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Individual Case (CAS) - Discussion: 2009, Publication: 98th ILC session (2009)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Democratic Republic of the Congo (Ratification: 2001)

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Individual Case
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Un représentant gouvernemental a indiqué que le Secrétaire général des Nations Unies, dans son rapport au Conseil de sécurité du 10 novembre 2008 portant sur les enfants et les conflits armés, a constaté une diminution du nombre d’allégations de violences graves commises contre des enfants au cours de la période allant de juin 2007 à septembre 2008 dans le district d’Ituri, les provinces du Nord et du Sud-Kivu et du Nord Katanga. Le gouvernement s’engage à mettre fin à l’impunité des personnes responsables de violences commises contre les enfants comme le démontrent les poursuites engagées à l’encontre des auteurs de ces crimes devant les instances judiciaires nationales, militaires et civiles. Le gouvernement collabore avec la Cour pénale internationale dans le cadre des poursuites contre des individus pour crimes de guerre et en particulier pour l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans. Le gouvernement considère que les accords récemment signés à Goma avec le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), la détention de Laurent Nkunda et les offensives menées conjointement par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Forces de défenses rwandaises (FDR) contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), pourraient également avoir des retombées positives sur la situation des enfants en République démocratique du Congo.

En outre, l’exploitation minière artisanale s’est considérablement développée en raison de la détérioration de la situation socio-économique et des conflits armés. De nombreux enfants travaillent dans les mines artisanales dans diverses provinces minières de la République démocratique du Congo (Kasaï oriental, Kasaï occidental, Katanga, Province orientale, Nord et Sud-Kivu). S’agissant des données statistiques, l’orateur s’est référé aux informations contenues dans le rapport soumis par le gouvernement en mars 2009.

Le gouvernement se félicite des mesures prises au niveau législatif et réglementaire, à savoir: l’adoption de la loi no 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, qui vient renforcer la protection de ce dernier contre toutes formes de violences. Cette loi est complétée par le décret no 066 du 9 juin 2000 portant démobilisation et réinsertion des groupes vulnérables présents au sein des forces combattantes ainsi que par trois décrets présidentiels portant création des institutions chargées du processus de Désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR).

Au niveau institutionnel, le Comité national de lutte contre les pires formes de travail des enfants existe depuis 2006 avec pour mission d’élaborer la stratégie et le Plan d’action national de lutte contre les pires formes (PNLP) et d’assurer le suivi et l’évaluation des actions en faveur des enfants exploités et victimes de violences en collaboration avec les ONG nationales et internationales et les agences du système des Nations Unies. Ceci révèle l’engagement du gouvernement dans ce domaine. En outre, des comités provinciaux de lutte contre le travail des enfants ont été créés.

Au niveau des politiques, un plan d’action national de lutte contre le travail des enfants est en cours d’élaboration avec l’appui du BIT. Il en est de même en ce qui concerne la politique nationale de l’emploi et de la formation professionnelle dont l’objectif est le plein emploi et l’amélioration des conditions de vie des parents. L’orateur a également fait référence à l’élaboration et à l’adoption du plan d’action contre les violences sur les enfants ainsi qu’à la mise en oeuvre du plan d’action national pour l’emploi des jeunes.

Au niveau opérationnel, les FARDC ont mis fin au recrutement systématique d’enfants, conformément à la politique militaire et aux règles applicables en droit international. Depuis 2004, plus de 31 000 enfants sont sortis des groupes armés. La plupart ont bénéficié des programmes de réunification familiale et de réinsertion sociale et économique avec l’appui de plusieurs organisations internationales, dont l’OIT. Le Bureau a en effet exécuté deux projets successifs de prévention du recrutement des enfants et de réintégration des enfants sortis des groupes armés. Actuellement, plusieurs projets émanant d’organisations nationales et internationales sont en cours d’exécution et visent la prévention du travail des enfants dans les mines et la réintégration pour l’éducation des enfants qui ont cessé de travailler dans les mines.

