ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Individual Case (CAS) - Discussion: 2016, Publication: 105th ILC session (2016)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Mauritania (Ratification: 1961)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Mauritania (Ratification: 2016)

Other comments on C029

Display in: English - SpanishView all

 2016-Mauritania-C029-Fr

Un représentant gouvernemental, rappelant que la Mauritanie, à l’instar de 2015 où elle avait été appelée à partager avec la commission les efforts déployés dans le cadre de l’application de la convention, a remercié la commission pour l’opportunité accordée afin d’informer sur les progrès réalisés et qui continuent de s’affermir dans le domaine de la promotion et de la défense des droits de l’homme, et en particulier en ce qui concerne la lutte contre les pratiques esclavagistes et les séquelles de l’esclavage. S’agissant du cadre juridique de lutte contre le travail forcé, conformément aux recommandations adoptées par la commission en juin 2015, celui-ci a été revu et modernisé afin de lutter pleinement contre ce fléau et être en mesure d’assurer la mise en œuvre de l’effectivité des objectifs assignés par le programme électoral du Président du pays engagé dans un combat pour l’égalité entre tous les citoyens, tout en veillant de manière particulière à rendre leur dignité aux victimes d’une certaine injustice de l’histoire. A cet égard, le rapport du gouvernement soumis à la commission d’experts en septembre 2015 indique la panoplie des textes juridiques nouvellement adoptés. Conformément aux modifications de la Constitution qui ont érigé l’esclavage en crime contre l’humanité et à la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, adoptée par le Conseil des ministres le 6 mars 2014, l’adoption en septembre 2015 d’une nouvelle loi (no 2015–031), portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes consolide les orientations du gouvernement et abroge la législation no 2007/48 de 2007 sur le même sujet. Conformément aux recommandations de la commission, cette loi introduit un ensemble de définitions qui en facilitent l’application en se basant sur une terminologie claire et précise relative à l’esclavage; elle incorpore les infractions prévues par les conventions internationales de lutte contre l’esclavage tout en affirmant leur imprescriptibilité; elle aggrave les sanctions relatives aux pratiques esclavagistes en les alignant sur celles prévues pour les crimes; et institue le locus standi pour des tierces parties, en particulier les organisations non gouvernementales (ONG), qui peuvent, désormais, ester en justice et se constituer partie civile dans les litiges auxquels l’application de la loi donnerait lieu, sans que cette qualité ne leur confère un avantage patrimonial. Cette importante réforme a été accompagnée par la mise en place de trois juridictions spéciales pour connaître des infractions relatives aux pratiques esclavagistes qui couvrent l’ensemble du pays, avec, pour l’ensemble du pays et pour les cinq dernières années, l’ouverture de 40 procédures portant sur le travail forcé. Certains de ces cas ont déjà connu leur dénouement à travers deux condamnations, d’autres ont fini par bénéficier de non-lieu, tandis que le reste est en cours de jugement. D’autres textes ont été adoptés afin de compléter cette nouvelle loi: la loi no 2015-033 du 10 septembre 2015, relative à la lutte contre la torture qui abroge et remplace la loi no 2013/011 du 23 janvier 2013, portant répression des crimes d’esclavage et de torture en tant que crimes contre l’humanité; la loi no 2015-034 du 10 septembre 2015 instituant un Mécanisme national de prévention de la torture (MNP); et la loi no 2015-030 du 10 septembre 2015 portant aide judiciaire. S’agissant de la recommandation demandant au gouvernement de faire appel à l’assistance technique du BIT pour l’aider à concrétiser ses efforts de lutte contre le travail forcé, suite à la demande officielle adressée par le Premier ministre au Directeur général du BIT en février 2015, un projet d’une durée de quatre ans, destiné à appuyer la mise en œuvre de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, a commencé le 2 mai 2016 et comporte l’identification de tous les axes d’intervention. Ce dernier vise notamment à appuyer et à accompagner les juridictions spéciales de répression des crimes liés à la pratique esclavagiste, les auxiliaires de justice, en particulier les avocats qui seront commis aux enquêtes qui seront menées sur l’incidence des pratiques esclavagistes et des séquelles de l’esclavage, mais aussi l’appui direct aux victimes. En ce qui concerne certains cas en instance devant les juridictions pour travail forcé et qui concernent les enfants, la Mauritanie a adopté, avec, le soutien du BIT, un plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants. Celui-ci sera mis en œuvre dès que les financements seront mobilisés, et contribuera à lutter, entre autres, contre les séquelles de l’esclavage. La Mauritanie fait partie des cinq premiers pays à avoir ratifié le protocole de 2014 relatif à la convention (no 029) sur le travail forcé, 1930. Au-delà de l’importance de l’initiative, il est à souligner qu’elle rencontre l’adhésion totale des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile à la démarche du gouvernement, adhésion qui fut constatée au cours de la large concertation entreprise avant la ratification du protocole et qui permettra à terme une mise en œuvre des dispositions de l’instrument dans les conditions les plus idoines. Par ailleurs, dans le cadre de la vulgarisation des textes juridiques relatifs à la lutte contre les pratiques esclavagistes, la Mauritanie a publié, en partenariat avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, un numéro spécial du Journal officiel sur les conventions internationales ratifiées en matière des droits de l’homme, ce qui permettra aux juridictions nationales d’intégrer ces instruments dans l’univers juridique interne. Malgré la grande importance du cadre juridique, celui-ci ne saurait à lui seul venir à bout du travail forcé et des séquelles de l’esclavage. Aussi, en application des recommandations adoptées par la commission en juin 2015, le gouvernement a pris des actions audacieuses dans le domaine socio-économique, notamment à travers la création d’une Agence nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage et pour l’insertion, l’agence Tadamoun. Ces actions s’articulent autour de la mise en œuvre d’un ensemble de projets dans les domaines prioritaires qui bénéficient directement aux populations souffrant des séquelles de l’esclavage afin de leur permettre de combler le retard dans les domaines suivants: l’éducation, avec la construction d’écoles; la santé; l’eau; l’habitat social; les barrages; le maraîchage; les aménagements agricoles; la modernisation des moyens de production avec la distribution de charrues à traction animale aux populations victimes des séquelles de l’esclavage ainsi que l’acquisition de tricycles dans les quartiers précaires; et des centaines d’activités génératrices de revenus mises en place. Ces initiatives ont sensiblement relevé le niveau de vie des populations, tout en créant de l’emploi décent, et peuvent être consultées sur le site de l’agence. S’agissant de la sensibilisation et de la conscientisation autour du travail forcé, le gouvernement a focalisé ses efforts sur la formation des autorités administratives, judiciaires et de sécurité, tout en impliquant les acteurs de la société civile évoluant dans le domaine de la promotion ou de la défense des droits humains. Plusieurs formations ont été organisées pour les hakem (préfets), les maires, les gendarmes, les policiers, les magistrats et les auxiliaires de justice sur la nécessité d’une application rigoureuse des dispositions du cadre juridique incriminant l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Par ailleurs, des caravanes de sensibilisation, visant en particulier les leaders religieux et les notabilités traditionnelles, ont sillonné le pays pour vulgariser la fatwa par laquelle la communauté des Oulémas réaffirme l’interdiction formelle et péremptoire de toute exploitation. Ces efforts de sensibilisation vont se poursuivre notamment à travers le projet d’appui à la mise en œuvre de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, financé par le BIT. Pour conclure, il convient de souligner l’engagement de la Mauritanie à la promotion et à la défense des droits humains, notamment à travers la mobilisation de tous les moyens et les efforts du pays à ces fins. La Mauritanie reste ouverte à tous ceux qui souhaiteraient contribuer à la réalisation de cette ambition.

