ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Observation (CEACR) - adopted 2020, published 109th ILC session (2021)

Right to Organise and Collective Bargaining Convention, 1949 (No. 98) - Brazil (Ratification: 1952)

Display in: English - SpanishView all

La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision prise par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a actualisé l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement et des partenaires sociaux cette année ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
La commission prend note des: i) observations de la Confédération Nationale de l’Industrie (CNI) reçues le 24 septembre 2020 réitérant ses positions exprimées antérieurement et concernant des thèmes traités par la commission dans le présent commentaire; et ii) des observations de l’Organisation internationales des Employeurs (OIE) reçues le 1er octobre 2020 par le biais desquelles l’OIE réitère ses observations de l’année précédente et appuie les observations de la CNI.
La commission prend également note des: i) observations conjointes de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de la Centrale des syndicats brésiliens (CSB) et de Force Syndicale, reçues le 12 juin 2020; ii) observations de la Conférence syndicale internationale (CSI) reçues le 16 septembre 2020; iii) observations de l’Internationale des services publics (ISP) reçues le 29 septembre 2020; iv) observations de la CUT reçues le 1er octobre 2020; et v) observations de la Confédération nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE) reçues le 1er octobre 2020. La commission note que ces observations concernent des thèmes abordés dans le présent commentaire ainsi que des allégations de violation de la convention dans la pratique vis-à-vis desquelles le gouvernement apporte ses commentaires. À cet égard, la commission relève en premier lieu les observations de la CSI et de la CUT dénonçant la suspension de la convention collective de l’entreprise des postes par une décision du Tribunal Supérieur du Travail de septembre 2020 et la réponse du gouvernement indiquant qu’il ne s’est produit aucune violation de la négociation collective mais seulement un arrêt de la juridiction supérieure infirmant la décision de première instance prise en 2019 dans le cadre du conflit collectif en cours dans ledit secteur. Au vu de ces éléments, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur la poursuite de la négociation collective dans l’entreprise des postes. La commission relève également les allégations de la CSI selon lesquelles se seraient produits des actes de violence et d’intimidation perpétrés par la police contre les travailleurs et leurs représentants au cours de plusieurs grèves et assemblées de travailleurs. La commission prend note que le gouvernement indique à cet égard que: i) il s’agit de trois cas isolés pour lesquels les éléments fournis par la CSI ne permettent pas à eux seuls de déduire l’existence d’abus de la part de la police ou du pouvoir judiciaire; ii) il n’est pas possible de connaître la réalité des faits sans une analyse détaillée de l’action de la police; et iii) l’ordonnancement juridique brésilien offre des recours judiciaires suffisants pour traiter efficacement ce genre de situations. Soulignant l’importance que les organisations de travailleurs puissent exercer leurs activités légitimes de défense des intérêts de leurs membres en général et de négociation collective en particulier dans un contexte exempt de violence, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats des enquêtes menées concernant les cas mentionnés par la CSI.
Pandémie de COVID-19 et application de la convention. La commission note les allégations de la CUT, de la CSB, de Force Syndicale et de l’ISP, selon lesquelles les mesures provisoires 927 (MP 927 publiée le 22 mars 2020) et 936 (MP 936 publiée le 1er avril 2020), adoptées en réponse à la pandémie de COVID 19 (ci-après la pandémie), porteraient sévèrement atteinte au droit de négociation collective en faisant prévaloir les accords individuels entre employeur et travailleur sur les mécanismes de négociation collective. La commission note que les centrales syndicales allèguent en particulier que: i) l’article 2 de la MP 927 prévoit la possibilité d’établir par accord individuel les adaptations nécessaires au maintien du contrat de travail dans le contexte de la crise sanitaire, cet accord individuel prévalant sur toutes les autres sources législatives et collectives du droit du travail, à la seule exception des garanties constitutionnelles; ii) la MP 927 accorde à l’employeur la faculté unilatérale de prolonger ou non l’applicabilité des accords collectifs arrivés à échéance et ne pouvant être renouvelés du fait de la crise sanitaire; iii) la MP 936 (relative aux mesures temporaires de réduction du temps de travail et à la suspension du contrat de travail pendant la crise sanitaire et prévoyant le versement d’indemnités compensatrices aux salariés concernés sur des fonds publics) privilégie la mise en œuvre de ce mécanisme par accord individuel en ne prévoyant son activation par accord collectif que pour une fraction réduite de la main d’œuvre salariée et en n’accordant pas aux réductions du temps de travail négociées collectivement les mêmes compensations financières; et iv) les MP 927 et 936, en ne soumettant pas l’activation des mécanismes d’urgence de réduction du temps de travail et de suspension des contrats de travail à la démonstration par les entreprises de la nécessité de celles-ci, créent les conditions d’un véritable état d’exception.
