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Observation (CEACR) - adopted 2018, published 108th ILC session (2019)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Myanmar (Ratification: 1955)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Elimination de toutes les formes de travail forcé. 1. Engagement de l’OIT concernant l’élimination du travail forcé. Alinéa a). Historique. En mars 1997, une commission d’enquête a été créée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT pour examiner la situation du travail forcé au Myanmar. Comme indiqué au Conseil d’administration du BIT, le travail forcé a pris diverses formes dans le pays au fil des ans, y compris le travail forcé dans les zones de conflit, ainsi que dans les entreprises publiques et privées. Dans ses recommandations, la commission d’enquête a exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour: i) que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention; ii) que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et en particulier par les militaires; et iii) que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’imposer du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées.
Depuis lors, la question a fait l’objet d’une coopération entre le gouvernement et l’OIT pendant plus de dix ans. En 2002, un protocole d’accord a été signé entre le gouvernement et l’OIT, qui a permis la nomination d’un chargé de liaison de l’OIT. Plus tard, en 2007, un protocole d’accord complémentaire a été conclu afin, en particulier, d’instaurer un mécanisme de plainte dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité d’adresser leurs plaintes aux autorités compétentes par l’intermédiaire des services du chargé de liaison, en vue d’obtenir réparation conformément à la législation applicable et à la convention». En outre, en 2012, l’OIT a conclu un protocole d’accord sur une stratégie globale conjointe pour l’élimination du travail forcé d’ici à 2015, qui a servi de base à sept plans d’action étroitement liés. L’OIT a également participé aux travaux de l’Equipe spéciale de pays chargée du suivi et de l’établissement de rapports sur les questions relatives au recrutement de mineurs.
Alinéa b). Développements récents. Le 22 janvier 2018, le gouvernement et l’OIT ont signé un autre protocole d’accord, qui prévoit un nouveau plan d’action 2018 pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé. Le plan d’action est axé sur quatre priorités, à savoir: i) le maintien du mécanisme de plainte; ii) la formation et la sensibilisation au travail forcé, y compris pour les responsables gouvernementaux; iii) le renforcement des capacités pour mettre fin au travail forcé aux niveaux régional et national; et iv) la mobilisation des partenaires tripartites pour la prévention du travail forcé dans le secteur privé. La prorogation du protocole d’entente complémentaire jusqu’au 31 décembre 2018 permettra en particulier de maintenir le mécanisme de plainte en fonctionnement et la poursuite de la coopération sur le travail forcé pendant la période de transition vers le programme par pays pour la promotion du travail décent (PPTD), qui a été approuvé par le Forum de dialogue tripartite national le 16 janvier 2018. Lors de sa dernière discussion sur cette question en mars 2018, le Conseil d’administration a conclu que la prorogation du protocole d’entente complémentaire et l’accord sur une nouvelle phase actualisée du plan d’action pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé, ainsi que l’approbation tripartite du premier PPTD pour le Myanmar, sont vraiment bienvenus et représentent un progrès significatif dans la réalisation des priorités des mandants de l’OIT (GB.332/INS/8, paragr. 17). En septembre 2018, le premier PPTD pour le Myanmar a été approuvé par le gouvernement de l’Union, les organisations d’employeurs et de travailleurs et l’OIT, ce qui est considéré par toutes les parties comme un grand pas en avant pour le pays, marquant un processus de normalisation de son engagement avec l’OIT et la communauté internationale après des décennies de régime autoritaire et de problèmes connexes de travail forcé.
