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Direct Request (CEACR) - adopted 2012, published 102nd ILC session (2013)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Philippines (Ratification: 2005)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mesures concernant l’application de la législation. La commission a noté que le Conseil interinstitutions de lutte contre la traite (IACAT) est chargé de veiller à l’application de la loi no 9208 de 2003 contre la traite des êtres humains. Elle a demandé de fournir des informations sur toutes procédures engagées sur les fondements de la loi no 9208 et de communiquer copie du dernier rapport de l’IACAT.
La commission note que, dans un rapport daté des 20 et 22 mars 2012 intitulé «Les normes fondamentales du travail aux Philippines», la Confédération syndicale internationale (CSI) déclare que des hommes, des femmes et des enfants sont victimes d’une traite sévissant à l’intérieur des Philippines et hors de ce pays, axée sur la prostitution, le travail domestique contre le gré des intéressés et le travail forcé dans certaines industries et activités manufacturières, la pêche, l’agriculture et la construction. Selon ce rapport, si le gouvernement a affecté des crédits aux activités d’une unité spéciale contre la traite et assuré une formation spéciale aux magistrats et aux membres des corps en uniforme, une certaine incapacité, chez beaucoup de juges, procureurs, agents des services sociaux et fonctionnaires en uniforme, d’appréhender le phénomène de la traite et la législation dirigée contre ce crime reste un obstacle à l’efficacité de la répression.
La commission accueille favorablement les informations contenues dans le rapport de l’IACAT (joint au rapport du gouvernement), d’après lesquelles, de 2003 à 2011, un total de 1 056 affaires liées à la traite des personnes a été répertorié: 784 affaires ont été soumises aux tribunaux et 272 étaient en attente d’une décision du Département de la justice. Sur l’ensemble des affaires soumises aux tribunaux, on dénombre 56 condamnations, concernant 62 personnes. Le gouvernement indique en outre que la première condamnation pour des faits de traite à des fins de travail forcé a été enregistrée en février 2011, le coupable ayant été condamné à vingt ans d’emprisonnement et une amende d’un million de pesos (environ 23 620 dollars des Etats-Unis). De plus, le rapport de l’IACAT indique qu’avec le soutien de l’OIT, le Département de la justice apporte actuellement la dernière main à son manuel sur l’investigation et la poursuite des faits de traite d’êtres humains à des fins de travail forcé. Toujours d’après le rapport de l’IACAT, 20 procureurs du Département de la justice ont été affectés au traitement des affaires de traite d’êtres humains, et ce département a publié en 2010 deux circulaires enjoignant à tous les procureurs de traiter ces affaires de manière prioritaire, afin qu’elles soient jugées plus rapidement et que le taux des condamnations progressent. L’IACAT indique en outre dans son rapport qu’il a constitué huit équipes spéciales contre la traite, dirigées chacune par un procureur du Département de la justice. Ces équipes spéciales assurent une mission de surveillance et de suivi en coordination avec les autorités locales responsables de l’application des lois et prennent toutes mesures propres à l’ouverture d’enquêtes et l’opération d’arrestations. Il signale enfin que ces équipes spéciales ont mené quatre opérations de libération de victimes à Manille et Pasay, et intercepté puis assisté 375 personnes présumées victimes de la traite à l’aéroport international Ninoy Aquino, de même que 268 femmes à Angeles City (avant d’inculper six personnes).
La commission note que, selon la compilation établie par le Haut Commissariat aux droits de l’homme en vue de l’examen universel périodique du 30 mars 2012, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, l’Equipe de pays des Nations Unies aux Philippines et l’UNICEF ont tous les trois exprimé leurs préoccupations devant le nombre particulièrement élevé de femmes et d’enfants toujours victimes d’une traite axée sur l’exploitation sexuelle et le travail forcé (A/HRC/WG.6/13/PHL/2, paragr. 25). En conséquence, tout en prenant dûment note des mesures prises, la commission prie le gouvernement de poursuive les efforts déployés contre la traite des personnes et de veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées sur les faits de cette nature, et que leurs auteurs soient l’objet de poursuites en justice énergiques. Elle demande que le gouvernement continue de fournir des informations sur les mesures prises par l’IACAT et sur leurs résultats, notamment sur le nombre des enquêtes menées, des poursuites initiées et des condamnations et des peines prononcées.
2. Complicités de dépositaires de l’autorité publique avec des auteurs de faits de traite. La commission note que, selon le rapport de la CSI, la police a souvent des complicités avec des auteurs de faits de traite et que certains établissements abritant de telles activités sont délibérément soustraits à ces contrôles ou enquêtes. Ce rapport affirme que des fonctionnaires de police laissent des criminels s’échapper lors des opérations d’interpellation ou même avertissent ces criminels de l’imminence d’une telle opération en échange de pots-de-vin. Et ce rapport d’ajouter que, s’il arrive que des policiers soient suspendus pour des faits de complicité avec les activités des trafiquants, aucun n’est jamais condamné.
A cet égard, la commission note que, d’après le rapport de l’IACAT, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures contre la corruption liée à la traite. Ce rapport indique ainsi que des procédures administratives ont été engagées contre 20 fonctionnaires de l’immigration de l’aéroport international de Diosdado Macapagal, procédures qui ont abouti à deux inculpations pénales pour traite et corruption, et une procédure pénale contre un agent du National Bureau of Investigation. Toujours d’après le rapport de l’IACAT, un fonctionnaire de l’immigration de l’aéroport international de Mactan-Cebu a été licencié pour complicités avec des trafiquants et deux procédures administratives ont été engagées contre des salariés de l’Aéroport international Ninoy Aquino. La commission est préoccupée par les faits présumés de complicités de dépositaires de l’autorité publique avec les milieux de la traite et elle prie instamment le gouvernement d’intensifier les efforts déployés pour combattre ce phénomène. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dépositaires de l’autorité publique convaincus de complicités avec des criminels de la traite fassent l’objet de poursuites et que des sanctions pénales suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises à cet égard.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. 1. Vulnérabilité des travailleurs migrants et imposition de travail forcé. La commission note que, d’après le rapport de la CSI, une grande partie des 2 millions de ressortissants philippins qui travaillent à l’étranger sont des travailleuses domestiques employées en Asie et au Moyen-Orient, qui sont fréquemment confrontées à toutes sortes d’abus: non-paiement du salaire, privation de nourriture, confinement forcé sur le lieu de travail, et même sévices physiques, voire sexuels. Selon ce rapport, les organisateurs de cette traite se présentent comme des recruteurs ou recourent à des pratiques frauduleuses de recrutement, extorquant des commissions, recourant à la violence, soustrayant documents de voyage et salaires, se livrant à des intimidations psychologiques ou recourant à d’autres moyens pour contraindre leurs victimes à travailler. Selon la CSI, les magistrats ont souvent du mal à distinguer les crimes relevant de la traite aux fins d’exploitation du travail d’autrui des simples violations du contrat de travail, et certains soutiennent même que le recours à la force est un élément indispensable pour justifier les poursuites dans une affaire présumée de traite tandis que, dans la réalité, l’abus de la vulnérabilité des victimes est une situation des plus courantes.
A cet égard, la commission note que, d’après le rapport de l’IACAT, l’Administration philippine pour l’emploi outre-mer organise dans tout le pays des séminaires sur le recrutement illégal et la traite des personnes ainsi que, pour les travailleurs philippins qui s’apprêtent à partir pour l’étranger, des séminaires d’orientation. Le gouvernement indique que 659 séminaires de cette nature ont eu lieu en 2009 et 841 en 2010. L’IACAT indique en outre que des campagnes de sensibilisation ont été déployées au sujet des risques inhérents aux migrations et du problème de la traite.
La commission note que, dans ses observations finales du 22 mai 2009, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille note avec préoccupation qu’en dépit des efforts déployés par les Philippines pour protéger les droits des travailleurs migrants à l’étranger, les abus et l’exploitation se poursuivent, en particulier à l’égard des migrantes. Le comité s’est également déclaré préoccupé par la persistance des pratiques d’agences de recrutement privées qui exigent des commissions considérables pour leurs services, agissant en tant qu’intermédiaires pour des recruteurs étrangers, système qui ne ferait qu’aggraver la vulnérabilité des migrants. Enfin, il exprime son inquiétude devant le nombre particulièrement élevé de travailleurs philippins victimes de la traite à l’étranger (CMW/C/PHL/CO/1, paragr. 31). Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’intensifier ses efforts pour protéger les travailleurs migrants vulnérables de l’imposition de travail forcé, notamment par des mesures destinées à combattre les pratiques d’exploitation de certaines agences de recrutement privées. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour prévenir l’exploitation de travailleurs migrants à travers des pratiques qui relèvent du travail forcé, et sur les résultats obtenus. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer la capacité des fonctionnaires chargés du contrôle de l’application de la loi, notamment en leur octroyant des formations adéquates.
2. Liberté des membres du personnel de carrière des forces armées de mettre fin à leur engagement. La commission avait demandé au gouvernement d’indiquer quelles sont les dispositions régissant le droit des membres du personnel de carrière des forces armées de mettre un terme à leur engagement de leur propre initiative.
Le gouvernement déclare que le décret présidentiel no 1638, tel que modifié par le décret présidentiel no 1650, instaure un système de retraite pour le personnel militaire des forces armées des Philippines. La commission note qu’aux termes de l’article 16 du décret présidentiel no 1638, un officier peut mettre fin à son engagement et il sera dégagé de ses obligations dès que sa démission aura été acceptée par le Président. La commission observe donc qu’en vertu de cet article, la démission d’un officier peut être rejetée. Elle rappelle à cet égard que le personnel de carrière des forces armées, qui s’est engagé volontairement, doit avoir le droit de mettre fin à son engagement en temps de paix au terme d’un délai raisonnable, que ce soit à des intervalles spécifiés ou moyennant un préavis. La commission exprime l’espoir que des dispositions seront prises afin que les membres du personnel de carrière des forces armées jouissent pleinement du droit de mettre fin à leur engagement en temps de paix de leur propre initiative, au terme d’un délai raisonnable, que ce soit à des intervalles spécifiés ou moyennant préavis, conformément à la convention. Elle demande que le gouvernement communique les informations disponibles sur l’application dans la pratique de l’article 16 du décret présidentiel no 1638, en précisant notamment le nombre des démissions acceptées et de celles qui ont été refusées et, pour ces dernières, les motifs d’un tel refus.
Article 2, paragraphe 2 a). Lois sur le service militaire obligatoire. Le gouvernement a indiqué précédemment que les Philippines n’ont pas de service militaire obligatoire. Cependant, la commission a noté qu’en vertu des articles 3 et 51 de la loi sur la défense nationale, le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens des Philippines. Elle a également noté qu’en vertu des articles 3 et 7 de la loi de la République no 7077 (portant organisation, administration, formation, entretien et utilisation de la force armée citoyenne des forces armées des Philippines), la mission de la force armée citoyenne comprend, outre la sauvegarde de la sécurité de l’Etat, l’apport d’une aide au développement économique et social. En vertu de l’article 33 de la même loi, les citoyens de sexe masculin âgés de 18 à 35 ans sont appelés à effectuer une formation et un service actif pour une période allant jusqu’à vingt-quatre mois, divisée en une période de formation n’excédant pas six mois et une période de service actif n’excédant pas dix-huit mois. Tout réserviste réfractaire à la conscription pour la formation ou le service obligatoire encourt une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de douze mois (art. 68).
La commission note que le gouvernement déclare que la Constitution des Philippines de 1987 abroge les articles 3 et 51 de la loi sur la défense nationale. La commission observe à cet égard que l’article 2, alinéa 4, de la Constitution proclame que tous les citoyens seront tenus, dans les conditions fixées par la loi, d’accomplir un service individuel, militaire ou civil. La commission observe en conséquence que la législation des Philippines autorise le recrutement obligatoire. De plus, elle note que le gouvernement indique que les projets de développement économique et social des forces armées des Philippines incluent des projets de lutte contre la pauvreté et de création d’infrastructures, notamment la construction de bâtiments scolaires, de centres de santé, de routes, de bâtiments polyvalents, de ponts et de systèmes d’électrification et d’adduction d’eau.
La commission rappelle à cet égard qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention, tout travail ou service exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire ne rentre dans les exceptions admises par cet instrument que si ledit travail ou service n’est accompli qu’à des fins purement militaires. La commission prie le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour assurer, en droit et dans la pratique, que tout travail ou service exigé dans le cadre d’une conscription obligatoire ne puisse avoir que des fins purement militaires. Elle demande que le gouvernement donne des informations sur les mesures prises pour assurer la conformité de la législation avec la convention à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire. La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 1727 du Code administratif révisé, les personnes condamnées peuvent être obligées à travailler dans la prison ou aux abords de celle-ci. Elle avait prié le gouvernement de communiquer copie du manuel du Bureau de l’administration pénitentiaire (chap. 2 «Travail en prison», art. 1-9).
La commission note que le chapitre 2, article 2, du manuel du Bureau de l’administration pénitentiaire dispose qu’après sa condamnation le détenu valide peut être tenu de travailler au moins huit heures par jour (sauf le dimanche et les jours fériés) dans la prison ou aux abords de celle-ci, dans des bâtiments et des terrains publics ou pour des ouvrages routiers ou autres ouvrages publics du gouvernement national. Aux termes de l’article 9 du chapitre 2, les programmes de travail seront menés dans les prisons de manière à entretenir une bonne habitude de travail et une estime de soi chez les détenus et non comme un moyen d’exploiter une main-d’œuvre captive bon marché ou comme une punition. Le gouvernement déclare que le Bureau de l’administration pénitentiaire assure un suivi étroit et continuel des détenus, afin de garantir la protection de leurs droits et leur bien-être, et afin d’assurer que les personnes incarcérées par suite d’une condamnation ne sont pas concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. La commission observe à cet égard que le travail en prison autorisé par le chapitre 2, article 2, du manuel du Bureau de l’administration pénitentiaire s’effectue apparemment à l’intérieur d’une prison ou sous la supervision d’une autorité publique pour les projets gouvernementaux.
Article 25. Sanctions pénales en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire. La commission avait pris note des dispositions du Code pénal qui punissent de peines d’emprisonnement et d’amendes les infractions telles que l’asservissement (art. 272), l’obtention de services sous la contrainte au titre du règlement de dettes (art. 274) et la coercition aggravée (qui recouvre notamment le fait de contraindre une personne, par la violence ou l’intimidation, à agir contre sa volonté) (art. 286). Elle avait demandé de communiquer des informations sur toute procédure invoquant l’une quelconque de ces dispositions, notamment les décisions des juridictions compétentes, avec indication des peines imposées.
La commission prend note de la décision de la Cour suprême de décembre 2009 relative à des faits de coercition aggravée qui a été jointe au rapport du gouvernement, mais elle observe que cette affaire a trait à une éviction forcée de personnes occupant des locaux en location et non à des faits de travail forcé ou obligatoire. La commission prie le gouvernement de fournir dans ses prochains rapports des informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations et les sanctions prononcées sur la base des articles 272, 274 et 286 du Code pénal.
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