L’orateur a conclu en indiquant que les deux projets menés à l’est du pays entre 2003 et 2009, et visant la prévention et la réinsertion des enfants démobilisés, ont obtenu des résultats encourageants. Par ailleurs, le gouvernement a soumis une demande au Bureau en vue de développer une coopération essentiellement orientée vers des actions de sensibilisation et de mobilisation sociale à tous les niveaux sur les méfaits du travail des enfants et ses conséquences, ainsi que sur les possibilités de mener des enquêtes qui permettront de rendre disponibles les informations statistiques fiables qui font défaut aujourd’hui.

Les membres employeurs ont indiqué que, depuis 2006, la commission d’experts a examiné chaque année les cas de violation par la République démocratique du Congo de la convention no 182, que le gouvernement a ratifiée en 2001. En 2007 et 2008, elle a réitéré ses commentaires de 2006. Le cas de la République démocratique du Congo est marqué par les hostilités armées qui dominent depuis 1988 et par la poursuite de la guerre civile dans certaines provinces. Dans ses commentaires, la commission d’experts fait état de graves violations de toutes les dispositions de l’article 3 de la convention, notamment l’enlèvement d’enfants, la vente d’enfants et leur traitement assimilé à l’esclavage, l’exploitation sexuelle, le recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés, et le travail dangereux des enfants dans les mines.

Comme l’a confirmé le représentant gouvernemental, la majorité des conclusions de la commission d’experts étaient fondées sur les enquêtes et les rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies et du Secrétaire général des Nations Unies, tels que le rapport de 2007 sur l’utilisation d’enfants dans des conflits armés. Les rapports montrent que, ces dernières années, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ont été utilisés dans des conflits armés. Le Secrétaire général des Nations Unies a en outre constaté que les enfants qui ne font pas partie des troupes recrutées et qui ont été enlevés et recrutés de force se retrouvent souvent sur les fronts de l’armée gouvernementale ou sur ceux d’autres groupes militaires ou de rébellion. Selon les informations relevées par la commission d’experts, complétées par d’autres informations fournies par le représentant gouvernemental lors de cette séance, le gouvernement a entrepris diverses actions afin d’améliorer la situation. Ces efforts, d’ordre législatif, portent notamment sur l’amendement du Code pénal, une augmentation des sanctions et une meilleure application des lois. En juillet 2006, l’article 174, alinéa j), a été inséré dans le Code pénal. Celui-ci prévoit des peines de dix à vingt ans d’emprisonnement pour enlèvement et exploitation d’enfants à des fins sexuelles. L’adoption de la loi no 06/18 est un autre pas franchi dans ce sens. De plus, le décret législatif no 066 du 9 juin 2000 vise à faciliter la réinsertion et la démobilisation des enfants soldats. En outre, un dispositif pénal contre l’utilisation des enfants dans les mines a été incorporé dans le Code du travail. Un décret ministériel datant de 2008 et la loi de 2009 sur la protection des enfants contre toutes formes d’activités dangereuses interdisent toutes activités dangereuses pour les enfants de moins de 18 ans. Les efforts déployés par le gouvernement portent également sur la mise en place d’une commission nationale de lutte contre les pires formes de travail des enfants.

De plus, comme le représentant gouvernemental l’a affirmé, les rapports mentionnaient la coopération avec la Cour pénale internationale dans le cadre des poursuites contre les chefs militaires. La coopération existe aussi avec les différentes institutions internationales et les organisations d’aide à l’enfance, telles que l’UNICEF.

En résumé, il semble qu’une mise en oeuvre pratique et efficace des mesures législatives fait encore défaut, en tous cas partiellement, ce qu’a confirmé le représentant gouvernemental. Cela étant dit, aucune information concrète et récente n’est encore disponible à ce sujet. Dans certaines parties du pays, en particulier l’Ituri et les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, des unités armées recrutent encore de force des enfants. Selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, auquel la commission d’experts a fait référence, des enfants provenant de camps de réfugiés situés dans des pays limitrophes ont été recrutés de force par des groupes armés. La réinsertion de ces enfants astreints à un travail forcé et recrutés de force pour combattre dans des conflits armés se déroule à un rythme particulièrement lent. Une amélioration de cette situation peut être envisagée par le biais des commissions, mises en place également à l’échelle des provinces, comme l’a indiqué le représentant gouvernemental. Il est cependant probable que les bases juridiques de telles mesures ne soient pas encore suffisantes. Cela reste difficile à mesurer car, à ce jour, la commission d’experts n’a pas encore reçu copie du décret législatif no 066 de 2000.

C’est pourquoi, des mesures doivent être prises d’urgence dans tous les domaines, en particulier en vue de la mise en place des bases juridiques et de leur application. En ce qui concerne les cas de violation de la convention, il convient d’imposer des sanctions efficaces. Des données statistiques sur la situation des enfants en République démocratique du Congo doivent être collectées; des programmes efficaces en vue de la réinsertion sociale des enfants doivent être élaborés et être assortis d’une aide psychologique. Il peut s’avérer difficile, comme l’indique le gouvernement, de réinsérer de force les enfants recrutés et de les enregistrer, car ces enfants, spécialement les jeunes filles, souhaitent souvent retourner discrètement dans leurs familles. Le gouvernement doit néanmoins remédier à cette situation en assurant une formation complète de sensibilisation. Le programme d’enseignement mentionné par le représentant gouvernemental peut être considéré comme étant un pas en avant dans ce sens.

Etant donné la situation encore assez dramatique dans laquelle se trouve le pays, il est évident que celui-ci ne peut résoudre à lui tout seul ces problèmes. Une aide globale provenant des institutions internationales des Nations Unies et du BIT est nécessaire, comme le mentionne le rapport. Etant donné le caractère indispensable des mesures à prendre en vue de normaliser la vie de ces enfants dans le pays et de faciliter la situation en général et la démocratisation, cette assistance doit être apportée au plus vite. Les membres employeurs soutiennent toutes les enquêtes urgentes et toutes les demandes adressées par la commission d’experts au gouvernement de la République démocratique du Congo. Ils ont prié ce dernier d’intensifier ses efforts de lutte contre le travail des enfants et de fournir des informations détaillées sur les progrès réels accomplis dans ce domaine, plus particulièrement à la lumière des déclarations faites par le gouvernement à la présente séance de la commission.

Les membres travailleurs ont déclaré qu’en République démocratique du Congo le travail des enfants existe malheureusement, sous presque toutes les pires formes possibles. Ces pratiques sont la conséquence directe ou indirecte de la guerre économique à laquelle se livrent des seigneurs de guerre et certains Etats pour tirer profit des ressources naturelles du pays. Dans un contexte de guerre qui lamine le pays depuis des années, et auquel s’ajoute la crise financière, pas moins de 80 pour cent de la population active est au chômage, et la plupart de ces chômeurs ne sont pas en mesure de scolariser leurs enfants. Cela constitue la toile de fond de ces pires formes du travail des enfants en République démocratique du Congo.

S’agissant du recrutement forcé d’enfants dans des forces armées et des groupes armés, les différents rapports du Secrétaire général des Nations Unies à ce sujet indiquent que le nombre d’enfants recrutés aurait diminué à partir de 2006, grâce à une série de facteurs. Cependant, il est à noter que le nombre d’enfants victimes de ces pratiques reste toujours très élevé, d’autant que les recrutements se sont multipliés dans d’autres régions du pays ou dans des pays voisins comme le Rwanda et l’Ouganda. Le gouvernement a certes pris des mesures pour mettre fin à l’impunité des auteurs de ces recrutements forcés, en poursuivant quelques seigneurs de guerre. Mais des enfants sont toujours forcés à rejoindre des groupes armés et même les forces armées régulières. Ce recrutement forcé entraîne également d’autres violations des droits des enfants: des enlèvements, des ventes et des traites d’enfants à des fins sexuelles. La commission d’experts considère que le Code pénal de la République démocratique du Congo ne réprime pas suffisamment ces pratiques. Dans sa réponse, le gouvernement a fait référence à de nouvelles dispositions législatives mais il a omis de transmettre copie desdites dispositions. Il n’a pas non plus communiqué de statistiques sur le nombre d’infractions ni de poursuites, encore moins de condamnations.

Une autre pire forme de travail des enfants concerne les enfants forcés par des militaires ou rebelles à travailler dans des mines artisanales, au Katanga, au Kasaï oriental et dans le Sud-Kivu, surtout pour 1’extraction de précieuses ressources naturelles comme le coltan et l’or. Le gouvernement confirme les constatations de la Confédération syndicale de la République démocratique du Congo et de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies. Le problème ne se situe cependant pas au niveau de la législation, celle-ci étant cette fois-ci conforme à la convention. Le problème consiste en premier lieu en 1’application inefficace de la législation. Des programmes ont été mis en place pour soustraire les enfants de 1’exploitation militaire ou sexuelle, avec la participation d’une série de ministères, d’ONG et d’organisations des Nations Unies dont l’UNICEF, le PNUD et le BIT. Ces programmes ont permis la libération, entre 2003 et 2006, d’environ 30 000 enfants des forces et groupes armés. La moitié d’entre eux ont reçu une aide à la réinsertion, soit pour un retour à l’école, soit pour des programmes de formation professionnelle. L’Institut de préparation professionnelle, mis en place par le BIT au Katanga, permet tous les six mois à 2 800 enfants d’apprendre des métiers, tels que la maçonnerie, la menuiserie, l’électricité, etc. Toutefois, à peu près 50 000 enfants restent encore «sous les armes», et l’insertion des filles s’avère davantage délicate, puisqu’elles craignent souvent 1’exclusion sociale suite à leur association, bien que forcée, à des militaires ou guerriers. En outre, la réinsertion économique se trouve entravée par les possibilités économiques limitées, encore réduites en ce temps de crise, et aussi par le peu d’argent disponible pour des programmes de réinsertion plus longs. Il en résulte que les enfants risquent d’être enrôlés à nouveau dans des forces ou groupes armés.

Pour conclure, les membres travailleurs ont signalé que ce drame humain auquel s’ajoute les violences faites aux femmes et aux jeunes affecte un nombre important d’enfants et fait partie lui-même d’un contexte plus large de guerres économiques et de chômage généralisé.

Le membre travailleur de la République démocratique du Congo a indiqué que la République démocratique du Congo est un pays de l’Afrique centrale dont la superficie est de 2 345 000 km2, avec une population estimée à 60 millions d’habitants. Ce pays regorge de richesses minières et représente 50 pour cent de la forêt équatoriale avec des essences de bois très recherchées. En plus des pillages systématiques qui avaient détruit le tissu économique à partir de 1991, les régions de l’Ituri, du Sud et Nord Kivu sont souvent en proie à la guerre. La situation s’améliore sur le plan sécuritaire mais la chute des cours des métaux provoque une augmentation du chômage qui atteint 80 pour cent de la population active. Ces éléments permettent d’avoir un aperçu du contexte dans lequel les violations de la convention no 182 – ratifiée par la République démocratique du Congo en 2001 – sont perpétrées. En effet, il existe des informations concernant la vente, la traite, l’enlèvement et l’exploitation à des fins pornographiques de jeunes enfants dans le pays ou depuis le pays vers l’étranger. Les enfants sont également recrutés de force dans les forces armées. D’autres sont employés dans les carrières de minerais dans les provinces du Katanga, du Kasaï oriental, du Nord et Sud-Kivu et de l’Ituri. Les violations de la convention ainsi dénoncées sont réelles et préoccupantes à plus d’un titre. Le gouvernement a adopté des lois, dont certaines méritent d’être renforcées et adaptées à la situation actuelle. Il faut cependant reconnaître que la situation s’améliore. Les moyens déployés sur le terrain par la communauté internationale demeurent insuffisants face à l’ampleur du phénomène. Les coupables de telles pratiques sont, dans la plupart des cas, des seigneurs de guerre, et les poursuites à leur encontre sont rarement engagées. En effet, ces seigneurs de guerre viennent souvent des pays limitrophes de la République démocratique du Congo. La fin de la guerre et la lutte contre la pauvreté apporteraient une solution plus rapide au problème du recrutement des enfants soldats, de la vente, de la traite et de l’enlèvement d’enfants.

L’Institut national de préparation professionnelle (INPP), la COMADER, l’UNICEF, le PNUD et autres ONG fournissent une assistance aux enfants victimes d’exploitation, notamment en matière de réadaptation et de réinsertion sociale et économique. Il faut que le gouvernement redouble d’efforts car les enfants victimes d’abus sont nombreux. L’assistance de la communauté internationale et plus particulièrement de l’OIT est recommandée. S’agissant des enfants employés dans les mines, ceux-ci le sont à cause de la chute des cours des métaux et du diamant qui a plongé de nombreux chefs de famille dans la misère. Les enfants ne pouvant plus être scolarisés sont obligés de travailler et sont l’objet d’exploitation artisanale. L’inspection du travail n’est pas efficace en raison du manque d’effectifs et de moyens. Elle n’a pas la capacité de faire face au problème des enfants travaillant dans les mines. Le BIT a installé un bureau au Katanga, à la demande des travailleurs, pour s’occuper des conditions de travail dans les mines artisanales.

L’orateur a conclu en indiquant que le BIT devra assister la République démocratique du Congo en vue d’étendre l’action de l’INPP et de renforcer la législation, permettant ainsi le respect de la convention no 182, de mettre fin à l’impunité des seigneurs de guerre, de renforcer l’efficacité de l’inspection du travail, de renforcer la lutte contre la pauvreté, d’instaurer un climat de sécurité sur le territoire en mettant fin au pillage systématique des ressources naturelles et à la souffrance des enfants et d’améliorer le dialogue social dans la lutte contre les pires formes de travail des enfants.

Le membre gouvernemental du Canada a déclaré que son gouvernement est entièrement conscient et préoccupé par la situation des enfants dans le conflit en République démocratique du Congo, qui est un exemple tragique d’une situation où les enfants se retrouvent confrontés à des recrutements directs et indirects en tant que soldats et sont victimes de travail forcé, de blessures, de décès, de déplacement et de violence sexuelle et sexiste – une liste qui n’est malheureusement pas exhaustive. Le Canada reconnaît les efforts menés récemment avec succès par le gouvernement pour désarmer et démobiliser les enfants soldats. Une attention particulière doit cependant être accordée à la réinsertion de ces enfants, pour éviter qu’ils ne soient recrutés de nouveau. Prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats est un élément clé, et l’orateur a exhorté le gouvernement à améliorer les efforts visant à mettre fin à ces pratiques et à tenir les auteurs de violations des droits de l’enfant pour responsables de leurs actes. Le Canada se félicite à cet égard des mesures prises par le gouvernement en coopération avec la Cour pénale internationale, mais exprime sa grave préoccupation concernant le recrutement d’enfants pour le travail forcé, en particulier pour l’extraction de ressources naturelles. Des dizaines de milliers d’enfants travaillent dans le secteur minier, le plus souvent dans des conditions très dangereuses. Malgré la législation en vigueur, de graves préoccupations subsistent en ce qui concerne les droits des enfants et leur protection. Le gouvernement doit intensifier ses efforts pour mettre rapidement en place des mesures efficaces pour empêcher le recrutement d’enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation comme travailleurs dans les mines, esclaves sexuels ou soldats.

Le membre travailleur du Sénégal a souligné que le gouvernement de la République démocratique du Congo est attrait devant la commission pour répondre de graves violations des dispositions de la convention no 182 et du défaut continu d’application de celle-ci. La Commission de la Conférence doit adopter des conclusions proportionnelles à la gravité des faits décrits par la commission d’experts dans son rapport, à savoir la vente, la traite, l’enlèvement et l’exploitation à des fins pornographiques de jeunes filles et de jeunes garçons, à l’intérieur du pays ou à destination de pays étrangers. Ces faits comprennent également des travaux dangereux dans les mines, ainsi que le recrutement forcé d’enfants par les forces et groupes armés du pays en vue de leur utilisation dans les conflits armés. La réinsertion et la réadaptation des enfants soldats dans leur communauté est nécessaire. Selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 9 février 2005 sur les enfants et les conflits armés, qui corrobore les commentaires de la commission d’experts, des milliers d’enfants demeurent dans les forces et groupes armés en République démocratique du Congo, et le recrutement se poursuit. Même si certains chefs militaires régionaux ont libéré des enfants, aucune libération massive n’a été observée à ce jour. Ces recrutements constituent une des pires formes de travail des enfants au sens de l’article 3 de la convention.

En outre, selon le rapport de la commission d’experts, les dispositions du Code pénal qui répriment la vente et la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle sont inappropriées et il convient de les améliorer pour mettre un terme à l’impunité. Beaucoup de choses restent à faire en ce qui concerne le travail des enfants, qui découle dans une large mesure de la pauvreté et du taux de chômage élevé. Les dispositions de la convention doivent être transposées dans la législation nationale et le gouvernement doit s’engager fermement à redoubler d’efforts pour donner effet aux engagements qu’il a pris dans ce domaine. L’orateur a rappelé à cet égard que la République démocratique du Congo a ratifié les deux Protocoles facultatifs de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.

La Commission de la Conférence doit adopter des conclusions fermes si le gouvernement ne donne pas d’assurances quant à sa détermination à lutter contre le travail des enfants. Le groupe d’experts chargé d’enquêter sur l’exploitation illégale des ressources naturelles du Congo a souligné à plusieurs reprises le lien existant entre le pillage des ressources et les groupes militaires qui continuent de recruter des enfants pour les soumettre au travail forcé pour l’extraction des ressources naturelles. Dix ans après l’adoption de la convention no 182, il est temps de promouvoir des progrès réels vers l’éradication des pires formes du travail des enfants et le gouvernement doit consentir des efforts substantiels pour mettre un terme aux abus.

Le membre travailleur des Comores a indiqué que les informations fournies par le gouvernement concernant le non-respect de la convention no 182, ainsi que les informations recueillies par les représentants syndicaux de la République démocratique du Congo, montrent une grande disparité entre la loi sur la défense des droits de l’enfant et son application effective dans le pays. En effet, les chiffres figurant dans les informations du gouvernement sont très inférieurs au nombre d’enfants touchés par ce phénomène, qui dépasse les 50 000 enfants, qu’ils soient enrôlés dans les conflits armés ou qu’ils travaillent dans les mines.

L’orateur a salué la volonté démontrée par le gouvernement d’éradiquer le travail des enfants en République démocratique du Congo, notamment dans ses pires formes. Toutefois, il a estimé nécessaire et urgent que le gouvernement prenne des mesures sous forme d’un programme qui serait à la hauteur de l’ampleur du phénomène, en mettant 1’accent sur: le renforcement de la législation pour la protection des enfants; la construction d’infrastructures suffisantes permettant d’accueillir tous les enfants touchés; l’extension de centres de formation professionnelle et d’apprentissage pouvant accueillir plus d’enfants; une bonne collaboration avec les institutions internationales présentes en République démocratique du Congo, ainsi qu’avec les partenaires sociaux; le renforcement des capacités de 1’inspection du travail à des fins opérationnelles; la traduction des auteurs de ces crimes devant la justice, afin de mettre un terme à ce mal inacceptable.

Enfin, l’orateur a également exhorté la communauté internationale à accompagner le gouvernement dans ses efforts, afin de donner effet dans la pratique aux dispositions de la convention no 182, ratifiée en 2001.

Le représentant gouvernemental de la République démocratique du Congo a remercié l’ensemble des orateurs et rappelé que son pays est en guerre depuis 1998. Il a indiqué qu’à l’heure actuelle certaines zones restent sous le contrôle de chefs de guerre. Le gouvernement a toujours sollicité l’appui de la communauté internationale, comme en témoigne la présence de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) dans le pays. La loi existe, les juridictions l’appliquent et les coupables sont condamnés. Il est vrai que des statistiques ne sont pas disponibles, mais le gouvernement consentira des efforts afin de pouvoir transmettre des données en la matière. L’orateur a exprimé le souhait que la législation pénale sera renforcée afin que le recrutement d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés soit considéré comme un crime de guerre, ce qui rendrait ces actes imprescriptibles. Il a également indiqué qu’il serait souhaitable que la communauté internationale adopte des mesures contre les produits qui sont commercialisés dans les pays voisins de la République démocratique du Congo et pour lesquels on a eu recours aux pires formes de travail des enfants.

Les membres employeurs ont estimé que les déclarations faites par le représentant gouvernemental, les commentaires de la commission d’experts et les rapports publiés par le Secrétaire général des Nations Unies démontrent que la situation dans le pays en ce qui concerne la mise en oeuvre de la convention no 182 est toujours dramatique.

Bien que le gouvernement ait fait des efforts prometteurs pour améliorer la situation, ceux-ci doivent s’intensifier considérablement et rapidement. D’abord et avant tout, il est nécessaire de sanctionner les violations de la convention en épuisant tous les moyens prévus dans les dispositions pénales. En outre, des informations doivent être fournies concernant la situation actuelle, y compris sur la loi nouvellement adoptée pour la protection des enfants contre toutes les formes d’activités dangereuses. La communication de données à jour concernant le développement du travail des enfants et la libération des enfants des mains des troupes armées est également importante. Des informations doivent également être fournies sur la situation dans les zones frontalières et dans les camps de réfugiés. Une vaste campagne de sensibilisation est nécessaire pour la réinsertion des enfants dans la société et pour contribuer à la réalisation d’un processus de paix durable.

Les membres employeurs ont encouragé le gouvernement à continuer de coopérer étroitement avec les organisations internationales, les organisations d’aide à l’enfance et les autres programmes nationaux de lutte contre les pires formes de travail des enfants. Le programme d’éducation mentionné est très important à cet égard. Le Bureau est invité à fournir son assistance technique ensemble avec les Nations Unies.

Les membres travailleurs ont déploré une fois de plus les multiples formes du travail des enfants en République démocratique du Congo. Ils ont imploré le gouvernement de prendre les mesures suivantes: optimiser l’arsenal pénal pour combattre toutes les pires formes du travail des enfants; renforcer l’efficacité de son inspection du travail; veiller à ce que les commandants des forces armées nationales ne recrutent pas d’enfants; sanctionner sévèrement tout récalcitrant; fournir sans délai des données sur le nombre et la nature des infractions, les poursuites engagées et les sanctions pénales infligées ainsi que sur les programmes de démobilisation et de réinsertion sociale; redoubler ses efforts pour la réadaptation et la réinsertion des enfants libérés, en accordant une attention particulière aux filles; coopérer davantage avec les pays voisins concernés par les mêmes problèmes.

Les membres travailleurs ont également prié les organisations et institutions internationales de continuer leurs efforts et le développement de programmes afin de: restaurer l’ordre et la paix dans le pays; créer plus d’emplois dans les régions sinistrées et réduire le chômage massif; garantir un enseignement primaire à tout enfant.

S’agissant des actions que le BIT doit entreprendre, les membres travailleurs ont prié le Bureau de multiplier les centres de formation pour les enfants libérés, vu l’apport fort apprécié du centre au Katanga et le nombre encore très élevé d’enfants à secourir.

Conclusions

La commission a pris note des informations communiquées oralement par le représentant gouvernemental, et de la discussion qui a suivi. La commission a noté les informations contenues dans le rapport de la commission d’experts concernant la vente et la traite d’enfants de moins de 18 ans à des fins d’exploitation sexuelle, tant dans le pays que par-delà les frontières, le recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés et l’emploi d’enfants pour effectuer des travaux dangereux dans les mines.

La commission a noté les informations fournies par le gouvernement faisant état des lois et politiques mises en place pour lutter contre le recrutement forcé d’enfants pour les conflit armés, ainsi que des programmes d’action établis avec l’assistance du BIT visant au retrait, à la réadaptation et à l’intégration sociale d’anciens enfants soldats. La commission a également noté la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la dégradation de la situation socio-économique et la persistance de conflits armés dans le pays font qu’un nombre important d’enfants continuent de travailler dans les mines et les carrières de plusieurs provinces du Kasaï oriental et occidental, du Katanga, et du Nord et Sud-Kivu. A cet égard, plusieurs programmes d’action nationaux et internationaux sont actuellement mis en oeuvre pour prévenir le travail des enfants dans les mines et pour assurer l’intégration sociale des enfants retirés des mines, par le biais de l’éducation. Le représentant gouvernemental a également appelé la communauté internationale à lutter contre l’emploi d’enfants pour l’extraction des ressources minières dans les mines, qui découle de l’exploitation et du commerce illégaux des ressources naturelles du pays par les pays voisins. Enfin, le représentant gouvernemental a exprimé la volonté de son pays de poursuivre les efforts déployés pour éliminer les violations des dispositions de la convention no 182 avec l’assistance et la coopération technique du Bureau.

La commission a noté que la législation récemment adoptée interdit expressément la vente et la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle, et prévoit des sanctions pénales en cas de violations de cette interdiction. Toutefois, la commission observe qu’en dépit de l’interdiction de la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou par le travail la situation demeure très préoccupante dans la pratique. En conséquence, la commission a exhorté le gouvernement à redoubler d’efforts et à prendre sans tarder des mesures immédiates et efficaces pour éliminer la traite des enfants de moins de 18 ans dans la pratique. La commission a demandé au gouvernement de fournir, dans le prochain rapport dû à la commission d’experts, des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer l’application effective de la législation, y compris le nombre d’infractions notifiées, les investigations, les poursuites, les condamnations et les sanctions pénales appliquées.

En ce qui concerne la question des enfants soldats, la commission a noté la préoccupation exprimée par plusieurs orateurs concernant la situation d’enfants de moins de 18 ans recrutés et obligés d’intégrer des groupes armés ou les forces armées. Tout en notant que des efforts ont été déployés par le gouvernement pour remédier à ce problème, la commission déplore la persistance de cette pratique, tout particulièrement parce que celle-ci conduit à d’autres violations des droits de l’enfant, comme l’enlèvement, l’assassinat et la violence sexuelle. La commission a souligné la gravité de ces violations de la convention no 182 et a demandé instamment au gouvernement de prendre d’urgence des mesures immédiates et efficaces pour mettre un terme à la pratique du recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par des groupes armés et les forces armées, et de veiller à ce que les auteurs de ces crimes odieux soient traduits en justice et que des peines suffisamment efficaces et dissuasives leur soient imposées. La commission a également demandé au gouvernement de continuer à prendre des mesures efficaces assorties de délais pour le retrait, la réadaptation et l’intégration sociale des enfants impliqués dans des conflits armés. Elle a demandé au gouvernement de fournir, dans le prochain rapport dû, pour examen par la commission d’experts, des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

En ce qui concerne la question de l’emploi d’enfants pour effectuer des travaux dangereux dans les mines, la commission a pris note de la déclaration du gouvernement reconnaissant l’exploitation persistante de jeunes de moins de 18 ans dans les mines et les carrières dans les provinces du Katanga, du Kasaï oriental et occidental, et du Nord et Sud-Kivu. La commission a noté avec préoccupation que le nombre d’enfants effectuant des travaux dangereux dans ce secteur reste élevé. A cet égard, la commission a demandé au gouvernement d’étendre l’autorité de l’inspection du travail pour faire respecter la loi et d’assurer que des visites imprévues soient régulièrement effectuées par les inspecteurs du travail, afin que ceux qui violent la convention soient poursuivis et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur soient imposées. La commission a également demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’impact des programmes d’action nationaux et internationaux, mentionnés par le représentant gouvernemental, visant au retrait d’enfants de moins de 18 ans travaillant dans des conditions dangereuses dans les mines et carrières, et à leur réadaptation et intégration sociale. Enfin, la commission a demandé au gouvernement de fournir, dans le prochain rapport, pour examen par la commission d’experts, des informations sur les résultats découlant de l’application effective de la législation qui interdit l’emploi d’enfants à des travaux souterrains.

Par ailleurs, la commission a appelé les Etats Membres de l’OIT à fournir une assistance au gouvernement de la République démocratique du Congo, conformément à l’article 8 de la convention, en s’attachant en priorité au développement de l’éducation de base gratuite et de la formation professionnelle. A cet égard, la commission a encouragé le gouvernement à faire tout son possible pour garantir la viabilité de l’Institut de formation professionnelle mis en place avec l’assistance technique du Bureau. En outre, la commission a demandé au gouvernement de conduire une enquête nationale sur le travail des enfants, afin d’évaluer l’étendue des pires formes de travail des enfants dans le pays.

Enfin, il conviendrait aussi d’accroître la coopération internationale en vue de lutter contre l’emploi d’enfants pour l’extraction des ressources minières dans les mines, qui découle de l’exploitation et du commerce illégaux des ressources naturelles du pays.

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