La commission note que, pour sa part, le gouvernement, tout en soulignant la nécessité d’apporter des réponses rapides et efficaces à la situation d’urgence causée par la pandémie, réfute toute violation de la convention et manifeste en particulier que: i) la MP 927 a permis de sauvegarder de manière immédiate les emplois mis en danger par la crise, dans une situation où existaient de très fortes incertitudes, y compris sur la possibilité de mener des négociations collectives dans un contexte de distanciation physique; ii) la MP 927 a permis aux employeurs de prendre différentes mesures temporaires sur des matières telles que le télétravail, les dates des vacances ou l’organisation des heures de travail; iii) la MP 927 n’interdisait pas de mener des négociations collectives pendant la période où elle était en vigueur et, s’il est exact que son article 2 faisait prévaloir les accords individuels sur les sources collectives et législatives du droit du travail, l’obligation de respecter les droits relatifs au travail protégés constitutionnellement entourait les accords signés individuellement de garanties substantielles; iv) pendant sa période de mise en œuvre, le Tribunal Suprême Fédéral, saisi sur la constitutionnalité de la MP 927, avait refusé d’ordonner sa suspension provisoire, en particulier parce qu’elle contribuait à l’impératif de sauvegarde des emplois dans une situation exceptionnelle; et v) il était prévu que la MP 927 expirerait au plus tard le 19 juillet 2020 en l’absence de consécration législative; il résulte de l’absence d’action du congrès en la matière que la MP ne fait plus partie, depuis cette date, de l’ordonnancement juridique brésilien.
La commission note que, concernant la MP 936, le gouvernement indique que: i) la MP 936 a instauré un programme d’urgence de maintien de l’emploi et du revenu afin d’atténuer l’impact de la situation de calamité publique; ii) la MP 936 prévoit, par le biais d’accords individuels ou collectifs, la possibilité temporaire-pendant la durée de l’état de calamité publique- soit de réduire le temps de travail et la rémunération de manière proportionnelle soit de suspendre le contrat de travail, accords donnant lieu, d’une part, à la garantie du maintien de l’emploi pendant la période considérée, et, d’autre part, au paiement par le gouvernement d’une indemnité de préservation de l’emploi et du revenu calculés à partir du montant de l’assurance-chômage auquel aurait droit le travailleur; iii) l’accès à ces mécanismes d’urgence n’est pas subordonné à la démonstration d’une réduction d’activités de l’entreprise afin de rendre plus souple le processus et de sauver le plus d’emplois possibles; iv) l’action en inconstitutionnalité présentée par les centrales syndicales contre la MP 936 a également été rejetée; v) à l’unanimité des 2 chambres du congrès, la MP 936, qui a permis de préserver plus de 10 millions d’emplois, a été transformée en instrument législatif par la loi 14.020 de 2020; vi) à la différence de ce qu’affirment les centrales syndicales, les mécanismes prévus par la MP 936 et la loi 14.020 peuvent être mis en œuvre par le biais de la négociation collective pour l’ensemble des salariés, quel que soit leur niveau de revenu; vii) en revanche, c’est seulement pour les travailleurs dont le salaire est situé entre 3, 135 et 12,102 reais que la réduction du temps de travail ou la suspension du contrat doivent nécessairement être décidés par le biais d’un accord collectif, et ce parce que ce sont ceux qui, en vertu du dispositif établi, ont un taux de remplacement du salaire plus bas que celui prévu pour la tranche inférieure de rémunération; viii) il n’existe pas de différenciation du montant des indemnités de compensation du revenu versées selon que la décision de réduction du temps de travail ou de suspension du contrat procède d’un accord individuel ou collectif mais seulement la règle générale selon laquelle en dessous de 25 pour cent de réduction du temps de travail, il n’y aura pas de versement d’indemnité; et ix) enfin, dans le but de promouvoir la négociation collective, la MP936 a réduit de moitié les délais applicables et les actes du pouvoir exécutif ont permis la réalisation de négociations virtuelles.
