble considérer que le fait que les négociations au niveau de l’entreprise ont pris le pas sur celles aux autres niveaux serait une sorte de fatalité qu’on ne peut conjurer. Suggérons-lui une autre lecture: il n’y a point de fatalité en la matière. Ce n’est que la conséquence des choix institutionnels et politiques. D’autres choix et options donneront certainement d’autres résultats plus vertueux et plus souhaitables.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier le gouvernement pour ses commentaires et les déclarations formulés aujourd’hui. La Roumanie a ratifié en 1958 la convention. Aujourd’hui, c’est la seconde fois depuis 2011 que notre commission examine l’application en droit et dans la pratique de cette convention par la Roumanie.

Le premier commentaire de la commission d’experts porte sur les actes de discrimination antisyndicale, et donc la protection contre ce type d’actes. La commission d’experts demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires sur base des articles 1, 2 et 3 de la convention, pour que les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence soient sanctionnés efficacement. Dans sa réponse écrite du 21 mai, le gouvernement a notamment précisé les éléments suivants.

Concernant les sanctions spécifiques et dissuasives, une amende de 1 000 à 20 000 lei est prévue pour sanctionner tout acte de discrimination directe ou indirecte à l’encontre d’un salarié en raison de son affiliation ou activité syndicale. Nous saluons les modifications législatives de 2020, après consultation des partenaires sociaux, qui sanctionnent désormais les auteurs de harcèlement ou d’intimidation au travail, y compris par des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à huit mois de salaire brut mensuel. Les actes de violence et d’intimidation envers les leaders syndicaux sont considérés comme des crimes.

Concernant la charge de la preuve dans le cadre de l’analyse de la légalité de la décision de licencier un mandataire syndical, le plaignant peut s’adresser au CNCD. La personne qui s’estime discriminée doit présenter des faits sur la base desquels il peut être présumé qu’il y a eu discrimination directe ou indirecte, et la personne contre laquelle la plainte a été déposée a la charge de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

En 2020, les attributions du CNCD ont été renforcées en tant qu’autorité nationale chargée de la prévention, du contrôle, de l’assistance et de la médiation, ainsi que de sanctionner les discriminations, notamment antisyndicales.

Le plaignant peut également s’adresser au tribunal judiciaire, qui examinera s’il existe un lien entre le motif invoqué pour le licenciement et l’accomplissement du mandat syndical. Ici également, c’est l’employeur qui est légalement chargé de prouver la légalité de sa décision de licenciement.

Les membres employeurs constatent les progrès accomplis par le gouvernement roumain afin de lutter efficacement contre les actes de discrimination antisyndicale, puisqu’il existe à présent des procédures appropriées et des sanctions dissuasives. Néanmoins, les membres employeurs tiennent à souligner que le renversement de la charge de la preuve n’est pas requis par la convention. La convention ne requiert pas non plus de prévoir des sanctions spécifiques pour les actes de discrimination fondés sur la conviction syndicale; la convention no 98 exige une protection adéquate contre de tels actes.

Concernant les mesures préventives, les membres employeurs estiment qu’il appartient aux syndicats de saisir le gouvernement s’ils constatent que des pratiques antisyndicales ne sont pas combattues. Sur la base d’allégations précises et fondées, ces cas devraient être discutés de manière tripartite.

La deuxième série de problèmes sur lesquels les experts posent des questions au gouvernement roumain concerne des entraves à la liberté de négociation collective de certaines organisations de travailleurs pour conclure des conventions collectives au niveau de l’entreprise, y compris les critères de représentativité des organisations de travailleurs au niveau de l’entreprise.

Selon le gouvernement, la législation nationale est conforme à l’article 4 de la convention. En effet, la loi sur le dialogue social promeut la négociation volontaire au sens des conventions nos 98 et 154 de l’OIT, non seulement au niveau de l’entreprise, mais aussi aux niveaux sectoriel et national. Tous les syndicats légalement constitués ont le droit de négocier et de conclure des accords collectifs au nom de leurs membres, avec l’employeur ou avec les organisations patronales. Ceci est confirmé par l’article 153 de la loi sur le dialogue social, que je traduis ici librement: «Selon le principe de reconnaissance mutuelle, toute organisation syndicale légalement constituée peut conclure avec un employeur ou une organisation patronale tout autre type d’accords, conventions ou accords, sous forme écrite, qui représentent la loi des parties et dont les dispositions ne sont applicables qu’aux membres des organisations signataires.»

Les membres employeurs soulignent que la convention couvre les procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part. La convention ne vise donc pas les négociations éventuelles avec les représentants des travailleurs qui ont été élus dans l’entreprise. Si donc des accords sont conclus avec ces représentants élus, ils tombent hors du champ de la convention.

Concernant le taux de couverture des conventions collectives, qui selon Eurofound aurait chuté de 100 pour cent en 2010 à environ 15 pour cent en 2017, le gouvernement précise que ces chiffres ne prennent en compte que le nombre de salariés couverts par des conventions collectives conclues dans les unités de plus de 21 salariés et que ce taux de couverture ne prend pas en compte les accords collectifs volontaires, qui sont uniquement applicables aux membres affiliés auprès des organisations signataires.

Les membres employeurs constatent que le dialogue social sectoriel n’est pas encore entièrement structuré: il n’existe actuellement que 29 structures de dialogue par branche d’activités, et cela ne couvre donc pas l’ensemble des activités économiques. Cela explique certainement pourquoi le niveau prédominant des négociations est actuellement le niveau de l’entreprise. Une autre raison de la régression des négociations collectives peut résulter du fait que la législation sociale nationale règle déjà les conditions de travail dans les moindres détails, ce qui laisse peu de place aux négociations sociales. Par conséquent, les membres employeurs encouragent les autorités roumaines à introduire plus de souplesse dans la législation du travail, justement pour que les partenaires sociaux aient l’espace nécessaire afin d’entrer en négociations et de conclure des accords collectifs équilibrés.

Quant au critère actuel de représentativité d’un syndicat dans l’entreprise (50 pour cent des travailleurs plus un), les membres employeurs estiment qu’il ne faut pas nécessairement le modifier dans la mesure où les conventions collectives sont applicables erga omnes. En outre, il apparaît que les syndicats minoritaires peuvent former une coalition, à condition de défendre une position uniforme, et ainsi atteindre ensemble le seuil de représentativité. Enfin, comme déjà dit plus haut, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle, tout syndicat légalement constitué peut négocier un accord collectif qui sera applicable à ses seuls affiliés.

Les membres employeurs soutiennent les efforts du gouvernement pour développer davantage le dialogue social, ce qui passe nécessairement par l’amélioration des capacités des partenaires sociaux. À cet effet, le Plan national de relance et de résilience, soutenu financièrement par l’UE pour 2021 à 2027, mais également les programmes d’échanges de bonnes pratiques dans le cadre du dialogue social européen joueront un rôle majeur.

Le troisième problème sur lequel la commission d’experts se pose des questions concerne le secteur public. Selon le gouvernement, le processus législatif vient d’être lancé en 2021 pour réviser la loi sur les rémunérations des agents de la fonction publique. Des consultations tripartites sont également organisées.

Les membres employeurs se réjouissent de la mise en conformité de la situation roumaine avec la convention, car cette convention couvre également les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. La tenue de discussions tripartites n’entraîne cependant aucune remise en cause du principe que les salaires de ces fonctionnaires sont fixés par la loi.

En guise de conclusion, les membres employeurs encouragent les autorités gouvernementales à promouvoir le dialogue social bipartite et à intensifier ses consultations avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, si des modifications législatives sont envisagées à l’avenir en matière de dialogue social. Cette consultation a déjà porté ses fruits puisque l’assistance technique du BIT et les propositions des partenaires sociaux en matière de liberté d’association, de représentativité et de négociation collective sont intégrées dans un nouveau projet de loi qui est actuellement en discussion au Parlement.

Membre employeuse, Roumanie – Je tiens à exprimer le point de vue de Concordia, qui est l’organisation d’employeurs la plus représentative en Roumanie, au sujet de l’observation de la commission d’experts concernant l’application de la convention par la Roumanie. De manière générale, nous estimons que la Roumanie respecte la convention et garantit le droit syndical et des conditions adéquates pour les négociations volontaires entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs.

Tout d’abord, je tiens à souligner que la loi sur le dialogue social a été adoptée par le Parlement en 2011, après une large consultation des partenaires sociaux. La révision de la législation dans le domaine du dialogue social est discutée avec les partenaires sociaux depuis 2006, et les modifications aux lois sur le développement du système national du dialogue social ont été convenues par le gouvernement et les partenaires sociaux.

La loi no 62/2011 sur le dialogue social et le Code du travail de Roumanie énoncent les droits et libertés des syndicats, ainsi que leur protection, dans l’exercice des prérogatives des syndicats, y compris contre un licenciement pour des motifs syndicaux (articles 9 et 10) et contre l’application de sanctions dissuasives (articles 217 et 218). Ces textes sont complétés par des dispositions du droit général et du droit du travail qui prévoient que le tribunal statuera sur les différends portant sur la conclusion, la modification, l’exécution ou la résiliation d’accords de travail individuels ou collectifs, avec la possibilité de demander une indemnisation.

Une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence est garantie non seulement par la loi no 62/2011, mais également dans d’autres textes juridiques, dont l’article 5 du Code du travail, qui énonce le principe de la non-discrimination directe ou indirecte pour ce qui a trait à l’affiliation syndicale, ou l’ordonnance gouvernementale no 137/2000 sur la prévention et la sanction de toutes les formes de discrimination, qui inclut la discrimination fondée sur l’affiliation syndicale.

Le Code du travail et la législation y relative, en particulier la loi no 62/2011, garantit le droit individuel et collectif d’association et d’affiliation, ainsi que le droit de mener des activités syndicales, et interdit aux employés de renoncer à leurs droits (article 38 du Code du travail). Nul ne peut être contraint ou forcé de devenir syndicaliste et les liens entre le syndicat et ses membres sont régis par le règlement du syndicat.

En outre, en vue de garantir la protection des employés dans l’exercice de leurs droits, le Code du travail contient l’obligation faite à l’employeur de justifier une décision de licenciement ou une modification de la relation de travail. Dans le cadre des conventions collectives, les syndicats peuvent négocier des mesures de protection spécifiques pour les syndicalistes et les mandataires syndicaux, ainsi que des clauses relatives au règlement de conflits au travail.

Afin de protéger les membres des syndicats et de ne pas faire disparaître l’envie de s’organiser, les actions légales et administratives prévues par la loi sont uniquement fondées sur les déclarations du syndicat concernant le nombre d’employés d’une entreprise syndiqués.

En ce qui concerne les critères de représentativité et la couverture de la négociation collective: la couverture était de 100 pour cent avant 2011 grâce à un accord collectif national (ayant des effets erga omnes) qui a créé un sentiment artificiel de dialogue social fort. Son élimination, conformément aux meilleures pratiques internationales et à la liberté syndicale et à la négociation volontaire, a créé davantage d’espace pour la négociation collective au niveau de l’entreprise. Cela est également lié au paysage du dialogue social au sens large en Roumanie, où les négociations au niveau sectoriel sont moins attrayantes, car elles s’ajoutent aux négociations au niveau de l’entreprise. Seul un petit nombre de secteurs économiques sont définis par la loi (soit 29) et ceux-ci ne reflètent pas les réalités du paysage économique. En outre, chaque aspect relatif aux conditions de travail et aux relations professionnelles est minutieusement régi en Roumanie, laissant peu de place à la négociation pour les partenaires sociaux. À titre d’exemple, le salaire minimum est fixé par la loi, avec une couverture de 100 pour cent.

Il convient également de noter que les dispositions actuelles de l’article 129 de la loi no 62 de 2011, qui fixent la négociation collective obligatoire au niveau de l’entreprise, entrent en réalité en conflit avec la convention pour ce qui concerne la liberté des parties d’établir le niveau des négociations collectives.

Les syndicats affirment également que les propositions de modification de 2018 à la loi no 62 sur le dialogue social ne font pas l’objet de consultations avec les syndicats représentatifs. Or il y a eu des consultations approfondies au ministère du Dialogue social, à l’époque, pendant plus de huit mois, au cours desquelles syndicats et employeurs étaient assis autour de la même table. Aucune loi n’a été à ce jour adoptée par le gouvernement. Le débat a été déplacé au Parlement, où participent les deux parties. Les modifications à la loi no 62 sur le dialogue social en sont en phase finale d’approbation.

Membre employeuse, Allemagne – Les membres employeurs ont relevé, dans la soumission du gouvernement, qu’il existait un déclin général de la négociation collective, déterminé par les changements actuels du monde du travail, déclin similaire à celui qui existe dans d’autres pays. En outre, nous tenons à souligner qu’il pourrait y avoir des raisons particulières à ce déclin en Roumanie.

Il convient de se pencher sur l’évolution du contexte économique dans le pays. Le paysage économique a profondément changé depuis les années quatre-vingt-dix et deux mille en ce que nombre de grandes entreprises d’État où dominaient les grands syndicats ont disparu.

Dans le même temps, le cadre juridique pour le dialogue social a été renforcé avec l’abolition, en 2011, de la négociation collective obligatoire réglementée au niveau national. Il s’agissait là d’une mesure nécessaire, car une obligation de négocier à un niveau particulier n’est pas conforme au principe de la «négociation volontaire» telle que garantie par l’article 4 de la convention.

La réglementation du travail en Roumanie demeure très détaillée et stricte, ce qui réduit l’espace pour la négociation collective. À l’heure actuelle, en vertu de l’article 129 de la loi sur le dialogue social, la négociation collective est toujours obligatoire au niveau de l’unité. Cette situation réduit l’intérêt de la négociation collective au niveau sectoriel et peut également expliquer le pourcentage élevé d’accords conclus avec des représentants de travailleurs élus, compte tenu de l’absence d’organisations de travailleurs dans la plupart des petites et moyennes entreprises.

On ne peut donc conclure à partir de données uniquement statistiques que le gouvernement n’encourage pas suffisamment la convention collective, comme prévu par l’article 4 de la convention. En revanche, si le gouvernement doit prendre une mesure à ce sujet, ce serait celle qui consisterait à introduire des clauses introductives dans la loi afin de donner davantage d’espace aux conventions collectives entre partenaires sociaux, conformément aux besoins de leur secteur ou de leur entreprise.

S’agissant du critère de la représentativité des syndicats, le groupe des employeurs tient à souligner que cela est nécessaire en raison de la nature erga omnes des conventions collectives. Du fait de l’applicabilité des conventions à tous les travailleurs d’une unité, il est nécessaire de définir des seuils de représentativité ou d’autres critères pour légitimer le syndicat.

En outre, nous tenons à souligner qu’en vertu des articles 134 et 135 de la loi sur le dialogue social, en l’absence de syndicat représentatif, un syndicat non représentatif peut également participer aux négociations conjointes avec les représentants des travailleurs s’il est affilié à un syndicat sectoriel représentatif. Ce n’est que si aucun syndicat n’est établi que les travailleurs seront uniquement représentés par leurs représentants élus.

On ne peut conclure que la loi sur le dialogue social favorise la négociation collective avec les représentants des travailleurs au détriment des syndicats.

Membre employeur, Norvège – Je tiens tout d’abord à souscrire à l’intervention de la porte-parole du groupe des employeurs sur ce cas. Je tiens également à souligner que cette convention pose un cadre pour garantir des conditions propices au dialogue social. La convention ne peut cependant pas assurer la réussite du processus ou du résultat. Un élément important d’un dialogue social réussi est l’existence de la confiance entre les partenaires sociaux et le fait que les partenaires impliqués ont tous la capacité nécessaire.

La situation en Roumanie s’améliore et, comme l’a également affirmé le gouvernement, la législation actuelle est équilibrée. À titre personnel, je tiens à vous informer que mon organisation, la Confédération des industries norvégiennes (NHO), et Concordia, l’une des principales organisations d’employeurs en Roumanie, mènent actuellement un projet commun précisément sur le dialogue social et la manière de l’améliorer.

S’agissant de la principale question, à savoir la protection contre la discrimination antisyndicale, il convient de rappeler que la législation du travail et d’autres textes législatifs de la Roumanie traitent de cette question. Autrement dit, la protection contre cette discrimination est assurée dans la législation.

Pour ce qui concerne les négociations salariales dans le secteur public, je tiens à saluer l’initiative mentionnée par le gouvernement, à savoir qu’il a été décidé d’engager un processus de révision de la loi sur la rémunération des fonctionnaires, et ce afin d’améliorer le système.

Même s’il existe de nombreux faits nouveaux positifs en Roumanie, le gouvernement devrait être invité à multiplier ses consultations avec les partenaires sociaux afin d’améliorer davantage le dialogue social dans le pays.

Membre travailleuse, Allemagne – Je m’exprime au nom de la Confédération allemande des syndicats (DGB), de la Confédération des syndicats des Pays-Bas (FNV), de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) et des travailleurs français. En lisant la déclaration écrite du gouvernement à la commission, on ne peut s’empêcher de penser au principe «diviser pour régner». Il y est dit que les nouvelles économies et formes de travail diminuent l’intérêt pour la syndicalisation et la négociation collective.

La reconnaissance effective du droit de négociation collective est non seulement l’un des quatre principes fondamentaux que les États Membres de l’OIT sont tenus de respecter, de promouvoir et de réaliser, mais est également au cœur du dialogue social et est même reflétée dans la nature tripartite de cette commission. Être en mesure de s’exprimer en tant que collectif est souvent le seul facteur qui fait entendre la voix du travailleur individuel. L’image de la travailleuse flexible à son compte que certains aiment brosser laisse donc grandement à désirer.

Les mesures d’austérité adoptées par la Roumanie ont, au cours de la décennie écoulée, entraîné une forte dégradation du paysage de la négociation collective. La loi sur le dialogue social, adoptée en 2011, a éliminé de fait la négociation collective aux niveaux sectoriel et national. Et la négociation au niveau de l’entreprise est devenue beaucoup plus difficile. Il n’est donc pas surprenant que la couverture ait reculé de près de 100 pour cent en 2010 à 15 pour cent uniquement en 2017.

Comment pouvons-nous concevoir un «monde du travail centré sur l’humain» et œuvrer à une «reprise centrée sur l’humain» après la pandémie de COVID-19 alors que le droit de parole et de négociation collective est si gravement entravé?

Les études montrent qu’en Europe les salaires sont moins élevés là où la négociation collective est la plus fragile. Non seulement la Roumanie fait partie des pays où le salaire moyen et le salaire minimum sont les plus faibles, mais les niveaux de salaire minimum actuels ne fournissent pas aux travailleurs un revenu qui leur permet de vivre décemment. La pauvreté des travailleurs est parmi les plus élevées dans l’UE et touche un tiers des travailleurs roumains.

La situation en Roumanie a été critiquée non seulement par la commission d’experts, mais également par les institutions de l’UE. Dans le cadre du Semestre européen, la Roumanie reçoit, depuis des années, des recommandations sur le champ très limité du dialogue social, les bas salaires minima et l’absence de critères objectifs à la fixation du salaire minimum.

Nous prions donc le gouvernement de modifier immédiatement, en concertation avec les partenaires sociaux, sa législation et de la mettre en conformité avec la convention.

Observatrice, IndustriALL Global Union – Je m’exprime au nom d’IndustriALL Global Union et tiens à fournir à la commission un exemple concret de travailleurs d’une usine de composants automobiles en Roumanie qui ont décidé de constituer un syndicat en 2019. Cet exemple illustre la manière dont la législation roumaine du travail fait obstacle à l’application de la convention.

Après l’enregistrement du syndicat à l’usine automobile, le premier obstacle est le processus de vérification visant à s’assurer que l’organisation représente bien plus de 50 pour cent des effectifs. Conformément à l’article 52(C)(c) de la loi sur le dialogue social, le syndicat doit non seulement fournir au tribunal du travail compétent le nombre de ses membres dans l’usine, mais aussi communiquer le nombre total d’employés, par un document délivré uniquement par l’entreprise. La comparaison des deux chiffres permet au tribunal de vérifier si le seuil de 50 pour cent plus un est bien atteint et, par conséquent, si le syndicat est autorisé à mener des négociations collectives.

Toutefois, ce même article 52(C)(c) oblige le syndicat à soumettre le document de l’entreprise, mais n’oblige pas l’entreprise à délivrer cette déclaration écrite sur la taille des effectifs. Il est donc très facile pour l’entreprise, qui n’encourt aucune sanction, de refuser, bloquant ainsi l’application de la convention avant d’entamer la moindre négociation.

En l’espèce, il a fallu qu’interviennent IndustriALL Global Union et la société mère, et que notre accord-cadre international soit rappelé pour que la direction locale en Roumanie accepte de rédiger ce document.

De plus, nous avons été informés que l’entreprise, qui n’est pas obligée de reconnaître les représentants syndicaux élus ni de leur parler, continuait de traiter le dirigeant du syndicat local comme un simple représentant des employés (son ancien statut). Lorsque la négociation collective a enfin commencé, l’entreprise a utilisé deux autres particularités du droit du travail roumain aux dépens du syndicat, à savoir l’article 129(5) interdisant toute période de négociation collective inférieure à soixante jours et l’article 141 de la loi sur le dialogue social selon lequel les partenaires sociaux ne peuvent conclure qu’une seule convention collective en douze mois. Dans notre exemple, l’entreprise a prolongé les négociations jusqu’à la période précédant Noël, menaçant les employés de ne pas payer la prime de Noël habituelle si le syndicat décidait de mener une action revendicative. Le syndicat a dû céder et a fini par signer une convention collective incluant un nouvel accord salarial pour 2020 dont la validité s’étendait jusqu’à la fin de l’année 2020.

Lorsque l’entreprise a invité le syndicat aux négociations salariales pour 2021 en mars de la même année, le syndicat n’a pu exercer aucune pression sur l’entreprise, car, conformément à l’article 161 de la loi sur le dialogue social, il ne pouvait mener aucune action revendicative et l’accord salarial n’était qu’un simple addendum à la convention collective existante.

Faute de temps, je dois m’arrêter ici, mais je suis sûre que la commission comprend désormais mieux comment la législation roumaine du travail empêche toute application et toute mise en œuvre correctes de la convention.

Représentant gouvernemental – Je remercie les nombreux intervenants qui ont reflété une diversité d’opinions et de vues sur la façon dont les différentes parties devraient échanger, s’informer mutuellement et fournir une base solide pour examen. Le gouvernement roumain est prêt à continuer à travailler étroitement avec l’OIT et les partenaires sociaux afin de trouver la meilleure voie à suivre pour le bénéfice de toutes les personnes économiquement actives et de garantir que leurs droits sont bien protégés et représentés.

Membres employeurs – Les membres employeurs ont bien pris note des informations écrites et orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Notre principale recommandation aux autorités gouvernementales est de promouvoir davantage le dialogue social bipartite et d’intensifier ses consultations avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, si des modifications législatives sont envisagées en matière de dialogue social.

Afin d’améliorer les protections efficaces contre la discrimination antisyndicale, et pour promouvoir davantage la négociation collective, plusieurs pistes d’amélioration sont proposées.

Première piste, en matière de discrimination antisyndicale, il est important pour le gouvernement de transmettre des informations détaillées sur le nombre de cas de discrimination antisyndicale et d’ingérence de l’employeur portés devant les différentes autorités compétentes, sur la durée moyenne des procédures concernées et leur issue, ainsi que sur les sanctions et recours appliqués dans la pratique.

Deuxième piste, afin de promouvoir la négociation collective et d’inverser la régression du taux de couverture, il nous semble important que les instruments législatifs laissent plus de marge pour négocier et conclure des accords collectifs entre les partenaires sociaux. Ils seront ainsi davantage motivés pour entrer en négociation afin de conclure des accords équilibrés, en tenant compte des besoins de leur secteur ou de leur entreprise.

Troisième piste, il y a lieu de poursuivre les efforts entrepris récemment afin de permettre les négociations collectives pour les fonctionnaires non commis à l’administration de l’État.

Les membres employeurs invitent le gouvernement à fournir toutes ces informations dans le prochain rapport régulier sur la convention. Je terminerai en précisant que le simple fait d’inscrire dans une loi que les parties doivent s’associer ne créera pas un dialogue social solide. Il faut surtout renforcer les incitations pour que les partenaires sociaux s’organisent librement et négocient de manière libre et autonome.

Membres travailleurs – Je tiens d’abord à remercier celles et ceux qui ont contribué à notre discussion.

Les membres employeurs ont affirmé que la convention ne prévoit pas qu’un renversement de la charge de la preuve et des sanctions seraient nécessaires pour protéger contre la discrimination syndicale. Dans leur grande sagesse, les rédacteurs de la convention ont jugé utile de parler de protection adéquate. Ce terme permet d’englober notamment le renversement de la charge de la preuve ou des sanctions. Au passage, cela permet de prendre les mesures les plus appropriées sans rentrer dans une fastidieuse énumération.

Nous ne partageons pas non plus l’appréciation des employeurs selon lesquels le seuil de représentativité actuellement prévu ne devrait pas être revu. L’article 4 de la convention ne précise pas le seuil de représentativité. Toutefois, tout ce qui empêche la négociation par les organisations syndicales est contraire à cet article. Par conséquent, les seuils de représentativité trop élevés, comme c’est le cas ici en l’occurrence, ne sont pas conformes à la convention.

En outre, nous ne pouvons suivre les membres employeurs lorsqu’ils affirment que les négociations menées par les représentants des travailleurs ne seraient pas couvertes par la convention. La notion de négociation collective au sens de l’OIT est une et indivisible. Il n’y a pas une négociation pour les syndicats et une autre pour le reste de l’humanité. Cette notion est la même, peu importe celui qui la mène au nom des travailleurs. C’est elle qui est visée par la convention no 98, la convention no 135 ou encore la convention no 154, toutes ratifiées par la Roumanie.

Comme dit dans mon propos introductif, la situation des relations collectives en Roumanie n’est pas le fruit du hasard. C’est la conséquence des régressions introduites en 2011 sous la pression de la troïka. Ces modifications ont engendré le déplacement du centre de gravité des négociations collectives au niveau de l’entreprise.

Comme nous l’avons illustré, la modification du seuil de représentativité à ce niveau a lourdement impacté les organisations syndicales. Cet impact peut facilement être mesuré en observant l’effondrement du nombre de conventions collectives conclues au niveau de la branche et au niveau national.

Le droit à la négociation collective garanti aux organisations syndicales par la convention a également pâti de cette nouvelle configuration. Preuve s’il en faut, plus de 92 pour cent des conventions collectives conclues dans le secteur privé l’ont été par des représentants élus. Mais, au-delà des syndicats, cet état des choses a aussi fortement fragilisé la situation de l’ensemble des travailleurs avec plus d’un tiers d’entre eux qui sont payés au niveau du salaire minimum. Je n’insisterai pas non plus sur les conséquences économiques et sociales que cette paupérisation implique, avec une hausse importante de l’émigration engendrant des pénuries de travailleurs dans une série de secteurs.

Permettez-moi maintenant de rappeler les points essentiels pour le groupe des travailleurs. Il appartient au gouvernement de prévoir une protection efficace et dissuasive contre les actes de discrimination syndicale. La question du seuil de représentativité mérite une attention particulière et surtout une action urgente. D’une part, il est crucial de revoir le seuil de représentativité au niveau de l’entreprise. D’autre part, il convient de revoir la procédure d’élection des représentants en permettant aux organisations syndicales de présenter des listes dans tous les cas de figure et assurer la transparence de la procédure. Enfin, nous demandons au gouvernement de promouvoir et d’encourager la négociation collective à tous les niveaux, et ce y compris au niveau national.

Afin de concrétiser ces éléments, nous demandons au gouvernement de bien vouloir accepter une mission de haut niveau.

Présidente – J’aimerais à présent consulter les porte-parole des employeurs et des travailleurs. Le membre travailleur roumain qui n’arrivait pas à se connecter vient de se connecter et souhaiterait prendre la parole. Est-ce que les porte-parole des employeurs et des travailleurs sont d’accord pour que exceptionnellement nous lui donnions la parole?

(Les deux porte-parole répondent favorablement à la question.)

Membre travailleur, Roumanie– Le rapport de la commission d’experts souligne dans ses observations que, à travers ses dispositions, la loi sur le dialogue social, adoptée en 2011, impose une exigence minimale de 15 membres fondateurs de la même entreprise/unité pour constituer un syndicat.

Il est à noter qu’il s’agit d’un obstacle insurmontable dans un pays où la plupart des employeurs sont de petites et moyennes entreprises, étant donné qu’elles représentent 92,5 pour cent de toutes les entreprises de Roumanie et ont moins de 15 salariés, et donc cette exigence prive plus de 2,2 millions de travailleurs de s’organiser. Les syndicats ont affirmé que, afin de se conformer aux dispositions de la Constitution roumaine (la loi fondamentale), il faut spécifier 15 employés d’une même entreprise ou de plusieurs entreprises du même domaine, donnant la possibilité de former un syndicat même au niveau sectoriel national.

Nous vous rappelons que la législation interdit aux travailleurs licenciés et aux retraités d’adhérer à des syndicats, s’ils le souhaitent, même s’ils ont participé à l’activité syndicale. Les personnes qui ont le droit de former et/ou d’adhérer à un syndicat sont prévues dans la loi sur le dialogue social (article 3). Ces catégories de personnes mentionnées antérieurement ne sont pas expressément établies. L’invocation de l’article 32 de la loi sur le dialogue social par le gouvernement roumain n’est pas pertinente et ne répond pas à la question, étant donné que les statuts des organisations syndicales sont soumis au contrôle du tribunal. Par conséquent, l’article 32 ne s’applique pas ex ante mais seulement après l’approbation des statuts par le juge. Les personnes licenciées et les personnes à la retraite ne pourront ainsi devenir membres de syndicats que si le juge l’accepte.

Je souligne que, selon les dispositions de la loi sur le dialogue social, également relevées par la commission d’experts, les travailleurs journaliers, les travailleurs indépendants et les travailleurs occupés dans des emplois atypiques, qui représentent environ 25,5 pour cent de la population active totale de Roumanie, ne sont pas couverts par la loi et, par conséquent, ils ne peuvent exercer leurs droits syndicaux.

Aujourd’hui, la plupart des conventions collectives de travail, plus de 80 pour cent, sont négociées par les représentants élus des salariés, parce que les syndicats considérés comme non représentatifs n’ont pas le droit de négocier pour leurs propres membres. Bien que la modification de la loi ait été demandée, dans le sens où la négociation avec les représentants des salariés non syndiqués ne devrait être possible que lorsqu’il n’y a pas de syndicat au niveau de la négociation en question, aucune action n’a été entreprise.

En 2010, toutes les conventions/accords collectifs avaient été négociés et signés par les syndicats; en 2017, seulement 14 pour cent de toutes les conventions collectives conclues ont été négociées par les syndicats et 86 pour cent par les représentants élus des travailleurs. Bien que la convention donne le droit à la négociation collective tant aux organisations de travailleurs (syndicats), quel que soit leur niveau, qu’aux employeurs et à leurs organisations, la négociation collective se fait principalement avec les représentants des travailleurs non syndiqués et pas avec les syndicats.

La représentativité qui permet la participation à la négociation est de 50 pour cent plus un du nombre total de salariés, ce qui a déterminé une diminution drastique du nombre de conventions collectives conclues au niveau de l’entreprise. La condition imposée pour conclure une convention collective sectorielle, uniquement si l’organisation d’employeurs signataire représente au moins 50 pour cent plus un des travailleurs du secteur, a bloqué la négociation collective à ce niveau. Ces dispositions législatives de 2011 ne représentent pas le résultat d’un accord entre les partenaires sociaux ni d’un débat public ou parlementaire; elles ont été adoptées et introduites par la loi, par le gouvernement roumain.

Les conséquences de ces modifications législatives sont principalement les suivantes. Premièrement, il y a l’élimination de la convention collective unique de travail au niveau national, principale source de droit dans le domaine du travail et des relations industrielles en Roumanie. Plus de 1 700 000 travailleurs, sur le total d’environ 5 millions travailleurs, sont payés au niveau du salaire minimum brut établi par le gouvernement. Plus de 4 millions de travailleurs ont quitté la Roumanie pour travailler à l’étranger en raison de la précarité des relations de travail.

Deuxièmement, l’institution de la négociation collective en Roumanie a été démantelée et le rôle des syndicats au sein de cette institution est affaibli, contrairement aux dispositions de la Constitution roumaine, la loi fondamentale (article 41, paragraphe 5) qui garantit les droits des négociations collectives.

Je me permets d’insister sur la gravité de la situation de la relation du travail en Roumanie et de la négociation collective qui a été démantelée depuis 2011.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies par écrit et oralement et de la discussion qui a suivi.

Après avoir étudié la question et compte tenu des soumissions du gouvernement et de la discussion qui a suivi, la commission a noté que se posent des questions substantielles de conformité avec la convention, en droit et dans la pratique, en ce qui concerne la protection contre la discrimination antisyndicale et la promotion de la négociation collective.

À ce sujet, la commission prie le gouvernement de la Roumanie:

- de garantir une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale en droit et dans la pratique, conformément à la convention;

- de recueillir des informations détaillées sur le nombre de cas de discrimination antisyndicale et d’ingérence de l’employeur portés devant les différentes autorités compétentes; sur la durée moyenne des procédures concernées et leur issue; sur la façon dont s’applique la charge de la preuve dans les affaires qui concernent des représentants syndicaux, ainsi que sur les sanctions et les recours appliqués dans ces cas;

- de garantir, en droit et dans la pratique, que la négociation collective avec les représentants des travailleurs non syndiqués n’est possible que lorsqu’il n’y a pas de syndicat au niveau de la négociation en question;

- de modifier la loi afin de permettre la négociation collective pour les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État, conformément à la convention.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tous ces points à la commission d’experts avant sa prochaine session en 2021.

La commission prie le gouvernement d’accepter une mission d’assistance technique du BIT avant la prochaine Conférence internationale du Travail.

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