Les membres travailleurs ont rappelé que la commission a fait preuve d’une grande patience à l’égard du gouvernement et ont observé la récurrence de ce cas devant la commission, signe d’une inertie inacceptable. La non-conformité aux dispositions de la convention ne peut être justifiée par le contexte politique et économique difficile du pays, un des derniers pays au monde où des formes traditionnelles d’esclavage persistent. L’extrême vulnérabilité des victimes de l’esclavage – et en particulier des groupes les plus vulnérables, tels que le groupe des Haratines – nécessite une forte mobilisation des autorités afin de les protéger. Malgré de nombreuses condamnations internationales, le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires afin de lutter contre ce fléau. En 2016, l’esclavage n’est plus tolérable, et il est urgent que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires afin de l’éradiquer définitivement. Tout en rappelant que la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes a démontré son inefficacité, la ratification du protocole relatif à la convention ainsi que l’introduction de certaines modifications à la législation est à saluer. La loi no 2015-031 du 10 septembre 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, qui abroge la loi no 2007/48, reprend l’ensemble des dispositions de cette dernière en y définissant plus en détail les éléments constitutifs de l’esclavage, du placement, du servage et de la servitude pour dettes, et prévoit des peines plus sévères; elle introduit également la possibilité pour les associations de défense des droits de l’homme ayant la personnalité juridique depuis au moins cinq ans, de se constituer partie civile. La loi no 2015-032 portant aide judiciaire permet de couvrir les frais normalement mis à la charge des parties pour les personnes indigentes ou à faible revenu. Tout en soulignant ces avancées positives qui visent à renforcer le dispositif législatif de lutte contre l’esclavage, il faut constater que la Mauritanie n’est pas en mesure de mettre en œuvre de manière effective et d’appliquer les réformes législatives, se heurtant à des difficultés souvent dues à l’insuffisance des mécanismes d’inspection du travail et du contrôle de l’application des lois. Le gouvernement est incapable de démontrer que les auteurs de crimes d’esclavages sont systématiquement poursuivis et condamnés, et que l’accès à la justice des victimes d’esclavage est garanti. Des actions spécifiques sont donc nécessaires afin de garantir cet accès aux victimes. Le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’identifier, de libérer et de réinsérer les victimes et de punir les responsables, en renforçant les mécanismes d’inspection du travail et du contrôle de l’application des lois. S’agissant des 40 cas de pratiques assimilées à l’esclavage qui ont été traités par les juridictions, ce nombre est insuffisant et il serait intéressant de savoir combien d’acquittements ont été prononcés dans ces cas. En ce qui concerne les sanctions appliquées aux crimes d’esclavage, celles-ci ne sont pas assez sévères. La première condamnation par le Tribunal spécial de lutte contre l’esclavage de Nema en mai 2016 est très décevante et fait l’objet d’une procédure d’appel. Il convient de rappeler qu’un niveau de sanctions dissuasif effectivement appliqué est essentiel pour éradiquer ces pratiques conformément à l’article 25 de la convention. La commission d’experts constate dans la pratique une réticence des autorités administratives et policières à enquêter sur les cas d’esclavage portés à leur connaissance par les associations. Les classements sans suite et les requalifications des faits restent fréquents, ce qui constitue un obstacle de plus à la poursuite des crimes d’esclavage.