La commission prend bonne note des éléments apportés par le gouvernement et par les centrales syndicales. La commission reconnaît pleinement les circonstances exceptionnelles que connaît le pays en raison de la pandémie et la nécessité absolue qu’il y a eu d’adopter des mesures urgentes pour atténuer les effets économiques et sociaux de la crise générée par celle-ci. Dans le même temps, la commission rappelle sa position générale selon laquelle les mesures qui, en cas de crise aigüe, écartent l’application des conventions collectives en vigueur, doivent présenter un caractère exceptionnel, être limitées dans le temps et comporter des garanties pour les travailleurs les plus touchés. La commission souligne également que la recommandation (no 205) sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017, insiste sur l’importance du dialogue social en général et de la négociation collective en particulier pour répondre aux situations de crise, en encourageant la participation active des organisations d’employeurs et de travailleurs à la planification, à la mise en œuvre et au suivi des mesures de relance et de résilience.
La commission observe que la MP 927 qui, dans le but de sauvegarder l’emploi, établissait la primauté temporaire des accords individuels sur les accords collectifs et attribuait à l’employeur la faculté de prendre un certain nombre de décisions unilatérales, y compris celles de proroger ou non l’application des accords collectifs expirant pendant la pandémie, n’est plus en vigueur. La commission prie toutefois le gouvernement de préciser si les clauses des conventions collectives ayant pu être temporairement écartées par un accord conclu entre l’employeur et le travailleur ou par des décisions unilatérales de l’employeur prises en vertu de la MP 927 ont retrouvé leur pleine applicabilité.
Concernant la MP 936 convertie par le Congrès en loi 14/020, la commission comprend qu’elle a pour objet de permettre la réduction du temps de travail ou la suspension temporaire du contrat de travail pendant la période de calamité publique et de mettre en place un mécanisme temporaire de compensations des revenus par le biais de fonds publics. La commission observe à cet égard que, selon les instruments mentionnés: i) en cas de réduction du temps de travail, le salaire horaire doit être maintenu; ii) l’accès à ces mécanismes peut être déclenché soit par accord collectif soit par accord individuel pour les travailleurs à bas ou à très haut revenu tandis que le recours à l’accord collectif est obligatoire pour les salariés dont le salaire correspond à une fourchette intermédiaire (concernant environ 11 pour cent de la main d’œuvre selon le gouvernement); et iii) lorsqu’un accord collectif est signé, il prévaut sur les accords individuels sauf lorsque ceux-ci sont plus favorables pour le salarié. Tout en rappelant que la promotion des mécanismes de négociation collective incombant à l’État en vertu de la convention s’applique à tous les travailleurs quel que soit leur niveau de revenu, la commission comprend que les mécanismes de protection du revenu en cas de réduction de l’activité établis par la MP 936 et la loi 14.020 n’ont pas pour objet de mettre à l’écart les conventions et accords collectifs en vigueur mais d’établir un système temporaire de réduction d’activité et de compensation des revenus qui peut être déclenché par accord individuel ou par accord collectif. Dans ces conditions et sur la base des principes mentionnés précédemment, la commission, tout en prenant bonne note des efforts importants consentis par le gouvernement pour atténuer les pertes de revenu des travailleurs, encourage celui-ci à renforcer le dialogue avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs en vue d’évaluer l’impact de la mise en œuvre de la loi 14/020, d’assurer l’application des conventions et accords collectifs en vigueur et de promouvoir, pour l’ensemble des travailleurs couverts par la convention, la pleine utilisation de la négociation collective comme moyen de parvenir à des solutions équilibrées et durables en temps de crise. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
La commission note également les allégations de la CSI affirmant que la conjonction de la crise économique causée par la pandémie avec la possibilité, résultant de la réforme de la législation du travail de 2017, d’écarter par le biais de la négociation collective, une partie significative des dispositions protectrices de la législation du travail, pourrait conduire les travailleurs à accepter des conditions de travail et de rémunération dégradées afin de conserver leur emploi. La commission note à cet égard la réponse du gouvernement qui réfute ces affirmations et qui souligne à la fois les garanties et la flexibilité offertes par la nouvelle législation du travail en vue de préserver l’emploi. Tout en prenant note de ces indications, la commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur le nombre et le contenu des conventions et accords signés pendant la période de calamité publique, en précisant la fréquence des dérogations aux dispositions protectrices de la législation du travail pouvant y être contenues.
