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Observation (CEACR) - adopted 2017, published 107th ILC session (2018)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Egypt (Ratification: 1958)

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Article 1 a) de la convention. Peines comportant une obligation de travailler imposées en tant que sanction de l’expression de certaines opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission attire l’attention du gouvernement depuis 1964 sur certaines dispositions en vertu desquelles des sanctions pénales comportant un travail pénitentiaire obligatoire (conformément aux articles 16 et 20 du Code pénal) peuvent être imposées dans des situations relevant de l’article 1 a) de la convention, notamment:
  • -l’article 178(3) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 536 du 12 novembre 1953 et par la loi no 93 du 28 mai 1995, visant la production ou la possession, en vue de leur distribution, de leur vente, etc., de toute image susceptible de porter atteinte à la réputation du pays du fait qu’elle est contraire à la vérité, qu’elle donne une description inexacte des choses ou qu’elle met l’accent sur des aspects inappropriés;
  • -l’article 80(d) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 112 du 19 mai 1957, concernant la diffusion délibérée à l’étranger par un citoyen égyptien de rumeurs ou d’informations tendancieuses relatives à la situation du pays dans le but d’altérer la réputation ou l’estime de l’Etat, de même que l’exercice de toute activité de nature à porter atteinte à l’intérêt national;
  • -l’article 98(a)bis et (d) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 34 du 24 mai 1970, qui interdit l’apologie, par quelque moyen que ce soit, de l’opposition aux principes fondamentaux du régime socialiste de l’Etat; l’incitation à l’aversion ou au mépris de ces principes; la création d’une association ou d’un groupe poursuivant l’un des objectifs susvisés ou l’appartenance à une telle association ou à un tel groupe, ou encore l’obtention d’une aide matérielle destinée à la poursuite de tels objectifs;
  • -les articles 98(b) et (b)bis et 174 du Code pénal relatifs à la propagation de certaines doctrines;
  • -l’article 102bis du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 34 du 24 mai 1970, concernant la diffusion ou la possession en vue de leur diffusion de fausses nouvelles, de rumeurs tendancieuses ou de propagande révolutionnaire pouvant porter atteinte à la sécurité publique, semer le trouble dans la population ou porter préjudice à l’intérêt public;
  • -l’article 188 du Code pénal concernant la diffusion de fausses nouvelles pouvant porter atteinte à l’intérêt public;
  • -la loi sur les réunions publiques (no 14 de 1923) et la loi sur les réunions (no 10 de 1914) instaurant des pouvoirs généraux d’interdiction ou de dissolution des réunions, y compris dans des lieux privés.
La commission a également noté antérieurement que le non-respect des dispositions suivantes est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale d’un an qui peut comporter l’obligation de travailler en détention:
  • -l’article 11 de la loi no 84/2002 relative aux organisations non gouvernementales interdit aux associations d’exercer toutes activités menaçant l’unité nationale, portant atteinte à l’ordre public ou incitant à une discrimination entre les citoyens sur la base de la race, de l’origine ethnique, de la couleur de la peau, de la langue, de la religion ou des croyances.
  • -les articles 20 et 21 de la loi no 96/1996 sur la réorganisation de la presse interdit les actes suivants: les attaques dirigées contre la foi religieuse d’autrui, l’incitation aux préjugés à l’égard d’un groupe religieux quel qu’il soit ou au mépris de ce groupe, et les attaques dirigées contre les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.
En outre, la commission a noté les explications du gouvernement dans son rapport de 2015 selon lesquelles la loi no 95 de 2003, qui a abrogé la loi no 105 de 1980 relative à la constitution des tribunaux de sécurité de l’Etat, a supprimé la peine de «travaux forcés» et que, en conséquence, les sanctions auxquelles la commission se réfère ont été modifiées. Le gouvernement a également ajouté que l’article 41 de la loi no 96/1996 sur la réorganisation de la presse, modifiée en vertu de la loi no 1 de 2012, prévoit que la détention au cours de l’instruction pour les infractions en matière de presse ne sera pas autorisée par le juge. Suite à la modification de 2012, l’article 20 du Code pénal a été également modifié pour prévoir que le juge doit prononcer une peine d’emprisonnement avec travail obligatoire chaque fois que la durée de la peine est supérieure à une année. Le gouvernement indique que compte tenu du fait que les sanctions infligées pour les infractions prévues à l’article 11 de la loi no 84 de 2002, de même que celles prévues aux articles 20 et 21 de la loi no 96/1996, sont inférieures à une année, elles ne relèvent pas de la convention.
En ce qui concerne les explications du gouvernement sur l’abolition de la peine de «travaux forcés», la commission a observé que l’article 20 du Code pénal prévoit toujours des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler. La commission a appelé l’attention du gouvernement sur le fait que le champ d’application de la convention ne se limite pas aux peines de «travaux forcés» ou aux autres condamnations à des peines de travail particulièrement pénibles par opposition à un travail pénitentiaire ordinaire. En effet, la convention interdit de recourir «à toute forme» de travail obligatoire en tant que sanction à l’égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.