S’agissant de l’agence Tadamoun, il est regrettable qu’elle néglige l’un de ses objectifs initiaux, celui de lutter contre l’esclavage, et se concentre particulièrement sur le développement de projets sociaux et économiques, ce qui ne répond qu’indirectement à la nécessité urgente de mettre un terme aux pratiques d’esclavage. L’agence souffre également du manque de moyens afin de lutter contre l’esclavage. Il est également regrettable que les ONG et les organisations syndicales soient écartées du fonctionnement de cette agence. Suite à la recommandation formulée par la commission en 2015 au sujet de la feuille de route pour l’élimination des vestiges de l’esclavage adoptée en mars 2014, le gouvernement a établi une Commission de suivi de la feuille de route et un Comité interministériel. Il n’est toutefois pas certain que ces deux organes entretiennent des contacts, et il ne semble pas non plus exister d’indicateurs clairs permettant de mesurer les changements intervenus. Il est à espérer que le gouvernement garantisse le bon fonctionnement de ces organes et qu’il prenne les mesures appropriées afin d’atteindre des résultats concrets et rapides dans la pratique. Se référant aux traditions et à la culture en tant que raisons profondes à la persistance de pratiques importantes et durables de l’esclavage en Mauritanie, il est essentiel que des transformations sociales profondes soient opérées au sein de la société et, en premier lieu, avec le chef du gouvernement, le Président, qui semble nier la réalité. Un tel déni de l’esclavage discrédite toute action entreprise par les autorités publiques pour endiguer ce fléau et nécessite une prise de conscience dans le chef de l’exécutif ainsi que la conduite d’une enquête nationale sur le travail en servitude afin de permettre aux autorités de saisir l’ampleur du phénomène et de définir les actions spécifiques à entreprendre. Le gouvernement doit également lancer de larges campagnes de promotion, de sensibilisation et d’éducation de l’opinion publique ainsi que des autorités administratives, policières et judiciaires pour combattre de manière systématique toute forme de travail forcé. Pour conclure, les autorités doivent s’abstenir d’entraver sans cesse le travail des associations, syndicats et ONG luttant contre l’esclavage, tant en Mauritanie qu’ailleurs. A cet égard, il est fort regrettable que le gouvernement ait fait obstruction à la délivrance du visa du Secrétaire général de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), qui a malheureusement été empêché de se présenter devant cette commission pour y exposer sa vision de la situation dans le pays.