La commission prend également note des observations suivantes reçues en 2019 qui concernent des sujets examinés par la commission dans le présent commentaire: i) observations de la CUT reçues le 20 mai 2019; ii) observations conjointes de la CSI, l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), l’Internationale de l’Éducation (IE), IndustriALL Global Union (IndustriALL), la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT), l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), l’ISP et d’UNI Global Union, reçues le 1er septembre 2019; iii) observations de la CNI et de la Confédération nationale des transports (CNT) reçues toutes deux le 1er septembre 2019; iv) observations de la NCST reçues le 10 septembre 2019; et v) observations conjointes de la CUT et la CSI reçues le 18 septembre 2019.
La commission prend également note des observations de l’OIE reçues le 30 août 2019 et contenant les interventions réalisées par les employeurs auprès de la Commission de l’application des normes de la Conférence de 2019 (ci-après la Commission de la Conférence).

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission prend note des discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 2019 sur l’application de la convention par le Brésil. La commission note que la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de: i) continuer d’examiner, en coopération et consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, l’impact des réformes et de déterminer si des ajustements appropriés sont nécessaires; et ii) élaborer, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, un rapport qui sera présenté à la commission d’experts, conformément au cycle régulier de présentation des rapports.
Article 1 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Dans de précédents commentaires, la commission avait noté que, dans le cadre de plusieurs plaintes examinées par le Comité de la liberté syndicale (cas nos 2635, 2636 et 2646) qui faisaient état d’actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement avait indiqué que, «bien que la liberté syndicale soit un droit consacré par la Constitution, la législation nationale ne couvre pas les pratiques antisyndicales, ce qui empêche le ministère du Travail et de l’Emploi de prendre des mesures efficaces à caractère préventif et répressif pour lutter contre des pratiques telles que celles dénoncées dans le cas examiné». Lors de commentaires précédents, sur la base des informations fournies par le gouvernement, la commission avait exprimé l’espoir que, dans le cadre du Conseil des relations du travail (CRT), un projet de loi pourrait être élaboré afin d’établir expressément des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale.
La commission note que le gouvernement, dans son rapport de 2019 et dans les informations supplémentaires fournies en 2020, indique que: i) la liberté syndicale est protégée par la constitution; ii) si la législation ordinaire ne contient pas de section sur les actes antisyndicaux, elle dispose d’une section sur les droits des affiliés syndicaux; iii) au sein de cette section, l’article 543 de la Consolidation des lois du travail (CLT) assure la stabilité dans l’emploi des représentants syndicaux et l’article 543(6) prévoit une sanction administrative pour l’employeur qui empêcherait un travailleur d’exercer ses droits syndicaux, sans préjudice du droit à réparation que celui-ci pourrait obtenir; et iv) l’article 199 du code pénal criminalise le fait d’empêcher une personne d’adhérer à un syndicat par la menace ou la violence. La commission note également l’indication de la CNT que le nouvel article 510-B de la CLT attribue aux comités des représentants des travailleurs la fonction de veiller à la prévention de toute discrimination, dont les discriminations syndicales dans l’entreprise. La commission prend note de ces éléments. Elle constate à cet égard que: i) en vertu de la Mesure provisoire no 905 (MP 905) de novembre 2019, les sanctions administratives applicables en cas de violation de l’article 543(6) de la CLT étaient celles concernant les infractions à la législation du travail en général; et ii) la MP 905 n’est aujourd’hui plus en vigueur dans la mesure où elle n’a pas été confirmée par le Congrès de la République. ; ii ; Rappelant l’importance fondamentale d’assurer une protection effective contre la discrimination antisyndicale, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation établisse expressément des sanctions spécifiques suffisamment dissuasives contre tous les actes de discrimination antisyndicale. La commission prie le gouvernement d’indiquer tout fait nouveau à cet égard.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Articulation entre la négociation collective et la loi. Dans ses commentaires de 2017 et 2018, la commission avait noté qu’en vertu de la loi no 13467 adoptée le 13 novembre 2017, le nouvel article 611-A de la CLT avait introduit le principe général selon lequel les conventions et accords collectifs prévalent sur la législation, permettant ainsi, par le biais de la négociation collective, de déroger, dans la limite du respect des droits constitutionnels visés à l’article 611-B de la CLT, aux dispositions protectrices de la législation. La commission avait alors rappelé qu’elle estimait que, si des dispositions législatives ciblées portant sur des aspects spécifiques des conditions de travail et prévoyant, de manière circonscrite et motivée, la possibilité d’y déroger par la voie de la négociation collective peuvent être compatibles avec la convention, une disposition qui établirait une possibilité générale de déroger à la législation du travail au moyen de la négociation collective serait en revanche contraire à l’objectif de promouvoir la négociation collective libre et volontaire posé par l’article 4 de la convention. Sur cette base, la commission avait prié le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser les articles 611-A et 611-B de la CLT, de manière à encadrer plus précisément les situations où des clauses dérogatoires de la législation pourraient être négociées collectivement ainsi que la portée de ces dernières.