2. Application de la convention en droit et dans la pratique. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté avec satisfaction l’adoption de la loi de 2012 sur l’administration des villages, qui abrogeait la loi de 1907 sur les villages et les villes (art. 37) et faisait du recours au travail forcé par quelque personne que ce soit une infraction pénale passible d’emprisonnement et d’amende (art. 27A). Toutefois, la commission a noté qu’aucune mesure n’avait été prise pour modifier l’article 359 de la Constitution (chapitre VIII –Citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux des citoyens), qui exclut de l’interdiction du travail forcé «les tâches assignées par l’Union conformément à la loi dans l’intérêt du public» et pourrait être interprété de manière à permettre une imposition généralisée de travail forcé à la population. Le gouvernement a déclaré que, comme demandé, la Constitution de 2008 serait modifiée. En ce qui concerne l’application pratique de la convention, la commission a salué les diverses mesures prises par le gouvernement en collaboration avec l’OIT en vue d’éliminer le travail forcé dans la pratique. Ces mesures comprenaient le lancement d’une vaste gamme d’activités de sensibilisation dans tout le pays, le soutien à la poursuite de l’utilisation du mécanisme de plainte contre le travail forcé pour permettre aux victimes du travail forcé de demander réparation, ainsi que des mesures pour qu’un nombre important de militaires rendent compte de leur recours continu au travail forcé. Tout en prenant dûment note des progrès accomplis sur la voie de l’élimination de toutes les formes de travail forcé, la commission a constaté que le recours au travail forcé perdurait au Myanmar.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles, de mars 2007 à juin 2018, le mécanisme de plainte a reçu un nombre total de 754 cas, dont 739 concernent le recrutement de mineurs; 13, le travail forcé; et 2, d’autres questions. Ce sont 377 militaires, dont 64 officiers et 313 soldats de divers grades qui ont été sanctionnés par des mesures disciplinaires militaires pour recrutement de mineurs et travail forcé. En outre, dans le cadre du Plan d’action pour la prévention du recrutement de mineurs, 448 militaires ont été sanctionnés par des mesures disciplinaires militaires. Une seule personne a été punie en vertu de l’article 374 du Code pénal. La commission prend note également de l’indication du gouvernement selon laquelle des directives d’application de la loi de 2012 sur l’administration des villages ont été publiées à l’intention des administrateurs de quartiers et de parcelles villageoises et des services administratifs généraux à tous les niveaux. En outre, 18 191 ateliers de sensibilisation sur le travail forcé ont été organisés, avec 1 280 307 participants venus de municipalités de tous les Etats et régions. Une formation a également été dispensée au personnel militaire pour prévenir le recrutement de mineurs. Le gouvernement indique en outre qu’un budget spécial a été alloué aux bureaux d’administration des villages pour prévenir le recours au travail forcé ou non rémunéré. De plus, des mesures ont été prises pour assurer l’application de la législation du travail, en particulier dans le secteur privé. La réforme du droit du travail est également en cours avec l’assistance technique du BIT. Toutefois, la commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur les progrès réalisés en ce qui concerne l’amendement de l’article 359 du chapitre VIII de la Constitution.
La commission note, d’après le rapport de diagnostic du PPTD (publié en septembre 2018), que l’OIT a travaillé tant avec le gouvernement qu’avec les groupes ethniques armés pour obtenir la promesse de mettre fin au travail forcé, ce qui a amené au moins deux groupes armés non étatiques à s’engager à éliminer cette pratique. L’évolution du processus de paix est également susceptible d’avoir des résultats positifs en termes d’élimination du travail forcé, puisque l’Accord national de cessez-le-feu de 2015 comprend des engagements visant à prévenir le travail forcé des civils et le recrutement des enfants. La question du travail forcé a également été soulignée lors de la première Conférence de paix de l’Union en août 2016. En conséquence, le nombre de cas signalés de recrutement forcé à des fins militaires par les forces de sécurité et les groupes armés a considérablement diminué. De même, le recrutement forcé pour les travaux publics semble être en baisse, en raison de la sensibilisation accrue des autorités locales. Toutefois, la formation du personnel gouvernemental à l’application effective de la loi et les campagnes de sensibilisation du public doivent encore être intensifiées. Le gouvernement a également indiqué qu’il souhaitait adopter une approche plus décentralisée, en confiant davantage de responsabilités aux gouvernements régionaux et des Etats dans la mise en œuvre des plans d’action et en veillant au respect de la loi sur l’élimination du travail forcé. L’inspection du travail et les partenaires sociaux doivent également être en mesure de résoudre la question du travail forcé dans le secteur privé.
La commission note cependant que, d’après le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar du 17 septembre 2018 (A/HRC/39/CRP.2), le recours au travail forcé par les Tatmadaw (les forces armées du Myanmar) persiste, en particulier dans les Etats de Kachin et Shan, ainsi que parmi les ethnies rakhine et rohingya. Dans de nombreux cas, les Tatmadaw sont arrivés dans un village et ont emmené les villageois directement de chez eux ou des environs de leur village pendant qu’ils pêchaient, cultivaient, faisaient des commissions ou voyageaient. Dans certains cas, cela s’est fait de manière organisée, maison par maison, sur la base d’un quota pour chaque famille, d’une liste ou avec la coopération des chefs de village. La durée du travail forcé variait de quelques jours à plusieurs mois. Les personnes soumises au travail forcé étaient tenues d’accomplir diverses tâches. Bon nombre d’entre elles ont été obligées de travailler comme porteurs, transportant des colis lourds, y compris de la nourriture, des vêtements et, dans certains cas, des armes. D’autres types de travaux courants comprenaient le creusement de tranchées, le nettoyage, la cuisine, la collecte de bois de chauffage, la coupe d’arbres et la construction de routes ou de bâtiments dans des complexes militaires. Les victimes étaient aussi parfois tenues de combattre ou de participer aux hostilités. Elles recevaient une quantité insuffisante de nourriture de qualité médiocre ou n’étaient pas en mesure de manger du tout. Elles n’avaient pas accès à l’eau et étaient maintenues dans des logements inadéquats ou logées en plein air, sans literie et sans installations sanitaires convenables. Les victimes étaient soumises à la violence si elles résistaient, travaillaient lentement ou se reposaient. En particulier, les femmes étaient de surcroît victimes de violences sexuelles (paragr. 258 à 273, 412 à 424 et 614 à 615).
La commission prend note des mesures prises et des progrès accomplis par le gouvernement en ce qui concerne l’élimination du travail forcé. La commission ne peut cependant que noter avec une profonde préoccupation la persistance du travail forcé imposé par les Tatmadaw dans les Etats de Kachin et Shan, ainsi qu’aux ethnies rakhine et rohingya. La commission constate en outre que la quasi totalité des membres du personnel militaire qui ont recours au travail forcé n’ont fait l’objet que de sanctions disciplinaires, à l’exception d’une personne qui a été punie en vertu de l’article 374 du Code pénal. La commission rappelle au gouvernement qu’en vertu de l’article 25 de la convention l’imposition de travail forcé ou obligatoire est punissable en tant qu’infraction pénale et les sanctions imposées par la loi doivent être réellement adéquates et strictement appliquées. La commission prie donc instamment le gouvernement à redoubler d’efforts pour assurer l’élimination du travail forcé sous toutes ses formes, tant en droit que dans la pratique, en particulier le travail forcé imposé par les Tatmadaw. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la stricte application de la législation nationale, en particulier des dispositions de la loi de 2012 portant modification de la loi sur les villages et du Code pénal, afin que des peines d’emprisonnement suffisamment dissuasives soient imposées et appliquées aux auteurs dans tous les cas. A cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application concrète de la législation susmentionnée, y compris des statistiques sur les cas de travail forcé identifiés et les sanctions spécifiques imposées aux auteurs. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour s’assurer que, dans la pratique, le travail forcé n’est plus imposé par les autorités militaires ou civiles, ainsi que par le secteur privé – mesures telles que les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités des administrateurs locaux, du personnel militaire, des autres acteurs et du public. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés en ce qui concerne la modification de l’article 359 de la Constitution. Elle réitère son ferme espoir que toutes les mesures nécessaires seront prises sans délai pour assurer le plein respect de la convention afin que tout recours au travail forcé ou obligatoire au Myanmar soit complètement éliminé.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 108e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]
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