Enfin, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 10 de 1914, qui octroie des pouvoirs généraux d’interdiction ou de dissolution de réunion, même dans les lieux privés, n’interdit que les rassemblements qui menacent l’ordre public et, par ailleurs, les sanctions prévues dans cette loi ne prévoient pas d’emprisonnement à moins que les personnes rassemblées ne détiennent des armes, ne commettent un acte entraînant mort d’homme, ou ne provoquent délibérément des préjudices aux bâtiments et aux organismes publics, ce qui constitue une violation de l’ordre public. En outre, la loi no 107 de 2013 sur le droit aux réunions publiques et aux rassemblements pacifiques a abrogé la loi no 14 de 1923 sur les réunions publiques. Selon le gouvernement, la loi no 107 ne sanctionne que les actes qui enfreignent les règles régissant la tenue des réunions, des défilés et des manifestations pacifiques.
Tout en prenant note des explications ci-dessus, la commission a observé que le Parlement européen et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies avaient fait référence à la loi no 107 de 2013 sur le droit de réunion publique et de rassemblement pacifique et avaient invité le gouvernement à cesser tous les actes de violence, d’intimidation et de censure contre les opposants politiques, les journalistes et les syndicalistes. A cet égard, la commission a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation ci dessus en conformité avec la convention.
La commission constate avec regret l’absence d’informations sur ce point dans le rapport du gouvernement. Elle note par ailleurs que, dans une lettre commune en date du 29 juillet 2016 (affaire no EGY7/2016), plusieurs organes des Nations Unies, dont le groupe de travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme (en application des résolutions 24/7, 24/5, 24/6, 25/13 et 25/18 du Conseil des droits de l’homme), ont souligné que la loi no 107 de 2013, qui limite sévèrement la liberté de réunion pacifique et d’association, est régulièrement invoquée par les autorités pour réprimer les manifestants avec une force excessive ou inutile pour disperser les manifestations et autres rassemblements publics non autorisés, interventions qui se soldent souvent par des blessures graves, des arrestations et parfois même la mort des manifestants. Selon le même document, près de 60 000 personnes ont été arrêtées pour des raisons politiques entre juillet 2013 et juillet 2016.
La commission note en outre que, dans son rapport présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies en juin 2017, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a réaffirmé sa profonde préoccupation face à la grave escalade l’an passé de la répression de la société civile indépendante, y compris les défenseurs des droits de l’homme, les avocats, les syndicats, les journalistes, les opposants politiques et les manifestants en Egypte. Le rapporteur spécial a reçu de nombreuses informations concernant les interrogatoires, le harcèlement judiciaire, la torture, les mauvais traitements, la détention arbitraire, les procès inéquitables, le gel des avoirs, les interdictions de voyager et les ordres de fermeture d’organisations de la société civile égyptienne. Il s’est déclaré particulièrement préoccupé par le fait que les personnes susmentionnées semblent être ciblées en raison de leurs d’activités pacifiques en faveur des droits de l’homme et de l’exercice légitime de leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association. Il souligne que de telles attaques peuvent être représentatives de l’intention des autorités d’intimider et de faire taire les médias, les syndicats, les organisations et les défenseurs des droits de l’homme opérant en Egypte (A/HRC/35/28/Add.3, paragr. 548).
Compte tenu de ce qui précède, la commission déplore que, malgré les commentaires qu’elle formule depuis plusieurs années, la loi no 10 de 1914 sur les réunions, la loi no 107 de 2013 sur le droit de réunion publique et de réunion pacifique, la loi no 84/2002 sur les organisations non gouvernementales, la loi no 1 de 2012 sur la réorganisation de la presse, ainsi que les articles 80, 98, 102, 174 et 188 du Code pénal, n’ont pas été modifiées pour être mises en conformité avec la convention. La commission rappelle à nouveau que les restrictions aux libertés et droits fondamentaux, y compris la liberté d’expression, peuvent relever de l’application de la convention si ces restrictions sont mises en œuvre par le biais de sanctions comportant du travail obligatoire. Se référant à son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 302), la commission rappelle que parmi les activités qui, en vertu de cette disposition, ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail forcé ou obligatoire figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que par exemple les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. Enfin, la commission souligne que la protection conférée par la convention ne se limite pas à l’expression ou à la manifestation d’opinions divergeant des principes établis. En effet, même si certaines activités visent à provoquer des changements fondamentaux dans les institutions de l’Etat, ces activités sont protégées par la convention, dès lors qu’elles s’exercent sans violence ou sans recourir à des moyens violents à cette fin. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes qui, sans recourir à la violence, expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi ne soient pas condamnées à des peines de prison comportant du travail obligatoire. La commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises pour mettre la législation susmentionnée en conformité avec la convention et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2018.]
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