La commission prend note des observations conjointes de la CSI, de l’IBB, de l’IE, d’IndustriALL, de la FIT, de l’UITA, de l’ISP et d’UNI Global Union qui dénoncent les effets néfastes que causerait la possibilité générale de déroger par le biais de la négociation collective aux dispositions protectrices de la législation. La commission note que les organisations syndicales internationales considèrent que la nouvelle articulation entre la négociation collective et la loi établie par la loi no 13467: i) remet radicalement en cause les piliers sur lesquels sont établis les mécanismes de négociation collective et constitue une attaque frontale à la négociation collective libre et volontaire garantie par la convention; ii) crée les conditions d’une compétition vers le bas entre employeurs pour la réduction des droits des travailleurs; et iii) produit un effet dissuasif sur l’exercice de la négociation collective qui aurait entraîné une baisse de 39 pour cent du taux de couverture de la négociation collective dans le pays. La commission prend également note des observations de la CUT qui affirme que: i) des mesures rendant possible la négociation à la baisse des conditions de travail ne promeuvent pas l’exercice de la négociation collective; et ii) la réforme a occasionné une baisse significative du nombre de conventions et accords collectifs signés. La commission prend également note des observations de la NCST à cet égard.
La commission prend note par ailleurs des observations de la CNT et de la CNI, selon lesquelles les articles 611-A et 611-B de la CLT: i) assurent une grande liberté pour que la négociation collective permette de fixer des conditions de travail favorables pour toutes les parties; ii) sont conformes aux dispositions de la constitution brésilienne qui prévoient la possibilité de déroger par accord collectif à certains droits ainsi qu’à la jurisprudence du Tribunal suprême fédéral qui souligne la nécessité de respecter les accords conclus par les partenaires sociaux.; et iii) sont conformes aux conventions de l’OIT en la matière, tel qu’il résulte de l’examen par la Commission de la Conférence qui n’a relevé aucun motif d’incompatibilité avec la convention.
La commission prend note des éléments fournis par le gouvernement qui réitère, pour l’essentiel, les positions exprimées dans ses rapports précédents. La commission note que le gouvernement considère que: i) la réforme législative de 2017 renforce le rôle et la valeur de la négociation collective en accroissant son champ matériel d’intervention, ce qui est pleinement conforme aux finalités des conventions de l’OIT en la matière et particulièrement nécessaire dans le contexte d’une législation du travail excessivement détaillée; ii) la primauté reconnue aux accords et conventions collectifs sur la loi renforce la sécurité juridique de la négociation collective, élément indispensable au vu de la traditionnelle ingérence du pouvoir judiciaire brésilien et répond à une demande historique du mouvement syndical brésilien; iii) l’article 611-A de la CLT n’oblige en aucun cas à ce que les syndicats signent des accords qui écartent les dispositions légales protectrices, les partenaires sociaux pouvant choisir de continuer à être régis, lorsque cela est dans l’intérêt des parties, par les dispositions légales; iv) le fait que l’article 611-A de la CLT établisse une liste non-exhaustive de thèmes vis-à-vis desquels les conventions et accords collectifs peuvent déroger aux dispositions de la législation a pour but d’assurer la flexibilité nécessaire aux partenaires sociaux dans le cadre de leurs négociations; v) la réforme assure dans le même temps la protection de 30 droits contenus dans l’article 611-B de la CLT et auxquels la négociation collective ne peut déroger; vi) aucune des 30 actions en justice intentées au niveau national contre la loi no 13467 n’a porté sur la négociation collective; vii) une situation où les négociations collectives pourraient uniquement déboucher sur des bénéfices additionnels pour les travailleurs découragerait la participation des employeurs à ces dernières; viii) après une baisse de 13,1 pour cent en 2018, le nombre de conventions et accords collectifs a commencé à croître lors des quatre premiers mois de l’année 2019 pour se rapprocher des niveaux antérieurs à la réforme; ix) tel que relevé dans une étude détaillée de la Fondation institut de recherche économique (FIPE), les contenus négociés sont favorables aux travailleurs et couvrent plus de thèmes qu’auparavant, ce qui démontre donc que l’hypothétique effet dissuasif de l’article 611-A sur la négociation collective ne s’est pas produit; et x) la réforme de la législation du travail a été favorablement accueillie par la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international. La commission note enfin les affirmations du gouvernement selon lesquelles: i) il n’existe pas de fondement textuel à la position de la commission selon laquelle cette convention ainsi que la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981, auraient pour objectif général de promouvoir des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation; et ii) l’utilisation des travaux préparatoires des conventions par la commission présente un caractère inapproprié.