Les membres employeurs ont exprimé leur accord avec la déclaration des membres travailleurs et ont fait remarquer que cette session de la commission est le prolongement de la discussion de l’année dernière. La Mauritanie a ratifié la convention en 1961 et, depuis lors, la commission a examiné le cas à de multiples reprises alors que la commission d’experts a fait 14 observations depuis 1997. Des missions de l’OIT ont également eu lieu dans le pays en 2004 et 2006 et une série de recommandations ont été adoptées en conséquence. Bien qu’il s’agisse du cas lié au travail forcé le plus fréquemment examiné, l’orateur souligne le manque de progrès accomplis. Par ailleurs, ils remercient le gouvernement pour les informations fournies à propos des mesures adoptées et pour ses efforts en vue de combattre l’esclavage. Ils prennent notamment acte de la loi de 2007, la loi de 2015, la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage adoptée en 2014 et la création d’un tribunal spécial. Ils prennent également note de la ratification du protocole relatif à la convention. Cependant, ils ont indiqué que bien que le gouvernement ait mis en place un cadre juridique complet, l’application de la loi dans la pratique demeure faible. Des questions existent quant à la volonté du gouvernement de s’acquitter de ses obligations. Les membres employeurs doutent que la ratification du protocole puisse résoudre le problème d’application persistant depuis 55 ans. Faisant référence à l’article 25 de la convention, les membres employeurs signalent l’absence de mise en œuvre adéquate et stricte des sanctions prévues par la loi. Dans ce contexte, ils estiment que les principales difficultés sont liées aux barrières culturelles et aux lacunes de l’administration nationale en termes de poursuites. Comme indiqué dans les observations de la commission d’experts, il demeure difficile pour les victimes de porter leur cas devant les instances administratives et judiciaires compétentes. Le fait que, sur 31 affaires, une seule a abouti à un emprisonnement est un exemple d’une application inefficace de la convention. Les membres employeurs ont conclu en rappelant au gouvernement que c’est son devoir de protéger les citoyens vulnérables.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Islande, la Norvège et la République de Moldova, a rappelé que, en vertu de l’accord de Cotonou, la Mauritanie s’est engagée à respecter la démocratie, la primauté du droit et les principes des droits de l’homme, dont l’abolition du travail forcé. Le respect de la convention est essentiel à cette fin. L’orateur a pris note de l’évolution positive qu’a été l’adoption en 2015 de deux nouvelles lois qui pénalisent et sanctionnent l’esclavage, établissent des tribunaux collégiaux chargés spécifiquement d’entendre des cas liés à l’esclavage et créent un système d’aide juridictionnelle. Il a salué le fait que 31 cas de pratiques esclavagistes ont été entendus par les tribunaux, certains ayant abouti à des sanctions, et que deux cas d’esclavage ont récemment débouché sur des peines de cinq ans d’emprisonnement. Le gouvernement est encouragé à poursuivre ses efforts pour garantir la pleine application de la nouvelle législation, y compris en donnant aux autorités compétentes les moyens suffisants pour mener rapidement et impartialement des enquêtes et entamer des procédures judiciaires. Il est essentiel de veiller à ce que les victimes d’esclavage puissent faire valoir leurs droits et que les auteurs soient dûment sanctionnés par des peines dissuasives. Le gouvernement est également encouragé à mettre en œuvre les 29 recommandations de la feuille de route qui a été adoptée en 2014 pour lutter contre les séquelles de l’esclavage et pour s’assurer que l’agence Tadamoun dispose des moyens nécessaires pour agir dans tous les domaines qui relèvent de son mandat. Il faut espérer que le gouvernement continuera d’informer la population et les autorités compétentes sur le problème de l’esclavage et sur la nécessité de l’éliminer. L’orateur a conclu en déclarant que l’UE reste prête à coopérer avec le gouvernement en vue de la promotion du développement et du plein exercice des droits humains.

Le membre travailleur du Sénégal a rappelé que le cas de la Mauritanie avait été très souvent évoqué devant la commission depuis 1990. La mission d’investigation qui s’est rendue dans le pays en 2006 a mis en avant une série de recommandations qui auraient dû permettre d’importantes avancées. En 2010, la commission avait exhorté le gouvernement à faire comprendre à la population et aux autorités qu’il était impératif d’éradiquer l’esclavage, notamment au travers de l’adoption, dans les plus brefs délais, d’un plan national de lutte contre l’esclavage, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, et de mesures pour s’assurer que les victimes puissent effectivement avoir accès aux autorités policières et judiciaires. Il faut dénoncer la mauvaise volonté du gouvernement – comme en témoigne son obstruction à la participation des travailleurs mauritaniens aux travaux de la commission – et la légèreté des sanctions prises à l’encontre de personnes se rendant coupables d’esclavage. Il convient de faire référence aux conclusions de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage qui avait noté, au sujet de la loi de 2007 portant incrimination de l’esclavage réprimant les pratiques esclavagistes, que, si la loi a fait l’objet d’une large publicité afin de favoriser la compréhension de la nature criminelle de l’esclavage, les victimes continuent à rencontrer des difficultés pour être entendues et pour faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités administratives que des autorités judiciaires. La création en 2013 de l’agence Tadamoun était un développement positif, mais la commission d’experts met en doute sa capacité à mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cette agence semble limiter son mandat aux séquelles de l’esclavage et non à la pratique continue de l’esclavage. Enfin, si l’introduction d’une feuille de route représentait un pas positif, celle-ci ne prévoit pas de mesures de protection spécifiques pour les victimes.

La membre travailleuse de la France a souligné que la ratification du protocole de 2014 relatif à la convention démontre que la Mauritanie souhaite se doter des instruments lui permettant de lutter contre l’esclavage et ses séquelles. Cependant, la mise en œuvre effective du protocole au travers de sa transcription législative, qui prévoit que les victimes peuvent faire valoir leurs droits, n’a pas porté ses fruits et des réticences existent aux niveaux policier et judiciaire. Les tentatives d’explications socio-économiques et culturelles des causes de l’esclavage et des difficultés à l’éradiquer ne rendent pas l’esclavage tolérable et ses conséquences ne sont pas combattues à la hauteur de leur ancrage dans la société. Dans ses observations à la commission d’experts, la Confédération syndicale internationale (CSI) s’est référée aux réticences des autorités à enquêter sur les cas d’esclavage et à la tendance des autorités judiciaires à classer les affaires sans suite et à requalifier des faits afin d’éviter l’application des dispositions incriminant l’esclavage. L’absence de conscience que la plupart des victimes ont de leur sort ainsi que les réticences des autorités sont les deux difficultés auxquelles il faut faire face, et l’agence Tadamoun peine à faire évoluer la situation malgré son mandat à cet effet, ce qui met en cause sa crédibilité. Les travailleurs mauritaniens soulignent régulièrement l’absence de volonté politique réelle et le gouvernement se rend fautif en continuant d’imposer la charge de la preuve aux victimes et en ne mettant pas en place une campagne de sensibilisation et d’éducation, tel que requis par l’article 2 du protocole. Certains secteurs de l’économie sont plus vulnérables et certains travailleurs sont plus exposés au risque. Le concours des inspecteurs du travail, des magistrats et des pouvoirs publics est nécessaire afin de satisfaire aux exigences du protocole. La mobilisation des autorités compétentes et de l’ensemble de la société est indispensable pour l’amélioration de la situation et pour le respect des droits des victimes. Enfin, l’existence d’institutions chargées de contrôler l’application de la législation, en droit et dans la pratique, est essentielle afin d’éviter que la législation reste lettre morte.

Le membre gouvernemental de l’Algérie a salué les efforts déployés par la Mauritanie pour mettre en œuvre les recommandations de la commission, notamment moyennant l’adoption de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, consolidant ainsi les mesures prises par le gouvernement depuis 2007. Selon les indications du gouvernement, d’autres textes portant application de la loi précitée ont été adoptés, notamment la loi de 2015 relative à la lutte contre la torture. L’orateur a également pris note de la coopération entre la Mauritanie et le BIT en vue de la concrétisation des efforts du gouvernement contre le travail forcé. De plus, des efforts socio-économiques ont été réalisés afin de lutter contre le travail forcé, notamment dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la modernisation des moyens de production.

Le membre travailleur de l’Argentine a indiqué que, depuis la ratification de la convention en 1961, la commission d’experts a formulé près de 20 observations et que la commission a examiné ce cas à de nombreuses reprises. Au niveau national, le gouvernement a adopté des lois, mis en œuvre des plans et des programmes et créé des organismes de lutte contre le travail forcé qui touche une grande partie de la population et qui, d’après les informations disponibles, demeure profondément ancré dans la société. Toutefois, ces mesures ont eu des effets limités et les victimes ont toujours du mal à faire valoir leurs droits et à obtenir réparation puisque les plaintes ne font pas l’objet d’enquête ou de suivi, et que, les autorités s’opposent, parfois, aux plaintes. Les victimes sont ainsi doublement victimes, à la fois de leurs oppresseurs et des autorités. La situation des enfants en domesticité qui travaillent pour un «maître» pour lequel ils effectuent des travaux domestiques ou des travaux liés à l’agriculture et qui n’ont que peu accès à l’éducation (phénomène similaire à celui du «criadazgo» en Amérique latine) constitue un crime abominable qui non seulement détruit l’enfance de ces enfants mais aussi conditionne la génération actuelle et les générations suivantes en perpétuant la pauvreté et la marginalisation. La commission rappelle depuis plusieurs années que, face à ce phénomène, le gouvernement devrait agir dans le cadre d’une stratégie globale couvrant tous les domaines de la sensibilisation et de la prévention, de la coopération avec la société civile, ainsi que de la protection et de la réinsertion des victimes. Ce processus devrait être participatif grâce à l’inclusion de larges pans de la société et bénéficier de l’aide de la communauté internationale. Le gouvernement devrait consulter les partenaires sociaux sur l’élaboration de plans permettant d’éliminer ce fléau une fois pour toutes, et les y associer, et se prévaloir de l’assistance technique du BIT. L’orateur a instamment prié le gouvernement de respecter l’engagement en faveur de la consolidation de l’état de droit pour assurer la permanence de la paix sociale. Tous les gouvernements devraient ratifier le protocole à la convention et s’engager à éradiquer le travail forcé, qui constitue une violation flagrante des droits de l’homme et de la dignité humaine.

La membre travailleuse de l’Italie a déclaré que, depuis l’abolition et la criminalisation de l’esclavage en 2007, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage a constaté que près de 20 pour cent des citoyens de Mauritanie sont toujours privés de leurs droits fondamentaux à la liberté et à l’autodétermination, ce qui fait de ce pays celui ayant le taux d’esclavage le plus élevé au monde. Le gouvernement a adopté en 2015 une loi qui érige l’esclavage en crime contre l’humanité et double la durée de la peine d’emprisonnement prévue pour ce délit. Or, du fait de la collusion des pouvoirs et des conflits d’intérêt existant au sein des pouvoirs politique, militaire et judiciaire, rien n’a été fait concrètement pour mettre fin à l’esclavage malgré la présence, en théorie, des mécanismes de mise en application requis à cet effet. L’élite du pays, qui contrôle toutes les institutions nationales, n’a pas intérêt à mettre fin à l’ordre établi sur lequel se fondent ses privilèges et sa prospérité. Au contraire, elle a intérêt à mettre sa puissance et son influence à profit pour écraser le mouvement abolitionniste, tout en niant par la même occasion l’existence même de l’esclavage. Au cours des dernières années, de nombreux militants et activistes du mouvement contre l’esclavage ont été arrêtés et condamnés, la police a utilisé les gaz lacrymogènes plus d’une fois lors de manifestations contre l’esclavage, et des participants ont été battus et torturés pendant leur détention. Les facteurs ethniques et historiques de l’esclavage sont toujours présents, et une partie de la population reste soumise à des traitements dégradants, sans salaire pour son travail, exclue de l’enseignement et de la politique, avec interdiction d’acquérir un bien fonds ou d’en hériter. Les femmes sont doublement discriminées, par leur servitude et par leur genre; elles sont fréquemment battues et violées par leurs «maître» qui les considèrent comme leur propriété. Leurs enfants sont souvent considérés également comme la propriété du «maître» qui peut les louer, les prêter ou les offrir en cadeau. Il est donc essentiel que la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage soit effectivement appliquée et que des poursuites pénales soient engagées contre les actes d’esclavage, notamment par le biais de l’Agence Tadamoun. Bien qu’elle ait bénéficié d’un financement public de 25 millions de dollars des Etats–Unis, la campagne de sensibilisation de la Tadamoun n’a eu guère d’impact. L’oratrice a conclu en priant instamment le gouvernement de cesser d’agir de manière ambiguë sur la question de la lutte contre l’esclavage afin de mettre un terme à ces abus quotidiens constants.

Le membre travailleur du Japon a remarqué que le gouvernement avait modifié et adopté des lois visant à faire des pratiques assimilables à l’esclavage un délit pénal et à les réprimer et qu’il avait adopté la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Il a souligné que ces réformes n’ont pas été réellement mises en œuvre et que de telles pratiques persistent dans le pays. Malgré le nombre élevé de personnes (4 pour cent de la population) asservies dans le domaine domestique ou agricole, peu de cas ont été traduits devant la justice. Concernant l’incident du 27 janvier 2012, quand les autorités locales de Dar Naim ont interdit la manifestation organisée par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), il a déclaré que le militantisme abolitionniste était sévèrement réprimé par les autorités. La Mauritanie a été un des premiers pays à ratifier le protocole relatif à la convention. Cependant, si les principes de la convention ne sont pas incorporés dans la législation et la pratique nationales, cela affaiblirait l’importance de la ratification et la valeur de tout instrument de l’OIT. L’orateur a demandé que la commission recommande au gouvernement de prendre des actions immédiates afin de rendre ses pratiques conformes à la convention et de respecter les obligations qui en découlent.

Le membre travailleur du Burkina Faso a rappelé que l’esclavage et la traite des personnes ont été reconnus comme des crimes contre l’humanité et que la Mauritanie a ratifié la convention en 1961: en conséquence, celle-ci doit être mise en œuvre avec la plus grande rigueur. Il s’est interrogé sur la question de savoir si la Mauritanie était consciemment ou inconsciemment encouragée par d’autres Etats dans ses pratiques. Lorsqu’un état ferme les yeux sur l’application de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947; de la convention (no 129) sur l’inspection du travail dans l’agriculture, 1969; et la convention (no 150) sur l’administration du travail, 1978, il expose gravement les inspecteurs et contrôleurs du travail à toutes formes de répression de la part des employeurs, ce qui encourage une culture d’impunité et des pratiques esclavagistes. Toute forme d’esclavage, qu’elle soit traditionnelle ou moderne, est condamnable. L’orateur a félicité les travailleurs mauritaniens pour le combat qu’ils mènent afin de faire cesser l’esclavage et a encouragé les autorités gouvernementales à aller de l’avant dans la mise en œuvre des conventions ratifiées. Il est nécessaire que le respect de la convention soit analysé dans les différents pays en relation avec, d’une part, les conditions de travail, l’indépendance et la protection des inspecteurs et des contrôleurs du travail et, d’autre part, le respect de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

Le représentant gouvernemental a rappelé la présentation exhaustive qu’il avait faite pour mettre en relief le chemin parcouru depuis la dernière session de la Conférence internationale du Travail et qui se focalisait sur les efforts fournis pour répondre aux recommandations de la commission. Les formes traditionnelles d’esclavage n’existent plus en Mauritanie, comme l’a rappelé le Président de la République, et tous les efforts sont faits pour lutter contre des formes modernes d’esclavage qui pourraient subsister. Si l’inspection du travail n’est pas suffisamment équipée pour pouvoir lutter efficacement contre le travail forcé, ces insuffisances sont un phénomène commun dans beaucoup de pays africains. Mais, depuis deux ans, des réformes ont été introduites pour pouvoir répondre aux exigences et aux impératifs d’un contrôle méticuleux de l’application de la législation du travail dans ce domaine. Un projet d’appui au renforcement des institutions du travail est en train d’être mis en place avec l’appui du BIT. Des autorités administratives ou de sécurité qui n’agiraient pas de la manière prévue par la loi quand un cas d’esclavage est porté à leur connaissance, s’exposeraient à des sanctions pénales et disciplinaires. Contrairement à ce qui a été dit, la société civile est bien représentée au sein de l’agence Tadamoun. Des poursuites et des procédures judiciaires ont bien été mises en œuvre. L’orateur a rappelé qu’il avait porté à la connaissance de la commission les cas qui avaient aboutis comme ceux qui avait donné lieu à une relaxe pour faute de preuves. Si des travailleurs mauritaniens n’ont pas obtenu leur visas à temps pour venir participer à la Conférence, cela n’est pas imputable au gouvernement qui a rempli ses obligations. D’ailleurs, une partie de la délégation gouvernementale a été confrontée au même problème. L’orateur a conclu en rappelant les progrès faits depuis 2015. Tous les efforts sont mobilisés pour combattre ce fléau et il est à regretter que le cas de la Mauritanie soit discuté encore une fois devant la commission mais a indiqué qu’il existait sans doute à cela des raisons exogènes à rechercher ailleurs.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement des informations complètes qu’il a fournies sur les mesures qu’il a prises depuis juin 2015, y compris l’adoption de la nouvelle législation qui prévoit des sanctions plus sévères et la ratification du protocole relatif à la convention. Malgré les efforts qu’il a déployés au cours de l’année passée, et compte tenu de la situation que la commission examine depuis de nombreuses années, beaucoup reste à faire dans le pays. La situation reste très préoccupante en raison de la vulnérabilité des victimes d’esclavage. Dans ses conclusions, la commission devrait demander instamment au gouvernement de: i) mettre effectivement en œuvre la nouvelle loi, qui remplace la loi de 2007; ii) mettre effectivement en œuvre le plan national et la feuille de route pour lutter contre les séquelles de l’esclavage, y compris en prévoyant une aide et des mesures complètes pour les victimes; iii) doter de ressources financières suffisantes l’agence Tadamoun et les inspecteurs du travail pour qu’ils puissent faire le nécessaire à ce sujet; iv) poursuivre son programme visant à sensibiliser la population, les autorités centrales, les autorités religieuses et le pouvoir judiciaire; et v) demander l’assistance technique continue du BIT. Le gouvernement est également prié instamment de fournir des informations détaillées que la commission d’experts examinera à sa session de 2016 sur la mise en œuvre des mesures d’application, y compris des statistiques sur le nombre de cas ayant fait l’objet d’enquêtes et de poursuites.

Les membres travailleurs ont relevé les efforts déployés par le gouvernement mauritanien pour se doter d’un arsenal juridique le plus complet possible pour lutter contre l’esclavage. Ils ont salué en particulier la ratification rapide du protocole relatif à la convention, tout en regrettant profondément l’incapacité du gouvernement à mettre en œuvre et à appliquer les instruments juridiques dont il se dote. Consacrer des droits sans en assurer l’exercice effectif est inutile: le gouvernement doit prendre les mesures appropriées pour que des résultats concrets et rapides puissent être constatés. Une première étape serait de reconnaître formellement l’existence de l’esclavage en Mauritanie après qu’une collecte de données détaillées sur la nature et l’incidence de l’esclavage ait été effectuée, comme cela a été recommandé par la commission d’experts. Le gouvernement devrait également établir des procédures afin d’assurer le suivi et évaluer la mise en œuvre des efforts en vue d’éradiquer l’esclavage. L’application stricte de la législation contre l’esclavage de 2015 est nécessaire afin d’assurer que des enquêtes soient diligentées et que les responsables de pratiques d’esclavage soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnelles au crime commis. Le renforcement des services d’inspection du travail et des mécanismes de contrôle de l’application de la législation sont indispensables pour réaliser cet objectif. La justice doit être dotée de moyens suffisants afin que les poursuites soient traitées dans un délai raisonnable. Les autorités chargées de ces poursuites doivent être formées et le public doit être sensibilisé aux infractions en lien avec l’esclavage. Le gouvernement devrait mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Il faut également soutenir l’agence Tadamoun et permettre à la société civile et aux partenaires sociaux de participer à ses travaux. Le développement et la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation à l’adresse du grand public, des victimes de l’esclavage, de la police, des autorités administratives et judiciaires et des autorités religieuses est une mesure indispensable à la lutte contre les pratiques d’esclavage ancrées dans la culture et la tradition. Afin de promouvoir l’intégration économique et sociale des personnes sujettes à l’esclavage, les autorités doivent garantir l’accès aux ressources et services de l’Etat aux groupes qui y sont vulnérables. Les autorités doivent collaborer avec les associations, syndicats et ONG luttant contre l’esclavage et cesser d’entraver leur travail. Le gouvernement doit recourir à l’assistance technique du BIT et accepter une mission de contact direct afin d’être assisté dans les nombreuses actions à entreprendre. Les membres travailleurs ont exprimé l’espoir que le gouvernement fera rapport à propos des mesures prises, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage, d’ici à la réunion de la commission d’experts de 2016. Enfin, pour conclure, les membres travailleurs ont vivement déploré l’absence des travailleurs mauritaniens qui avaient à cœur de partager leur expérience de vive voix avec la commission.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement, mais s’est dite profondément préoccupée par le fait que, dans la pratique, le gouvernement doive encore prendre les mesures voulues pour combattre l’esclavage, bien que le gouvernement ait été à de nombreuses reprises appelé devant la commission. Elle est en particulier préoccupée par le fait que le gouvernement a engagé très peu de poursuites à l’égard des auteurs du crime d’esclavage et qu’il a imposé des sanctions pénales légères qui n’ont eu que peu ou pas d’effet dissuasif.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié instamment le gouvernement de:

  • - appliquer strictement la loi de 2015 contre l’esclavage pour garantir que les responsables de pratiques esclavagistes font effectivement l’objet d’enquêtes, qu’ils sont poursuivis, sanctionnés et purgent une peine proportionnée au crime commis;
  • - renforcer l’inspection du travail et les autres mécanismes d’application de la loi afin de combattre l’imposition du travail forcé;
  • - veiller à ce que les poursuites engagées auprès des tribunaux spéciaux pour des crimes d’esclavage soient traitées dans les délais requis, et à ce que les responsables de l’application des lois dans tout le pays soient formés à l’identification des actes commis et à leur renvoi, et à ce que des campagnes de sensibilisation soient menées sur les condamnations encourues;
  • - mettre pleinement en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, y compris en apportant un soutien complet aux victimes et en engageant des poursuites contre les auteurs de tels actes. Cela devrait comprendre:
    • – un renforcement des capacités des autorités en matière de poursuites et d’administration du système judiciaire quant à l’esclavage;
    • – des programmes de prévention de l’esclavage;
    • – des programmes visant spécifiquement à permettre aux victimes d’esclavage de réintégrer la société;
    • – des programmes de sensibilisation;
  • - faciliter l’intégration sociale et économique complète des personnes soumises à l’esclavage dans la société, y compris les Haratine et d’autres groupes marginalisés ayant été soumis à l’esclavage et à des pratiques assimilées à l’esclavage, et garantir qu’elles ont accès aux services et aux ressources;
  • - fournir l’appui nécessaire à l’Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté, ou «Tadamoun», afin que ses programmes mettent particulièrement l’accent sur la sensibilisation des communautés et personnes soumises à l’esclavage, sur l’appui à ces dernières et sur leur autonomisation; à associer les partenaires sociaux à la lutte contre l’esclavage par le biais de ces programmes et, en particulier, les activités de l’agence Tadamoun;
  • - élaborer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation en direction du grand public, des victimes d’esclavage, de la police, et des autorités administratives, judiciaires et religieuses;
  • - recueillir des données précises sur la nature de l’esclavage et les cas d’esclavage en Mauritanie, comme l’a recommandé la commission d’experts en 2016, et établir des procédures de contrôle et d’évaluation des efforts déployés pour mettre fin à l’esclavage.

A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT et une mission de contacts directs. Elle a également demandé au gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations, en particulier celles concernant l’application de la loi de 2015 contre l’esclavage, à la prochaine réunion de la commission d’experts, en novembre 2016.

La commission a également pris note avec préoccupation du fait que le gouvernement n’a pas fait en sorte que des visas soient délivrés aux délégués travailleurs pour leur permettre de participer aux travaux de la commission.

Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté avec intérêt les conclusions de la commission. La plupart des recommandations formulées ont déjà été mises en œuvre ou sont en voie de l’être. Ces questions font partie des priorités du gouvernement, qui continuera à travailler pour les résoudre. Pour ce qui est des allégations d’obstruction dans la délivrance de visas aux représentants des travailleurs à la Conférence, le gouvernement a bien fait le nécessaire dans les délais impartis. A cet égard, dans l’intérêt du développement normal du mouvement syndical et de la promotion du dialogue social auquel le gouvernement est profondément attaché, il serait souhaitable que les parties intéressées s’inspirent des principes de la Résolution concernant l’indépendance du mouvement syndical adoptée en 1952 par la Conférence, notamment en ce qu’elle précise que, «lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d’établir des relations avec des partis politiques ou d’entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques». La Mauritanie a donné les preuves tangibles de son engagement résolu à se conformer aux normes de l’OIT comme priorité absolue.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer