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Individual Case (CAS) - Discussion: 2005, Publication: 93rd ILC session (2005)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

Other comments on C087

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Un représentant gouvernemental de la Colombie a reconnu que la coopération et l'accompagnement reçus de la part de l'OIT et des pays qui ont collaboré par son intermédiaire dans le cadre du programme de coopération ont été d'une aide précieuse. Comme le démontrent les résultats du programme de coopération technique, la coopération internationale doit continuer à être la base de la relation entre l'OIT et la Colombie. Son pays a toujours analysé avec respect les observations formulées par la commission d'experts en ce qui concerne l'adéquation progressive de la législation nationale avec les conventions de l'OIT qu'il a ratifiées.

La situation de violence dans le pays existe depuis de nombreuses décennies. Le gouvernement de la Colombie partage d'ailleurs les préoccupations exprimées à cet égard et a comme objectif principal sa réduction. Bien qu'il soit regrettable que la violence n'ait pu être enrayée jusqu'à aujourd'hui, elle a diminué de manière constante. En 2002, la Colombie enregistrait presque 29 000 homicides. En 2004, ce nombre est tombé à 20 000, ce qui représente une diminution de 30,61 pour cent. En ce qui concerne plus particulièrement les syndicalistes, 205 assassinats sont à regretter en 2002, contre 89 en 2004, ce qui représente une diminution de 56,58 pour cent. Si la violence continue de diminuer, à la fin de cette année 15 000 homicides seront perpétrés, ce qui signifie une réduction de pratiquement 50 pour cent par rapport à l'année précédente, et ce, depuis que le nouveau gouvernement a pris ses fonctions.

La mission de contacts directs qui a visité la Colombie en l'an 2000 a indiqué que l'État colombien ne suivait aucune politique d'extermination contre aucun secteur de la société. Ce sont les groupes armés illégaux et les narcotrafiquants qui assassinent, séquestrent et menacent syndicalistes, maires, journalistes, leaders religieux, conseillers municipaux, indigènes, enseignants, militaires, juges, employeurs, commerçants et diverses personnalités de la vie publique nationale. Bien que peu nombreux, dans certains cas des agents de l'État commettent de manière individuelle des abus. A cet égard, le gouvernement a demandé un éclaircissement des actes posés et l'imposition de sanctions correspondantes. La mort violente d'une seule personne est suffisante pour renforcer l'engagement de l'État pour garantir la vie de ses citoyens et, de manière plus spécifique, des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués.

Les efforts du gouvernement en vue de protéger les groupes vulnérables ne se résument pas à la politique de sécurité démocratique. Ils s'étendent au programme de protection dont le ministère de l'Intérieur et de la Justice a la charge. En outre, plus de 70 pour cent des 40 millions de dollars provenant du budget national pour la période 2002-2004 sont destinés à la protection des syndicalistes et des dirigeants syndicaux.

Selon le rapport du Procureur général de la nation concernant les investigations en cours pour le délit d'homicide dans lequel la victime était affiliée à une organisation syndicale, pour la période 20022004, les mesures suivantes ont été prises: 36 mesures de détention préventive, 21 mises en accusation, quatre sentences de condamnation et 131 examens de preuves. Ceci démontre donc un progrès important par rapport aux dix dernières années.

S'ajoutent aux éléments ci-dessus mentionnés l'effort du gouvernement pour répondre de manière chaque fois plus détaillée et opportune aux plaintes déposées auprès du Comité de la liberté syndicale, effort d'ailleurs reconnu par les groupes syndicaux eux-mêmes. Entre 1993 et 2003, les accusations du comité se réfèrent presque exclusivement à la mort de syndicalistes. Aujourd'hui, les nouvelles accusations sont d'un autre ordre, plutôt en relation avec l'exercice du droit syndical, ce qui représente un progrès.

Ne pas reconnaître le problème serait une énorme erreur pour son pays. De la même façon, ignorer les efforts et les améliorations obtenues peu à peu dans ce domaine serait une erreur de la part de la communauté internationale. La Colombie peut être considérée comme "un pays en progrès". Même si certains problèmes persistent, ils sont en voie d'être résolus. Pour ce faire, la conjoncture de trois éléments simultanés est requise, à savoir le temps, les ressources et la volonté politique du gouvernement.

S'agissant de la lutte contre l'impunité, des personnes sont en détention, et quatre ont été condamnées. Un nouveau système accusatoire, mettant l'accent sur la procédure orale, a récemment été créé. En conjonction avec le renforcement du Procureur général de la nation, ce système devrait permettre plus d'efficacité dans les enquêtes.

En ce qui concerne le processus de réforme législative et des divergences entre la législation nationale et la convention no 87, il est à signaler que ce processus a été reconnu par la commission d'experts. Comme il est mentionné dans l'étude d'ensemble de 1994 de la commission d'experts, au début des années quatre-vingt-dix, un nombre important d'amendements législatifs a permis la reconnaissance du pays comme un cas notable de progrès. En outre, dans son rapport de 2001, la commission d'experts a par ailleurs pris note avec satisfaction des mesures adoptées par la Colombie, lesquelles ont permis de répondre à 10 commentaires formulés par celle-ci. Trois commentaires subsistent actuellement, ce qui est inférieur à la moyenne des commentaires des pays cités dans le rapport cette année.

Concernant la question de l'interdiction pour les fédérations et les confédérations d'appeler à la grève, le gouvernement a expliqué que le système colombien de liberté syndicale, d'association et de négociation collective s'articule autour d'un syndicalisme d'entreprise auquel ont été reconnus toutes les attributions inhérentes à cette liberté ainsi que les droits prévus à la convention no 87. Ce système est considéré par l'État colombien comme parfaitement valide, ne porte pas atteinte aux dispositions de la convention no 87 et permet les meilleurs niveaux de négociation et de dialogue social. La Colombie ne peut admettre que la limitation citée constitue un déni de la liberté syndicale et du droit d'association.

Dans un second temps, la commission a formulé des commentaires concernant l'interdiction de grève pour les services dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes, dans toute ou dans une partie de la population, ainsi que la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui seraient intervenus ou auraient participé à une grève illégale. A cet égard, l'orateur rappelle que le droit de grève est stipulé par la Constitution colombienne et souffre d'une seule exception, à savoir les services publics essentiels. La notion de service public s'entend dans le système juridique colombien de tous les services que l'État fournit directement ou via des particuliers, de manière régulière et continue, et qui visent à satisfaire les nécessités de la population dans lesquelles l'intérêt général est implicite.

S'agissant de la possibilité prévue par la loi de licencier les travailleurs ayant participé à des regroupements collectifs déclarés illégaux, la législation prévoyait qu'avant d'aboutir à la grève certaines mesures et procédures devaient être épuisées et accomplies pour partie par les travailleurs et pour partie par les employeurs. Ainsi, l'expression "grève illégale" ne désigne pas une limitation du droit de grève mais des situations qui, pour ne pas être précédées de l'accomplissement de mesures clairement établies, ne peuvent recevoir la reconnaissance juridique et n'entrent pas stricto sensu dans le concept de grève.

Les efforts signalés doivent être accompagnés d'un plus grand nombre d'emplois. La croissance économique a atteint environ 4 pour cent dans les dernières années, ce qui s'est traduit par l'augmentation des postes de travail et la diminution du taux de chômage dans les deux dernières années.

L'orateur a en outre exprimé sa reconnaissance à l'OIT pour le rôle joué dans le développement du dialogue social. Les dirigeants syndicaux et les employeurs doivent s'efforcer ensemble de profiter des espaces constitutionnels légaux dont ils disposent, en laissant de côté toutes ces pressions internes ou externes qui prétendent polariser leurs relations. Il n'est pas souhaitable que de multiples organisations non représentatives des travailleurs discréditent la Colombie.

Le dialogue social devrait se traduire par un instrument important à travers lequel l'OIT et les pays ayant manifesté des préoccupations, s'agissant de la situation de la Colombie, pourraient contribuer de manière concrète à la poursuite du programme de coopération approuvé par le Conseil d'administration en mars 2005. Pour conclure, il a rappelé que son pays avait besoin de temps et de ressources pour avancer et qu'il espérait que, grâce aux résultats déjà obtenus, la communauté internationale, à travers l'OIT, lui apportera son aide.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations qu'il a fournies. Ils ont souligné que le cas de la Colombie a pour contexte la guerre civile et une violence extrême affectant l'ensemble de la société, y compris le gouvernement, les organisations d'employeurs et les syndicats. La commission d'experts a relevé à de nombreuses reprises que les organisations d'employeurs et les syndicats ne pouvaient fonctionner efficacement que dans un climat de paix et de respect des droits fondamentaux de l'homme. Les problèmes qui se posent en Colombie sont cependant très profondément enracinés dans la société. En témoigne le fait que le financement des FARC et des forces paramilitaires par les cartels de la drogue dépasse le budget national. La commission se trouve donc face à un problème épineux: la liberté syndicale ne peut exister dans la violence. Cela ne veut toutefois pas dire que la liberté syndicale mettrait un terme à la violence. Même si la législation du travail était conforme aux dispositions de la convention no 87, les problèmes de société ne seraient pas résolus pour autant. Et ceci est vrai pour les trois questions relatives à la liberté syndicale et au droit de grève dont est saisie la Commission de la Conférence. Les membres employeurs ont cependant souligné que la violence en Colombie restait inacceptable et portait atteinte à la liberté syndicale. Pour que cette violence cesse, il importe de renforcer les institutions démocratiques et le gouvernement mène des efforts dans ce but.

A cet égard, les membres employeurs ont relevé que les questions soulevées par la commission d'experts portaient essentiellement sur le droit de grève et qu'il n'était pas nécessaire de les traiter dans le détail, étant donné que la position des employeurs à ce sujet est bien connue et a été clairement énoncée dans le cadre de l'application de la convention no 87 par le Guatemala.

Pour conclure, ils ont estimé que la commission devait tirer les conclusions suivantes sur ce cas. Premièrement, pour que la liberté syndicale soit respectée dans le pays, il est fondamental que le gouvernement mette tout en uvre pour faire cesser la violence. Deuxièmement, le programme de coopération technique de l'OIT, qui a permis de réaliser certains progrès, devrait être maintenu et développé. Il est cependant nécessaire de disposer d'informations complémentaires sur les résultats tangibles obtenus grâce à ce programme de coopération technique, que les membres employeurs commenteront plus en détail au moment de la conclusion de l'examen de ce cas.

Les membres travailleurs ont indiqué qu'en Colombie, 5 pour cent environ de la population active serait actuellement affiliée à un syndicat et moins de 1 pour cent serait couvert par une convention collective. Ces situations résultent de lois, de mesures et de pratiques hostiles au droit d'organisation. Les pourcentages indiqués sont en chute libre ces dernières années pour les considérations suivantes: tout d'abord, les garanties légales qui permettent l'exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective ne sont pas encore en conformité avec la convention no 87, comme les experts l'ont souvent indiqué; en deuxième lieu, les décisions des trois pouvoirs font fi des dispositions de la convention en question; enfin, dans la pratique, un ensemble de facteurs se traduit par l'énorme difficulté de mettre en uvre ladite convention.

Ils ont rappelé que la commission d'experts souligne quatre points dans son rapport. Il s'agit de l'interdiction pour les fédérations et confédérations de déclarer la grève; de l'interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels stricto sensu, comme c'est le cas notamment pour les travailleurs d'ECOPETROL; de la faculté du ministère de la Protection sociale de soumettre des différends à l'arbitrage en cas de grève se prolongeant au-delà d'une certaine durée; des procédures d'inscription des syndicats et de l'usage excessif que les autorités peuvent faire de l'évaluation des inscriptions. Ils ont rappelé avec insistance au gouvernement de bien vouloir concrétiser sa proposition formulée à cette commission l'année dernière et qui consistait à discuter sur ce point avec l'OIT en vue d'une solution. Mais une nouvelle année s'est écoulée, et de nouveau rien ne s'est produit. Ils ont en outre rappelé que la commission avait demandé au gouvernement, dans ses conclusions de 2004, de fournir des informations auxquelles le gouvernement n'a pas répondu dans son rapport.

Les membres travailleurs ont rappelé dans un premier temps les déclarations des travailleurs lors de la commission précédente selon lesquelles les droits des travailleurs, notamment les droits syndicaux, garantis par la législation nationale, ne sont pas respectés à l'occasion des processus de fusion, liquidation ou restructuration des services publics et privés. Les organisations syndicales sont généralement informées de la restructuration le jour même où elle se produit; les travailleurs et les dirigeants syndicaux sont licenciés sans autre forme de procès et sans aucune consultation préalable avec les syndicats. Les nouvelles entités issues de la fusion ou de la restructuration emploient généralement les mêmes personnes. Toutefois, elles travaillent en l'absence de conventions collectives, qui ne sont pas reconduites, et dans un régime où la mise en uvre des dispositions de la convention no 87 est impossible, dans la mesure où l'embauche se produit à travers les agences d'emploi temporaire, ou le plus souvent au service de coopératives de travail associé. Et pourtant c'est un principe consacré l'OIT et contenu dans la recommandation no 193 selon lequel les coopératives ne doivent pas être créées ou utilisées aux fins de se soustraire à la législation du travail et établir des relations de travail déguisées ou violer les droits de travailleurs par l'établissement de pseudo-coopératives. Un grand nombre d'entreprises et d'institutions ont subi ce traitement, y compris TÉLÉCOM, BANCAFÉ et d'autres entreprises liées à la sécurité sociale, dont les hôpitaux. Ce qui rend la situation encore plus grave c'est qu'il ne s'agit pas de quelques faits isolés. La somme de ces pratiques permet d'affirmer une volonté d'éliminer la liberté syndicale et les droits qui en découlent. Ainsi, de manière clairement planifiée et en réponse aux accords signés avec la Banque mondiale et le FMI, le même scénario se répète: les syndicats ne sont pas consultés, les mesures sont prises de facto et les pouvoirs sont utilisés pour parvenir à cette fin en toute méconnaissance du droit syndical.

Les membres travailleurs ont déclaré que les politiques de flexibilité des droits sociaux de ces dernières années ont conduit à une montée en flèche du chômage et de l'économie informelle. Pour réagir à cette réalité, la CGT a, lors de son congrès, demandé l'auto-risation pour procéder à l'affiliation directe des travailleurs mais a reçu une fin de non-recevoir catégorique. Ils ont souligné l'aggravation de la violence, avec 174 cas d'assassinats ou de menaces de mort contre des dirigeants syndicaux entre janvier et avril 2004, en plus de fouilles de locaux syndicaux, de détentions arbitraires ou d'enlè-vements. Ce chiffre est passé à 214 pour la même période en 2005, auquel s'ajoute la mort d'au moins trois nouveaux dirigeants syndicaux portant le total d'assassinats pour cette année à 19. Les détentions arbitraires de syndicalistes, qui sont en augmentation, mettent en évidence la criminalisation de l'activité syndicale tandis que les assassins des syndicalistes restent en liberté. Bien qu'il y ait des programmes de protection de syndicalistes, ils doivent être accompagnés de l'identification d'auteurs des menaces contre les syndicalistes. Ils dénoncent le silence du gouvernement colombien sur ces cas ainsi que l'absence d'enquêtes et de sanctions envers les auteurs de menaces.

Les membres travailleurs ont fait état des missions de solidarité syndicales de l'ORIT et des fédérations professionnelles internationales qui avaient tenté de se rendre en Colombie, mais sans succès, l'entrée au pays leur ayant été refusée. Ils ont demandé, en conséquence, au gouvernement des explications à ce sujet. D'autres missions ont pu écouter les autorités colombiennes, dont le Président de la République, qui ont affirmé leur ouverture au dialogue, mais qui, paradoxalement, ont insisté sur le besoin de compter sur des organisations syndicales plus participatives et moins revendicatives. Or l'essence même du syndicat est de veiller à la protection des droits des travailleurs à travers l'organisation de leurs activités et la formulation de leurs programmes d'action dont la revendication constitue la base principale. Ils ont, par ailleurs, exprimé leur étonnement de voir les autorités émettre des critères sur le type de mouvement syndical qu'elles souhaiteraient, ce qui constitue une ingérence dans les affaires relevant normalement du ressort des syndicats eux-mêmes.

Pour conclure, les membres travailleurs ont souligné la gravité et la dégradation constante de la situation de la liberté syndicale et du droit d'association en Colombie. Aux commentaires de la commission d'experts qui font état de l'incompatibilité des lois et pratiques nationales aux dispositions de la convention et sur la persistance de la violence, s'ajoutent des faits précis qui démontrent que l'État fait fi du dialogue social et ne souhaite pas vraiment de syndicats, ou alors des syndicats qui seraient essentiellement participatifs. Une telle situation est l'antithèse du travail décent et porte atteinte au droit international. Elle ne peut que déboucher sur davantage de chômage, de sous-emploi, d'exclusion sociale, de pauvreté et de violence. La violence, sous toutes ses formes, et sans vouloir la justifier, est profondément ancrée dans le manque de justice sociale. La liberté syndicale est un pilier du travail décent et de la justice sociale. Les lois et les pratiques qui en sont contraires ne peuvent que semer l'injustice et alimenter le cercle vicieux de la violence.

Un membre travailleur de la Colombie a indiqué que le mouvement syndical colombien observe avec préoccupation les actions des gouvernements et des employeurs destinées à restreindre l'activité normative et le travail des organes de contrôle de l'OIT. En ce qui concerne les violations des droits syndicaux en Colombie, les trois centrales syndicales colombiennes ont fourni des informations au Comité de la liberté syndicale et au Conseil d'administration. Bien que la Constitution colombienne stipule que les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation nationale interne, la destruction du syndicalisme colombien se poursuit. L'orateur s'est référé à divers faits qui violent les droits syndicaux: 1) le licenciement de 3 400 travailleurs de la BANCAFÉ pour détruire le syndicat et la négociation collective; 2) la déclaration d'illégalité de la grève d'ECOPETROL et le licenciement subséquent de 247 travailleurs; 3) le licenciement des travailleurs des institutions de l'État (par exemple TÉLÉCOM, l'Institut de sécurité sociale, les hôpitaux, etc.) où fonctionnent des syndicats et ont été négociées des conventions collectives de travail, afin de les embaucher de nouveau au moyen de contrats temporaires de prestation de services, administratifs, civils, par des coopératives ou autres.

S'agissant de la violation des droits de l'homme, les dirigeants syndicaux et les syndicalistes de la CUT continuent à être victimes de différents types d'agression. En 2004, 17 dirigeants et 71 affiliés ont été assassinés, alors qu'en 2005, 2 dirigeants et 17 affiliés ont été assassinés. Cela démontre la continuité d'une politique d'élimination des syndicalistes de la CUT. C'est le secteur de l'éducation qui a le plus souffert des actes de violence, et dans une moindre mesure les travailleurs du secteur de la santé. Toutefois, des syndicalistes ont reçu des menaces de mort, comme cela a pu être constaté dans les entreprises municipales de Cali. Enfin, l'orateur a indiqué que la situation en Colombie continue à être très grave. Le gouvernement doit être instamment prié de: sanctionner les faits qui violent la liberté syndicale et le droit d'association et prendre les mesures nécessaires afin d'éviter les actes antisyndicaux; mettre en uvre les recommandations des organes de contrôle de l'OIT et, en particulier, celles du Comité de la liberté syndicale; et renforcer le programme de protection des dirigeants syndicaux colombiens. Pour sa part, le BIT doit être invité à maintenir et améliorer le programme de coopération avec la Colombie et à organiser une visite tripartite en Colombie le plus tôt possible. Finalement, l'orateur a demandé que le cas de la Colombie soit intégré dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que depuis des années, tant la commission d'experts que la Commission d'application des normes prient instamment le gouvernement de prendre des mesures pour rendre la législation du travail et la pratique entièrement conformes aux conventions sur la liberté syndicale. Les cas de non-conformité concernent les dispositions suivantes: l'interdiction pour les fédérations et les confédérations d'appeler à la grève (art. 417, alinéa I, du Code du travail); l'interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels (art. 450 du Code du travail); le pouvoir du ministre de la Protection sociale de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail); le licenciement de dirigeants syndicaux qui prennent part à une grève (art. 450 du Code du travail); la possibilité de déclarer une grève illégale laissée à une autorité administrative, judiciaire ou indépendante; la non-reconnaissance du droit de négociation collective aux employés du secteur public et dans certaines branches d'activité; et les obstacles à l'enregistrement de syndicats.

Pour l'orateur, cela montre que la liberté syndicale continue à ne pas être respectée, alors que le gouvernement colombien s'est engagé à plusieurs reprises à prendre des mesures pour que les travailleurs jouissent du droit d'association et du droit de négociation collective. Les arguments politiques et juridiques avancés par le gouvernement et les employeurs pour justifier les restrictions à la liberté syndicale révèlent une pratique destinée à détruire le syndicalisme en Colombie, pratique qui semble avoir pour objet l'instauration de "relations professionnelles sans syndicats ni conventions collectives".

Les obstacles à la création de syndicats sont évidents. Dans les années quatre-vingt-dix, on comptait en moyenne 88 nouveaux syndicats chaque année. En 2000 et 2001, on comptait 104 nouveaux syndicats, en 2003, 11, et en 2004, six. Pendant les deux années et demie de présidence de M. Uribe, les syndicats des secteurs privé et public ont perdu 40 000 membres. En 2004, sur 18 millions d'actifs, seuls 80 000 étaient couverts par des conventions collectives. Les employeurs encouragent les travailleurs non syndiqués à conclure des accords en leur octroyant des privilèges, et le gouvernement simule la liquidation d'entreprises pour dissoudre les syndicats, remettre en cause la négociation collective et les droits reconnus aux dirigeants syndicaux. D'autres actes antisyndicaux ont été commis, notammentà la Caja Agraria, à TÉLÉCOM et dans les sociétés BANCAFÉ et ADPOSTAL. Le fait que les autorités administratives elles-mêmes puissent prévoir une dérogation à l'autorisation d'activités syndicales sur demande des employeurs est une pratique antisyndicale du gouvernement et des employeurs qui la soutiennent.

La violation du droit de grève constitue une autre pratique perverse de l'État colombien. Tel est le cas, par exemple, pour la compagnie pétrolière ECOPETROL, où l'organisation syndicale USO a pris l'initiative d'une grève pour défendre le patrimoine et la souveraineté nationale. La grève a été déclarée illégale par le gouvernement. Cela a entraîné le licenciement de 248 travailleurs, dont 26 dirigeants, et le non-respect de la décision judiciaire que les parties intéressées avaient approuvée. Par conséquent, l'orateur a demandé qu'un paragraphe spécial soit inséré dans le rapport de la commission.

Un autre membre travailleur de la Colombie s'est dit déçu, d'une part, parce que les manifestations de bonne volonté du représentant gouvernemental sont en désaccord avec les faits et, d'autre part, parce que la possibilité d'avoir un horizon clair pour le développement des activités syndicales de son pays est chaque fois plus éloignée. Parler de liberté syndicale en Colombie équivaut à parler de quelque chose d'exotique car ce droit élémentaire inhérent à la démocratie est refusé. Le rituel pratiqué depuis plus de vingt ans par cette commission est devenu récurrent sans pour autant que des éléments pratiques permettent la résolution d'un conflit qui affecte une population économiquement active de 22 millions de personnes, dont 4 millions de chômeurs, 10 millions de personnes travaillant dans le secteur informel et une grande majorité ne possédant pas un travail stable.

Le syndicalisme en Colombie s'est vu brutalement affecté dans deux directions: d'une part, la pratique constante de graves violations des conventions nos 87, 98, 151 et 154 affectant entre autres la stabilité du syndicalisme par des attentats, exils forcés, menaces et intimidations. A cet égard, il est notamment fait référence à Auca où trois dirigeants syndicaux furent assassinés. Pour les néolibéraux et les défenseurs de la globalisation capitaliste, le meilleur syndicat est celui qui n'existe pas.

D'autre part, les coopératives de travail social imposées qui existent dans les secteurs public et privé, les contrats temporaires, le système d'entrepreneurs, les voies parallèles d'engagement civil et les moqueries constantes à la relation "capital-travail" adéquat sont des situations qui indiquent l'urgence de la réaction du ministère du Travail, ministère qui a fusionné avec le ministère de la Santé et qui s'appelle aujourd'hui ministère de la Protection sociale. Cette fusion est une nouvelle atteinte au syndicalisme. L'inexistence d'un ministère du Travail garantissant des relations "capital-travail" adéquat ne peut pas se comprendre. A titre d'exemple, il existe des situations dans lesquelles la ministre des Communications elle-même avait convoqué ses travailleurs dans des hôtels pour exercer sur eux une pression afin qu'ils acceptent les plans de retraite volontaire et ainsi éviter la négociation collective.

Un ministère du Travail sérieux, dynamique, respectueux des normes internationales et nationales et qui empêche le renforcement des actes irréguliers des services d'inspection du travail entre les travailleurs est nécessaire.

L'orateur a exprimé sa profonde préoccupation en ce qui concerne la liberté syndicale et le cas des travailleurs des télécommunications qui ont été licenciés, dont l'entreprise a été militarisée et dont les syndicats ont été dissous. Le droit pour ces travailleurs à une pension de retraite est même refusé à la demande des directrices du ministère des Finances. Approximativement 2 000 travailleurs courent le risque de perdre plus de vingt-cinq années au service de l'État. La nouvelle entreprise de télécommunications se refuse à respecter les sentences émises par les juges du pays qui favorisent les travailleurs et en particulier les mères de famille et les travailleurs handicapés. Le Code du travail, la Constitution et les conventions et recommandations de l'OIT doivent être respectés. Les travailleurs et les syndicats demandent de l'aide pour pouvoir continuer à exister.

La membre gouvernementale du Luxembourg, s'exprimant au nom de l'Union européenne (UE) et des membres gouvernementaux de Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, ex-République yougoslave de Macédoine, Norvège, Roumanie, Serbie-et-Monténégro, Suisse, Turquie et Ukraine, a soutenu les efforts de la Colombie pour atteindre la justice, le progrès social et la réconciliation nationale ainsi que pour lutter contre l'impunité et les violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, la récente ratification par la Colombie de la convention no 182 doit être accueillie. Toutefois, depuis de nombreuses années, la situation des droits syndicaux en Colombie a fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts et a été examinée à de nombreuses reprises par la Commission de la Conférence. En outre, le Comité de la liberté syndicale a examiné de nombreuses plaintes sur ce cas. Tout en reconnaissant les efforts accomplis par le gouvernement en ce qui concerne l'augmentation des mesures protectrices ayant pour but d'assurer la sécurité des dirigeants syndicaux et des syndicalistes locaux, l'Union européenne est grandement préoccupée du niveau élevé et continu de violence et du climat d'impunité dans lequel de tels actes de violence continuent de se produire. Comme l'a récemment noté la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, les syndicalistes restent le groupe le plus visé. L'Union européenne condamne fermement les meurtres et enlèvements des syndicalistes et autres groupes vulnérables, principalement perpétrés en 2004 par des groupes armés illégaux. L'Union européenne demande au gouvernement d'assurer le droit à la vie et à la sécurité et d'aborder la question de l'impunité qui reste l'obstacle majeur à l'exercice des droits syndicaux en Colombie. Le gouvernement doit utiliser pleinement les services consultatifs et l'assistance technique du BIT de manière à renforcer la démocratie et accroître l'état de droit dans le pays, conformément à l'intention exprimée par les hautes sphères de l'État colombien au cours des réunions précédentes du Conseil d'administration.

L'Union européenne regrette le manque de progrès concernant certaines législations entravant le plein exercice et le développement des activités syndicales. Elle reste préoccupée notamment par l'interdiction du droit de grève dans un grand nombre de secteurs, lesquels ne sont pas considérés comme des services essentiels, mais qui sont pourtant définis comme tels dans la législation colombienne. L'importance du dialogue social doit être rappelée. L'oratrice a appelé le gouvernement de la Colombie à entreprendre une action ferme pour mettre en conformité sa législation et sa pratique nationales avec les dispositions de la convention.

La membre travailleuse de la France s'est référée à un entretien qui a eu lieu le 16 septembre 2004 entre le Président de la Colombie, M. Uribe, et une délégation syndicale conduite par les secrétaires généraux de la CISL et de la CMT, MM. Guy Ryder et Willis Thys, et à laquelle elle a participé au nom de son organisation syndicale, Force ouvrière. Lors de cette rencontre, le Président Uribe a indiqué que, selon lui, le syndicalisme colombien est trop "revendicatif" et pas assez "participatif", c'est-à-dire que les syndicats n'adoptent pas une attitude "entreprenariale". Toujours selon le Président, le syndicalisme en Colombie doit changer, dans la mesure où les syndicats ont des méthodes archaïques, amenées à disparaître dans ce monde moderne. A cet égard, l'oratrice a indiqué que l'attitude du Président Uribe est grave. En effet, le principe de non-ingérence des pouvoirs publics dans la libre organisation des syndicats est la base de la convention no 87. Or il semble que M. Uribe, au contraire, considère qu'il est normal pour un président de définir la nature même du syndicalisme dans son propre pays. Cette attitude ne lui semble pas être en violation de la convention no 87.

A titre de preuve supplémentaire, l'oratrice a cité les passages suivants d'une lettre envoyée par le Président de la Colombie au président de l'entreprise ECOPETROL: "Par la présente, je veux vous exprimer, à vous comme président d'ECOPETROL et à tous les dirigeants et employés de l'entreprise, un chaleureux remerciement et mes félicitations pour avoir mené à bien le processus de négociation avec la USO. (...) Le déroulement de ce processus, avec le plein appui à la loi et aux garanties constitutionnelles, est un exemple pour le pays. En Colombie, nous avons besoin de créer une culture de syndicalisme participatif et non revendicatif...".

La violation de la convention no 87 par le Président lui-même explique la situation actuellement en cours en Colombie, notamment en ce qui concerne l'adoption des dispositions législatives et procédures judiciaires. Ces dernières, en effet, visent systématiquement à mettre un terme à un certain type de syndicalisme, à savoir le syndicalisme dit "revendicatif". C'est le cas de la politique de promotion d'un type particulier de "coopératives", lesquelles non seulement ne donnent pas le pouvoir aux travailleurs au sein de l'entreprise mais s'accompagnent d'une interdiction de se syndiquer. C'est le cas également de la politique de promotion du "contrat syndical" qui vise à transformer le syndicat en un prestataire de main-d' uvre temporaire et donc d'en finir rapidement avec son rôle de représentant des travailleurs. En outre, c'est le cas de toutes les réformes économiques qui ont affaibli fortement ou mis fin au droit à la négociation collective comme pour la réforme des retraites. Cette politique a déjà, malheureusement, porté ses fruits. Entre les années 2001 et 2004, le nombre de syndicats créés par année est passé de 140 à six. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette politique de dénigrement des syndicats libres s'accompagne, dans les discours publics du Président Uribe, d'un vocabulaire précis. En effet, il cherche systématiquement à associer les syndicats libres, soit "revendicatifs", à la rébellion et à la guérilla.

S'agissant de l'assassinat du 4 août 2004 par les forces armées de trois syndicalistes dans la région d'Arauca, le Président Uribe a indiqué, lors de la rencontre du 16 septembre 2004, que les victimes étaient des membres de la guérilla. Or il appert que même le Bureau du Procureur de la République a reconnu qu'il s'agissait de syndicalistes. La volonté présidentielle de mettre un terme au syndicalisme libre explique l'ambiance générale de violence à l'encontre des syndicats. Cette politique est en outre appuyée par le patronat. A cet égard, l'oratrice a indiqué que, lors d'un entretien qui a également eu lieu le 16 septembre 2004 avec M. Echevarria, vice-président de l'Association nationale des industries, celui-ci a tenu le même discours que le Président Uribe, en indiquant que les syndicats colombiens étaient trop "revendicatifs" et pas assez "participatifs". Ces propos prouvent qu'en Colombie les pouvoirs politique et économique n'acceptent le dialogue social qu'à condition que les partenaires soient obéissants et discrets. Ils ne sont pas prêts à faire vivre les principes de base de la démocratie.

L'intimidation envers les syndicalistes colombiens est si forte qu'elle dépasse même les frontières de la Colombie. Les syndicalistes qui ont participé également à la rencontre du 16 septembre 2004 ont été identifiés par le gouvernement et sont dorénavant privés de mener leurs activités syndicales internationales. En effet, le 3 novembre 2004, les syndicalistes Victor Baez, secrétaire général de l'ORIT-CISL, Rodolfo Benitez, secrétaire général de l'UNI Amériques, Antonio Rodriguez, secrétaire général de l'ITF Amériques, et Cameron Duncan, secrétaire général de l'ISP Amériques, ont été refoulés à l'aéroport de Bogotá. Il est donc possible de conclure que leur nom est sur une liste noire. Cette situation est grave et inquiétante. L'oratrice a indiqué qu'elle n'était pas retournée en Colombie depuis septembre 2004 et a exprimé sa peur d'y retourner. Ayant participé à la rencontre avec le Président Uribe, elle a supposé que son nom se retrouve également sur une liste noire. L'intimidation n'a rien à voir avec la guerre qui a cours en Colombie. Le seul fait d'être un syndicaliste libre soutenant le syndicalisme libre en Colombie fait craindre pour son intégrité.

Toute personne peut avoir un avis personnel sur ce que sont les syndicats dans son pays. Peut-être même que certaines souhaitent dans leur for intérieur que les syndicats soient moins revendicatifs. Toutefois, il est connu que l'ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales viole la convention no 87. La définition de ce que sont les syndicats est une tâche qui ne revient qu'aux travailleurs et à eux seuls. Toute vision contraire peut conduire, comme c'est le cas en Colombie et comme ce fut le cas ailleurs, aux pires abus et atrocités. En conclusion, l'oratrice a conjuré la commission de faire passer ce message avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté au gouvernement de la Colombie.

La membre gouvernementale des États-Unis d'Amérique a indiqué que dans son observation la commission d'experts a pris note avec une profonde préoccupation du climat de violence qui règne en Colombie et de l'impunité qui y contribue, laquelle empêche l'exercice libre et effectif des droits syndicaux garantis par la convention no 87. Son gouvernement partage cette préoccupation. Si le nombre d'assassinats a diminué, les violences et les menaces restent trop nombreuses, et les auteurs de ces actes sont rarement condamnés, ce qui est inadmissible.

La liberté syndicale est un élément clé pour instaurer la paix, la justice sociale, la réconciliation et la démocratie en Colombie. Le gouvernement a certes pris des mesures. Toutefois, la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont rappelé à maintes reprises que l'absence de violences et de menaces était une condition à l'exercice effectif des activités des organisations de travailleurs et d'employeurs. En conséquence, le gouvernement doit instamment être prié de continuer à tirer le meilleur parti du programme de coopération technique de l'OIT en Colombie afin de renforcer les mesures de protection en faveur des syndicalistes. Il doit également s'employer davantage à rechercher et à traduire en justice les auteurs des violences responsables de la mort de nombreuses personnes. Enfin, le gouvernement doit être encouragé à poursuivre les réformes du droit du travail recommandées par la commission d'experts afin d'assurer la pleine conformité des lois nationales avec les dispositions de la convention.

Le membre travailleur du Chili s'est référé à différentes violations de la convention no 87. La grève initiée en avril 2004 par l'Union syndicale ouvrière (USO) a été déclarée illégale par le ministère de la Protection sociale, lequel considère l'industrie pétrolière comme un service public essentiel. La déclaration d'illégalité a entraîné le licenciement de 247 syndicalistes sur la base de l'article 450 du Code du travail. La réintégration de 106 de ces travailleurs a été ordonnée par le tribunal d'arbitrage volontaire et a donné lieu à l'ouverture de nouvelles procédures. Plus de 1 000 procédures disciplinaires ont été prises pour sanctionner les travailleurs ayant exercé le droit de grève. L'orateur s'est également référé à l'acte administratif qui a engendré la fermeture de BANCAFÉ, des hôpitaux et des cliniques des entreprises sociales de l'État. Une telle décision est arbitraire et a permis de détruire deux grandes organisations syndicales. Dans ce cas les droits sociaux et les conventions collectives ont été ignorés.

L'"opération dragon" d'août 2004 a permis de découvrir la preuve de la persécution antisyndicale grâce à la détention d'un lieutenant-colonel de l'armée colombienne, numéro de matricule 7217167. Des documents sur les activités du syndicat SINTRAEMCALI ainsi que les informations sur l'opération dragon furent trouvés en sa possession. Ces informations planifiaient entre autres l'exécution extra-judiciaire du président du syndicat Luis Hernandez Monroy, de l'assesseur juridique Berenice Celeyta et du dirigeant Alexander Lopez. L'opération prévoyait également l'infiltration du syndicat et la création d'un syndicat dominant pour l'entreprise.

En outre, 270 agriculteurs appartenant à la fédération agricole FENSUAGRO ont par ailleurs été emprisonnés. Les violations de la liberté syndicale en Colombie ont augmenté quant à leur gravité. Le droit des travailleurs à fonder leur propre organisation, à élire leur représentant, à définir librement leur plan d'action et à jouir du droit à la vie doit être réaffirmé.

Le membre gouvernemental du Canada a remercié le représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations supplémentaires communiquées. Toutefois, malgré les initiatives menées par le gouvernement pour améliorer la sécurité, et même si dans les déclarations de Londres et de Carthagène ce dernier a admis qu'il fallait protéger et garantir le droit à la vie et la liberté d'expression, la situation reste très grave. Des syndicalistes continuent à disparaître, à faire l'objet de menaces et à être assassinés. Les violences qu'ils subissent peuvent revêtir d'autres formes: harcèlement, enlèvements, exil forcé, fouilles illégales et détention arbitraire. Malheureusement, les auteurs de ces infractions sont rarement traduits en justice; son gouvernement saluera tout résultat positif obtenu grâce aux mesures prises récemment par le gouvernement pour mettre fin à l'impunité. Le gouvernement est instamment prié de prendre d'autres mesures concrètes pour mettre un terme à l'impunité en Colombie, pour veiller à ce que les ressources nécessaires soient allouées afin de protéger les syndicalistes et pour collaborer avec l'OIT par le biais du programme de coopération technique. Cette collaboration doit permettre de mettre en place un dialogue social constructif pour garantir la stabilité sociale et assurer le respect de la liberté syndicale et des droits de négociation collective.

La membre travailleuse du Venezuela a fait observer que cela fait de nombreuses années que l'on traite du cas de la Colombie et que chaque année la situation devient plus grave pour les travailleurs de ce pays. Cette année, on doit constater de très graves violations. Par exemple, dans la société ECOPETROL, 247 syndicalistes ont été licenciés pour s'être opposés à la politique de privatisation et de flexibilité du travail appliquée à cette entreprise; la société TÉLÉCOM a été fermée; des licenciements massifs ont eu lieu à la BANCAFÉ; l'administration postale a fermé, de même que les sociétés du secteur de l'audiovisuel. Ces mesures ont été prises dans le but évident d'appliquer des systèmes de flexibilité et de déréglementation de l'emploi, en imposant des modèles de coopératives de travailleurs afin de se débarrasser des conventions collectives et de liquider les syndicats. L'oratrice s'est également référée aux actes de violence perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Entre le 1er janvier 2005 et le mois d'avril, 16 travailleurs syndiqués ont été assassinés, 123 ont reçu des menaces de mort, 12 ont été agressés, quatre ont été séquestrés, 40 ont été détenus arbitrairement et six ont été déplacés de force. Ces actes de violence ont eu pour effet de faire diminuer le taux d'affiliation syndicale, car les travailleurs ont peur de s'affilier à un syndicat ou d'en constituer un. Selon l'oratrice, il existe un plan pour éliminer les dirigeants syndicaux de SINTRAEMCALI, parce qu'ils ont dénoncé la politique de flexibilité et de déréglementation de l'emploi que l'on prétend imposer aux entreprises du secteur. Il faut exiger du gouvernement qu'il garantisse le droit d'organisation, de négociation collective et de grève, et qu'il mette un terme au climat de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. Il faut en outre lui demander de prendre les mesures nécessaires pour réformer la législation et la rendre conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective.

Le membre employeur de la Colombie a déclaré qu'il souhaitait intervenir à propos d'une allusion faite par la membre travailleuse de la France puisqu'elle a fait une mauvaise interprétation de la réunion d'un groupe de syndicalistes ayant visité le pays en septembre 2004 et il souhaiterait qu'il soit entendu par cette commission. La Colombie vit une situation très difficile dans laquelle la violence s'est généralisée depuis de nombreuses années. Les entrepreneurs colombiens souhaiteraient, de manière constructive et positive, créer une société qui rassemble. Ils contribuent d'ailleurs à cet objectif en apportant des ressources additionnelles. A titre d'exemple, les 3,34 pour cent des bénéfices nets des ventes sont destinés à des organismes à caractère social. Les entrepreneurs promeuvent en outre les caisses de compensations familiales. Par ailleurs, des indicateurs économiques, sociaux et politiques positifs ainsi que les indicateurs portant sur le combat du trafic de narcotique démontrent qu'il existe une sortie institutionnelle à la crise. C'est dans ce domaine que le secteur privé souhaite une administration efficace et transparente des ressources. Les politiques de ces dernières années ayant pour objectif le rééquilibrage des entités publiques ont été appuyées par les employeurs. L'orateur déclare qu'il fait partie du directoire tripartite de l'Institut colombien d'assurance sociale. Cet institut perdait 250 millions de dollars par an, et un dialogue fut entrepris pour trouver des solutions. Lors de la discussion, la position du syndicat avait été intransigeante et celui-ci s'était refusé à toute modification. Il faut savoir que pour une entité publique on ne pense pas seulement aux travailleurs mais aussi aux millions de personnes affiliées. En ce qui concerne l'allusion relative aux pensions, s'il n'existe pas de fonds, on estime que 12,5 pour cent de l'impôt va actuellement aux pensions. Cela signifie que le système de répartition s'est effondré. Il n'existe pas par conséquent une politique particulière contre les travailleurs de l'Institut des pensions mais une nécessité de réajustement de l'État. Cinquante entreprises étatiques ont ainsi subi des modifications. Celles-ci répondent à un programme de rénovation du secteur public auquel les employeurs et les travailleurs furent invités à participer. Les travailleurs n'ont cependant jamais assisté à ces réunions. La Commission de concertation doit fonctionner chaque mois. Il s'agit d'un espace de dialogue qui n'est pourtant pas utilisé. L'attitude des syndicats est une attitude de confrontation plus que de construction. Aussi bien l'Association nationale des industries (ANDI) que lui-même souhaitent que se construise par le dialogue social et la coopération technique une société avec une meilleure redistribution des richesses. Dans un journal colombien, des déclarations de l'ANDI relatives au chapitre du droit du travail de traité de libre échange ont été publiées. L'ANDI a déclaré qu'avec traité de libre échange ou sans traité de libre échange, la modification du régime des coopératives se doit d'avancer. La définition légale du concept du service public essentiel et la modification du régime collectif de travail montrent des usages abusifs du droit.

Le membre gouvernemental du Pérou a souligné les efforts que vient de réaliser le gouvernement de Colombie en vue de réduire la violence et a félicité les représentants des gouvernements qui ont reconnu cela, en particulier la représentante gouvernementale qui a parlé au nom de l'Union européenne. Son pays a également traversé un processus de violence interne dû à des mouvements terroristes; il est conscient que ces actions affectent certains secteurs sociaux, dont le mouvement syndical. Il convient selon lui d'éviter les excès dans la lutte contre les mouvements violents. L'orateur a également prié l'assemblée de reconnaître l'effort réalisé par le gouvernement ainsi que par le peuple de Colombie, en demandant à la communauté internationale de continuer à soutenir ce processus présentant un intérêt particulier pour la sécurité des pays de la région. Il a exprimé l'espoir que le gouvernement, les travailleurs et les employeurs, au moyen du dialogue social, et avec l'appui technique du BIT, pourront faire une place au dialogue tripartite, à l'instar de ce qui vient d'être réalisé dans son propre pays. Pour conclure, il a souligné qu'en présence de violence, il ne pouvait exister de véritable démocratie, et qu'en l'absence de démocratie il n'existe pas de véritable respect des droits des travailleurs.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a demandé que soit mis un terme à la politisation qui affaiblit l'autorité de la Commission de la Conférence. La vaste campagne destinée à briser le mouvement syndical en Colombie a des effets très graves: 94 syndicalistes ont été assassinés en 2004, soit plus que dans le monde entier. Depuis 2002, le nombre total de violations des droits humains des syndicalistes a augmenté de 65 pour cent. Ces violations revêtent des formes diverses: assassinats, disparitions, menaces de mort, détentions arbitraires et déplacements forcés. De plus, les violences visant les femmes syndicalistes ont augmenté de 800 pour cent. Pourtant, certains membres de la Commission de la Conférence continuent à affirmer que la situation s'améliore. Les syndicalistes font même l'objet de harcèlement lorsqu'ils sortent de Colombie, et le régime actuel refuse de mettre en uvre la recommandation des Nations Unies exigeant qu'un terme soit mis à la tenue de fichiers sur les syndicalistes par les services de renseignements militaires.

Il est impensable qu'un gouvernement puisse détenir arbitrairement des douzaines de syndicalistes chaque année et qu'il ne soit pas en mesure de faire cesser l'impunité avec laquelle les forces de l'ordre et leurs alliés paramilitaires assassinent les syndicalistes. De plus, les syndicalistes détenus sont souvent accusés de rébellion et, même lors-qu'ils sont finalement relaxés faute de preuve, leur seule accusation permet de les placer sur la liste des personnes à éliminer tenue par les paramilitaires. Le Myanmar ne remplit pas les obligations qui lui incombent au titre de la convention no 29. A cet égard, il a été dit que le groupe employeur du Conseil d'administration que l'impunité qui prévaut dans ce pays indiquait la mesure dans laquelle on tolérait des violations manifestes de la convention sur le travail forcé, et que tout État ne disposant pas des moyens de punir ces infractions violait les principes défendus par l'OIT. Il est tout à fait clair que les mêmes principes devraient s'appliquer pour les assassinats perpétrés en Colombie. Des délégations syndicales britanniques se rendent régulièrement en Colombie et se sont vu remettre par le Vice-président une liste de 13 cas pour lesquels les auteurs auraient été condamnés et emprisonnés, alors que 791 syndicalistes au total ont été assassinés entre 1999 et 2004. Pour au moins trois de ces 13 cas, les informations communiquées sont insuffisantes ou ne révèlent pas la vérité. Le représentant gouvernemental a mentionné seulement quatre condamnations. Pour trois cas spécifiques, les informations transmises par le gouvernement présentent des incohérences, et des dispositions ont été prises pour communiquer au Bureau des informations qui s'y rapportent. A supposer que le gouvernement s'attaque au problème de l'impunité, les informations données par le gouvernement sont insuffisantes. Récemment, lors d'un débat au Conseil d'administration, le gouvernement colombien s'est référé à un supposé accord tripartite qui, selon lui, serait le signe d'un progrès en termes de dialogue social; en fait, cet accord a été dénoncé par les syndicats. Il a également reçu des informations selon lesquelles le gouvernement a restitué au Trésor public une somme de 83 000 dollars E.-U. provenant du fonds du BIT et non dépensée, sans en informer le Conseil d'administration. Il est préoccupant que les intérêts politico-économiques en jeu et le manque d'informations exactes et vérifiables empêchent la Commission de la Conférence de prendre les décisions voulues concernant la Colombie. Les organes de contrôle de l'OIT sont en droit d'attendre des États Membres qu'ils fournissent des informations véridiques. C'est la raison pour laquelle une mission tripartite de haut niveau doit être envoyée en Colombie.

La commission est instamment priée d'adopter des conclusions indiquant que la situation ne cesse de se détériorer et que les violations persistantes des conventions nos 87 et 98 mettent à mal le mouvement syndical colombien. Si ces conclusions ne vont pas dans ce sens, la commission encouragera d'autres actes de répression au lieu de remplir son rôle essentiel qui consiste à défendre le droit fondamental de tous les travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier pour défendre leurs intérêts, notamment le droit de mener librement des négociations collectives.

Le membre gouvernemental du Brésil a déclaré que son gouvernement suit attentivement l'évolution de la situation relative à la liberté syndicale en Colombie et prend note des informations fournies par le représentant gouvernemental de la Colombie. Il convient que la commission appuie les mesures prises en vue de stimuler et d'encourager le dialogue social dans le pays et qu'elle tienne compte des résultats obtenus dans le cadre du programme de coopération technique entre l'OIT et le gouvernement. L'orateur a conclu en exprimant l'espoir que le gouvernement colombien mettra en uvre les mesures proposées afin d'améliorer les relations professionnelles dans le pays.

La membre gouvernementale du Mexique a exprimé sa reconnaissance au représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations qu'il a fournies, lesquelles démontrent l'attitude constructive et de coopération du gouvernement colombien afin de garantir l'exercice des droits syndicaux prévus à la convention no 87. Les résultats ne sont peut-être pas à la hauteur des attentes de la commission d'experts mais ils doivent être considérés comme des avancées progressives. La situation rend difficile la condamnation des responsables des faits de violence contre les syndicalistes, et la violence affecte tous les secteurs de la société. L'oratrice a encouragé le gouvernement, les employeurs et les travailleurs colombiens à renforcer le dialogue et la coopération afin de continuer à appliquer le programme spécial de coopération technique.

La membre gouvernementale de la Chine a indiqué que les informations communiquées par le représentant du gouvernement démontrent que la Colombie fait de réels efforts afin de protéger les droits syndicaux. Des mesures sont, par conséquent, prises et des progrès réalisés. Toutefois, en dépit d'une amélioration progressive dans la résolution du problème, l'ensemble des parties s'accordent à dire qu'un long chemin doit encore être parcouru. Elle a relevé que l'OIT et le gouvernement se sont engagés dans une coopération et exprimé l'espoir que celle-ci permettrait de trouver une solution au problème. L'oratrice a appelé l'ensemble des parties à adopter une attitude constructive en vue d'améliorer l'application de la convention en Colombie et de parvenir au règlement des questions importantes examinées.

Un représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement de la Colombie considérait que ses commentaires concernant les précédentes interventions pouvaient se classer en trois catégories: 1) les points de convergence importants; 2) les divergences d'informations; 3) les divergences de vues. S'agissant des points de convergence, les employeurs, les travailleurs, la plupart des gouvernements et le gouvernement de la Colombie pensent que le programme de coopération technique de l'OIT fonctionne et qu'il faut continuer à l'exécuter. Tous sont d'accord pour mettre en uvre la décision prise par le Conseil d'administration en mars 2005 et trouver les moyens requis. Les gouvernements, les employeurs et les travailleurs ont mentionné la violence en précisant qu'elle est le fait de groupes rebelles et du trafic de stupéfiants responsables de la situation du pays. Tous s'accordent à dire que la moindre mort est inacceptable, que la violence est inadmissible et difficile à comprendre en raison de sa complexité, et qu'elle entrave les activités syndicales; les employeurs eux-mêmes risquent d'être séquestrés et assassinés. La violence est généralisée, et il est indispensable de replacer la situation du travail dans ce contexte. Enfin, tous sont d'accord pour lutter contre l'impunité.

S'agissant du deuxième point, les divergences d'informations, certains ont affirmé que BANCAFÉ était une entreprise solide, ce qui est faux, puisque le gouvernement a injecté 612 millions de dollars dans cette société, dont 55 millions étaient alloués aux pensions de retraite. Il y a un désaccord sur les chiffres, puisque les travailleurs affirment que le chômage a augmenté alors que le gouvernement indique qu'en 2001 le taux de chômage était de 20 pour cent et qu'il est passé à 12 pour cent le mois dernier. De plus, il a mentionné d'autres indicateurs et dit qu'il transmettra aux travailleurs les informations communiquées par le gouvernement pour qu'ils les examinent; ces informations ont été préparées par des instances indépendantes. Les travailleurs ont dit que le nombre de conventions collectives du travail a diminué; en 2000, 491 conventions collectives ont été conclues, contre 433 en 2001 et plus de 400 en 2004, soit une moyenne à peu près stable. Quant au système de santé, certains ont dit qu'il ne fonctionnait pas, alors que l'année dernière la couverture de santé des personnes démunies a connu un élargissement sans précédent. Certains ont insinué que la justice était rarement impartiale, alors que le nombre de juges syndiqués est important, et l'on ne peut laisser dire qu'ils font l'objet de manipulations. Quant à TÉLÉCOM, le gouvernement n'a pas les moyens de la soutenir et son capital n'est pas suffisant. De nombreux pays d'Europe ont dû privatiser des entre-prises publiques, et le Président colombien n'a pas décidé de procéder à la liquidation de TÉLÉCOM, mais a souhaité garder cette société en la rendant plus efficace. On a dit que des employés avaient été licenciés, mais on n'a pas signalé que les indemnités et les autres prestations accordées s'étaient élevées à 70 millions de dollars. On a dit que les paysans ne bénéficiaient d'aucun crédit alors que le montant disponible pour le microcrédit est passé à 2,1 milliards de dollars. On a dit que le gouvernement avait interdit l'accès aux syndicalistes, mais M. Carlos Rodríguez, ici présent, n'a pas précisé qu'il a appelé de l'aéroport en raison de divers problèmes et qu'après quelques heures ils ont été reçus par le gouvernement et que ce dernier a prolongé leurs visas de trente jours. Plusieurs travailleurs ont décidé de rentrer dans leur pays, mais ils ont pris cette décision eux mêmes. Quant à la mort de syndicalistes, les travailleurs n'ont pas mentionné que l'enquête d'Arauca relevait désormais de la justice civile, et non plus militaire.

Pour conclure, il indique qu'il ne peut pas accepter qu'un auditoire tripartite utilise certains adjectifs pour qualifier les interventions et dise que M. Uribe est un fasciste et un menteur ou que l'État commet des assassinats. Cela ne doit pas être acceptable pour l'OIT ni pour les employeurs ou les travailleurs. Les discussions devraient au contraire être éminemment techniques. Il a manifesté sa préoccupation devant les interventions chargées de haine et d'intérêts politiques. Comme il les rejette, il ne répondra à aucune de ces accusations.

Les employeurs et les travailleurs sont invités au nom du gouvernement à comprendre que la situation du peuple colombien, bien que difficile, est en progrès. Il existe quelques résultats encourageants qui permettent de dire, sans affirmer que le problème est résolu, que l'on travaille de façon permanente à sa résolution. Ce matin, il y a eu une réunion avec le président du Comité de la liberté syndicale. Ce dernier est invité à aller en Colombie et à se réunir avec différents secteurs de la société colombienne ainsi qu'avec l'ensemble des acteurs s'intéressant à l'impunité. Les problèmes ainsi que les améliorations doivent être reconnus. Il faut toutefois rester prudent. Le risque de prendre des décisions pouvant être utilisées de manière politique, tout en cherchant une sanction pour la Colombie, existe. Ces décisions ne généreraient aucun bénéfice pour le peuple colombien. Le programme de coopération technique doit se poursuivre afin de renforcer le dialogue social et de diminuer la violence.

Un autre représentant gouvernemental (vice-ministre de la Protection sociale) a relevé l'importance que toutes les instances de l'OIT puissent collaborer et coopérer avec le gouvernement de Colombie. Dans le but de créer un contact direct avec l'opinion publique, son gouvernement invite le président du Comité de la liberté syndicale à venir rencontrer les autorités du pouvoir exécutif et judiciaire et les autres organes chargés du contrôle, de même que les organisations de travailleurs et d'employeurs. Son gouvernement est également disposé à fournir toutes les informations nécessaires pour permettre de trouver une solution aux problèmes soulevés. La collaboration est essentielle pour atteindre le meilleur niveau de transparence possible.

En conclusion, le représentant gouvernemental indique que, si cela peut contribuer à une meilleure prise de conscience de la réalité nationale et à faciliter la recherche de solutions, son gouvernement accepte que l'invitation de visiter son pays qui a été faite au président du Comité de la liberté syndicale soit étendue aux porte-parole des travailleurs et des employeurs de cette commission.

Les membres travailleurs ont déclaré avoir pris note des propositions du gouvernement tendant à ce qu'une mission vienne en Colombie pour prendre pleinement la mesure des réalités concrètes. Ils ont convenu que les problèmes que ce pays connaît vont bien au delà de ceux évoqués par la commission d'experts dans son observation, comme en témoignent les obstacles rencontrés par les organisations de travailleurs dès lors qu'elles cherchent à faire respecter les droits les plus élémentaires de leurs adhérents.

Les membres travailleurs ont suggéré que la Commission de la Conférence se prononce en faveur d'une mission tripartite de haut niveau en Colombie, mission qui compterait parmi ses membres les deux vice-présidents de la Commission de la Conférence et qui aurait pour mandat l'application de la convention no 87 et la coopération technique.

Les membres employeurs ont constaté que le problème de la violence était central dans ce cas difficile et qu'il était essentiel d'y mettre fin pour que le cas puisse être résolu. Ils notent également que le gouvernement fait face à de nombreuses difficultés pour remédier complètement à ce problème.

Les membres employeurs prennent note de la déclaration faite par le représentant gouvernemental d'inviter le président du Comité de la liberté syndicale et les vice-présidents de la Commission de la Conférence à visiter le pays. Ils veulent toutefois attirer l'attention sur le fait que l'objectif et le mandat de la Commission de la Conférence sont différents de ceux du Comité de la liberté syndicale: alors que le mandat de la Commission de la Conférence est limité au contrôle de la mise en uvre de la convention, en droit et en pratique, celui du Comité de la liberté syndicale, plus large, excède les termes de la convention.

Les membres employeurs concluent en notant que la visite devrait permettre d'entrer en contact avec les partenaires sociaux et les organes de contrôle et de mettre l'emphase sur la mise en uvre de la convention en droit et en pratique, avec un intérêt particulier pour ce qui concerne le programme spécial de coopération technique pour la Colombie.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le ministre de la Protection sociale et du débat qui a suivi. Elle a noté avec une profonde préoccupation que les problèmes en instance sont extrêmement graves et concernent en particulier des assassinats de dirigeants syndicaux et d'adhérents, d'autres actes de violence contre des syndicalistes et la situation d'impunité qui bénéficie à leurs auteurs. Elle a noté que les actes de violence touchent aussi d'autres secteurs et d'autres groupes, y compris les employeurs, notamment à travers des enlèvements. Elle note que le Comité de la liberté syndicale a examiné des plaintes particulièrement graves ayant trait à des assassinats et autres actes de violence contre des syndicalistes. Elle a condamné une fois de plus dans des termes les plus énergiques tous ces actes de violence commis dans un contexte d'instabilité dramatique et elle a rappelé au gouvernement qu'il lui incombe de prendre de toute urgence toutes les mesures en son pouvoir pour y mettre un terme et assurer la sécurité des personnes.

La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le nombre d'assassinats de syndicalistes et autres actes de violence a diminué et les pouvoirs publics ont pris des mesures de protection des syndicalistes et des sièges d'organisations syndicales. La commission a également pris note des informations contenues dans le rapport du Procureur général en ce qui concerne les mises en examen, les arrestations et les condamnations pour homicides, de même que sur le nouveau système d'accusation conçu pour rendre les enquêtes plus efficaces dans le cadre de la lutte contre l'impunité.

La commission a rappelé que les organisations d'employeurs et de travailleurs ne peuvent mener leurs activités librement et de manière significative que dans un climat exempt de violence et elle a appelé instamment une fois de plus le gouvernement à garantir le droit à la vie et à la sécurité, en renforçant de toute urgence les institutions nécessaires pour mettre un terme à cette situation inadmissible d'impunité, qui constitue un obstacle majeur à l'exercice des droits garantis par la convention. Elle a demandé de renforcer les mesures de protection des syndicalistes, de même que le programme de coopération technique avec l'OIT. Elle a constaté d'une manière générale qu'il règne dans le pays un climat mettant en péril l'exercice de l'activité syndicale et des autres droits de l'homme, ce qui est totalement inadmissible. Elle a pris note de l'invitation faite par le gouvernement au Président du Comité de la liberté syndicale de se rendre en Colombie pour rencontrer les partenaires sociaux et les autorités compétentes.

En ce qui concerne les réformes législatives préconisées, la commission a pris note des déclarations du gouvernement relatives aux questions à caractère juridique soulevées par la commission d'experts. Elle a notamment pris note des déclarations selon lesquelles du temps est nécessaire pour progresser dans le sens des réformes de la législation du travail et de la concertation tripartite.

La commission a pris note des informations et allégations émanant d'autres membres travailleurs, qui concernent le déni des droits syndicaux dans le contexte des nombreuses restructurations, privatisations ou fusions en cours, en particulier dans le secteur public, et des licenciements collectifs qui s'ensuivent; les licenciements à caractère antisyndical; le recours aux coopératives comme un moyen de priver les travailleurs de leurs droits syndicaux et de la possibilité de négocier collectivement; le recours croissant à des accords collectifs avec des travailleurs non syndiqués; et enfin la lenteur, la complexité, les dysfonctionnements et la partialité des organes judiciaires. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tous ces points à la commission d'experts.

La commission a prié le gouvernement de soumettre un rapport détaillé à la commission d'experts afin que celle-ci puisse examiner à sa prochaine session l'évolution de la situation, y compris en réponse aux commentaires d'organisations syndicales concernant les actes de violence, les entraves à l'enregistrement des syndicats et les dispositions légales critiquées par la commission d'experts. Elle a prié le gouvernement de faire connaître le nombre de cas d'homicides qui ont été déférés aux instances judiciaires et le nombre des affaires à l'issue desquelles les coupables ont été désignés et punis, dans le souci de faire reculer cette situation d'impunité particulièrement préoccupante.

La commission a exprimé le ferme espoir que dans un proche avenir des progrès tangibles pourront être constatés, notamment par rapport à tous les obstacles au plein exercice de la liberté syndicale, de sorte que les organisations syndicales puissent enfin exercer les droits qui leur sont garantis par la convention dans un climat de pleine sécurité, exempt de toute menace et de toute peur. Elle a souligné l'importance de parvenir à ces objectifs par le dialogue social et la concertation et elle a rappelé que l'assistance technique du Bureau reste ouverte. Elle a demandé au gouvernement et aux partenaires sociaux de relancer sans retard le dialogue social et elle a prié instamment le gouvernement de prendre des mesures en ce sens de toute urgence.

La commission, ayant pris note du fait que le gouvernement a adressé son invitation au Président du Comité de la liberté syndicale et aux vice-présidents employeur et travailleur de la Commission de l'application des normes, a décidé qu'une visite tripartite de haut niveau, conduite par le Président du Comité de la liberté syndicale, serait effectuée dans le pays, accompagnée des porte-parole des groupes employeurs et travailleurs de la commission. Cette visite devra comporter des rencontres avec le gouvernement, les organisations de travailleurs et d'employeurs, les organes compétents en matière d'enquête et de contrôle et elle accordera une attention particulière à toutes les questions touchant à l'application de la convention no 87, en droit comme dans la pratique, et au programme spécial de coopération technique de l'OIT en Colombie.

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