La commission prend note des différents éléments fournis par le gouvernement ainsi que par les partenaires sociaux nationaux et internationaux et constate que les différents acteurs réitèrent dans les informations supplémentaires fournies en 2020 les positions antérieurement exprimées. La commission relève en premier lieu l’indication du gouvernement selon laquelle, contrairement à la position exprimée par les organisations syndicales, le nombre d’accords et conventions collectifs signés est en train de rejoindre les niveaux antérieurs à la réforme législative de 2017. La commission souligne l’importance de continuer à disposer d’informations complètes à cet égard, tant sur le nombre d’accords et conventions signées que sur leur contenu. La commission relève également que le gouvernement et les organisations d’employeurs réitèrent que les articles 611-A et 611-B de la CLT promeuvent la négociation collective au sens de la convention en assurant une liberté accrue aux parties à la négociation et en garantissant dans le même temps que de nombreux droits ne peuvent être écartés par le biais de la négociation collective.
La commission rappelle à ce sujet que, sur la base des informations détaillées fournies par le gouvernement, la commission a relevé dans ses commentaires précédents que: i) la possibilité de dérogation aux dispositions protectrices de la législation par le biais de la négociation collective introduite par la loi no 13467 n’est effectivement pas absolue puisque l’article 611-B de la CLT établit une liste limitative de 30 droits fondés sur le contenu de la Constitution brésilienne, qui ne peuvent être écartés par le biais d’accords ou de conventions collectives; et ii) les facultés de dérogation à la législation par la négociation collective ouvertes par l’article 611-A de la CLT sont toutefois très étendues dans la mesure où, d’une part, cet article se réfère explicitement à 14 points qui couvrent de nombreux aspects de la relation de travail, et où, d’autre part, cette liste, contrairement à celle qui figure à l’article 611-B est uniquement indicative («entre autres»), la possibilité d’écarter des dispositions législatives protectrices par le biais de la négociation collective, étant ainsi érigée en principe général.
La commission rappelle qu’elle estime que, si des dispositions législatives ciblées portant sur des aspects spécifiques des conditions de travail et prévoyant, de manière circonscrite et motivée, la possibilité d’y déroger par la voie de la négociation collective peuvent être compatibles avec la convention, une disposition qui établirait une possibilité générale d’écarter les règles protectrices de la législation du travail au moyen de la négociation collective serait en revanche contraire à l’objectif de promouvoir la négociation collective libre et volontaire posé par l’article 4 de la convention. Tout en soulignant l’importance d’obtenir, dans toute la mesure possible, un accord tripartite sur les règles de base de la négociation collective, la commission prie donc de nouveau le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser les articles 611-A et 611-B de la CLT de manière à encadrer plus précisément les situations où des clauses dérogatoires de la législation pourraient être négociées ainsi que la portée de ces dernières. Prenant par ailleurs note des indications du gouvernement sur l’accroissement des conventions et accords collectifs signés lors des quatre premiers mois de 2019, la commission prie ce dernier de continuer à fournir des informations sur l’évolution du nombre de conventions et accords collectifs conclus dans le pays, y compris sur les conventions et accords qui contiennent des clauses dérogatoires à la législation en précisant la nature et la portée de ces dernières.
Articulation entre la négociation collective et les contrats de travail individuels. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la mise en conformité avec la convention de l’article 444 de la CLT qui permet aux travailleurs titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur et qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de sécurité sociale de déroger, par le biais de leurs contrats de travail individuels, aux dispositions des conventions collectives applicables.
