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Individual Case (CAS) - Discussion: 2009, Publication: 98th ILC session (2009)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

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Une représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement colombien tient en haute estime les espaces de dialogue qui permettent d’analyser de manière objective la situation dans le pays, les progrès et les difficultés, et de proposer des initiatives visant à poursuivre le renforcement des capacités institutionnelles et les politiques publiques aux fins de promouvoir la garantie des droits et le bien-être de l’ensemble de la population.

Tout comme en 2008, la Colombie est présente pour fournir des informations sur les faits nouveaux survenus au cours de l’année écoulée et entendre les commentaires que les délégations voudront lui adresser. Le gouvernement colombien s’en félicite et saisit l’occasion qui lui est donnée pour dresser un état des lieux quant aux progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la convention no 87, que la commission d’experts, dans son rapport de 2009, qualifie de cas de progrès. La commission d’experts a exprimé sa satisfaction pour les mesures prises par le gouvernement en matière de liberté syndicale, de protection des dirigeants syndicaux et des affiliés, de lutte contre l’impunité et d’enquête sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes.

Le Comité de la liberté syndicale a abouti aux mêmes conclusions dans son analyse du cas no 1787 en notant, pour ce qui est des actes de violence, que des avancées considérables ont été réalisées. S’agissant des recommandations du comité, l’oratrice a signalé que son gouvernement avait déjà répondu et fourni les informations demandées.

Le gouvernement ne peut nier que la violence qui frappe le pays depuis plus de quatre décennies a eu une incidence sur le mouvement syndical, et c’est pourquoi il n’a ménagé aucun effort pour renforcer l’efficacité des programmes de protection destinés aux syndicalistes comme à d’autres catégories de population vulnérables. Le gouvernement poursuit inlassablement ses efforts pour éradiquer les facteurs générateurs de violence, c’est-à-dire principalement le trafic de drogue, les délits qui y sont liés et les autres formes de crime organisé qui servent à financer les groupes armés illégaux responsables d’actes terroristes.

Au cours des sept dernières années, grâce à la politique de sécurité démocratique, le taux des homicides dans la population colombienne a diminué de 44,1 pour cent, et celui des homicides commis à l’encontre de syndicalistes a chuté de 81 pour cent. A la date du 3 juin 2009, on avait enregistré dans le pays 6 722 homicides, dont 14 contre des personnes liées au mouvement syndical. En 2008, à la même date, on dénombrait 22 homicides de syndicalistes, et 116 en 2002.

D’après les centrales syndicales, le nombre de morts violentes de syndicalistes survenues depuis le début de 2009 s’élève à 17. Il faut noter à ce propos que les écarts entre les chiffres officiels et ceux avancés par les organisations de travailleurs sont fréquents. De l’avis du gouvernement, il faudrait que les parties parviennent à un accord sur la méthodologie en vue d’améliorer les techniques statistiques, ce qui ne pourrait que renforcer les capacités de diagnostic et de mise en évidence d’un phénomène qu’il y a lieu d’éradiquer. L’oratrice a souligné qu’il est question ici de vies humaines qui méritent toute l’attention du gouvernement qui condamne ces actes.

Le gouvernement a proposé que, dans le cadre de l’Accord tripartite et avec le soutien et la coopération de l’OIT, les travailleurs, les employeurs et le gouvernement étudient des formules qui permettraient d’avancer sur la voie de la recherche d’accords dans le domaine de la méthodologie.

S’agissant des progrès réalisés en matière d’enquêtes relatives aux cas de violations des droits de l’homme des syndicalistes, depuis la signature de l’Accord tripartite pour la liberté d’association et la démocratie, lors de la 95e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 2006, des progrès importants ont été enregistrés, comme le montre le nombre de condamnations prononcées au cours des trois dernières années.

Les efforts conjoints du Procureur général de la Nation, par le truchement de la sous-unité spécialisée dans les cas de violences perpétrées contre des syndicalistes, et du Conseil supérieur de la magistrature, qui a institué trois juridictions permanentes chargées exclusivement d’enquêter sur les délits envers des syndicalistes, ont renforcé l’action de l’Etat colombien en matière de lutte contre l’impunité, ce qui a permis de faire la lumière sur certaines affaires et de traduire les coupables en justice. Les choses ont beaucoup progressé depuis 2002 en matière d’investigations. A ce jour ont été prononcés 118 jugements, dont 75 en 2008, en vertu desquels 291 personnes ont été condamnées et 175 privées de liberté. S’agissant des homicides de syndicalistes commis en 2009, trois personnes ont déjà été interpelées. Les peines prononcées à ce jour pour les faits commis en 2008 montrent que les décès des travailleurs syndiqués avaient pour cause des faits similaires à ceux à l’origine des morts violentes survenues dans l’ensemble de la population colombienne, à savoir la délinquance, le vol ou des motifs d’ordre personnel.

Les mesures prises en matière de lutte contre l’impunité complètent celles adoptées dans le cadre de la politique de protection et de garantie des droits des travailleurs par le Programme de protection, à travers lequel s’organisent des plans de sécurité à l’intention de catégories de la population qui se sentent menacées ou vulnérables devant le climat de violence qui règne dans le pays. Pour 2009, le budget national prévoit une somme de 45 millions de dollars pour la protection desdites catégories, dont les milieux syndicaux.

S’agissant des normes du travail, le gouvernement respecte les principes du mandat inscrit dans la Constitution de l’OIT dans la mesure où il procède à l’adoption des mesures nécessaires pour donner plein effet aux conventions ratifiées. A cet égard, les normes du travail doivent être appliquées, tant en droit qu’en pratique. Pour ce faire, la Colombie s’est attelée à un processus ininterrompu d’harmonisation de sa législation du travail avec l’esprit et la lettre des conventions internationales du travail auxquelles elle est partie, réaffirmant ainsi l’attachement total du gouvernement aux principes et droits fondamentaux au travail.

En 2008, soucieux de durcir la lutte contre la violence qui frappe aussi durement les organisations syndicales que l’ensemble de la population, le gouvernement a proposé au Congrès de la République un projet de loi visant à allonger le délai de prescription et de condamnation pour les homicides de membres des organisations syndicales. Ce texte augmente la peine à laquelle s’expose toute personne qui empêche ou perturbe l’exercice de la liberté syndicale. La procédure d’approbation de la loi est à un stade avancé; il ne manque plus que le débat en session plénière du Sénat pour que la nouvelle loi puisse recevoir la sanction présidentielle avant d’être promulguée.

De même, en 2008 a été promulguée la loi no 1210 qui transfère aux juges la faculté de déclarer l’illégalité des actions collectives d’arrêt ou de suspension du travail pour non-respect de la loi. En vertu de ce texte, c’est la Chambre du travail du Tribunal supérieur compétent qui statue, et non plus une autorité administrative. Dans le même esprit a été modifiée la disposition du Code du travail qui attribuait au ministère de la Protection sociale la faculté d’ordonner une procédure d’arbitrage obligatoire lorsque la durée d’une grève dépasse soixante jours. Dorénavant, la demande visant à soumettre un différend à une procédure d’arbitrage doit provenir des deux protagonistes – employeur et travailleur – ce qui a eu pour effet de remédier à une autre divergence entre la législation et les normes internationales du travail, conformément aux recommandations de la commission d’experts.

Le ministère de la Protection sociale s’en remet aux mécanismes d’inspection, de surveillance et de contrôle appropriés qui permettent aux travailleurs d’introduire des recours sur l’ensemble du territoire national lorsqu’ils sentent leurs droits au travail menacés.

Avec l’aide de l’Agence de la coopération des Etats-Unis d’Amérique s’élabore une stratégie d’inspection préventive prévoyant une intervention dans des secteurs économiques critiques afin de renforcer la structure organique des directions territoriales du ministère de la Protection sociale et d’examiner les missions confiées à l’inspection du travail. De même, depuis la promulgation du décret 1294 de 2009, 212 postes nouveaux ont été créés dans les Services d’inspection et de surveillance, dont 135 postes d’inspecteurs du travail. Sur ce total, 95 seront pourvus en 2009 et 40 en 2010.

S’agissant des coopératives de travail associé, en 2008 a été approuvée la loi no 1233 qui précise les éléments structurels des cotisations de sécurité sociale et instaure des cotisations spéciales à charge des coopératives et précoopératives de travail associé. Cette même loi interdit le versement de rémunérations inférieures au salaire minimum et interdit l’utilisation de ce mécanisme d’intermédiation en matière d’emploi. Par ailleurs, a été promulgué le décret 535 de 2009 qui arrête la procédure et les cas dans lesquels peut être entamée une procédure de conciliation dans les organes de l’Etat et privilégie le dialogue pour traiter la question des conditions de travail dans le secteur public et réglementer les rapports entre employeurs et salariés dans les organismes publics. Ce décret ouvre un chapitre nouveau du droit de négociation pour les agents de la fonction publique en Colombie. Il a déjà donné des résultats concrets et satisfaisants, vu que des procédures de concertation sont déjà en place dans le district de Bogotá ainsi que dans les ministères de la Protection sociale et de l’Education et qu’un accord a été conclu avec la fédération qui regroupe les enseignants du secteur public de Colombie (FECODE).

S’agissant de l’enregistrement des organisations syndicales, en 2008, la Cour constitutionnelle a ordonné au ministère de la Protection sociale d’accepter l’inscription de nouvelles organisations syndicales de même que les modifications de leurs statuts. Ces décisions sont en voie d’application totale.

Le gouvernement est conscient de l’importance du dialogue social en tant qu’outil fondamental du renforcement des relations de travail. L’oratrice a réitéré la détermination du gouvernement à dynamiser les enceintes tripartites existantes, à améliorer leur fonctionnement et à jeter les bases qui permettront de dégager des accords et des résultats tangibles à moyen terme.

La Commission de concertation sur les politiques salariales et du travail s’est réunie régulièrement en 2009 sous l’égide du ministre de la Protection sociale afin d’analyser l’impact de la crise économique et financière mondiale sur l’emploi dans le pays.

L’oratrice a mis en exergue le travail réalisé par la représentation de l’OIT en Colombie pour la préparation de l’Accord tripartite qui a contribué à donner une impulsion nouvelle à la Commission spéciale chargée du règlement des conflits auprès de l’OIT (CETCOIT). Pour son gouvernement, il s’agit là d’une enceinte de grand intérêt à laquelle il faut donner plus de moyens pour rechercher des solutions à des conflits du travail qui surviennent entre acteurs sociaux colombiens, avant de les porter devant les instances compétentes de l’OIT. Tout aussi importantes sont les procédures introduites devant la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme, dans laquelle siègent les services d’enquête, le gouvernement et les syndicats afin d’analyser et donner suite aux enquêtes sur des cas de violences contre des dirigeants syndicaux et affiliés.

Le gouvernement est déterminé à consolider et renforcer ces espaces de dialogue et prêt à consentir les efforts supplémentaires qui s’imposent pour garantir l’obtention de meilleurs résultats. Il estime que certains projets de coopération menés à bien dans le cadre de l’Accord tripartite permettent de formuler un diagnostic sur la situation de ces espaces de dialogue dans l’optique de les renforcer et de faciliter ainsi la conclusion d’accords.

Le programme de coopération technique est un élément essentiel du fonctionnement de l’Accord tripartite et c’est pourquoi l’assistance de l’OIT, à travers son siège de Genève, son bureau régional de Lima et sa représentation permanente en Colombie, a été fondamentale. Depuis l’ouverture de cette dernière à Bogotá, les partenaires sociaux ont œuvré sans relâche afin de réaliser les activités du programme et d’assurer un suivi adéquat des projets par des réunions tripartites régulières. Pour la plupart, ces projets ont été financés par le gouvernement colombien, tout en bénéficiant de l’aide à la coopération des gouvernements canadien et américain. Afin de mener à bien le programme de coopération, le gouvernement a déjà alloué un budget pour l’année en cours et est en train de négocier des moyens supplémentaires pour 2010.

Le gouvernement reste ouvert au dialogue et conserve une volonté inébranlable de poursuivre ses efforts afin d’améliorer chaque jour les conditions de vie de l’ensemble de la population et de garantir l’exercice des droits de tous les citoyens, y compris les travailleurs syndiqués. Dans cet esprit, il accorde un grand intérêt aux suggestions faites de manière constructive et qui contribueront à encore renforcer les institutions et les politiques orientées vers la réalisation de ces objectifs.

Pour conclure, le gouvernement a apprécié le fait que la commission d’experts ait considéré la Colombie comme un cas de progrès. Cette reconnaissance l’incite à poursuivre sur la voie qu’il s’est tracée depuis la signature de l’Accord tripartite et à persister dans la recherche d’accords, en dépit des différences de points de vue possibles entre les partenaires sociaux.

Les membres travailleurs ont remercié la représentante gouvernementale de la Colombie pour les informations qu’elle a communiquées. Ils ont rappelé qu’en 2008 la Commission de l’application des normes avait conclu l’examen de ce cas en exprimant sa préoccupation face à l’augmentation des actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes. Elle avait demandé au gouvernement de continuer à renforcer les mesures existantes de protection et de s’assurer que les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes puissent aboutir rapidement. En outre, une augmentation des ressources nécessaires pour lutter contre l’impunité, et notamment la nomination de juges supplémentaires spécialisés dans le traitement des cas d’actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes, avait été exigée. Toutes ces mesures avaient été vues comme des éléments essentiels pour que le mouvement syndical puisse mener ses activités et se développer dans un climat exempt de violence. La commission avait par ailleurs noté la déclaration du gouvernement selon laquelle le dialogue se poursuivait sur plusieurs sujets, tels que les services publics essentiels, les coopératives, et le renforcement de l’inspection du travail. Elle avait exprimé l’espoir que diverses dispositions législatives seraient adoptées afin de ne pas priver les travailleurs de la liberté syndicale et de la négociation collective et de leur garantir, y compris dans le secteur public, le droit de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et de s’affilier à celles-ci, conformément à la convention. Enfin, la commission avait considéré que le renforcement de la présence du BIT en Colombie était nécessaire pour faciliter la mise en oeuvre effective de l’Accord tripartite de 2006 et avait demandé un rapport détaillé sur toutes les questions rappelées ci-dessus pour la session de la commission d’experts de novembre-décembre 2008.

Les membres travailleurs ont relevé que, dans le dernier rapport de la commission d’experts, la Colombie figure comme un cas de progrès pour l’application de la convention no 87. En 2008, le représentant gouvernemental de la Colombie déclarait devant cette commission que «discuter d’un cas en progrès requiert une analyse objective permettant de rechercher des mécanismes pour avancer sur le thème qui doit nous intéresser et nous réunir: l’amélioration des conditions de travail en Colombie. Cet exercice exige de rappeler et d’affronter le passé, de regarder et d’analyser le présent, et de pouvoir prévoir les efforts qu’il conviendra de poursuivre...». Les membres travailleurs ne peuvent que souscrire à ces propos. Un an après ces promesses et trois ans après la conclusion de l’Accord tripartite et l’organisation de la mission de haut niveau, le moment est venu de faire le point sur l’évolution d’une situation qui dure depuis plus de vingt ans. Il nous faudra parler, cette année encore, des assassinats, de l’impunité et des coopératives de travail associé, ainsi que des activités du bureau du BIT en Colombie, qui ont démarré en 2007 mais sont actuellement au point mort depuis que le représentant du bureau a été rappelé au siège du BIT. A ce stade, les membres travailleurs ont déclaré se concentrer sur un certain nombre de points soulevés dans le rapport de la commission d’experts.

En ce qui concerne la question des droits syndicaux et des libertés civiles et politiques, il est vrai qu’en 2007, dans le cadre de son programme de protection de personnes menacées, le gouvernement a affecté 13 millions de dollars, sur un budget total de 40 millions de dollars, à la protection de membres du mouvement syndical, qui représentaient 20 pour cent des bénéficiaires de ce programme. Selon le rapport de la commission d’experts, en 2008, le budget était estimé à 45 millions de dollars et, en juin 2008, 1 466 syndicalistes en avaient bénéficié, soit 18 pour cent des bénéficiaires. En outre, un système de rapports, en principe obligatoires, à destination notamment du Département administratif de la sécurité et portant sur les risques encourus par les syndicalistes et sur leur protection avait été mis en place et un réseau virtuel devait être créé pour faire face en temps réel aux alertes de risques. Cependant, le rapport de la commission d’experts relève également que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru. La Colombie reste l’un des pays les plus dangereux pour ceux qui revendiquent le libre exercice du droit d’association et ce droit est mis en échec tant par les autorités publiques que par certains employeurs. Quarante-huit syndicalistes ont été assassinés en 2008, et on compte déjà 17 assassinats de syndicalistes entre le 1er janvier et le 12 mai 2009. Les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement et les employeurs à mettre tout en oeuvre pour que cessent toutes les formes de persécution à l’égard des organisations syndicales et de leurs membres. Un dialogue social efficace avec des syndicats libres et responsables est une condition essentielle pour sortir le pays de la crise économique et un facteur de développement pour une croissance économique durable. Cela a été souligné par de nombreux orateurs au cours des discussions qui ont eu lieu la semaine dernière. Les membres travailleurs ne comprendraient pas que la Colombie fasse exception sur ce point.

Pour ce qui est de la lutte contre l’impunité, les trois centrales syndicales nationales reconnaissent les efforts déployés par le Procureur général de la Nation en vue de faire avancer les enquêtes relatives aux cas de violations des droits fondamentaux des syndicalistes. Toutefois, s’il est vrai qu’une sous-unité spéciale a été créée pour poursuivre et punir les homicides perpétrés contre des syndicalistes depuis 1986, on constate un ralentissement dans les enquêtes. En outre, la motivation de certains jugements est ambiguë et crée une confusion de genre entre des actes perpétrés en relation avec l’exercice de la liberté syndicale et des crimes passionnels ou de droit commun. Les enquêtes criminelles en matière d’actes contre la liberté d’association et la liberté syndicale tels que visés à l’article 200 du Code pénal démontrent que cette loi est encore mal appliquée et ne produit pas les résultats escomptés. Si certains résultats positifs ont été constatés au niveau du pouvoir judiciaire et du bureau du Procureur général, les membres travailleurs ont déploré que le taux d’impunité dans les cas de violations des droits des responsables syndicaux et des travailleurs soit encore de 96 pour cent. Selon les informations dont ils disposent, entre 2008 et 2009, le bureau du Procureur général n’a enregistré aucune avancée significative dans les enquêtes criminelles en cours. Sur les 2 707 assassinats dénoncés par les organisations syndicales, seulement 1 119 ont fait l’objet d’une enquête et 645 sont en phase d’instruction. Cela signifie que, dans la moitié des cas, aucun auteur matériel des faits n’a été identifié, sans parler des commanditaires.

La commission d’experts a noté la mise en place de la Commission interinstitutionnelle des droits fondamentaux des travailleurs qui s’est réunie le 29 juillet 2008. Tout en reconnaissant que des représentants des travailleurs ont participé aux travaux de cette commission, les membres travailleurs ont déploré que la mise en oeuvre des actions projetées prenne trop de temps, et déclaré ne pas pouvoir se contenter de réponses purement cosmétiques aux vrais problèmes que rencontre le syndicalisme en Colombie. La réponse réside dans le respect effectif, sur le terrain, du dialogue social à travers ses deux composantes fondamentales: la liberté syndicale et le droit de négociation collective.

Le rapport de la commission d’experts ne soulève pas de nouveaux points concernant les coopératives de travail associé et les autres formes d’externalisation qui minent le droit à un travail décent. En 2006, le gouvernement avait adopté un décret interdisant l’utilisation des coopératives comme intermédiaires ou agences de travail temporaire et, aujourd’hui, de nouvelles lois sur la sécurité sociale ou les salaires minima sont annoncées. Lorsque les travailleurs effectuent, dans le cadre d’une relation de subordination, des tâches qui s’inscrivent dans le cadre normal des activités de l’entreprise, ils doivent être considérés comme des salariés employés dans le cadre d’une véritable relation de travail et bénéficier de ce fait du droit de s’affilier à une organisation syndicale. Dans la réalité cependant, les violations constantes des dispositions des conventions nos 87 et 98 renforcent de facto l’action des coopératives.

Les membres travailleurs ont également dénoncé des pratiques déjà signalées en 2008 et qui se poursuivent, comme les «pactes collectifs», ou encore les plans d’avantages volontaires (Planes de beneficio voluntario) par lesquels les employeurs offrent certains avantages tels qu’une légère augmentation de salaire aux travailleurs qui renoncent à se syndiquer ou à bénéficier de la couverture offerte par la négociation collective. La Constitution colombienne et la législation nationale font référence au principe du dialogue et de la concertation en vue de promouvoir de bonnes relations entre les employeurs et les travailleurs, de résoudre les conflits collectifs, et de mener des politiques concertées en matière de salaires et de conditions de travail. Cependant, en dépit de cet ancrage législatif, le dialogue social n’est pas effectif et les réformes envisagées le sont sans consultation des organisations syndicales. En conséquence, les membres travailleurs ont instamment demandé au gouvernement de prouver la bonne volonté dont il se prévaut en mettant en oeuvre de manière effective le dialogue social, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

En ce qui concerne les questions législatives, la commission d’experts a rappelé dans son dernier rapport qu’elle formule des commentaires sur l’application des articles 2, 3 et 6 de la convention no 87 depuis plusieurs années sans résultat tangible. Elle a cependant noté avec satisfaction une évolution portant sur un point très limité relatif à l’article 3, paragraphe 2, de la convention, du fait que la loi confie désormais à la seule autorité judiciaire, dans le cadre d’une procédure préférentielle, le droit de déclarer une grève illégale. Les trois centrales syndicales de Colombie accueillent avec intérêt cette modification législative et souhaitent que, dans ce domaine, la jurisprudence des tribunaux judiciaires s’inspire de la jurisprudence constante du Comité de la liberté syndicale.

Pour le surplus, les commentaires de la commission d’experts confirment des questions déjà soulevées par le passé et qui sont restées sans réponse à ce jour. Selon les membres travailleurs, des modifications ont certes été apportées à la législation, mais sur un point très ponctuel et elles doivent encore faire leurs preuves quant à leur application dans la pratique. Ils se sont dès lors interrogés sur le point de savoir si l’inclusion de ce cas individuel dans la liste des «cas de progrès» se justifiait par rapport aux autres cas figurant dans cette même liste et au regard des critères définis par la commission d’experts en 2005. En effet, on est loin de pouvoir dire que «le problème particulier est réglé» au sens de ces critères. Dans le contexte spécifique de la Colombie, une modification législative ne peut être évaluée en dehors du contexte constitué par les assassinats, les atteintes aux droits humains et l’impunité persistante. Il ne s’agit de toute évidence pas d’un cas de progrès: des évolutions se profilent, mais les membres travailleurs restent très inquiets.

Les membres employeurs ont félicité le gouvernement d’avoir choisi d’être le premier à comparaître devant la commission cette année, et ont salué la déclaration faite par le vice-ministre de la Protection sociale. Ils ont pris bonne note des informations transmises concernant la baisse du nombre d’assassinats en général, et d’assassinats de syndicalistes en particulier. Un assassinat est toujours un assassinat de trop et, malgré les progrès considérables réalisés dans ce domaine, des citoyens de tous les horizons continuent de risquer leur vie. Le gouvernement a fait état de l’augmentation du nombre de poursuites judiciaires, de lois et de décisions judiciaires adoptées concernant les coopératives, l’enregistrement des syndicats et le règlement des conflits lorsque la négociation collective se trouve dans l’impasse. Ces changements ont eu lieu récemment et la commission d’experts, dans son rôle d’établissement des faits, devra évaluer l’évolution de la situation juridique qui semble très positive. Le gouvernement a aussi communiqué des faits positifs concernant le dialogue social.

C’est le seul cas sur la liste pour lequel la commission d’experts a exprimé sa satisfaction sur quelques aspects de la situation en cause. Selon la définition du Merriam-Webster Dictionary, le progrès est un mouvement en avant (vers un objectif ou un but) ou une amélioration graduelle, s’agissant en particulier de l’évolution progressive de l’humanité. De même, le Cambridge Dictionary définit le progrès comme une transformation vers le mieux ou une amélioration. S’il lui reste encore beaucoup à faire pour se conformer pleinement aux dispositions de la convention, le gouvernement colombien a pris régulièrement des mesures significatives positives ces dix dernières années.

Au fil des années, les membres employeurs ont adopté une approche de principes pour examiner ce cas. Pendant vingt-cinq ans, ce cas a été examiné de manière ininterrompue jusqu’en 2005, dans le contexte de la guerre civile la plus longue de l’histoire. Au cours de ces vingt-cinq années, peu de progrès ont été enregistrés. En février 2000, une mission de contacts directs a été envoyée en Colombie, suivie de la nomination d’un Représentant spécial du Directeur général par le Conseil d’administration en 2001, et de l’autorisation d’un programme de coopération technique en 2003. En 2005, un Accord tripartite historique a été conclu lors de la Conférence internationale du Travail, et la délégation colombienne tripartite a été ovationnée par la présente commission. Lors de la session de 2005 de la Conférence internationale du Travail, la Colombie a accepté la visite tripartite de haut niveau du président du Comité de la liberté syndicale et des vice-présidents employeur et travailleur de cette commission. Pendant cette visite, ils ont bénéficié d’un libre accès et d’une pleine transparence, et ils ont notamment rencontré le Président. Le 1er juin 2006, un Accord tripartite sur la liberté syndicale et la démocratie a été signé à Genève dans le but de renforcer la protection des droits fondamentaux – en particulier, la protection des dirigeants syndicaux, des libertés des syndicats, de la liberté syndicale et la promotion du travail décent. Pour faciliter l’application de cet accord, le BIT a établi un bureau permanent à Bogotá. Au cours de la session de 2007 de la Conférence internationale du Travail, une mission de haut niveau a été créée pour identifier les besoins complémentaires devant permettre l’application effective de cet accord et la mise en oeuvre du programme de coopération technique en Colombie. La mission de haut niveau s’est rendue à Bogotá en novembre 2007 et a établi un rapport très positif qui n’a pas suscité d’opposition au sein du Conseil d’administration.

Les principaux points soulevés par la commission d’experts dans le présent cas concerne la situation de violence et d’impunité qui règne dans le pays, ainsi que quelques questions juridiques et législatives, dans le contexte de plusieurs décennies de guerre civile. Depuis 2001, le niveau de violence à l’égard des syndicalistes a considérablement baissé, tout comme le taux global d’homicides. Il est important de souligner que, parmi les cibles, ne figurent pas seulement des syndicalistes, mais aussi des enseignants, des juges et d’autres personnalités de premier plan de la société colombienne. L’année dernière, la commission s’est dite préoccupée par la montée de la violence à l’égard des syndicalistes en 2008. La commission d’experts a indiqué dans son dernier rapport que le budget de la protection a augmenté de 43 millions de dollars E.-U., dont 30 pour cent sont exclusivement consacrés à la protection des syndicalistes. Le Comité de la liberté syndicale, dans son 353e rapport, cas no 1787, a indiqué: «En ce qui concerne les actes de violence en particulier, le comité observe que des progrès considérables ont été réalisés pour lutter contre la violence». Ces deux dernières années, la commission d’experts a indiqué que les centrales syndicales colombiennes ont reconnu les efforts accrus déployés par le Procureur général de la Nation pour garantir les poursuites et les condamnations. Si un seul verdict a été rendu en 2000, 76 verdicts ont été rendus en 2008. Conformément aux commentaires de la commission d’experts, le gouvernement doit de toute urgence, par l’intermédiaire d’actions systématiques des procureurs et des juges, poursuivre ses efforts. Les membres employeurs espèrent que ces mesures permettront de renforcer la lutte contre l’impunité.

S’agissant des questions législatives soulevées par la commission d’experts, l’un des points importants concerne le recours inapproprié aux coopératives, un point qui a suscité l’attention de la mission tripartite de haut niveau lors de sa visite en Colombie en 2005. Comme la commission d’experts l’a souligné, dans de telles circonstances, les salariés devraient être considérés comme des salariés ordinaires, relevant des mêmes dispositions et conditions d’emploi et d’éligibilité à l’affiliation à un syndicat. Les membres employeurs ont pris note du décret proposé en 2007 qui vise à garantir des conditions égales pour tous dans ce domaine, comme indiqué par le gouvernement, et demandent à ce qu’il soit rapidement adopté.

En ce qui concerne les observations faites par la commission d’experts sur les obstacles à l’enregistrement des syndicats et à l’exercice de leurs activités, il est compréhensible que, dans le climat d’instabilité actuel, le gouvernement cherche à s’assurer que les activités syndicales ne dépassent pas le champ des activités habituelles des syndicats; toutefois, selon l’article 2 de la convention, les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix. Le gouvernement a reconnu ce point et a apporté des changements en la matière.

Par ailleurs, gardant à l’esprit que la convention n’accorde pas expressément le droit de grève, les membres employeurs ont pris note de la législation dont la représentante gouvernementale a fait état aujourd’hui, qui devrait permettre aux parties de créer leur propre processus de règlement de conflit au lieu du processus actuel d’arbitrage obligatoire. En outre, des ressources substantielles devraient être allouées au système judiciaire et aux tribunaux du travail, ainsi que pour renforcer les services d’inspection du travail. Enfin, des mesures dynamiques devraient être prises pour donner suite aux autres questions soulevées par la commission d’experts.

Pour conclure, les membres employeurs ont exprimé l’espoir que le gouvernement poursuivra ses efforts pour améliorer la situation comme il l’a fait par le passé.

Le membre gouvernemental de la République tchèque, s’exprimant au nom des Etats membres de l’Union européenne, de la Norvège, et de la Suisse, a déclaré que la violence à l’égard des syndicalistes en Colombie reste une préoccupation majeure. Malgré les efforts inlassables du gouvernement colombien, 17 syndicalistes ont été assassinés depuis le début de l’année. Compte tenu du fait que l’on ne peut pas venir à bout de la violence sans lutter contre l’impunité, il faut encourager le gouvernement à intensifier ses activités d’investigation concernant les violations des droits humains des membres de syndicats. A cet égard, l’orateur a salué l’élargissement de la sous-unité du Bureau du Procureur général qui est en charge des affaires concernant les syndicalistes, comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts. Bien que le nombre de cas de violences à l’encontre de syndicalistes faisant l’objet d’une enquête soit supérieur à celui concernant les autres victimes de violence, il faut exhorter le gouvernement à redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre l’impunité.

Si les efforts du gouvernement pour améliorer la situation doivent être reconnus, la violence empêche toujours les organisations de travailleurs et d’employeurs d’exercer librement leurs activités. En conséquence, l’orateur a réitéré son soutien au programme de protection des syndicalistes et encouragé le gouvernement à garantir que tous les syndicalistes exposés à des risques bénéficient de mesures de protection appropriées et fiables.

Notant avec intérêt les progrès récemment enregistrés dans la législation, notamment l’amendement des dispositions relatives à l’instance chargée de rendre des décisions sur la légalité de la grève, adopté en août dernier, l’orateur a exhorté le gouvernement, tout comme l’a fait la commission d’experts, à prendre sans tarder toutes les mesures nécessaires à l’amendement d’autres dispositions législatives dont il est fait état dans le rapport de la commission d’experts, de manière à les rendre pleinement conformes aux dispositions de la convention. Dans cette perspective, il convient de souligner l’importance de renforcer la coopération entre le gouvernement et les partenaires sociaux. La coopération étroite avec le BIT et sa représentation à Bogotá est cruciale à cet égard.

L’orateur a donc réitéré la demande faite au Directeur général de fournir une évaluation du rôle de la présence du BIT à Bogotá dans l’appui à la promotion des relations professionnelles en Colombie. Enfin, l’orateur a indiqué qu’il appuyait pleinement les travaux du BIT et de sa représentation permanente à Bogotá, visant à contribuer au plein respect des conventions fondamentales no 87 et no 98 de l’OIT et à promouvoir les relations professionnelles, le rôle des syndicats, le dialogue social et le programme de coopération technique en Colombie, conformément à l’Accord tripartite.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que, au cours des vingt dernières années, la commission d’experts a formulé 19 observations à propos de l’application de la convention no 87 en Colombie, laquelle a comparu à 15 reprises devant la commission. Cela veut dire que, d’une part, le gouvernement colombien continue à violer la convention no 87 et que, d’autre part, cette situation reste sans solution en dépit des efforts du BIT. Chaque fois, le gouvernement s’est engagé, a fait des promesses qu’il n’a jamais tenues. Il en va de même pour les 137 cas soumis au Comité de la liberté syndicale. Dans presque tous les cas, le gouvernement n’a pas suivi les recommandations.

Il s’agit de violations graves qui font s’interroger sur le sérieux de l’Etat quant à ses engagements: la mise en conformité de la législation et de la pratique avec les conventions internationales du travail.

Dans son intervention, la représentante gouvernementale a évoqué quelques mesures adoptées en matière d’instruction des crimes commis contre des syndicalistes, de réglementation de la grève, de coopératives de travail associé et de concertation avec les employés publics. Aucune de ces mesures ne répond aux recommandations formulées par le BIT et n’apporte une réponse à la grave situation d’exclusion, de stigmatisation et de violence à l’encontre des organisations syndicales; elles ne sont que des simulacres de mise en conformité.

Cette pratique consistant à se soustraire systématiquement à ses engagements internationaux a conduit à une situation qu’on peut décrire ainsi: la Colombie compte près de 18 millions de travailleurs dont à peine 4 pour cent sont syndiqués. Seuls 1,2 pour cent ont négocié leurs conditions de travail l’an dernier et l’exercice du droit de grève n’a été possible qu’à deux occasions. Entre 2002 et 2008, le mouvement syndical a perdu plus de 120 000 adhérents. Le ministère de la Protection sociale a refusé d’enregistrer 253 syndicats nouvellement créés. Le nombre des conventions collectives a reculé de 20 pour cent et la couverture de la négociation collective a diminué de 40 pour cent.

Le nombre des coopératives de travail associé a été multiplié par cinq malgré les multiples observations des experts de cette commission, ce qui veut dire que plus de 500 000 travailleurs sont privés du droit de se syndiquer, de négocier et de faire grève et sont réduits à des conditions de travail précaires. Les mères communautaires ne sont pas non plus reconnues en tant que travailleuses.

Le syndicalisme est dénoncé comme un ennemi de l’Etat et de l’entreprise. Le gouvernement multiplie les déclarations hostiles assimilant le syndicalisme aux groupes armés. On a récemment appris que, depuis cinq ans, les services de renseignement de la Présidence de la République (DAS) avaient illégalement mis sur écoute les téléphones de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC), de magistrats des hautes juridictions, de participants à cette Conférence ainsi que d’autres personnes et organisations. Il s’est avéré que ces mêmes services de renseignement ont remis aux paramilitaires une liste de noms de 22 syndicalistes à assassiner, fait pour lequel leur ancien directeur, Jorgue Noguera, est actuellement inculpé pour quatre homicides. Les groupes paramilitaires sont les principaux auteurs de ces assassinats, et parfois aussi la guérilla. En outre, entre 1986 et 2008, on a dénombré 41 exécutions extrajudiciaires de syndicalistes vraisemblablement perpétrées par les forces de l’ordre, 21 d’entre elles sous l’actuel gouvernement.

Au cours des 23 dernières années, ont été commis plus de 10 000 faits de violence contre des syndicalistes, parmi lesquels 2 709 homicides, dont 498 sous l’actuel gouvernement. Entre 2003 et 2007, le nombre des homicides a diminué de 60 pour cent, mais, en 2008, les actes de violence ont progressé de 72 pour cent et les homicides de 25 pour cent, passant de 39 en 2007 à 49 en 2008. Pour 2009, 18 syndicalistes ont été assassinés. Le climat d’insécurité entourant le syndicalisme est tel que plus de 1 500 de ses dirigeants bénéficient de programmes de protection. Tous ces chiffres contredisent l’argument du gouvernement selon lequel la violence antisyndicale est un problème réglé et maîtrisé.

Malgré la création de l’unité spéciale de procureurs et de juges, le travail d’enquête et d’instruction de ces crimes est déficient. Sur les 2 709 homicides commis depuis 1986, le ministère public n’a ouvert une instruction que dans 40 pour cent des cas. Cent dix-huit condamnations à des peines pour assassinat ont été prononcées. Le taux d’impunité se situe ainsi à 95 pour cent et, pour les autres crimes contre des syndicalistes, il atteint 99 pour cent. Les jugements rendus ne permettent pas de faire éclater la vérité. Le mouvement syndical n’a eu de cesse de réclamer l’ouverture d’enquêtes pour tous les cas, de proposer de changer les méthodes d’investigation utilisées et de revendiquer un statut des droits des victimes à la vérité, la justice et la réparation. Au rythme actuel du prononcé des verdicts, il faudrait 37 années à la justice pour venir à bout de l’impunité, à supposer qu’il n’y ait plus d’autre assassinat dès aujourd’hui et que l’unité spéciale d’enquête et d’instruction soit maintenue en activité.

Une telle situation pourrait être surmontée si le dialogue social avait une utilité. Or, malgré la présence d’une Commission permanente de concertation, on ne voit aucun résultat par manque de volonté politique du gouvernement. Il n’a pas été possible de dresser un calendrier de mise en application de la convention no 87. De même, le gouvernement n’a organisé aucune concertation sur les lois sur le droit de grève, la réglementation des coopératives de travail associé et le décret sur la concertation avec les fonctionnaires publics.

Pour terminer, l’orateur a demandé à la commission d’adopter un paragraphe spécial qui non seulement signalerait les manquements graves au regard de la convention no 87, mais exhorterait aussi le gouvernement à se mettre d’accord avec les partenaires sociaux et adopter immédiatement, ou dans un délai maximum d’un an, les politiques et mesures suivantes:

– la reconnaissance de la légitimité et du rôle du syndicalisme dans une société démocratique;

– la prévention des actes de violence antisyndicale et l’investigation complète de ces crimes;

– des mesures de réparation pour le syndicalisme et pour les victimes qui permettent de rétablir les libertés syndicales;

– la réforme complète du Code du travail, conformément aux conventions internationales du travail, aux recommandations de l’OIT et à la Constitution politique;

– la mise en oeuvre des recommandations du Comité de la liberté syndicale;

– la création d’un ministère du travail et le renforcement de l’inspection du travail;

– un plan national de promotion du travail décent;

– l’évaluation et le renforcement de la représentation permanente du BIT en Colombie.

La membre gouvernementale des Etats-Unis a indiqué que l’application de la convention par la Colombie est un problème qui perdure depuis longtemps, et qui constitue par moments une préoccupation sérieuse pour cette commission et les autres organes de contrôle de l’OIT. Depuis la signature, en 2006, de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie par le gouvernement et ses partenaires sociaux en présence de cette commission, et en grande partie grâce à l’aide du BIT, d’importantes mesures initiales ont été prises. Comme le Comité de la liberté syndicale a noté en mars 2009, le gouvernement a fait des progrès dans la lutte contre la violence à l’encontre des syndicalistes et des fonctionnaires. En particulier, les efforts du gouvernement pour protéger les personnes à risque, enquêter, poursuivre et condamner les auteurs d’actes de violence doivent être notés. En outre, il y a eu récemment des progrès dans la résolution d’un certain nombre de questions d’ordre législatif soulevées par la commission d’experts, dont certaines avaient fait l’objet de commentaires pendant de nombreuses années.

La coopération du gouvernement avec l’OIT doit être saluée. Les Etats-Unis ont contribué de manière significative à la promotion de la liberté syndicale en Colombie, et le Président a promis que les Etats-Unis continueront à soutenir les efforts déployés par la Colombie pour améliorer sa sécurité et sa prospérité.

Il est clair, cependant, que la situation des dirigeants syndicaux en Colombie et des membres de syndicats, ainsi que celle du mouvement syndical en général, continuent d’être extrêmement grave. La violence – et la crainte de la violence – doivent être éliminées afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités en toute liberté, en conformité avec les exigences de la convention.

L’oratrice a reconnu que le gouvernement de la Colombie est conscient des énormes défis qui demeurent. Elle a exprimé l’espoir que, avec l’assistance du BIT et à travers un dialogue ouvert et actif avec ses partenaires sociaux, le gouvernement fera les efforts nécessaires pour mettre pleinement en oeuvre ses engagements en vertu de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie et de ses obligations au titre de la convention.

Le membre employeur de la Colombie a déclaré que, comme il ne lui serait pas possible de répondre aux éléments nouveaux venant d’être exposés par les travailleurs au moyen du texte qu’il avait préparé pour s’exprimer devant la commission, il devait intervenir sans préparation pour répondre à ces éléments.

Il a déclaré que c’était la première fois en quinze ans de participation à la présente commission qu’il entendait le porte-parole des travailleurs formuler des interrogations autour d’un cas signalé par la commission d’experts comme étant un cas de progrès et que cela était d’autant plus surprenant que la commission d’experts avait pris note de ce cas de progrès avec satisfaction à l’égard de la Colombie, pour la convention no 87.

Il a cité textuellement les passages du paragraphe 52 du rapport général de la commission d’experts où il est dit que depuis 1964, la commission d’experts a exprimé sa satisfaction dans les cas dans lesquels les gouvernements ont pris des mesures appropriées en modifiant leur législation, leur politique ou la pratique nationale, relevant que la Colombie avait effectivement accompli de tels changements dans tous les domaines, comme en atteste le document communiqué pour analyse approfondie au Bureau.

L’OIT a procédé à de nombreuses analyses de la situation en Colombie au travers de missions de contacts directs, de haut niveau et des représentants du Directeur général, missions dont il est intégralement rendu compte dans les rapports de la Commission de coopération technique et au Conseil d’administration. Ces deux dernières années, les rapports rendent compte des évolutions positives intervenues depuis l’Accord tripartite de 2006.

Le membre employeur a reconnu qu’il existe en Colombie un problème de violence depuis plus de cinquante ans et que les employeurs font tout ce qui est en leur pouvoir pour en venir à bout. Les employeurs colombiens veulent que leur pays se projette dans l’avenir et que ses produits et ses services soient reconnus dans le monde entier, ce pourquoi ils soutiennent les dix principes du Pacte mondial. L’Association nationale des industriels (ANDI) a œuvré en faveur de la création du Centre régional d’Amérique latine dans le but de contribuer au Pacte mondial, déjà opérationnel en Colombie.

Le membre employeur a souligné que ce ne sont pas les employeurs qui causent la mort de syndicalistes et qu’ils respectent les organisations syndicales. Le respect des droits syndicaux ressort clairement de l’accord tripartite de 2006, qui est mis en oeuvre. Il faudrait, à son avis, identifier les raisons de la violence dirigée contre les syndicalistes. Depuis un an et demi, huit gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe se sont efforcés d’élaborer avec plusieurs chercheurs colombiens un programme sur les causes de cette violence et, alors que les employeurs ont exprimé dès le départ leur intérêt pour une telle étude, du côté des travailleurs, des voix s’y sont opposées.

Il faudrait qu’il y ait un changement dans les attitudes, de telle sorte que le cas de la Colombie ne soit pas présenté tous les ans comme si les choses ne s’amélioraient pas et, à ce titre, les travailleurs sont invités à un tel changement d’attitude et à formuler des propositions positives. Le Bureau y est de même invité, de sorte que le cas soit signalé avec les progrès avérés.

Le membre employeur a déclaré qu’il y a eu des changements récents et importants dans la jurisprudence en faveur des droits des travailleurs. La Cour constitutionnelle a dit pour droit que le registre syndical ne saurait faire l’objet d’aucune restriction de la part du gouvernement parce que son rôle se limite au dépôt de l’acte constitutif d’un syndicat. La vérification de la légalité d’un tel acte constitutif ne peut être entreprise que devant les juges. En matière de droit de grève, une loi adoptée récemment dispose que ce n’est pas au gouvernement mais au juge de se prononcer sur la légalité et le déroulement des grèves. En ce qui concerne les arrêts de travail dans la justice, il existe un vide juridique. L’année précédente, il y a eu 40 journées d’arrêt de travail dans la justice et, jusqu’à ce jour, il n’a pas été possible de statuer sur leur légalité puisque les juges eux-mêmes se déclarent incompétents à ce sujet. Dans deux autres secteurs, on a tardé à définir si les arrêts de travail survenus l’année précédente étaient conformes au droit. Il s’agissait d’une part de l’affaire des coupeurs de canne à sucre qui ont empêché des travailleurs syndiqués d’accéder aux installations des entreprises, et de la question des arrêts de travail incessants dans le transport du charbon. Sur le plan des grèves, le pays se trouve au bord de l’anarchie, situation que les employeurs tolèrent pour montrer au monde leur respect des syndicats, alors qu’ils souhaiteraient que les travailleurs n’abusent pas de leur droit de cesser le travail.

Enfin, le membre employeur a exprimé le souhait que les conclusions invitent toutes les parties prenantes à changer d’attitude, de manière à parvenir à un dialogue social constructif; que l’on approfondisse le programme d’enquêtes et de traitement des délits commis contre des syndicalistes; que des ressources supplémentaires soient affectées à ce programme et à la protection des syndicalistes; que les activités de coopération technique avec les syndicats se poursuivent. Il a également exprimé le souhait que l’on n’abuse pas des procédures juridiques pour servir des objectifs qui débordent du cadre des conventions nos 87 et 98. Il a insisté sur l’importance qui s’attacherait à ce que les conclusions reconnaissent les progrès accomplis en Colombie.

Un autre membre travailleur de la Colombie a exprimé sa reconnaissance pour l’intérêt constant de l’OIT à la recherche de solutions au conflit qui, tant dans le domaine du travail que de l’humanitaire, mine le syndicalisme en Colombie depuis plus de trente ans. Le droit à la vie doit rester l’objectif central. La situation des professeurs membres de la FECODE, des gardiens de prison membres de l’ASEINPEC et celle d’autres syndicats sont bien trop graves pour ne plus être mentionnées.

L’orateur reconnaît que, au cours de l’année écoulée, il y a eu quelques progrès sur des questions aussi importantes que le statut de la grève, qui est maintenant de la compétence des juges et non pas du gouvernement, le caractère oral des procédures judiciaires et la décision de la Cour constitutionnelle qui a établi que le gouvernement ne peut pas intervenir dans l’enregistrement de nouvelles organisations syndicales ni dans l’enregistrement des réformes statutaires ni dans l’élection du comité directeur. Dans ce contexte, il a souligné l’énorme travail de la Cour constitutionnelle qui a joué un rôle décisif pour que les conventions internationales soient reconnues et appliquées au niveau national.

Toutefois, l’orateur a indiqué avec regret que, en matière de liberté syndicale, la situation des travailleurs n’est pas exactement la meilleure à cause du climat antisyndical qui s’est développé au fil des ans. En matière de droit d’organisation, des comportements persistent en violation de la convention no 87 et, dans la plupart des cas, il est nécessaire de constituer des syndicats pratiquement dans la clandestinité puisque, lorsque les chefs d’entreprises ont des preuves indiquant la prochaine organisation d’un syndicat, ceux-ci licencient les dirigeants du syndicat. Cette situation est aggravée avec les formes de recrutement externalisé qui plongent les travailleurs dans des situations précaires et les empêchent d’exercer leurs droits syndicaux.

Le droit à la négociation collective est de plus en plus touché par le faible taux d’affiliation et les pratiques antisyndicales consistant en l’imposition de pactes collectifs dans les entreprises, ainsi que les plans d’avantages sociaux qui sont à l’opposé du droit à la négociation et font que, en pratique, la situation devient chaotique. A titre d’exemple, lors de la création d’un syndicat dans la multinationale TELMEX, qui compte plus de 3 000 employés, l’entreprise a imposé un pacte collectif pour éviter un processus de négociation impliquant tous les employés.

L’orateur a indiqué également que la loi no 411 de 1997, par laquelle la convention no 151 a été ratifiée, afin que les fonctionnaires aient le droit de négociation collective, n’est toujours pas assortie des règlements requis pour sa pleine application et ces travailleurs ne peuvent exercer pleinement ce droit en Colombie.

Il a rappelé que, lorsque l’Accord tripartite du 1er juin 2006 pour la liberté et la démocratie a été signé au siège du BIT, il l’a été avec la conviction de la possibilité de sortir le pays de ce climat de conflit professionnel. Trois ans plus tard, on constate que cet accord se développe à un rythme trop lent, ce qui ne le rend pas moins légitime. Toutefois, il serait souhaitable que le gouvernement et les employeurs disent en toute honnêteté s’ils comptent assumer leurs engagements ou qu’ils reconnaissent devant la communauté internationale qu’il ne s’agissait que d’un stratagème pour ne pas apparaître dans une liste, mais qu’ils n’avaient pas l’intention de lancer un processus de changement. Le caractère récurrent de ces discussions est gênant pour le syndicalisme colombien de même que l’adoption par cette commission de tous types de mesures, sans que soient trouvées des solutions définitives aux conflits qui affectent le pays. La Colombie espère que le syndicalisme soit reconnu une fois pour toutes, conformément à la Constitution et aux normes internationales du travail.

Enfin, l’orateur a souligné qu’une démocratie n’est pas complète sans syndicats suffisamment représentatifs, et exhorté les employeurs et le gouvernement, en collaboration avec les confédérations syndicales, à relever le défi de renforcer, développer, appliquer et faire appliquer l’Accord tripartite de 2006 avec une volonté politique, pour que, dans les plus brefs délais, le pays soit une référence en ce qui concerne le respect de la Constitution politique de la Colombie, des conventions et recommandations de l’OIT, ainsi que des engagements pris devant la communauté internationale.

L’orateur a conclu en affirmant que la présence d’un bureau de l’OIT en Colombie et d’un représentant du Directeur général, en plus du programme de coopération technique, sera décisive pour la réussite des tâches proposées.

Le membre gouvernemental du Pérou s’est félicité des informations fournies par le gouvernement de la Colombie, qui sont essentielles pour comprendre la situation dans le pays. Les informations fournies par le gouvernement mettent en lumière les progrès réalisés pour assurer le plein exercice de la liberté syndicale. D’importantes avancées ont été constatées notamment par la baisse du taux d’homicides de syndicalistes, l’augmentation du nombre de condamnations pour des actes de violence et l’augmentation des efforts réalisés pour harmoniser la législation avec les conventions internationales. La voie choisie par le gouvernement de la Colombie montre une volonté politique de garantir la liberté syndicale. Enfin, l’orateur a exprimé l’appui total de son gouvernement.

Un autre membre travailleur de la Colombie a affirmé que le gouvernement n’applique toujours pas les décisions des organes de contrôle, à savoir la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale, et c’est une violation systématique des conventions de l’OIT ratifiées et de la convention no 87.

En ce qui concerne l’affiliation syndicale, il a mentionné la pratique actuelle de stigmatisation de l’activité syndicale et les obstacles imposés par la législation à cette activité, au moyen des différents types de contrats de travail: contrats civils et commerciaux, et coopératives de travail associé (CTA) qui occultent frauduleusement les vrais contrats de travail, ce qui permet aux employeurs et aux entités gouvernementales d’échapper à leurs responsabilités sociales, ces travailleurs étant obligés de payer les contributions à la sécurité sociale; ce phénomène est aggravé d’autant par le fait que le salaire devient une «compensation» permettant de ne pas payer certains avantages salariaux et faisant baisser les revenus de ces travailleurs. Cette précarité d’emploi fait augmenter le travail informel, qui représente 58 pour cent de la population active qui compte 20 millions de personnes, et accentue la pauvreté qui, elle, touche plus de la moitié de la population s’élevant à 44 millions d’habitants.

La loi no 1233/2008, qui est censée réglementer la relation de travail, n’a pas atteint cet objectif mais au contraire a contribué à renforcer les coopératives de travail associé, et par conséquent l’exploitation dans le travail, qui sont de plus en plus nombreuses dans l’industrie, l’agro-industrie, les services et les entités gouvernementales. Ce type de contrat empêche l’exercice d’une activité syndicale et de la négociation collective.

La commission, à sa session de 2006, a avalisé l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie conclu entre les employeurs, le gouvernement et les travailleurs, et a prévu l’établissement d’une représentation du BIT en Colombie. Il serait donc pertinent que la commission en assure le suivi. La commission a également encouragé l’ouverture d’un dialogue social, en vue d’établir une culture de la concertation équitable.

Trois ans plus tard, le gouvernement n’a pris aucune décision tendant à promouvoir le respect de cet accord dans différents aspects, à savoir, la liberté syndicale, la négociation collective, la violence à l’égard des syndicalistes et l’impunité.

Il est regrettable que la représentation du BIT en Colombie n’ait pas atteint les résultats escomptés en matière de gestion et d’objectifs, malgré l’intérêt que portent le Directeur général du BIT et la représentation du Bureau à la Commission spéciale chargée du règlement des conflits auprès de l’OIT, à cause du refus des autorités de district, régionales et nationales de se conformer aux recommandations du Comité de la liberté syndicale.

L’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie devrait être une instance permettant de parvenir à des résultats et l’OIT devrait réaffirmer l’importance du dialogue social et du tripartisme.

L’orateur a demandé à la commission de promouvoir:

– La continuité de la représentation du bureau du BIT en Colombie.

– Le réexamen immédiat par les représentants des employeurs, du gouvernement et des travailleurs, avec l’assistance et la coopération du BIT, de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie.

– Le suivi continu de l’évolution du respect de l’accord à l’occasion de chaque Conseil d’administration, par le biais de rapports et d’évaluations.

Enfin, il a souligné que l’efficacité du dialogue social et de la concertation dépendent de l’engagement et de la volonté concernant les résultats à atteindre de manière équitable. En conséquence, il est inacceptable que le gouvernement prétende se conformer à ses obligations juridiques dans le cadre de l’OIT, étant donné que les réunions se déroulent en l’absence des autorités légalement tenues d’y participer et qu’elles ne produisent aucun résultat.

Le membre employeur de l’Argentine a expliqué, en sa qualité de vice-président de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de président du groupe des employeurs du Conseil d’administration, qu’en faisant part de sa satisfaction dans son rapport, la commission d’experts reconnaît à la Colombie la qualité de cas de progrès. Il a souligné qu’il s’agit du seul cas de progrès de la liste des cas à examiner et que, depuis la signature, pendant la Conférence de 2006, de l’Accord tripartite pour la liberté d’association et la démocratie, le cas n’a pas été analysé par la présente commission.

Des progrès découlant de cet accord sont enregistrés dans la lutte contre l’impunité et la violence contre les syndicalistes, en l’occurrence: création au sein du ministère public d’une unité d’enquête spéciale sur les actes dirigés contre des syndicalistes; nomination de magistrats spécialisés dans le jugement de délits contre des syndicalistes; affectation de ressources économiques au fonctionnement permanent de ces juges; 190 condamnations, la plupart dans les deux dernières années; 292 détenus reconnus responsables des délits ayant fait l’objet des condamnations; renforcement des programmes de protection des syndicalistes et diminution de la violence à leur égard.

Le programme de coopération technique proposé par l’OIT bat son plein, avec l’assistance et la coordination du représentant de l’OIT, son financement étant intégralement assuré par le gouvernement colombien pour ce qui touche au dialogue social, aux jeunes, aux femmes et au renforcement des communautés locales. Des juridictions supérieures ont prononcé des arrêts assurant une protection aux syndicalistes en matière d’enregistrement des syndicats, de définition par les juges du caractère politique des grèves, etc. Par ailleurs, de nouvelles lois ont été élaborées dans le but d’éviter les abus du recours à la sous-traitance, de la reconduction des congés non rémunérés pour cause de décès d’un proche et de la reconnaissance du caractère illégal d’une grève.

L’orateur n’est pas venu pour exprimer sa satisfaction à propos d’un gouvernement, mais plutôt pour témoigner de l’efficacité de la décision tripartite qui a permis le programme de coopération technique et les résultats qu’il a produits. Cela ne constitue pas seulement un cas de progrès, mais aussi un cas de satisfaction particulière pour l’OIT. Malgré la complexité de la crise mondiale et son impact sur tous les pays, la Colombie a poursuivi ses efforts pour surmonter les problèmes déjà connus et dont la commission a débattu. Ces problèmes n’ont pas disparu, d’autres actions seront nécessaires et le groupe des employeurs continuera à appuyer les programmes de coopération technique. Quand les mécanismes de contrôle permettent d’exprimer non seulement une préoccupation mais aussi une évolution positive, le pays gagne en prestige, à l’extérieur comme à l’intérieur. Enfin, il faudrait que les conclusions de cette commission reflètent la satisfaction retirée des progrès réalisés et que ces progrès se poursuivent à l’avenir.

Le membre gouvernemental de l’Espagne, après avoir dit que la délégation espagnole souscrit à la déclaration de l’Union européenne, a déclaré que son pays suit avec beaucoup d’intérêt la situation politique et sociale en Colombie. Les syndicats espagnols entretiennent des rapports de coopération étroits avec leurs collègues colombiens. La Colombie est un pays prioritaire et qui jouit d’un régime de préférence s’agissant de la coopération espagnole qui a mis en place des programmes d’accueil en Espagne de défenseurs colombiens des droits de l’homme, au nombre desquels figurent de nombreux dirigeants syndicaux.

Les difficultés que rencontre le gouvernement colombien dans sa fonction de normalisation de la vie politique sont connues, notamment pour ce qui a trait aux relations de travail. La politique de sécurité démocratique instaurée au début du mandat du gouvernement actuel a réussi à faire baisser tous les indices de violence, y compris ceux liés au monde du travail. Les chiffres sont bien meilleurs qu’il y a quelques dizaines d’années, quoiqu’il ne fasse aucun doute qu’il faudrait les ramener à zéro.

A l’image de nombreux délégués, l’orateur s’est félicité de la mise en place de la sous-section spéciale du ministère public chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes. La baisse du taux d’impunité est un succès à porter au crédit de l’action menée par les magistrats.

Pour ce qui est des modifications de la législation dans le domaine syndical, on note aussi quelques progrès. Il s’agit d’un travail en cours depuis peu, mais il importe beaucoup que ces progrès aient été réalisés dans la lé-

gislation du travail, des progrès qui doivent être suivis d’autres. En conséquence, on ne peut pas dire que le gouvernement n’ait rien fait à cet égard.

Pour finir, l’orateur a lancé un appel en faveur du dialogue social. Les partenaires sociaux colombiens doivent encore progresser sur la voie d’accords tripartites, comme ceux conclus tout récemment entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, à l’instar de ce qui s’est passé lors des accords de 2006. Comme ce fut le cas en Espagne, les accords préliminaires entre le gouvernement, les chefs d’entreprise et les travailleurs permettront de changer le climat des relations de travail. Tout accord qui sera conclu en Colombie, quelle que soit sa portée, même modeste au départ, peut avoir des effets bénéfiques au-delà de l’entente initiale. C’est pourquoi il a invité les partenaires sociaux colombiens à poursuivre sur la voie du dialogue social et de la négociation qui est, en dernière analyse, celle de la réconciliation.

Le membre travailleur de l’Espagne a déclaré que le cas de la Colombie est le paradigme de la violation systématique des droits fondamentaux. Les assassinats, les disparitions, les menaces et autres actes de violence extrême, peuvent s’exprimer froidement par des chiffres; ce qui est plus difficile à quantifier, ce sont les dégâts considérables provoqués par cette violence antisyndicale sur le tissu social. Le climat de terreur qui en résulte a une incidence néfaste sur l’activité syndicale.

L’une des formes les plus subtiles d’intimidation est la dégradation des relations de travail, au moyen de la promotion du développement des coopératives de travail associé et autres formes de sous-traitance, comme les contrats de prestations de service et les contrats civils ou commerciaux qui occultent des relations de travail irréfutables et rendent d’autant plus difficile l’exercice de la liberté syndicale et autres droits sociaux fondamentaux.

Depuis de nombreuses années, la commission d’experts s’attache en particulier à l’usage abusif en Colombie de différentes formes contractuelles pour éluder la législation du travail et empêcher le droit de se syndiquer et de négociation collective. A en juger par les faits exposés par la présente commission, les autorités du travail ne semblent pas avoir exercé suffisamment de contrôle pour empêcher les coopératives de servir à dissimuler une relation de travail, objectif précisément recherché par la recommandation (nº 193) sur la promotion des coopératives, 2002, de l’OIT. Le fait de ne pas connaître le nombre réel de coopératives – étant donné que certaines opèrent, dans une certaine mesure, dans l’illégalité consentie – rend d’autant plus difficile le suivi que devrait faire le ministère de la Protection sociale pour éviter l’intermédiation dans le travail.

Tout au long de ces dernières années, il y a eu de nombreux exemples de la façon dont certaines entreprises licencient les travailleurs pour ensuite promouvoir avec ces derniers une coopérative de travail associé dans laquelle la relation de subordination est la même. Mais surtout, il convient d’appeler l’attention sur le fait que le gouvernement, même après avoir approuvé l’an dernier la loi no 1233 sur les coopératives de travail associé, a continué de faire fi du critère que le Comité de la liberté syndicale a réitéré à propos de l’article 2 de la convention no 87 selon lequel la notion de travailleur inclut les travailleurs dépendants et les travailleurs autonomes et, par conséquent, les travailleurs associés en coopératives doivent avoir le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier. Sans le droit à l’organisation syndicale, il est difficile, voire impossible, d’assurer l’exercice de droits comme la protection sociale, la sécurité et la santé au travail, un salaire digne ou une durée de travail appropriée.

Outre le fait de transférer les coûts supportés par l’entreprise aux travailleurs, puisque ces derniers assument 100 pour cent des coûts relatifs à la sécurité sociale, l’exercice de leurs droits fondamentaux n’est pas respecté, ce qui transforme la relation de travail en une relation de servitude séculaire. Le syndicalisme mondial salue la lutte de l’ensemble du syndicalisme colombien qui, à l’échelle planétaire, dénonce cette forme de semi-servitude.

Le Directeur général du BIT, dans son rapport à la présente Conférence, indique une fois encore que le respect des normes fondamentales de travail est une condition sine qua non, tant pour la réalisation de la justice sociale que pour le développement économique équilibré. Les principales conséquences de ce modèle de capitalisme sauvage, qui a conduit à la crise actuelle, sont la généralisation de la précarité du travail et l’accroissement intolérable des inégalités sociales, et c’est pourquoi les décisions politiques et économiques doivent favoriser une forme de travail centralisée et de qualité, afin que le travail décent soit une source de droits et de progrès économiques. Enfin, l’orateur a proposé l’adoption d’un paragraphe spécial pour demander instamment au gouvernement colombien de se conformer à la convention no 87.

Le membre gouvernemental du Canada a reconnu la situation difficile qui prévaut en Colombie en ce qui concerne les droits des travailleurs. Il est encouragé, toutefois, par la volonté politique manifestée par le gouvernement pour combattre la violence à l’encontre des syndicalistes et protéger les droits des travailleurs, comme en témoignent les mesures prises, telles que la création d’une sous-section dans l’unité des droits de l’homme du Procureur général, chargée de lutter contre les crimes antisyndicaux, et l’élaboration d’une nouvelle législation visant à renforcer les dispositions de protection du travail. Le gouvernement a également travaillé en étroite collaboration avec la représentation du BIT à Bogotá en vue de la mise en oeuvre de l’Accord tripartite, qui comprend une assistance technique sur les questions liées au travail et pour laquelle le gouvernement s’est engagé pour plus de 4 millions de dollars.

L’orateur a toutefois indiqué que d’importants défis subsistent en ce qui concerne la sécurité des syndicalistes, et a encouragé le gouvernement à redoubler d’efforts pour éliminer la violence antisyndicale, mener à leur terme les poursuites en matière de crimes antisyndicaux, et améliorer les conditions favorisant un dialogue social efficace. Il a exprimé le soutien de son gouvernement pour le renforcement et l’application de la législation du travail au profit des travailleurs, y compris par l’apport d’une assistance technique dans les domaines de l’application des droits du travail, le dialogue social, la sécurité et la santé au travail, et la modernisation des systèmes d’inspection du travail.

Le membre employeur de l’Espagne a déclaré que, même s’il est reconnu que la violence, les assassinats de syndicalistes et les problèmes d’application effective du principe de la protection judiciaire des droits persistent, il n’est pas certain que des efforts n’ont pas été faits. On constate des progrès notamment eu égard à la baisse du nombre de personnes agressées ou assassinées, à l’augmentation du nombre de personnes reconnues coupables d’actes de violence contre des syndicalistes, à l’augmentation de la dotation budgétaire pour la protection des syndicalistes, etc. Il faut souligner que le gouvernement est disposé à collaborer avec l’OIT, comme en témoignent les nombreuses missions qui ont été entreprises dans le pays.

Un des avantages de ces discussions réside dans leur capacité à stimuler et encourager les gouvernements, en reconnaissant les progrès accomplis, sans nier ni amoindrir l’importance de la gravité du problème, particulièrement préoccupante en ce qui concerne ce cas.

Le membre travailleur du Sénégal a rappelé qu’au moment de la signature historique de l’Accord tripartite, il y a trois ans, la situation dans le pays était marquée par des meurtres de responsables syndicaux et des atteintes aux droits des travailleurs. Malheureusement, des antagonismes profonds persistent encore aujourd’hui et l’on ne peut qu’être sceptique quant à la volonté du gouvernement de tourner les pages sombres de son histoire sociale. Notre commission a été le témoin de la conclusion de l’Accord tripartite, qui porte sur le droit d’association et la démocratie en vue de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, de leurs organisations et des dirigeants syndicaux, et concerne la dignité humaine, la liberté syndicale, la liberté d’expression, la négociation collective, la libre entreprise pour les employeurs, ainsi que la promotion du travail décent. La conclusion de cet accord devait contribuer à améliorer la situation désastreuse dans laquelle se trouvait le pays en matière de violence antisyndicale. Cependant, la persistance de la violence et de l’impunité, ainsi que l’impossibilité pour le gouvernement de garantir la mise en oeuvre effective de cet accord, restent des sujets de préoccupation majeure. Le gouvernement devrait conjuguer les forces en présence pour soutenir l’accord conclu en 2006 et intensifier ses efforts dans la lutte contre les responsables des meurtres de syndicalistes, au lieu de s’en tenir à une apparente passivité. Plus vite il s’engagera dans cette voie, plus important pourra être le soutien du BIT et plus grandes seront les possibilités d’un avenir meilleur pour les dirigeants syndicaux dans le pays. Inversement, l’avenir restera sombre tant que l’Accord tripartite ne sera pas pleinement appliqué. Le programme de coopération technique offre une lueur d’espoir et il est vrai que le Procureur de la Nation est actif, mais le problème de la qualification des faits dans les procédures pénales reste posé. Le gouvernement est lié par la convention no 87 et par l’Accord tripartite et il doit tenir ses engagements.

La membre gouvernementale du Brésil a indiqué que, en tant que pays voisin, le Brésil est conscient des grands défis que doit relever le gouvernement de la Colombie dans le domaine du travail, et elle a reconnu également les nombreux efforts déployés par les gouvernements colombiens successifs pour y faire face. L’une des fonctions de la commission étant également d’encourager le plus grand nombre de ratifications possible des conventions de l’OIT, l’oratrice a félicité le gouvernement de la Colombie pour avoir dépassé la moyenne régionale en termes de conventions ratifiées: 60 conventions, parmi lesquelles se trouvent les huit conventions fondamentales. Le Brésil partage avec la Colombie le statut d’Etat fondateur de l’OIT et, durant les quatre-vingt-dix ans d’existence de l’Organisation, des progrès ont été réalisés. L’oratrice a exprimé le souhait de voir la complexité de chaque pays, le sérieux et la transparence avec lesquels ils relèvent les défis, pris en considération dans les travaux de la commission.

Le membre employeur du Brésil a déclaré que le cas de la Colombie était emblématique de par son ancienneté, sa complexité, ainsi que de par l’action du BIT. Le BIT a parrainé l’Accord tripartite de 2006, lequel était d’une importance historique, et a décidé de créer un bureau spécial à Bogotá. Au sein de la commission sont discutées non seulement les mesures prises par le gouvernement, mais aussi celles prises par le BIT.

La commission d’experts, le groupe des employeurs et le groupe des travailleurs reconnaissent deux faits: d’une part, de nombreux et graves problèmes restent à résoudre, et pas seulement dans le domaine syndical, et, d’autre part, de nombreux progrès ont été réalisés depuis la signature de l’Accord tripartite. L’orateur a exprimé sa satisfaction devant les progrès accomplis, même si beaucoup reste à faire. Il a souligné que, puisqu’il s’agit d’un cas de progrès, cela doit être souligné dans les conclusions. L’orateur a indiqué que, dans la région, il existe parfois une déception en ce qui concerne les agences de l’ONU et autres organismes multilatéraux et a souligné l’importance de refléter dans les conclusions que, dans ce cas, il n’y a pas de recul, mais des avancées et des progrès.

Le membre gouvernemental du Mexique a déclaré que le rapport de la commission d’experts montre que la situation en Colombie reste difficile mais qu’il permet aussi de se rendre compte de certains progrès dans les efforts réalisés par le gouvernement. A titre d’exemple, bien que la commission fasse état de sa vive préoccupation devant l’augmentation du nombre de dirigeants syndicaux et d’affiliés assassinés, elle se félicite par ailleurs des mesures prises par le gouvernement, en particulier l’augmentation des sommes allouées à la protection des dirigeants syndicaux et des affiliés.

De même, quoique la commission d’experts déplore un recul du nombre des condamnations prononcées dans le cadre de violations des droits de l’homme de syndicalistes, elle prend également note de toutes les mesures adoptées par le gouvernement, et en particulier des efforts déployés pour faire progresser les enquêtes sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes. La commission a souligné que ces efforts ont été reconnus par les organisations internationales.

La commission d’experts a noté avec satisfaction que la loi no 1210 a modifié l’article 451 du Code du travail de telle sorte que, dorénavant, la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure prioritaire. L’orateur a considéré que ces efforts doivent être reconnus tout en priant instamment le gouvernement colombien de continuer à oeuvrer pour garantir le respect intégral de la convention no 87.

La membre travailleuse de la Norvège, s’exprimant au nom des organisations syndicales des pays nordiques, a rappelé que la commission a noté à maintes reprises que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans un climat exempt de peur. En Colombie, la peur a toujours été utilisée dans des tentatives concertées pour détruire le mouvement syndical. Il n’y a pas de liberté syndicale et l’état d’impunité est réellement choquant.

L’oratrice s’est interrogée sur les progrès que le gouvernement affirme avoir accomplis pour traduire les coupables en justice, dès lors que le nombre d’homicides demeure élevé et a même de nouveau augmenté. Sur les 2 709 meurtres, seulement 1 119 cas font l’objet d’une enquête, et la moitié de ceux-ci sont dans la phase préliminaire. Moins de 4 pour cent des coupables ont été punis. Dans le cas de menaces de mort et d’enlèvement, le taux d’impunité est respectivement de 99,9 pour cent et 93,7 pour cent respectivement. Le taux d’impunité est de 100 pour cent dans les cas de disparitions forcées, de torture et de harcèlement par les autorités.

S’il est vrai que le bureau du Procureur général et le Conseil supérieur de la magistrature ont créé la sous-section du bureau du Procureur afin d’enquêter et de punir les auteurs d’homicides commis depuis 1986, et que celle-ci a obtenu des résultats dans un premier temps, l’activité de cette sous-section a ensuite fortement ralenti. A l’exception des homicides commis après juin 2006, pour lesquels des aveux ont été obtenus, ni les mobiles ni les commanditaires n’ont été identifiés. Les enquêtes criminelles sur les actes portant atteinte au droit à la liberté d’association et aux libertés syndicales n’ont pas conduit à une seule condamnation à l’encontre du gouvernement et des employeurs.

Les affirmations du gouvernement selon lesquelles la violence à l’encontre de syndicalistes est tout simplement le résultat du conflit armé en Colombie, et que les groupes paramilitaires ont cessé d’exister après la mise en application de la loi «Justice et paix», sont difficiles à croire. La violence à l’encontre de syndicalistes constitue un effort organisé, ciblé et continu visant à détruire le mouvement syndical en créant la peur. Il n’est pas étonnant que près de 4 pour cent des travailleurs colombiens sont membres d’un syndicat. Il est même presque surprenant de voir que 4 pour cent des travailleurs sont si courageux qu’ils sont prêts à mettre leur vie en danger pour être solidaires avec leurs collègues de travail dans la défense d’une juste cause.

Les autorités ont insinué publiquement que le mouvement syndical est lié à des groupes armés, faisant ainsi des syndicalistes des cibles légitimes. En mai 2009, le journal El Tiempo a indiqué que la surveillance des syndicalistes assassinés a été révélée dans le dossier contre J. Noguera, l’ancien directeur du département de la Sécurité du gouvernement (DAS). Des dirigeants syndicaux étaient convaincus que leur ligne téléphonique avait été mise sur écoute. Le DAS a également harcelé le conseiller pour l’Amérique latine de l’organisation à laquelle l’oratrice appartient, LO-Norvège, simplement parce qu’il était chargé des relations de solidarité entre son organisation et la CUT.

Il est nécessaire de faire face aux graves violations commises contre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux par une politique de prévention et de protection complète et solide. A cette fin, il est nécessaire de reconnaître publiquement la légitimité et le caractère démocratique des activités syndicales et de mettre un terme aux déclarations faites par le gouvernement, qui accuse les syndicalistes de collaborer avec les groupes de la guérilla. Le gouvernement doit de toute urgence enquêter sur les crimes contre les syndicalistes et identifier les commanditaires afin que leur implication dans les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ne reste pas impunie.

Il est donc important que le BIT surveille la situation en Colombie et confronte le gouvernement en ce qui concerne les violations graves commises contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. Bien que le gouvernement ait annoncé publiquement que le cas de la Colombie serait examiné comme un cas de progrès, et compte tenu de l’augmentation du nombre d’assassinats de syndicalistes, des violations persistantes des droits syndicaux et de la presque totale impunité des auteurs de ces actes, l’oratrice a exprimé l’espoir que cette commission ne laisse pas cette situation se poursuive sans protester.

La membre gouvernementale du Nigéria a souligné que la violence commise à l’encontre des personnes, y compris des syndicalistes, est regrettable. Cette violence est susceptible d’amener les syndicalistes à passer dans la clandestinité et à taire leur voix; comme cela a été précisé par les différents membres travailleurs qui ont participé à cette discussion, la situation est effectivement grave. Il est néanmoins nécessaire de reconnaître les efforts déployés par le gouvernement qui a montré qu’il reconnaissait la gravité des problèmes à régler et a fait preuve de sa volonté à les traiter. Davantage aurait pu et doit encore être fait par le gouvernement, mais il ne fait aucun doute que des progrès ont été réalisés. L’oratrice a prié instamment le gouvernement de se prévaloir de l’appui promis par les Etats-Unis, le Canada et l’OIT pour une amélioration de la situation grave qui prévaut encore dans le pays.

Le membre travailleur des Etats-Unis a relevé que rien n’est plus essentiel à la convention no 87 que l’intégrité physique des employeurs et des travailleurs. Tragiquement, en 2009, la Colombie demeure l’endroit le plus dangereux pour les travailleurs, avec plus de 60 pour cent de l’ensemble des assassinats de syndicalistes dans le monde.

Si l’épicentre du débat aujourd’hui est la question du progrès, il n’y a pas eu, il n’y a pas actuellement et il n’y aura jamais de progrès réels dans ce cas, tant que la crise de l’impunité ne sera pas directement, véritablement et honnêtement résolue. Cela implique la condamnation effective de tous les auteurs des actes de violence et de leurs commanditaires, de développer les capacités en matière d’enquête, de poursuites et de procédure judiciaire, et de veiller à ce que les termes des condamnations soient consistants. En raison de l’absence de ces éléments essentiels, on trouve aujourd’hui que: 1) le taux d’assassinats de syndicalistes a augmenté de 25,6 pour cent entre 2007 et 2008, 2) déjà en 2009, au moins 17 syndicalistes ont été assassinés; 3) le taux d’impunité pour les assassinats de syndicalistes en Colombie au cours des vingt-trois dernières années était de 96,6 pour cent; et 4) si on prend en considération les actes de violence contre des syndicalistes en Colombie depuis 1986, y compris non seulement les homicides, mais également les enlèvements, les agressions et les actes de torture, on constate que le taux d’impunité atteint 99,9 pour cent.

C’est cette triste et dure réalité que cette commission doit aborder sérieusement et honnêtement. Cette réalité existe en dépit des rapports adressés par le gouvernement à la commission d’experts, l’allocation d’un budget de 45 millions de dollars pour des mesures de protection, la mise en place de trois tribunaux spéciaux chargés de traiter l’arriéré des cas, les récompenses pouvant atteindre 250 000 dollars pour la transmission d’informations et l’augmentation du nombre de fonctionnaires au sein du bureau du Procureur général qui est passé à 2 166. Ces mesures ne résolvent cependant pas le problème et la raison en est claire.

Les présomptions dominantes dans le système d’enquêtes et de poursuites sont fondamentalement entachées d’irrégularités, comme le montrent l’Ecole nationale des syndicats (ENS) et la Commission colombienne de juristes. Dans de nombreux cas, le bureau du Procureur général a prétendu que le syndicat est victime de la guérilla, qu’il est même lié à la guérilla ou a utilisé d’autres motifs erronés, et le cas a été traité en conséquence.

Malgré les millions de dollars investis dans ce bureau, sur les 2 700 syndicalistes qui ont été assassinés au cours des 23 dernières années, la sous-section compte seulement 1 119 dossiers, soit 41,3 pour cent du nombre total de meurtres, et 645 de ces 1 119 cas, soit 58 pour cent, étaient au stade préliminaire, ce qui signifie qu’il n’y avait même pas un suspect. Vu la capacité actuelle, et une moyenne de 70 condamnations par an, il faudrait attendre trente-sept ans pour que le système surmonte le taux d’impunité cité, et ce uniquement dans l’hypothèse où il n’y aurait plus d’assassinats à partir d’aujourd’hui.

Enfin, dans environ 45 pour cent des condamnations à cette date, le défendeur a été jugé par contumace ou sans être en détention, et la grande majorité de ces procédures impliquait les auteurs matériels, mais non les commanditaires de ces actes. De nombreux paramilitaires qui s’étaient inscrits dans le programme mis en place dans le cadre de la loi Justice et Paix ont abandonné la procédure de déposition volontaire, persuadés que le système judiciaire ne fonctionnait pas et ne les tiendrait jamais pour pénalement responsables. Cela signifie qu’ils s’organisent dans de nouvelles bandes d’assassins antisyndicaux, telles que la «Nueva Generación Aguilas Métros de Santander» ou le «Commando Carlos Castaño Vive».

Le climat d’impunité persistera, si la confusion des messages continue au sommet. Tel est le cas, par exemple, de la preuve irréfutable selon laquelle des éléments du DAS avaient collaboré directement avec les paramilitaires pour l’assassinat de syndicalistes, ou des déclarations publiques du président Uribe affirmant que la récente grève des coupeurs de canne à sucre dans la Valle de Cauca avait été provoquée par les FARC. Tout cela rappelle à l’orateur la phrase ironique de George Bernard Shaw, selon laquelle «sans des changements réels, le progrès est impossible et ceux qui ne peuvent pas changer d’avis à propos du changement ne pourront rien changer».

Le représentant gouvernemental de la Colombie a réitéré ses remerciements pour l’intérêt avec lequel les inquiétudes ont été exprimées et les recommandations formulées en ce qui concerne les droits du travail en Colombie. Il a exprimé la reconnaissance de son gouvernement pour le rapport présenté par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations qui qualifie la Colombie de cas en progrès et l’invite à poursuivre sur la voie dans laquelle elle s’est engagée en tenant compte de ses avis et recommandations.

Le gouvernement colombien est intimement convaincu qu’avec le soutien du BIT la compréhension et la coopération de la communauté internationale et l’intensification du dialogue social entre les travailleurs, les employeurs, le gouvernement national et les autorités régionales et locales, il sera possible de tirer tout le parti des progrès obtenus en vue de garantir les droits de la population active. Il ne fait aucun doute que le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif suivront le gouvernement dans cette voie.

Dans un esprit de collaboration entre les rouages de la puissance publique, soucieux de poursuivre sur la voie du progrès, le gouvernement est maintenant suivi par des magistrats de la Cour suprême de justice, de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et du Conseil supérieur de la magistrature qui ont pris note des suggestions qui ont été formulées. L’orateur a indiqué que, pendant son séjour à Genève, il a eu des entretiens qui ont débouché sur la négociation d’un accord entre la juridiction du travail de la Cour suprême de justice et le Département des normes de l’OIT qui devrait être signé dans les prochains jours et se traduire sans doute par un resserrement des liens de collaboration et par des perspectives nouvelles pour continuer à améliorer l’exercice des fonctions des institutions de l’Etat.

Le gouvernement partage les préoccupations permanentes de la communauté internationale devant la situation de violence qui affecte la Colombie en dépit des progrès significatifs obtenus grâce à la politique de sécurité démocratique. Les activités délictueuses et terroristes dont les principaux responsables sont les groupes armés illégaux, qui entretiennent de plus en plus des liens avec les narcotrafiquants, restent une menace pour la société colombienne. La violence et la criminalité affectent l’activité syndicale par le biais d’actes d’une extrême gravité, tels que les assassinats de syndicalistes ou les menaces de mort, mais elles affectent aussi l’activité économique par les enlèvements, les menaces ou les assassinats de chefs d’entreprise.

L’orateur convient, comme plusieurs autres délégations, que la situation ne pourra revenir à la normale tant qu’il y aura en Colombie un seul acte de violence, d’intolérance, d’impunité ou tant qu’un seul syndicaliste, chef d’entreprise, journaliste, défenseur des droits de l’homme, homme politique, indigène, juge, citoyen ou citoyenne sera victime d’un acte de violence. Cette conviction oblige à ne pas limiter l’action à celle du gouvernement actuel parce que la sécurité, qui est liée aux droits fondamentaux à la vie, à la liberté et au bien-être, devrait être une politique d’Etat.

Il a réitéré la demande adressée à la communauté internationale pour qu’elle continue à exiger des groupes armés illégaux qu’ils mettent un terme à la violence absurde qu’ils infligent à la population colombienne, qu’ils cessent ces pratiques inhumaines que sont les enlèvements, l’utilisation de mines antipersonnel et les actions terroristes contre les civils et qu’ils remettent en liberté sans condition aucune toutes les personnes qu’ils détiennent. L’existence de groupes armés illégaux ne se justifie pas, quelles que soient leur obédience ou leurs convictions.

Pour pouvoir mettre fin à la violence, protéger la vie des syndicalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des chefs d’entreprise, des fonctionnaires et des autres citoyens et citoyennes, il est essentiel de progresser dans la lutte contre l’impunité, pour que tous les crimes fassent l’objet d’une enquête et qu’aucun ne reste impuni. Dans tous les pays, lorsqu’un crime reste impuni du fait des autorités judiciaires, il ne fait qu’inciter les délinquants à commettre d’autres actes de violence. C’est pourquoi il faut répéter que l’Etat colombien, soutenu en cela par la société civile, ne peut relâcher ses efforts de lutte contre l’impunité et, pour cela, il doit poursuivre et sanctionner toute pratique criminelle, quel qu’en soit l’auteur.

A cette fin, il est extrêmement important que le gouvernement, avec le pouvoir judiciaire représenté par le ministère public, le Conseil supérieur de la magistrature et les Hautes Cours, continuent de renforcer le groupe spécial de magistrats et de juges spécialisés dans l’instruction d’affaires liées à l’assassinat de syndicalistes qui a été créé dans le cadre de l’Accord tripartite et qui a permis de réaliser une avancée qualitative et quantitative dans le nombre de jugements prononcés par les juges, qui sont passés de 12 jusqu’en 2002 à 190 à ce jour, dont 151 prononcés depuis la signature de l’Accord tripartite en 2006.

Le gouvernement partage les inquiétudes exprimées par plusieurs délégations qui estiment peu élevé le nombre des enquêtes et des condamnations par comparaison avec celui des procédures pour homicides de syndicalistes introduites ces trente dernières années. La Colombie est devenue le centre de toutes les attentions et les résultats obtenus à ce jour ne peuvent que stimuler les efforts des institutions pour lutter contre la violence et pour la défense de l’activité syndicale.

Parallèlement à sa lutte contre l’impunité et la violence, le gouvernement va mettre en place dans les prochains mois un programme de réparation pécuniaire pour les victimes de la violence au moyen d’un fonds constitué au départ de 50 millions de dollars.

S’agissant des préoccupations qui ont été exprimées à propos de l’évolution de l’Accord tripartite, des résultats de la mission de haut niveau du BIT, des engagements pris par le ministre de la Protection sociale lors de la comparution volontaire de la Colombie devant la commission des normes en 2008 et des programmes de coopération technique que le BIT a accompagnés, l’orateur a signalé que, malgré les carences, les difficultés et les embûches que doivent affronter les divers acteurs sociaux, il est indéniable que le bilan des efforts entrepris ces dernières années est positif.

Il est important de prendre des mesures plus concrètes à l’égard de la présence du BIT en Colombie, dont certaines ont trait aux programmes de coopération technique en ce qui concerne, par exemple, l’emploi et la formation professionnelle, la sécurité sociale, la signature d’accords avec les organismes judiciaires et de contrôle de l’Etat afin de renforcer la lutte contre l’impunité et, avec les gouvernements régionaux et locaux, le travail décent et le dialogue social.

En ce qui concerne les droits au travail, l’orateur a souligné les résultats positifs mis en évidence après la signature de l’Accord tripartite et qui ont été les désirs de luttes syndicales. Parmi ses résultats, peuvent être mentionnés notamment la nouvelle loi sur le droit de grève. Cette loi a retiré au gouvernement le pouvoir de qualifier le mouvement de grève et a été complétée par la récente décision de la Cour constitutionnelle renforçant la protection de ce droit. De même, il faut souligner le jugement de la Cour constitutionnelle sur l’autonomie des travailleurs à former des syndicats et leur droit à être enregistrés par le ministère de la Protection sociale, sans aucune ingérence ou limitation.

Ces résultats montrent que, avec plus de dialogue entre les parties prenantes sur le lieu de travail, plus de souplesse dans les positions, une utilisation plus prudente de la parole, plus d’objectivité et de réalisme par rapport aux progrès à réaliser, l’on peut poursuivre la consolidation et la signature de conventions collectives de travail. Il est nécessaire de briser la peur de dialoguer avec l’autre.

Plusieurs exemples peuvent être cités: les accords conclus récemment par les travailleurs du secteur pétrolier afin d’aboutir à des relations professionnelles plus amicales et fructueuses; l’accord conclu par les travailleurs des bananeraies pour mettre fin à la grève dans ce secteur et qui engage les travailleurs et les employeurs à demander aux acheteurs de la banane colombienne un plus grand bénéfice, tant en ce qui concerne les quotas qu’en ce qui concerne les prix; ainsi que l’accord conclu entre la Fédération colombienne des éducateurs et le ministre de l’Education nationale, qui permet le développement du dialogue social et la concertation dans le secteur public, définissant les sujets qui ont été l’objet d’un accord et les sujets sur lesquels aucun accord n’a été possible.

Le gouvernement, dirigé par le Président de la République et le ministre de la Protection sociale, souhaite renforcer un programme pédagogique et la diffusion du dialogue social au niveau national, ainsi que des politiques d’inspection et de médiation professionnelle pour permettre la poursuite des progrès vers une meilleure compréhension. Dans cette perspective, le développement d’un programme complet visant à renforcer la culture et les meilleures pratiques liées au dialogue social, à la médiation et à l’inspection du travail sera encouragé par l’OIT dans le cadre du développement de l’Accord tripartite, et avec la coopération des gouvernements des pays amis.

L’orateur a souligné l’esprit constructif qui a caractérisé le BIT et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, les porte-parole des travailleurs et des employeurs, ainsi que les interventions faites par les délégations des travailleurs, des employeurs et des gouvernements sur le développement et la mise en oeuvre de la convention no 87 de l’OIT en Colombie.

Il a réaffirmé que ce dialogue, fondé sur l’esprit de collaboration, permettra de surmonter les faiblesses et les défis qui persistent encore et d’améliorer les efforts en vue de garantir les droits des travailleurs.

A cet égard, l’orateur a invité le président de la commission et les porte-parole des travailleurs et des employeurs à faire en sorte que les conclusions de cet important débat sur la Colombie constituent une contribution précieuse permettant à toutes les parties prenantes d’apporter leur contribution à la réalisation des aspirations du peuple colombien, c’est-à-dire, avoir un pays meilleur dans lequel le dialogue social est une expression de la nouvelle culture de travail et de la compréhension que la Colombie mérite et exige.

Avant d’aborder la question des conclusions sur ce cas, les membres travailleurs ont souhaité souligner trois points importants. Premièrement, dans son rapport, la commission d’experts a exprimé sa satisfaction sur un point précis, à savoir l’adoption de la loi no 1210 qui modifie l’article 451 du Code du travail et aux termes de laquelle la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera désormais déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure préférentielle. Pour le reste, sur chaque point soulevé, la commission d’experts a prié le gouvernement d’agir. Deuxièmement, les centrales syndicales de Colombie reconnaissent effectivement les efforts déployés par le Procureur général de la Nation et par le pouvoir judiciaire, dont l’attitude évolue vers une plus grande sensibilité à ces questions, mais il en va différemment du gouvernement. Enfin, la notion de progrès dans le cadre de l’OIT répond à des critères précis qui ont été fixés par la commission d’experts pour des raisons de rigueur juridique. Le cas de la Colombie n’est pas un cas de progrès, compte tenu du contexte global de ce pays et notamment de la violence qui y prévaut. Trop de choses restent à faire, comme les différents orateurs l’ont souligné. Il ne s’agit pas de remettre en cause les commentaires de la commission d’experts, comme le montre cet extrait de l’observation sur l’application de la convention no 87 par la Colombie: «tout en se félicitant des mesures prises par le gouvernement et, en particulier, de l’augmentation des ressources destinées à la protection des dirigeants syndicaux et de leurs affiliés, la commission note avec une profonde préoccupation que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru».

Ceci étant dit, les membres travailleurs ont recommandé l’adoption de conclusions s’articulant autour de quatre points. Le premier d’entre eux est le renforcement de l’Accord tripartite signé le 1er juin 2006. L’exécution de cet accord n’a en effet pas produit à ce jour les résultats que l’on en attendait au regard des quatre priorités qu’il établit. Toutes les parties doivent réaffirmer leur volonté de mettre en oeuvre cet Accord tripartite, indépendamment de l’existence d’opinions divergentes sur certains points. Cela suppose que la législation soit amendée dans le respect du dialogue social afin d’être mise en conformité avec les dispositions des normes de l’OIT. Il convient également de désigner au plus vite un nouveau représentant permanent du BIT en Colombie, lequel devra disposer de compétences juridiques et de communication et faire preuve d’un grand dévouement pour la promotion des principes qui sous-tendent l’action de l’OIT. Par ailleurs, le dialogue social doit être renforcé, ce qui exige la mise en place de structures allant au-delà de la simple assistance technique. Les membres travailleurs ont fait référence à ce propos à l’expérience menée en Afrique pour la promotion du dialogue social et ont suggéré qu’une expérience similaire soit menée en Colombie. Enfin, la lutte contre l’impunité doit être absolument renforcée, et c’est l’engagement du législateur et de lui seul qui permettra d’instaurer un climat de sécurité, car seule la loi permet de trouver des solutions permanentes et démocratiques, à l’abri des changements et des influences humaines partisanes.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations supplémentaires qu’il a fournies et les engagements pris, notamment en ce qui concerne le fonds de 50 millions de dollars pour les victimes de violence. Ils ont noté que le haut niveau et le caractère mesuré de la discussion dans son ensemble sont en phase avec les progrès qui ont été faits au cours des dernières années. La plupart des membres de la commission reconnaissent les progrès qui ont été réalisés. La capacité de cette commission à conclure à l’existence de progrès n’est pas limitée par les décisions prises par la commission d’experts. Cette commission a constaté dans de nombreux cas dans le passé que des progrès avaient été réalisés sans que cela ait été souligné par la commission d’experts. Les observations de la commission d’experts sont d’ordre juridique, alors que le progrès dans le présent cas s’inscrit dans un contexte plus large et plus pragmatique. Il convient de se reporter à cet égard au langage utilisé par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1787 en ce qui concerne les progrès dans la lutte contre l’impunité. Personne ne peut nier qu’il y a eu des améliorations dans ce cas, dans des circonstances très difficiles. Il est incontestable que, depuis 2000, le gouvernement a pris des mesures de plus en plus fermes. Globalement, il est indéniable que le gouvernement a pris des mesures pour mettre fin à l’impunité dans le pays et pour introduire des changements législatifs importants.

Avant 2005, la stratégie suivie visait à sanctionner verbalement le gouvernement. A partir de 2005, une approche nettement différente, impliquant une coopération technique, un changement aux niveaux législatif et judiciaire, ainsi qu’un dialogue social, a été adoptée. Les membres employeurs ont écouté attentivement le débat, en particulier les dirigeants du mouvement syndical de la Colombie et l’importance qu’ils attachent à l’Accord tripartite de 2006 pour le droit d’association et la démocratie. De nombreux éléments de l’accord de 2006 ont été mis en place mais il reste encore à faire. Il s’agit notamment: i) du programme de coopération technique du BIT et du bureau de Bogotá, du programme de l’USAID sur les droits fondamentaux au travail; du programme bipartite de coopération technique de la Suède et de la commission pour l’analyse préalable des dossiers soumis au Comité de la liberté syndicale (CLS); ii) de l’augmentation des enquêtes, inculpations et condamnations, et du renforcement des systèmes de protection pour les syndicalistes; iii) de la Commission tripartite de concertation des politiques sur l’emploi et les salaires; et iv) les modifications du cadre juridique, dont plusieurs ont été mentionnées lors de la discussion.

Les membres employeurs ont souligné en outre les engagements pris par le membre employeur de la Colombie au nom des employeurs de la Colombie, ainsi que l’invitation à s’engager dans une attitude constructive pour résoudre les problèmes de longue date, à attribuer des fonds supplémentaires pour les différents programmes et institutions afin de continuer à assurer la conformité avec la convention, et à continuer à progresser par le dialogue social. De plus, ils ont souligné leur détermination à régler cette situation.

Les membres employeurs ont noté, en conclusion, que les mesures prises en conformité avec l’Accord tripartite de 2006 pour le droit d’association et la démocratie ont conduit à une évolution positive et à des progrès dans la lutte contre l’impunité et dans la protection des droits humains pour les syndicalistes, ainsi qu’à plusieurs développements législatifs positifs. La commission devrait exprimer son soutien à l’action continue du gouvernement afin qu’il puisse profiter pleinement de l’assistance technique du BIT et s’appuyer sur le dialogue social comme moyen approprié pour accomplir de nouveaux progrès. Le ferme engagement des partenaires sociaux devrait être souligné comme étant un élément clé dans ce processus. La commission devrait mettre l’accent sur l’importance d’un dialogue social significatif afin d’assurer un environnement durable pour la liberté syndicale. Le renforcement de la présence du BIT en Colombie est nécessaire pour faciliter la mise en oeuvre effective de l’Accord tripartite. La commission d’experts doit prendre note avec grand intérêt des mesures prises par le gouvernement pour modifier sa législation et les récentes décisions de la Cour constitutionnelle et les rendre conformes aux principes de la convention no 87. En ce qui concerne d’autres questions par rapport auxquelles la commission d’experts a déclaré que le gouvernement doit continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit à la vie et la sécurité des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, de manière à permettre l’exercice des droits garantis par la convention, la commission doit demander au gouvernement de résoudre ces questions en consultation avec les partenaires sociaux et de fournir un rapport détaillé sur lesdites questions, pour qu’il soit examiné à la prochaine session de la commission d’experts.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration de la représentante gouvernementale et de la discussion qui s’en est suivie. Elle a noté également l’importance que l’ensemble des orateurs ont attachée à l’Accord tripartite de 2006 pour la liberté d’association et la démocratie, ainsi que les appels en faveur d’un renforcement de l’engagement de toutes les parties concernées à la mise en oeuvre complète et effective de cet accord.

La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts font état d’actes de violence répétés contre de nombreux syndicalistes, y compris des assassinats, des disparitions, des menaces de mort, ainsi qu’une situation préoccupante d’impunité.

La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il poursuivra ses efforts de lutte contre les facteurs générateurs de violence et indiquant que la politique de sécurité démocratique a permis de réduire le taux d’homicides, en particulier ceux qui visent les syndicalistes. En outre, le gouvernement indique qu’il a renforcé les actions de l’Etat en faveur de la lutte contre l’impunité, notamment grâce à une augmentation des ressources humaines et financières, ce qui a permis d’accroître le nombre de condamnations pour violence antisyndicale. Le gouvernement s’est également référé à un projet de loi actuellement devant le parlement et visant à accroître la période de prescription en cas d’homicides de syndicalistes et à augmenter les sanctions pour toute action ayant pour but de perturber ou d’entraver l’exercice du droit d’organisation. Le gouvernement a également fourni des informations sur les mesures prises dans le domaine du travail, notamment: l’adoption d’une législation visant à transférer aux juges le pouvoir de déclarer une grève illégale et sur l’arbitrage obligatoire; des mesures destinées à renforcer les services d’inspection et de contrôle; des mesures concernant les coopératives de travail associatif; et des mesures relatives à la consultation et au dialogue en matière de conditions de travail dans la fonction publique.

La commission s’est félicitée des actions positives que le gouvernement a menées en vue de renforcer le bureau du Procureur général, ainsi que des progrès auxquels elles ont donné lieu en termes de lutte contre la violence et contre la situation d’impunité actuelle. Elle a également accueilli favorablement les informations qui ont été fournies récemment, faisant état de la création d’un fonds de compensation des victimes de la violence. La commission a pris note des préoccupations exprimées selon lesquelles le nombre de condamnations était encore très bas et les sentences rendues ne concernaient que les auteurs d’actes de violence, et non pas leurs instigateurs. La commission a fait remarquer que des mesures supplémentaires s’imposaient et a exprimé l’espoir que le gouvernement veillerait à ce que le pouvoir judiciaire dispose de tous les moyens nécessaires à cette fin et continue à fournir les ressources supplémentaires nécessaires, afin d’assurer une meilleure protection des syndicalistes faisant l’objet de menaces. Ces mesures doivent s’accompagner d’un message clair au plus haut niveau, qui souligne le rôle important que jouent les syndicats dans la société et insiste sur le fait que la violence antisyndicale ne saurait être tolérée. La commission a rappelé la nécessité de veiller à ce que toute enquête sur des actes de violence à l’encontre de dirigeants et de membres de syndicats se déroule rapidement et efficacement. Tout en soulignant le fait que le mouvement syndical ne peut exister que dans un climat de non-violence, la commission a prié instamment le gouvernement de mettre un terme à la situation de violence et d’impunité actuelle moyennant l’application continue de mesures et de politiques novatrices et efficaces.

En ce qui concerne les questions d’ordre législatif en suspens, dont la commission d’experts a fait état, relatives au droit d’organisation des travailleurs dans les coopératives, à l’enregistrement des syndicats, à l’arbitrage obligatoire, aux restrictions imposées aux fédérations et autres restrictions, la commission a noté les progrès réalisés, dont l’adoption d’une nouvelle législation transférant à l’autorité judiciaire le droit de déclarer une grève illégale, ce qui était auparavant du ressort des autorités administratives. En outre, la commission a pris note avec intérêt du jugement prononcé par la Cour constitutionnelle, qui semble simplifier le processus d’enregistrement des organisations syndicales, en vue d’une meilleure application de l’article 2 de la convention. La commission a toutefois pris note des préoccupations exprimées suscitées par le recours accru aux coopératives, aux contrats de service et aux contrats civils ou commerciaux, qui font obstacle aux droits relatifs à la liberté d’association des travailleurs engagés au titre de tels contrats. Elle a également pris note des allégations faisant état d’un climat antisyndical généralisé.

La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement adoptera les mesures nécessaires pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention, en consultant pleinement les partenaires sociaux. Tout en prenant note de l’engagement manifesté du gouvernement et des partenaires sociaux au sujet du renforcement du dialogue social dans le pays, la commission a insisté sur le fait qu’il est important de veiller à ce que ce dialogue soit profond et constructif et a encouragé toutes les parties concernées à faire preuve de concertation dans leurs efforts, afin de permettre aux mécanismes tripartites nationaux existants d’offrir régulièrement un espace de dialogue ayant la confiance de toutes les parties concernées. La commission a invité le gouvernement à continuer à solliciter l’assistance du BIT à cet égard, ainsi que pour toutes les autres questions en suspens. La commission a invité le Bureau à examiner les questions administratives internes afin de maintenir la représentation du BIT dans le pays et de renforcer la coopération technique, en vue d’une application tangible de l’Accord tripartite de 2006. La commission a prié le gouvernement d’indiquer dans le prochain rapport qui devra être communiqué cette année pour examen par la commission d’experts les mesures prises à cet égard.

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