La commission note que le gouvernement manifeste à cet égard que l’article 4 de la convention ne se réfère pas aux contrats individuels de travail et qu’il réitère dans les informations supplémentaires remises en 2020 que l’article 444 de la CLT concerne un groupe très réduit de travailleurs, généralement des cadres supérieurs qui ne représentent qu’environ 0,25 pour cent de la population. La commission note également la position des organisations d’employeurs CNI et CNT qui estiment que les dispositions de l’article 444 étendent les possibilités de négociation des travailleurs considérés. La commission note enfin la position exprimée par les organisations syndicales nationales et internationales qui réclament l’abrogation de ladite disposition.
La commission rappelle à nouveau que l’obligation de promotion de la négociation collective posée par l’article 4 de la convention requiert que la négociation individuelle des clauses du contrat de travail ne puisse déroger aux droits et garanties fixées par les conventions collectives applicables, étant entendu que les contrats de travail peuvent toujours prévoir des conditions de travail et d’emploi plus favorables. La commission réitère également que ce principe est par ailleurs explicitement exprimé dans le paragraphe 3 de la recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951. Tout en soulignant de nouveau que les mécanismes de négociation collective sont en mesure de prendre en compte les besoins et intérêts spécifiques de catégories différenciées de travailleurs qui peuvent, si elles le souhaitent, être représentées par des organisations qui leur sont propres, la commission rappelle que la présente convention est pleinement applicable aux travailleurs couverts par l’article 444 de la CLT dans la mesure où, en vertu de ses articles 5 et 6, seuls peuvent être exclus de son champ d’application les membres de la police et des forces armées (article 5) ainsi que les fonctionnaires commis à l’administration de l’État (article 6). La commission réaffirme en conséquence que la convention ne permet pas une exclusion de son champ d’application fondée sur le niveau de la rémunération des travailleurs. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre, après consultation des partenaires sociaux représentatifs concernés, les mesures nécessaires afin d’assurer la mise en conformité de l’article 444 de la CLT avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
Champ d’application de la convention. Travailleurs autonomes ou indépendants. Dans ses commentaires adoptés en 2017 et 2018, sur la base des observations d’organisations syndicales alléguant que l’extension de la définition des travailleurs indépendants découlant du nouvel article 442-B de la CLT aurait pour effet d’exclure une catégorie importante de travailleurs des droits reconnus par la convention, la commission avait invité le gouvernement à tenir des consultations avec toutes les parties concernées dans le but de garantir que les travailleurs autonomes ou indépendants soient autorisés à participer à une négociation collective libre et volontaire, tout en identifiant les adaptations appropriées à introduire aux mécanismes de négociation collective afin de faciliter leur application à ces catégories de travailleurs.
Indépendamment de la définition des travailleurs autonomes ou indépendants retenue par l’article 442-B de la CLT, la commission rappelle que tous les travailleurs, y compris les travailleurs autonomes ou indépendants, sont couverts par les dispositions de la convention. À cet égard, la commission a accueilli favorablement en 2019 les indications du gouvernement selon lesquelles il résulte de l’article 511 de la CLT, qui reconnaît aux travailleurs autonomes le droit de se syndiquer, que ces derniers jouissent également du droit de négociation collective. La commission a également noté à cet égard la position concordante exprimée par la CNT et la CNI. Dans le même temps, la commission relève: i) la demande formulée en 2019 par la CSI et sept fédérations syndicales internationales pour que toutes les mesures soient prises afin d’assurer l’accès effectif des travailleurs autonomes et indépendants à la négociation collective libre et volontaire; ii) l’affirmation par la CUT dans ses observations de 2020 que si l’article 511 de la CLT reconnaît aux travailleurs autonomes le droit de se syndiquer, cette disposition ne leur donne pas pour autant possibilité d’accéder aux mécanismes de négociation collective, en particulier du fait de l’absence d’interlocuteur et que, dans la pratique, le passage du statut de salarié à celui de travailleur autonome en application de l’article 442-B aura pour effet d’exclure les travailleurs concernés du bénéfice des conventions collectives en vigueur; et iii) l’indication du gouvernement dans les informations supplémentaires fournies en 2020 que l’émergence de différentes formes de travail atypique représente pour l’ensemble des pays un défi supplémentaire pour la négociation collective, en particulier du fait de leur faible niveau de syndicalisation. Au vu de ces éléments, tout en relevant le large champ d’application de l’article 511 de la CLT la commission invite le gouvernement à: i) fournir des exemples de conventions ou accords collectifs négociés par des organisations représentant des travailleurs autonomes ou indépendants ou, à tout le moins, dont le champ d’application couvrirait ces catégories de travailleurs; et ii) à tenir des consultations avec toutes les parties concernées dans le but d’identifier les adaptations appropriées à introduire aux mécanismes de négociation collective afin de faciliter leur application aux travailleurs autonomes et indépendants. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard.
Articulation entre les différents niveaux de la négociation collective. Ayant relevé que, selon l’article 620 de la CLT tel que révisé par la loi no 13467, les conditions établies dans les accords collectifs de travail (conclus au niveau d’une ou plusieurs entreprises) prévalent toujours sur celles contenues dans les conventions collectives de travail (conclues à un niveau plus large, telles qu’un secteur d’activité ou une profession), la commission avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière est garanti le respect des engagements pris par les partenaires sociaux dans le cadre des conventions conclues au niveau du secteur d’activité ou de la profession et de fournir des informations sur l’impact de l’article 620 de la CLT sur le recours respectif à la négociation de conventions collectives et d’accords collectifs ainsi que sur le taux de couverture global de la négociation collective dans le pays.
La commission note que le gouvernement se limite à signaler à cet égard que l’objectif de l’article 620 de la CLT est de permettre la conclusion d’accords se situant au plus près des réalités quotidiennes des travailleurs et de l’entreprise. La commission relève également que la CNI et la CNT considèrent que la primauté accordée dans tous les cas aux accords collectifs sur les conventions collectives dotées d’un champ d’application plus large est pleinement conforme aux dispositions de la convention dans la mesure où cette dernière n’établit aucun ordre de préférence ou de hiérarchie entre les différents niveaux de négociation.
La commission rappelle à nouveau qu’il résulte de l’article 4 de la convention que la négociation collective doit être promue à tous les niveaux et que, selon le principe général énoncé au paragraphe 3(1) de la recommandation no 91, toute convention collective devrait lier ses signataires ainsi que les personnes au nom desquelles elle est conclue. Constatant l’absence de réponses du gouvernement à cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement: i) d’indiquer de quelle manière est garanti le respect des engagements pris par les partenaires sociaux dans le cadre des conventions conclues au niveau de la branche ou de la profession; et ii) de fournir des informations sur l’impact de l’article 620 de la CLT sur le recours respectif à la négociation de conventions collectives et d’accords collectifs ainsi que sur le taux de couverture global de la négociation collective dans le pays.
Article 4. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. Soumission des conventions collectives à la politique économique et financière. La commission rappelle que, depuis des années, elle souligne la nécessité d’abroger l’article 623 de la CLT en vertu duquel sont déclarées nulles et non avenues les dispositions d’une convention ou d’un accord qui seraient contraires aux normes régissant la politique économique et financière du gouvernement ou la politique salariale en vigueur. À ce sujet, soulignant que l’article 4 de la convention exige de promouvoir la négociation collective libre et volontaire, la commission avait rappelé que: i) les pouvoirs publics peuvent élaborer des mécanismes de discussions et d’échanges en vue d’inciter les parties à la négociation à tenir compte volontairement de considérations relatives à la politique économique et sociale du gouvernement et à la sauvegarde de l’intérêt général; et ii) les restrictions à la négociation collective sur les questions économiques ne devraient être possibles que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire dans des cas de difficultés graves et insurmontables, en vue du maintien des emplois et de la continuité des entreprises et des institutions. La commission note que, dans ses informations supplémentaires de 2020, le gouvernement indique que: i) l’article 623 de la CLT, adopté en 1967, n’est pas en accord avec les orientations de la constitution de 1988 et n’est donc plus appliqué; et ii) l’unique limitation effectivement en vigueur concerne l’interdiction du réajustement automatique des salaires en fonction de l’indice des prix afin d’éviter l’augmentation de l’inflation, ce qui ne limite en rien les négociations sur les salaires fondées sur d’autres bases. Tout en prenant bonne note des indications du gouvernement, la commission relève que la réforme de 2017 de la législation du travail n’a pas éliminé l’article 623 de la CLT. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation dans le sens indiqué et de communiquer des informations dans son prochain rapport sur toute mesure prise à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer