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Individual Case (CAS) - Discussion: 2004, Publication: 92nd ILC session (2004)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

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Une représentante gouvernementale (vice-ministre des Relations de travail) a souligné qu'année après année la Colombie était devant cette commission, communiquant les informations et les explications nécessaires pour donner une vision toujours plus objective de la réalité du pays. Elle a réitéré la volonté constante de dialogue visant un débat constructif duquel découleraient des conclusions visant à renforcer la liberté syndicale. La convention no 87 est l'un des instruments qui génèrent le plus d'observations devant la commission, ce qui reflète la complexité à laquelle doit faire face le processus de mise en conformité des législations nationales avec les conventions. Dans le cas de la Colombie, le processus de mise en conformité a continué au fil des ans. La commission d'experts a mentionné la Colombie comme un cas de progrès, dans son étude d'ensemble sur la liberté syndicale de 1994, en ce qui concerne la loi 50 de 1990, une des lois les plus combattues par les travailleurs colombiens car considérée comme violant le droit d'association.

En 2000, la commission d'experts a souligné qu'il existait 13 divergences entre la législation nationale et la convention no 87 et les principes de celle-ci. Dans son rapport de 2001, la commission a noté avec satisfaction que l'adoption de la loi no 584 du 13 juin 2000 mettait un terme ou modifiait dix des divergences existantes. Seules trois divergences subsistaient que la commission invoque toujours aujourd'hui. Malgré les modifications apportées à la législation au fil du temps, qui expriment clairement une politique durable de l'Etat de respect du mouvement syndical et la garantie de la liberté syndicale, la Colombie a été appelée chaque année à répondre à cette commission. La première des trois divergences qui subsistent toujours est l'interdiction pour les fédérations et confédérations d'appeler à la grève. Le gouvernement considère que la négociation doit se faire entre l'employeur et son syndicat, et non avec des personnes étrangères à l'entreprise, ce qui rendrait encore plus difficiles les négociations. Ces raisons, qui visent à renforcer le dialogue entre les employeurs et les travailleurs, expliquent cette divergence, à propos de laquelle le gouvernement continue à dialoguer ouvertement avec l'OIT.

La seconde divergence se réfère à l'interdiction de la grève dans une série de services, considérée comme étant trop large par la commission, par rapport au concept de service essentiel qu'elle a développé, ainsi qu'à la possibilité de congédier les dirigeants syndicaux qui ont participé à une "grève illégale". Dans cette observation, on doit différencier deux aspects: le concept de service essentiel et la faculté de congédier les travailleurs qui participent à un arrêt de travail déclaré illégal. En Colombie, la notion de service public découle d'une grande tradition de droit français, qui a attribué à ce concept une importance capitale en ce qui concerne l'accomplissement des fonctions à la charge de l'Etat. Au cours des années, les lois de la Colombie se sont référées au service public comme étant "toute activité organisée qui vise à satisfaire les besoins d'intérêt général, de manière régulière et continue, conformément à un régime juridique spécial, qu'elle soit réalisée directement ou indirectement par l'Etat, ou par des personnes privées". Pour cette école de pensée, le service public est, par nature, essentiel, et ce qualificatif lui est donné parce que c'est l'Etat qui, directement ou à travers ses institutions décentralisées, est chargé de le fournir, compte tenu de l'importance qu'il revêt pour le développement de la société. Le concept de "service essentiel", développé par l'OIT, n'est pas le produit de la même tradition juridique que celle développée en Colombie, qui résulte de la nécessité d'équilibrer, d'une part, les intérêts particuliers des travailleurs et de leur droit de grève - droit consacré par les conventions nos 87 et 98 de l'OIT - et, d'autre part, l'intérêt général de la société qui est affectée par la grève.

Chacun de ces concepts découle de conceptions juridiques différentes qui expliquent les divergences constatées. Celles-ci ne sont pas dues, comme l'affirment les travailleurs, à une politique gouvernementale qui ne respecte pas les conventions internationales du travail. Le gouvernement est ouvert au dialogue avec l'OIT afin d'identifier les alternatives qui permettraient de les surmonter. En ce qui concerne le second aspect, "la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail)", il convient de souligner qu'il n'existe pas de "grève illégale" en Colombie. La grève est consacrée et garantie dans la législation, dans ses aspects substantifs et procéduraux. Aucune des normes relatives à la grève ne fait l'objet en ce moment d'observations de la commission d'experts. On peut donc en déduire que la législation est en conformité avec la convention no 87. Dans cette perspective, il n'est pas possible de congédier des travailleurs pour avoir participé à une grève.

Il en va différemment de la cessation collective des activités, qui est illégale quand elle a lieu dans les cas prévus à l'article 450 du Code substantif du travail, complété par l'article 56 de la Constitution politique et les arrêts de la Cour suprême de justice - chambres de cassation et constitutionnelle, relatifs aux services publics essentiels, comme l'arrêt C-450, d'octobre 1995, selon lequel l'exploitation, le raffinage et le transport du pétrole et de ses produits dérivés ont été déclarés comme étant des services publics essentiels. Cette décision est conforme à l'article 56 de la Constitution politique qui garantit le droit de grève sauf dans les services publics essentiels. Des sept raisons prévues dans la législation pour déclarer illégale une cessation d'activités, seules celles relatives aux cessations dans les services publics ont fait l'objet des observations de la commission d'experts. En conséquence, la logique la plus élémentaire nous mène à penser que, si la cessation collective illégale d'activités n'a pas été considérée par la commission d'experts comme étant contraire à la convention no 87, sauf dans les cas qui concernent les services publics, il n'existe pas de raisons de remettre en cause la législation qui permet aux employeurs de licencier ceux qui participent à une de ces cessations illégales. Concernant la troisième divergence, c'est-à-dire "la faculté du ministre du Travail de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail)", il faut souligner que cette possibilité est facultative et non obligatoire pour le gouvernement. Cette possibilité est utilisée en très peu d'occasions. L'actuel gouvernement n'en a jamais fait l'usage. Tout ceci indique que l'existence des divergences découle d'interprétations différentes d'une même norme par le gouvernement et la commission d'experts. C'est pourquoi un dialogue ouvert avec le Bureau permettra un échange d'idées et d'arguments et de trouver des alternatives. En ce qui concerne le fait que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponses aux commentaires présentés par la CISL, la représentante gouvernementale a déclaré que ces derniers ont été reçus par le gouvernement après la réunion de la commission.

Concernant la baisse du nombre des assassinats de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, le gouvernement est conscient qu'un seul meurtre est suffisant pour réaffirmer son appui à la politique de sécurité démocratique. Bien que cette baisse ne constitue, ni ne peut constituer, un motif de satisfaction, elle encourage du moins le gouvernement à aller de l'avant, constatant qu'il va dans la bonne direction et ce de manière soutenue. Pour faire face au "grave climat de violence persistant" qui est mentionné par la commission, le programme de protection existe depuis cinq ans. Unique au monde, il relève de la compétence du ministère de l'Intérieur et de la Justice et il offre une protection spéciale aux populations les plus affectées par la violence des narcoterroristes. 4 576 syndicalistes bénéficient d'approximativement 2 218 mesures de protection. En outre, afin de les protéger, leur sont proposés: des escortes, armes d'appui, voitures blindées, clôtures blindées aux sièges de leurs organisations, transport, moyens de communication, relocalisations temporaires et "billets" nationaux et internationaux. A cet effet, il a fallu augmenter le budget du programme dont 70 pour cent des ressources étaient destinés à protéger les syndicalistes. Grâce à ce programme, une diminution importante, bien qu'insuffisante, du nombre des assassinats et des autres actes de violence contre les syndicalistes a pu être enregistrée. Ainsi est-on passé de 120 homicides de syndicalistes en 2002, à 54 en 2003. De même, 17 morts violentes ont été enregistrées depuis le début de l'année comparées à 22 enregistrées l'année dernière pendant la même période. Finalement, l'oratrice a indiqué qu'elle n'avait pas perçu, dans le rapport de la commission, de signes encourageant le gouvernement dans sa lutte pour améliorer les conditions d'exercice de la liberté syndicale. Son pays continuera néanmoins à redoubler ses efforts en vue d'exécuter la politique de sécurité démocratique et d'assurer une meilleure protection aux syndicalistes et aux dirigeants syndicaux à risque. Elle a réitéré la volonté de son gouvernement de poursuivre la lutte pour la liberté syndicale et les droits fondamentaux des travailleurs.

Les membres travailleurs ont souligné que les violations extrêmement graves des libertés syndicales en Colombie ont figuré en permanence à l'ordre du jour de cette commission depuis de nombreuses années. L'OIT, dans son ensemble, a été grandement préoccupée par ces violations. Le Conseil d'administration a discuté à plusieurs reprises des actions à entreprendre, notamment à l'occasion des rapports du représentant spécial du Directeur général et à la suite de la demande des membres travailleurs de trouver les moyens d'action à la hauteur de la situation. C'est pourquoi les membres travailleurs ont demandé l'envoi d'une commission d'enquête en Colombie pour rompre l'inertie qui les amène, année après année, au même constat. Cette impasse est d'ailleurs confirmée par les propos de la commission d'experts, qui "... constate cependant avec une profonde inquiétude que le climat de violence persiste dans le pays et que, selon les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1787, examiné en mai 2003 et évoqué devant la Commission de l'application des normes, les assassinats et autres actes de violence ont toujours cours. Comme ces deux autres instances, la commission prie le gouvernement de renforcer les institutions qui doivent l'être pour mettre un terme à cette situation intolérable d'impunité qui fait gravement obstacle au libre exercice de droits syndicaux garantis par la convention, de sorte que toutes les personnes reconnues coupables de tels actes soient sanctionnées de manière effective." Dans le passé, de nombreuses violations ont fait l'objet de discussions, notamment la violence envers les syndicalistes tués par milliers depuis plus de dix ans; la criminalisation permanente des actions syndicales; et l'impunité qui empêche toute mesure d'avoir la moindre efficacité. L'impunité est au coeur du problème. Tant que la vie d'une personne est sans valeur et que l'on peut la lui enlever sans être poursuivi, les assassinats continueront. Le gouvernement mentionne une baisse des assassinats. Faut-il applaudir? Encore une fois, plus d'une centaine de personnes ont perdu la vie depuis la dernière réunion de cette commission. On ignore tout des investigations concernant les auteurs de ces atrocités et des sanctions qui leur sont imposées. Il faut que l'état de droit, l'état du courage l'emporte sur l'état de la lâcheté et de l'impunité.

Les experts se réfèrent encore une fois aux problèmes d'application de la convention no 87 en ce qui concerne le droit des organisations syndicales de pouvoir organiser librement leurs activités. La commission d'experts rappelle à ce propos: l'interdiction pour les fédérations et confédérations d'appeler à la grève contenue dans le Code du travail; l'interdiction de la grève dans de nombreux services publics et d'autres secteurs de l'économie qui sont loin d'être essentiels au sens strict du terme; et la faculté du ministre du Travail de soumettre des conflits à l'arbitrage après un certain délai. A ce propos, la réaction du gouvernement est difficilement acceptable puisque, au lieu de prendre les mesures qui s'imposent pour rendre la loi compatible avec la convention, il se borne à déclarer que l'étude des propositions de réforme de la législation du travail, dont la Commission de concertation des politiques sociales et du travail avait été saisie en 2002, n'a pas encore été engagée. Un rapport du gouvernement sur les propositions de réforme, ou plus généralement sur les observations de la commission d'experts, aurait dû être fourni. Au lieu de cela, le gouvernement colombien a fait parvenir un communiqué de presse portant sur des questions politiques qui ne relèvent pas de la question à l'ordre du jour, à savoir l'impunité et les restrictions légales des activités syndicales. Le débat doit porter sur les questions relatives à l'application des normes et non sur des questions politiques, et ne doit pas non plus être porté dans la presse.

La situation en Colombie requiert une volonté politique commune pour résoudre les problèmes graves que connaissent les travailleurs, les travailleuses et plus généralement la population. Cette volonté politique doit cibler correctement les responsabilités. Dans son communiqué de presse, le ministre du Travail présente une lecture assez particulière des responsabilités, qui en dit long sur sa vision des choses. Selon ce communiqué, les syndicats eux-mêmes sont le problème: "les mouvements syndicaux doivent nous aider à résoudre plusieurs problèmes auxquels le pays fait face au lieu de faire partie de ce problème". La faute revient donc à ceux qui ne veulent pas subir passivement ce que les gouvernants leur imposent. A plusieurs reprises, l'impuissance de l'OIT à agir de manière indépendante et avec le courage nécessaire a été constatée. L'année dernière, cette commission n'est pas arrivée à un accord afin d'inscrire ses conclusions dans un paragraphe spécial, et ce même en présence d'une situation où des dizaines de syndicalistes ont perdu la vie. Ceci parce que le gouvernement n'est pas arrivé à prendre les mesures adéquates pour arrêter ce carnage qui dure depuis plusieurs décennies. De plus, le Conseil d'administration n'est pas parvenu à un accord sur l'envoi d'une commission d'enquête en Colombie. L'OIT a adopté des conventions concernant la liberté syndicale et la libre négociation collective et les a considérées comme normes fondamentales, justement pour éviter que les responsabilités s'effritent et pour que les travailleurs puissent, pour eux-mêmes et dans l'intérêt de leur famille, mener librement leurs revendications et leurs actions. Les membres travailleurs ont souhaité pouvoir constater des progrès en ce qui concerne la liberté syndicale et la punition des assassins, dans la loi et dans la pratique. Ils ont émis l'espoir que le gouvernement changera à la fois les lois et la pratique conformément aux observations faites et qu'un véritable esprit de dialogue et d'ouverture l'amènera à examiner, avec les organisations syndicales colombiennes, les problèmes qui se posent au lieu d'en créer davantage.

Les membres employeurs ont déclaré que ce cas a lieu dans un contexte similaire à celui d'une guerre civile. La violence touche les politiciens, les leaders économiques, les avocats tout comme les dirigeants syndicaux. Elle est perpétrée par des groupes comme les FARC et autres groupes paramilitaires qui commettent souvent des crimes au nom de différentes idéologies. Il n'y a pas de recette unique pour rétablir la paix en Colombie et ce n'est pas le mandat de cette commission d'évaluer les différentes mesures à cette fin. La liberté syndicale ne peut s'exercer dans un climat de violence mais la pleine garantie de cette liberté ne pourra pas non plus mettre fin à la violence. En 2001, la commission d'experts a noté un certain nombre de changements dans la législation concernant l'application des conventions nos 87 et 98 et a considéré ces cas comme des cas de progrès. Pour la commission d'experts, il demeure trois obstacles légaux à l'exercice de la liberté syndicale. Les membres employeurs ont souligné qu'ils n'étaient pas d'accord avec les vues de la commission d'experts en ce qui concerne le droit de grève. A cet égard, ils ont rappelé que les travaux préparatoires de la convention no 87 et la décision de la Conférence de 1948 relative au droit de grève avaient souligné que le droit de grève n'était pas couvert par la convention. Il n'y a donc pas lieu de demander au gouvernement de modifier la législation à cet égard.

Afin d'exercer la liberté syndicale, toutes les mesures devront être prises pour mettre fin au climat de violence dans ce pays. Le gouvernement actuel semble suivre un chemin différent à cet égard. Bien que la violence n'ait pas disparu en Colombie, les données statistiques indiquent qu'elle a baissé au cours des deux dernières années. Toutefois, le degré de violence persistante demeure inacceptable car il compromet non seulement la liberté syndicale mais également d'autres droits. Le gouvernement doit adopter des mesures plus sévères en ce qui concerne la poursuite des crimes. Les membres employeurs ont noté les programmes de protection des syndicalistes, la présence de postes de police dans presque tous les villages et le fait que les dirigeants syndicaux occupent maintenant des postes publics importants. De plus, le gouvernement semble lutter activement contre des groupes paramilitaires de droite. Les membres employeurs ont noté une amélioration de l'économie nationale colombienne et l'accord entre l'OIT et la Colombie sur des projets de coopération technique. Ils ont également noté l'offre du gouvernement du Mexique de mener des négociations pour mettre fin à la violence. A cet égard, ils ont conclu que le gouvernement ne devrait pas être affaibli dans la mesure où cela pourrait compromettre de tels projets et encourager les groupes criminels qui opèrent en Colombie. Ils ont donc prié instamment la commission de demander au gouvernement d'être encore plus déterminé dans ses efforts pour mettre un terme à la violence dans le pays.

La membre gouvernementale des Etats-Unis a déclaré que son gouvernement reste profondément préoccupé par la situation de violence dévastatrice en Colombie qui s'abat contre les syndicalistes. Son gouvernement continue à appuyer les efforts visant à trouver des solutions aux problèmes fondamentaux qui ont créé cette situation, à améliorer les compétences et l'efficacité de syndicalistes colombiens et à protéger les vies des syndicalistes qui courent des risques. Bien que le nombre des assassinats et autres actes de violence ait baissé, il demeure effroyablement élevé, et les menaces de violence continuent à se produire avec une fréquence alarmante. En même temps, le nombre de condamnations contre les personnes ayant commis des actes de violence reste inacceptablement bas.

La liberté syndicale constitue un élément clé si la Colombie veut évoluer favorablement vers la paix, la justice sociale, la réconciliation et la démocratie. La liberté syndicale ne peut prospérer que si les droits fondamentaux de l'homme, en particulier ceux relatifs à la vie humaine et à la sécurité personnelle, sont complètement respectés et garantis. C'est pourquoi son gouvernement a appelé le gouvernement de la Colombie - dans le contexte de la coopération et de l'assistance technique du BIT - à renforcer les mesures de protection et les systèmes de sécurité en faveur des syndicalistes colombiens; à s'assurer que tous les actes de violence fassent l'objet d'enquêtes et de poursuites, et que les personnes qui en sont responsables soient condamnées et punies; et à poursuivre le processus de réforme de législation du travail afin que la législation et la pratique soient pleinement conformes aux conventions ratifiées de l'OIT sur la liberté syndicale.

Un membre travailleur de la Colombie a signalé que, malheureusement, il fallait indiquer en toute franchise que les organisations syndicales et les travailleurs colombiens étaient profondément déçus des résultats obtenus dans deux domaines: la protection du droit à la vie et l'exercice d'activités syndicales rendu chaque jour plus difficile dans le pays. Cette commission se préoccupe du cas de la Colombie depuis les dix-huit dernières années, surtout quant à la violation des dispositions des conventions nos 87, 98 et 151, et l'on assiste à une sorte de rituel qui se répète d'année en année: les travailleurs dénoncent, l'OIT interroge le gouvernement, celui-ci répond, les travailleurs soutiennent leurs allégations, l'OIT cherche à nouveau des informations, la commission d'experts consigne ses préoccupations dans ses rapports, cette commission examine le cas, le temps passe, et la situation, au lieu de s'améliorer, empire chaque jour. Il faut admettre que le nombre de syndicalistes assassinés en un an est passé de 182 il y a deux ans à 108 l'année dernière, ce qui constitue une grande différence. Cependant, il serait pervers d'interpréter ce chiffre comme un signe de progrès, car nul, où qu'il se trouve dans le monde, ne doit être assassiné pour des raisons d'appartenance syndicale. Il s'agit d'un problème de fond dans la mesure où, lorsque l'on parle de la survivance du syndicalisme en Colombie, on parle d'un pays dans lequel, ces quatorze dernières années, s'enracinent une conduite antisyndicale et une campagne systématique d'extermination du syndicalisme de la part des différents gouvernements et de quelques secteurs du patronat.

L'année dernière, alors qu'au sein de cette commission on débattait de la liberté syndicale en Colombie, les locaux de TELECOM et de 14 autres entreprises de télécommunications étaient occupés par la force publique, tous les travailleurs ayant été licenciés sans formalité et plus de 7 000 familles ayant été affectées. De la même manière et de façon inacceptable, les conventions collectives, le Code du travail, la Constitution politique et les conventions de l'OIT ont été bafoués. Il y a trois ans, dans la plus grande compagnie de brassage de bière de Colombie, un syndicat de 4 000 membres existait. Après avoir fait usage du droit de grève, cette organisation a été démantelée, la convention collective a été remplacée par un "pacte collectif", et à ce jour aucune action du gouvernement visant à enquêter sur ces faits et à appliquer les sanctions correspondantes n'a eu lieu.

Les préoccupations concernant la liberté syndicale ont vu le jour lors de la fusion entre le ministère du Travail et le ministère de la Santé, donnant lieu à la création du ministère de la Protection sociale, avec de graves répercussions sur la liberté syndicale des travailleurs, comme en témoignent les situations vécues par les membres du syndicat de la sécurité sociale, la situation chaotique des travailleurs et de leurs organisations dans le secteur de la santé, ainsi que l'absence de protection de ceux qui espéraient être entendus dans leurs réclamations par le ministère du Travail, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. D'autant plus qu'il est devenu une coutume que les tribunaux fondent leurs décisions sur des considérations plus politiques que juridiques, comme en ont fait l'expérience les travailleurs de la Croix-Rouge, de la section Cundinamarca et de Bogota, à qui un tribunal arbitral a été imposé en toute illégalité. Une des cours de justice a non seulement validé de manière inacceptable le jugement rendu, mais a également permis que les travailleurs perdent tous leurs droits.

L'orateur a indiqué qu'il ne souhaitait pas engager un débat politique, mais seulement permettre la subsistance du mouvement syndical et l'existence effective des droits d'organisation, de négociation collective et de grève. La meilleure preuve en est la conclusion le 17 mai d'une convention collective avec le maire de Bogotá pour 53 000 fonctionnaires. Il a souligné l'importance du droit à la liberté d'expression, sans menace de mort ainsi que du droit de grève, sans que ne se reproduisent certaines situations comme celle de l'entreprise Ecopetrol où 248 travailleurs avaient été licenciés pour avoir fait usage de ce droit constitutionnel. Dans ce sens, il y a lieu d'espérer que l'OIT conclura comme elle l'avait fait dans le cas de la grève pétrolière au Venezuela, lorsqu'elle avait considérée légale la grève car ne portant pas atteinte à un service public essentiel. Enfin, l'orateur a souhaité que soit mise en place une commission d'investigation et de conciliation dans le pays, afin de clarifier avec précision la situation actuelle et de faire le jour sur la réalité de ce drame qui touche chacun de nous. Il s'agit d'une mesure préventive d'utilité générale et en aucun cas d'une sanction. De même, il est nécessaire d'assurer la continuité du programme de coopération technique du BIT. Il faut espérer à cette occasion que ne seront pas appliqués deux poids deux mesures, comme il y a un an, au moment où l'on a refusé d'appliquer des mesures préventives à la Colombie, tandis que pour une situation d'importance infiniment moindre et de manière injuste, un paragraphe spécial sur le Venezuela a été adopté sans raison satisfaisante.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que, depuis plusieurs années, la commission débat de pratiques violant les droits de l'homme et les conventions relatives à la liberté syndicale, telle la convention no 87. La commission d'experts a, à plusieurs reprises, prié instamment à la Colombie de respecter les conventions. Cependant, rien ne s'est produit. Au contraire, une politique de violation des droits du travail, syndicaux et civils, se renforce. A ce propos, l'orateur a demandé que cette commission, en vertu des principes de l'OIT et de la Déclaration de Philadelphie, procède à une évaluation objective de la réalité colombienne et qu'elle agisse en conséquence sans tenir compte des intérêts politiques.

La situation des droits de l'homme en Colombie est critique. Les violations de la vie, de la liberté et de l'intégrité des personnes sont constantes. Cette tragédie requiert que le gouvernement, la justice et les forces publiques honorent leurs engagements afin de garantir le respect du droit à la vie en vertu de la Constitution politique. Le débat actuel ne se résume pas à la réduction du nombre de victimes car un seul assassinat, surtout quand il est perpétré pour cause d'intolérance ou de désaccord, constitue une tragédie humaine. Il existe en Colombie d'autres formes de violation des droits de l'homme, telles que les détentions arbitraires et massives, les menaces et le harcèlement. L'impunité est la chose la plus monstrueuse parce qu'elle constitue la source qui alimente la perpétration des crimes envers les dirigeants et les activistes syndicaux. Les sérieuses mises en cause dont fait l'objet l'actuel Ministère public sont également extrêmement préoccupantes.

De même, l'Etat développe une politique antisyndicale, en association avec les employeurs, qui conduit à l'extermination des syndicats et qui viole manifestement les conventions. Cette politique a impliqué la suspension du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ainsi que l'élimination des contrats individuels entre travailleurs et employeurs, empêchant ainsi l'exercice de la liberté syndicale. De plus, les procédures de la négociation collective ont été bafouées et violées, contrairement aux dispositions de la convention no 151. Selon les statistiques officielles en 2003, sur les 4 millions de travailleurs de l'économie formelle, seulement 49 200 ont bénéficié de la négociation collective. La répression du droit de grève est clairement reflétée dans le fait que sur les 30 conflits du travail, 26 ont été déclarés illégaux. Dans ces constatations, l'OIT doit, dans le cas de la grève de la USO dans l'entreprise Ecopetrol, réaffirmer les principes développés, notamment dans les cas du Costa Rica et du Venezuela, et rappeler à la Colombie que la grève dans le secteur pétrolier est légale. En ce qui concerne le programme de coopération technique, l'orateur a reconnu la contribution de celui-ci à la protection de la vie des syndicalistes menacés. Il a déploré l'absence de dialogue social contribuant à forger une culture de tolérance syndicale entre le gouvernement et les employeurs et a regretté que la coopération technique ait été interprétée comme une sanction et non comme ce qu'elle était en réalité, à savoir un mécanisme de coopération. Pour toutes ces raisons, il a sollicité la mise en place d'une Commission d'investigation et de conciliation pour la Colombie.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que le gouvernement et les employeurs colombiens avaient développé une politique antisyndicale, qui avait été constatée par les organes de l'OIT qui formulaient des observations et des recommandations en vue d'assurer le respect de la liberté syndicale. Le gouvernement n'a pas concrétisé la concertation avec le mouvement syndical. Au contraire, il l'ignore, il impose une politique économique et sociale qui va à l'encontre des droits des travailleurs et il initie des projets de loi, en ignorant qu'ils doivent d'abord être soumis à la Commission nationale de concertation, conformément à la Constitution colombienne et aux principes du dialogue social.

Le gouvernement a fourni des informations sur l'adoption d'un plan de travail de la Commission interinstitutionnelle pour la défense et la protection des droits de l'homme au travail, qui demeure pratiquement inappliqué en raison du manque de volonté et de ressources nécessaires. Malgré le fait que l'OIT note, depuis 1987, les violences exercées à l'encontre des syndicalistes colombiens, il est pertinent de dénoncer, qu'entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004, 108 syndicalistes ont été assassinés et parmi eux 55 étaient éducateurs. Entre janvier et mai 2004, 22 syndicalistes ont été assassinées. Si l'impunité continue à protéger les auteurs et les commanditaires des crimes contre les syndicalistes, comme il a été indiqué à plusieurs reprises par le Comité de liberté syndicale et la commission d'experts, on ne peut pas parler de droits de l'homme des travailleurs, ni de conditions nécessaires à l'exercice de la liberté syndicale. Dans le même sens, la convention no 87 a une fois de plus été violée lorsque la grève qui a eu lieu dans l'entreprise colombienne du pétrole a été déclarée illégale, et 248 travailleurs ont été licenciés, y compris les dirigeants syndicaux, et lorsque les travailleurs grévistes ont été remplacés par d'autres travailleurs appartenant à la direction de l'entreprise. Tout cela alors que, depuis 1987, l'OIT signale cette divergence et malgré la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de la Colombie.

L'orateur a signalé qu'en vertu de la position de la Cour, lorsque l'Etat est l'employeur, un organe gouvernemental ne saurait qualifier la grève d'illégale, puisque cela serait contraire au principe de l'application de bonne foi des engagements internationaux; cette décision était entachée de partialité. Le gouvernement a pris une autre décision arbitraire en considérant l'activité pétrolière comme un service public essentiel. L'OIT a signalé à plusieurs occasions que l'extraction, la distribution, la production, le transport et le raffinage du pétrole ne peuvent être considérés, en tant que tels, comme des services publics essentiels. Le rapport de la commission d'experts de cette année le rappelle pour le cas du Costa Rica: le raffinage du pétrole n'est pas un service essentiel et le droit de grève doit être garanti dans ce secteur sans que, par exemple, soit possible le remplacement des travailleurs grévistes.

Il a indiqué qu'actuellement une grève est menée par SINTRAINAGRO dans le secteur bananier, qui a pour objectif d'empêcher les employeurs de supprimer le système des contrats et la sécurité sociale. La conclusion des conventions collectives et l'exercice du droit de grève doivent être respectés, conformément aux normes de l'OIT. L'orateur a appelé à la commission pour qu'elle réitère ses recommandations afin que l'Etat colombien mette en conformité sa législation avec les conventions de l'OIT. A cette occasion, il a demandé: l'abolition de la faculté du ministère de la Protection sociale de déclarer illégale une grève; que les services essentiels soient déterminés en tenant compte des critères de l'OIT; l'abrogation du pouvoir du ministère de nommer un arbitre dans les tribunaux d'arbitrage obligatoire lors des conflits collectifs dans les entreprises d'Etat; l'abolition du pouvoir du ministère de convoquer le tribunal d'arbitrage lorsque la grève dure un certain temps; la suppression du pouvoir de licencier les travailleurs dans le cas où la grève a été déclarée illégale; l'abrogation de l'interdiction faite aux centrales syndicales d'appeler à la grève; la pleine application de la convention no 151 afin que les travailleurs de l'Etat puissent exercer leurs droits syndicaux, comme le signale le rapport de la commission d'experts de cette année. La pratique des employeurs consistant à privilégier la conclusion de "pactes collectifs" avec les travailleurs non syndiqués, soutenue par le pouvoir judiciaire et par le gouvernement, ne doit être ni soutenue ni autorisée. Finalement, il a noté que la satisfaction et l'intérêt exprimés dans le rapport de la commission d'experts en ce qui concerne l'application par le gouvernement colombien des conventions nos 29, 111, 129 et 169 laissent songeur puisque ces constats ne sont pas conformes à la vérité. Au contraire, ce qui est évident, c'est l'existence d'un plan de liquidation du syndicalisme. Voilà pourquoi une commission d'investigation et de conciliation est requise.

Le membre travailleur des Etats-Unis a rappelé qu'en 1999 le Comité de la liberté syndicale, dans ses conclusions du cas no 1787, avait déploré qu'aucun progrès significatif n'ait pu être réalisé et avait espéré que le Conseil d'administration tiendrait compte de cela dans ses délibérations sur la mise en place d'une commission d'enquête en Colombie. Depuis lors, la présente commission a examiné le cas de la Colombie à chacune de ses sessions. Une mission de contacts directs a été envoyée, un programme de coopération technique lancé et un représentant spécial du Directeur général désigné, tandis que des centaines de syndicalistes colombiens ont été assassinés, pris en otage, agressés ou menacés, impunément. Se référant à la mention par le gouvernement colombien de la baisse relative du nombre des assassinats, on peut se demander s'il y a lieu de se féliciter de l'assassinat de 90 syndicalistes en 2003, et de 26 autres cette année. La protection fournie aux 1 424 syndicalistes par le programme de protection syndicale du ministère de l'Intérieur est dérisoire au regard des milliers de syndicalistes en danger. Selon l'Ecole nationale syndicale (ENS), ce chiffre est certainement exagéré car il concerne d'autres secteurs que les syndicats et, de l'avis de la Commission colombienne de juristes, le programme de protection se réduit, dans certains cas, à la fourniture d'un téléphone mobile à une victime potentielle. L'orateur a, en outre, fait remarquer que la diminution des assassinats relève davantage de l'effet du cessez-le-feu en vigueur entre les paramilitaires et le gouvernement que du programme de protection. En fait, l'ENS a souligné la recrudescence des menaces de mort à l'encontre de syndicalistes depuis 2002.

Selon l'orateur, l'élément clé de la protection des syndicalistes colombiens réside dans la poursuite effective et l'inculpation des auteurs de la violence. Malheureusement, l'Unité nationale colombienne des droits de l'homme pour les poursuites a reconnu que sur les 3 000 cas d'assassinats de syndicalistes, entre le 30 août 1986 et le 30 avril 2002, seuls cinq ont donné lieu à des condamnations. Le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a conclu en 2003 que le Procureur général de la Colombie s'était ingéré dans les enquêtes concernant des assassinats.

En outre, la loi colombienne viole toujours la convention no 87. En plus des points soulevés par la commission d'experts à cet égard, l'orateur a attiré l'attention sur l'existence persistante des "pactes collectifs directs" entre des employeurs et des groupes de travailleurs individuels. L'article 46 de la loi no 50 continue de restreindre l'enregistrement de nouveaux syndicats, et la même loi empêche toujours la mise en place de représentants de négociation collective pour le secteur public et l'industrie. L'orateur a conclu que ce cas était particulièrement préoccupant pour les syndicats des Etats-Unis et de la Colombie puisque ces deux pays sont en train de négocier un accord de libre-échange aux termes duquel la mise en conformité avec les instruments de l'OIT ne sera pas exigée, mais simplement l'application de la loi nationale en vigueur.

La membre travailleuse de la Suède a déclaré que s'était enracinée en Colombie une mentalité antisyndicale au sein de l'Etat et du patronat. Comme mentionné dans des rapports antérieurs, des hauts fonctionnaires de l'Etat ont pris l'habitude de faire des déclarations publiques accusant le mouvement syndical et la négociation collective d'être responsables des crises récurrentes que connaît le pays. Comme souligné dans l'enquête réalisée par le magazine économique Portafolio, les employeurs ne voient pas d'un bon oeil les syndicats. Dans ces circonstances, les travailleurs colombiens méritent un appui maximum dans un moment où l'exercice de la liberté syndicale continue à avoir des conséquences dramatiques; 108 syndicalistes ont été assassinés l'année dernière et déjà 22 depuis le début de cette année, fait qui démontre de manière ostensible la gravité de la situation.

Un autre problème grave réside dans l'anéantissement de la négociation collective qui, en 2003, ne concernait que 49 000 travailleurs sur environ 4 millions de travailleurs occupés dans le secteur formel. Ces constatations conduisent à poser la question de la nécessité de renforcer le programme spécial de coopération technique pour la Colombie. Le Conseil d'administration du BIT a déjà eu l'occasion d'exiger du gouvernement qu'il mette fin, de toute urgence, au problème de l'impunité des personnes qui commettent les actes de violence contre les syndicalistes. Le programme de coopération ne peut être vu comme une sanction mais bien comme un instrument valable qui contribue à faciliter et à améliorer l'exercice de la liberté syndicale et à favoriser la promotion et l'application des droits fondamentaux au travail.

L'oratrice a demandé à l'OIT de renforcer le programme de coopération technique, ce qui implique que soient garanties les ressources économiques nécessaires pour la réalisation des objectifs fixés par le Conseil d'administration. Il existe une grande préoccupation des travailleurs du monde entier et de la communauté internationale face à la situation très grave à laquelle le syndicalisme colombien est confronté. Tout ce qui est possible devrait être fait pour faire en sorte qu'il soit mis fin aux assassinats et que soit respectée la liberté syndicale. Pour toutes ces raisons, le programme de coopération technique constitue un instrument que l'OIT doit renforcer.

Le membre travailleur du Chili, après avoir affirmé que, pour les travailleurs, le respect de la liberté syndicale était impératif tant au Chili qu'en Colombie, a déclaré qu'il était clair que les violations des droits fondamentaux des syndicalistes étaient liées à leurs activités syndicales. La guerre est un instrument utilisé par divers secteurs du pays pour affaiblir, neutraliser et éliminer les organisations de travailleurs. Pour cette raison, il n'est pas surprenant que la majorité des violations des droits fondamentaux des travailleurs colombiens s'aggravent au moment où sont négociés ou que se terminent les conflits du travail, c'est-à-dire que ces violations ont lieu lors de la négociation de documents et de conventions collectives et pendant les arrêts de travail aux niveaux national et local. Cette situation n'est pas le résultat d'une violence aveugle, irrationnelle, non calculée et fortuite. Au contraire, elle est sélective, discriminatoire, calculée et se dirige contre les dirigeants syndicaux et les dirigeants intermédiaires d'organisations qui ont un grand poids social, une présence publique importante et une grande capacité de mobilisation politique. Tel est le cas, par exemple, des fédérations sectorielles comme Fecode, qui jouent un rôle prédominant dans la définition des politiques publiques. C'est aussi le cas des centrales ouvrières, qui sont très représentatives et détiennent une grande capacité de mobilisation, ainsi que des syndicats nationaux, comme, entre autres, Sinaltrainal, Union Syndical Obrera - USO - et Sintraelecol, qui opèrent dans des secteurs stratégiques de l'économie nationale. Les enlèvements, les menaces et les assassinats de travailleurs sont des stratégies calculées pour en finir avec les organisations syndicales.

Pour illustrer le fait que la violence contre les syndicalistes s'aggrave lors des conflits du travail, on peut mentionner le cas de la "renonciation volontaire" à leurs droits acquis par convention collective des travailleurs de l'hôpital de La Ceja, d'Antioquia orientale, affiliés à l'Association nationale des travailleurs des hôpitaux et cliniques (ANTHOC), suite à la pression exercée par les organisations paramilitaires. Il existe d'autres exemples, notamment: les menaces contre la direction de Sinaltrainal lors des négociations avec l'entreprise Femsa Coca-Cola en mai 2003; le retrait forcé, suite à des menaces, de l'arbitre choisi pour représenter cette organisation syndicale dans le conflit avec la transnationale Nestlé-Cicolac, au Valledupar, en février 2003; et l'assassinat du président de la sous-direction de Sintrainagro alors que son organisation syndicale avait terminé la phase de négociations avec l'entreprise Palmas del Cesar et se préparait à commencer une grève dans cette entreprise.

L'orateur a donné d'autres exemples, tels que: le jugement du dirigeant de la USO sur la base de faux témoignages et des preuves falsifiées; la déclaration d'illégalité de la grève de la USO; le congédiement de 248 travailleurs et la militarisation des conflits du travail. Il a également mentionné les menaces adressées aux dirigeants syndicaux affiliés à la CUT, au Syndicat des éducateurs de Risaralda, à l'Union des chauffeurs et au Syndicat des vendeurs ambulants. Ces cas ne constituent que quelques exemples représentatifs de la situation qui remettent en cause la thèse du gouvernement et des employeurs, selon laquelle le gouvernement n'est pas le responsable direct des violations des droits fondamentaux des travailleurs, puisque l'évolution du conflit armé lui a fait perdre sa capacité de contrôler et de régir la vie sociale. Ces faits viennent démontrer que la guerre est un instrument utilisé par des secteurs de l'Etat et du patronat pour réglementer, sans résoudre, les conflits qui se situent exclusivement dans la sphère des relations de travail. Le gouvernement doit mettre un terme à la situation insoutenable d'impunité qui constitue un grave obstacle au libre exercice des droits syndicaux.

Le membre gouvernemental de l'Irlande s'est exprimé au nom de l'Union européenne et a indiqué que les pays de l'EFTA, l'Islande, la Norvège et la Suisse, se joignaient à sa déclaration. L'UE a souhaité réaffirmer son plein appui au peuple et au gouvernement colombiens dans leurs efforts pour garantir la justice, le progrès social et la réconciliation nationale et pour remédier à l'impunité et aux violations des droits de l'homme. Cette année, l'Union européenne s'est réjouie de noter les efforts déployés par le gouvernement colombien pour améliorer la situation des droits de l'homme et des syndicalistes en Colombie. Les développements positifs récents, y compris l'adoption d'un programme d'action pour promouvoir et favoriser les droits des travailleurs, et la baisse constatée dans le nombre de décès des syndicalistes, constituent des éléments encourageants. Tout en notant ces développements positifs récents, l'UE a néanmoins souhaité réitérer sa grave préoccupation face au climat général de violence constante qui est présente à tous les niveaux de la société colombienne et face à la menace qu'une telle situation présente pour le dialogue social et la réconciliation. L'UE a condamné fermement les meurtres et les enlèvements de syndicalistes et de la population. L'UE est préoccupée par le fait que le gouvernement ne prenne pas les mesures nécessaires pour amender la législation incompatible avec la convention no 87. Il convient de souligner l'importance du dialogue social et de demander au gouvernement de redoubler d'efforts dans ce domaine pour effectivement respecter tous ses engagements tels qu'ils découlent de cette convention.

Le membre gouvernemental du Brésil a indiqué que son gouvernement était attentif à l'évolution de la situation de la liberté syndicale en Colombie et que, dans ce contexte, il accueillait favorablement la déclaration de la vice-ministre faisant état des efforts déployés par la Colombie afin d'endiguer le climat de violence régnant dans le pays. Cette commission doit chercher à appuyer les mesures qui ont déjà été prises par le gouvernement colombien pour stimuler et renforcer le dialogue social et il est, à cet égard, important que la commission prenne en compte les informations communiquées par la vice-ministre. Il convient également de tenir compte des bons résultats obtenus dans le cadre du programme de coopération technique mené par l'OIT en Colombie qui vise à stimuler le dialogue social et la liberté syndicale et à mettre la législation en conformité avec les normes internationales du travail. L'orateur s'est dit persuadé qu'avec l'appui constructif de l'Organisation, le gouvernement colombien continuera à améliorer les conditions de travail sur son territoire de manière à renforcer les institutions démocratiques.

Le membre gouvernemental du Costa Rica a signalé que la violence des narcoterroristes ne faisait pas de distinction entre les propriétaires fonciers riches et les syndicalistes, entre les diplomates et les politiques, entre les jeunes et les personnes âgées, les enfants et les femmes. La Colombie devrait sans nul doute s'en sortir avec l'appui des pays amis et des organisations internationales et grâce au dialogue et au renforcement des institutions démocratiques.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que, en février, il avait visité la petite ville de Saravena qui est sous contrôle militaire depuis novembre 2002. Selon l'armée, les voitures blindées encerclant le bâtiment du syndicat, où il a rencontré les syndicalistes et leurs familles, ainsi que les troupes armées étaient là pour assurer la protection de ces derniers. Lorsque l'armée a pris d'assaut la ville, la moitié de la population adulte a été rassemblée et conduite illégalement par l'armée dans le stade de football. Des familles ont raconté comment leurs proches avaient été sortis de leur lit. Au stade, des informateurs payés circulaient en voiture avec des vitres teintées pointant les "soi-disant" dissidents (et ceux à qui on en voulait). Parmi les centaines de personnes arrêtées, environ 40 ont été envoyées dans des prisons éloignées. Les arrestations arbitraires à Saravena et dans le département d'Arauca sont des événements quotidiens. Dans la même zone, l'armée et les paramilitaires patrouillent ensemble. Ils ont massacré, il y a trois semaines, 13 autres campesinos à Flor, Amarillo et Pinalto. Tous les candidats de l'opposition à Saravena ont été arrêtés avant les élections d'octobre. Le chef local de la CUT n'a pas pu être rencontré car un mandat d'arrêt pesait contre lui.

Sa délégation a aussi visité les deux principales prisons de Bogota, incluant une aile fermée de la prison des femmes, où 84 femmes sont logées dans un espace prévu pour 31. La grande majorité de ces détenues sont membres de syndicats ou d'organisations communautaires. Des 84 prisonnières, dont certaines avec leurs enfants, plus de 50 n'ont pas encore eu de procès ou n'ont pas encore été inculpées. Parmi elles se trouvent des syndicalistes arrêtées à Saravena en novembre 2002 et emprisonnées depuis quinze mois sans que des charges soient retenues contre elles. Certains mandats d'arrestation ont été entachés d'erreur et les femmes concernées se sont retrouvées sans identification et aucune preuve n'existe de leur détention. L'orateur a mentionné qu'il était heureux d'apprendre que peu après leur visite 11 membres du syndicat de la santé ont été remis en liberté, quoique sous caution.

Parmi les victimes de détention arbitraire figure Luz Perly Cordoba, secrétaire générale du Syndicat des travailleurs agricoles, FENSUAGRO, arrêtée le 18 février après s'être entretenue avec l'orateur à Saravena. Les motifs de sa détention demeurent inconnus. Les cas mentionnés ne représentent que quelques-uns des 7 000 prisonniers politiques en Colombie. Il est remarquable qu'un Etat, apparemment incapable d'arrêter et condamner les assassins de syndicalistes au cours de la dernière décennie, soit capable d'arrêter et d'emprisonner tant de victimes potentielles. Il y a l'impunité pour les meurtriers et la détention arbitraire pour ceux qui osent s'opposer à la croisade antisyndicale, néolibérale du régime et des forces cachées et puissantes qui le soutiennent. A Ecopetrol, 43 travailleurs ont été confinés dans des locaux sales et bondés faisant face à un mur, pour six mois de formation sur l'"amélioration des compétences et du comportement". Il s'agissait en fait de traitement dégradant, de torture psychologique et de lavage de cerveau. Le programme était utilisé comme une menace pour les autres syndicalistes à Ecopetrol.

Trop de membres de cette commission insistent pour dire qu'il s'agit d'une démocratie menant une guerre contre le terrorisme plutôt qu'un gouvernement, appuyé par des terroristes paramilitaires, qui mène une guerre contre la démocratie. Le gouvernement refuse de mettre en oeuvre deux recommandations fondamentales des Nations Unies concernant la fin du pouvoir judiciaire de l'armée et le maintien de dossiers militaires sur les syndicats et les activistes des ONG. Les hauts fonctionnaires continuent de calomnier les dirigeants syndicaux, en faisant ainsi des cibles pour les paramilitaires. La commission pourrait inviter le ministère public afin qu'il explique la remarquable relation qu'il entretient, selon "Human Rights Watch", avec les paramilitaires de droite.

En conclusion, il est illusoire de prétendre que l'exercice de la liberté syndicale s'améliore en Colombie. C'est le contraire qui est vrai et cette commission n'a pas été en mesure de recommander les mesures appropriées. Tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention devraient être l'objet d'un jugement impartial, quel que soit leur système économique ou leur attitude face à la mondialisation. Le fait que le gouvernement de Colombie adopte un modèle économique néolibéral n'est pas une excuse pour ignorer les violations flagrantes et persistantes de la liberté syndicale.

Le membre travailleur du Swaziland, s'exprimant au nom des travailleurs africains, s'est déclaré solidaire des travailleurs colombiens et a soutenu les demandes faites à cette commission par les membres travailleurs et les membres travailleurs de la Colombie.

La membre gouvernementale du Canada a réitéré l'appui de son pays au programme spécial de coopération technique pour la Colombie. Son pays croit en la force du dialogue social et a appuyé la mise en oeuvre de mesures législatives appropriées conformes aux recommandations de l'OIT relatives au respect des conventions nos 87 et 98. Le gouvernement du Canada se félicite du fait que certaines composantes de ce programme aient été mises en oeuvre en Colombie.

Le rapport du gouvernement indique que le nombre des actes de violence contre les syndicalistes a diminué légèrement, et des ressources additionnelles ont été assignées à la protection des syndicalistes. Le Canada a salué l'indication selon laquelle des progrès ont été réalisés et a reconnu que certaines mesures ont été prises par le gouvernement contre l'impunité. En même temps, la communauté internationale est impatiente de voir les résultats concrets obtenus suite à l'adoption de ces mesures visant à ce que les auteurs de violations des droits de l'homme soient punis en fonction de la gravité des crimes commis.

La situation de violence en Colombie est très complexe. Néanmoins, il est crucial de traiter le problème de l'impunité. La situation des droits de l'homme des syndicalistes en Colombie reste extrêmement précaire et des mesures urgentes, transparentes et décisives sont requises afin de trouver une solution au problème.

Le membre travailleur du Pakistan a fait part de la solidarité des travailleurs de son pays et a demandé au gouvernement de Colombie d'améliorer la protection des droits de tous les travailleurs, d'apporter les améliorations à la législation, tel que demandé par la commission d'experts, et de poursuivre les personnes responsables de violences envers les syndicalistes. Il a appuyé la demande visant à établir une commission d'investigation et de conciliation pour traiter de ce sujet.

La membre gouvernementale du Mexique a déclaré qu'il ressortait des informations fournies par la représentante gouvernementale de la Colombie non seulement une réponse ponctuelle aux recommandations de la commission d'experts, mais également une attitude constructive du gouvernement colombien qui, tous les quatre mois, et année après année, fournit des informations sur les mesures adoptées et les efforts déployés pour garantir les droits syndicaux prévus dans la convention no 87. Ainsi, bien que les résultats atteints ne soient pas encore suffisants, la tendance est positive même si l'orateur a relevé des éléments de progrès, même si des divergences subsistent entre la convention no 87 et la législation. Les membres de cette commission connaissent la situation difficile de violence interne que connaît ce pays - situation qui rend difficile l'application de mesures destinées à permettre le plein exercice des droits syndicaux. L'oratrice a partagé la préoccupation des membres travailleurs face à la violence dont continuent à être victimes les syndicalistes, même si cette violence n'affecte pas uniquement le monde syndical mais tous les secteurs de la société. Cette situation requiert une solution politique ne pouvant pas être trouvée par cette commission.

L'oratrice a considéré que, comme à chaque fois que ce cas est examiné, le programme spécial de coopération avec la Colombie constitue un instrument adéquat pour que l'OIT, dans les limites de ses compétences, le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs trouvent, en étroite collaboration, une solution aux problèmes qui affligent le monde du travail colombien.

La membre gouvernementale de la Chine a noté les efforts du gouvernement de la Colombie pour améliorer la politique économique et sociale ainsi que l'amélioration du dialogue social dans le pays. Elle a souhaité que l'OIT renforce sa coopération technique avec la Colombie et a souligné que son pays soutient le dialogue social en tant qu'alternative à la violence. Ce cas ne devrait pas apparaître dans un paragraphe spécial du rapport de cette commission.

La membre gouvernementale du Danemark s'est exprimée au nom du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède et a appuyé la déclaration faite par le membre gouvernemental de l'Irlande au nom de l'Union européenne. Les gouvernements au nom desquels elle s'est exprimée restent préoccupés et profondément déçus de constater que le gouvernement de la Colombie n'a toujours pas pris les mesures nécessaires visant à modifier en profondeur la législation contraire à la convention no 87. Le gouvernement doit immédiatement mettre un terme à ce problème. Cependant, la modification de la législation ne suffit pas à elle seule et il est impératif d'aller de l'avant avec les réformes socio-économiques éminemment nécessaires, notamment une politique de l'emploi visant à fournir des emplois aux conditions dignes et convenables.

Elle a réitéré sa demande au gouvernement de la Colombie de coopérer de manière constructive avec les partenaires sociaux en vue de garantir la liberté syndicale. Il est nécessaire pour le gouvernement de soutenir le dialogue social à travers une administration efficace du marché du travail. L'oratrice a par ailleurs constaté avec préoccupation la persistance du climat de violence dans le pays et a déclaré que même si le nombre de syndicalistes assassinés a baissé, le gouvernement de la Colombie devrait d'urgence renforcer les institutions qui doivent l'être pour mettre un terme à cette situation intolérable d'impunité qui protège les auteurs des assassinats. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner l'importance de l'engagement pris par le gouvernement colombien à la réunion internationale sur la Colombie, qui s'est tenue l'année dernière à Londres, de protéger les dirigeants de la société civile et, parmi eux, les syndicalistes.

L'oratrice a déclaré qu'après avoir écouté les informations fournies par la représentante gouvernementale de la Colombie, elle n'a pu y déceler aucune preuve d'une amélioration significative de la situation. Le climat de terreur et d'intimidation demeure un sérieux obstacle au libre exercice de la liberté syndicale. Elle a réaffirmé le soutien des gouvernements qu'elle représente au travail du BIT et de la Colombie, et a exprimé l'espoir qu'il serait renforcé, en particulier la coopération du BIT avec le bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme et les autres organes du système des Nations Unies. Elle a instamment demandé à toutes les parties de développer le dialogue en vue de trouver les solutions requises.

La représentante gouvernementale a souligné l'importance que revêtait pour son pays le renforcement du programme de coopération technique, qui devrait pouvoir se maintenir financièrement et dans le temps, ainsi que la garantie de la liberté syndicale et le tripartisme. Le gouvernement a entrepris des actions concrètes destinées à lutter contre l'impunité, parmi lesquelles la mise en place d'ateliers auxquels participent le ministère public et les juges.

L'oratrice a fait part des problèmes existants en ce qui concerne le refus des proches de témoigner par peur d'être victimes de représailles. Un programme de protection des témoins a ainsi été créé grâce auquel certaines personnes ont pu quitter le pays. De même, ont été créées des tables rondes régionales sur le dialogue social afin de réactiver le dialogue dans les villes où le problème était particulièrement grave et où il y avait le plus grand nombre d'assassinats de syndicalistes, et des conventions ont été signées pour lutter contre le fléau de la violence. En ce qui concerne le programme "amélioration des compétences et du comportement" de l'entreprise Ecopetrol, l'oratrice a reconnu que certains travailleurs avaient été maltraités, mais grâce à l'intervention du gouvernement il a été mis fin à ce programme.

Contrairement à ce qu'ont indiqué certains membres de la commission, le terrorisme n'est pas sélectif mais bien généralisé. Le gouvernement combat aussi bien les guérilleros que les narcotrafiquants et a fermement refusé toute collaboration avec les paramilitaires. Actuellement, le ministère public poursuit toutes les investigations pertinentes.

Les membres travailleurs ont déploré que le bureau de la commission ne soit pas parvenu à un accord en vue de donner la parole à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Il est en outre regrettable que les informations données par le gouvernement n'aient pas figuré dans le rapport qu'il devait fournir en application de l'article 22 de la Constitution.

Après avoir écouté l'ensemble des intervenants, les membres travailleurs ont tenu à souligner certains points dans leurs conclusions. Tout d'abord, le climat de violence antisyndicale systématique et d'impunité persiste, ce qui constitue une situation inacceptable. Deuxièmement, les violations de la convention no 87 vont bien au-delà de ce climat de violence. Il existe un climat antisyndical qui se traduit par des mesures et des pratiques qui portent gravement atteinte à l'exercice de la liberté syndicale et, comme le signalent les experts, la législation continue à ne pas donner effet à la convention, même si le gouvernement prétend qu'il s'agit de simples divergences d'interprétation. Dans la pratique, les violations sont les suivantes: criminalisation des actions syndicales et notamment du droit de grève; licenciements massifs et abusifs de travailleurs exerçant leur droit d'organisation; restrictions au droit de grève; méconnaissance des conventions de la part de ceux qui doivent veiller à leur application; et autres manifestations antisyndicales.

L'année dernière, les membres travailleurs avaient considéré que la situation était suffisamment préoccupante pour que les conclusions sur ce cas soient reprises dans un paragraphe spécial. Cette année, le nombre de morts et le climat antisyndical ne permettent pas de constater le moindre progrès tangible. Un paragraphe spécial demeure amplement justifié et il est regrettable que les membres employeurs s'y opposent une nouvelle fois. A côté de la réalité et des pratiques connues de tous, il convient de rappeler que, juridiquement, il n'est pas donné effet à la convention. Or ignorer ces violations juridiques et refuser un paragraphe spécial dans un cas aussi grave que celui de la Colombie implique un risque de politisation de cette commission. Il faut refuser l'instrumentalisation politique des travaux de cette commission. Une telle instrumentalisation donnerait raison à ceux qui ne croient pas en l'objectivité des conclusions de cette commission ou qui considèrent que la commission n'est sévère qu'avec les pays hostiles à l'ordre néolibéral mondial établi.

Les membres travailleurs ont appelé à réfléchir sur cette situation qui risque de saper la mission de cette commission qui est de dialoguer avec les gouvernements sur les violations constatées. Ainsi, face au blocage existant dans ce cas, il est indispensable de trouver des voies et des moyens en vue de mettre fin à la situation de confrontation et d'agression du mouvement syndical afin que l'OIT retrouve sa crédibilité d'interlocuteur dans des situations aussi graves que celles de la Colombie. Le Bureau et le Conseil d'administration doivent apporter une attention particulière à la situation existant en Colombie et à l'impossibilité répétée dans laquelle se trouve cette commission de trouver un consensus face à ladite situation. Les membres travailleurs ont en conséquence demandé au Conseil d'administration de décider de l'envoi d'une commission d'investigation et de conciliation en Colombie.

Les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement avait démontré qu'il était prêt à collaborer étroitement avec l'OIT. Il est essentiel pour le gouvernement de déterminer quelles mesures sont nécessaires. Selon les membres employeurs, le cadre institutionnel pour la poursuite de crimes, en vertu du Code pénal, doit être amélioré. Bien que le Code pénal couvre les crimes en question, le représentant gouvernemental a indiqué que les problèmes d'investigation des crimes persistent. Ceci n'est pas surprenant vu le climat de violence qui rend difficile l'obtention de témoignages crédibles. Dans ses conclusions, la commission devrait demander au gouvernement de fournir un rapport détaillé sur les points soulevés pendant la discussion. Les membres employeurs n'ont pas considéré que l'insertion d'un paragraphe spécial pour ce cas serait productive et ont réitéré leur objection aux questions relatives au droit de grève soulevées par les membres travailleurs.

Les membres travailleurs ont tenu à indiquer qu'ils regrettaient que l'idée de la commission d'investigation et de conciliation n'ait pas été retenue.

La commission a noté les informations orales fournies par la représentante gouvernementale, vice-ministre des Relations du travail, et la discussion qui a suivi. La commission a constaté avec une grande préoccupation que les problèmes existants étaient extrêmement graves et englobaient notamment des assassinats de dirigeants et de membres syndicaux, d'autres actes de violence contre les syndicalistes et la situation d'impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes. La commission a noté que le Comité de la liberté syndicale avait examiné des plaintes graves relatives à des assassinats et à des actes de violence à l'encontre de syndicalistes. La commission a constaté que les actes de violence atteignaient d'autres secteurs de la société, y compris les employeurs qui font notamment l'objet d'enlèvements. La commission a une nouvelle fois condamné tous ces actes de violence perpétrés dans le contexte de la dramatique situation de violence que traverse le pays.

La commission a noté les déclarations du gouvernement selon lesquelles le nombre d'assassinats de syndicalistes et d'actes de violence avait diminué et les autorités avaient adopté des mesures de protection des syndicalistes. La commission a également noté le plan de travail de la Commission interinstitutionnelle pour la prévention et la protection des droits de l'homme et le fonctionnement du Comité spécial de soutien des enquêtes sur les violations des droits de l'homme. Toutefois, la commission s'est déclarée profondément préoccupée par le nombre encore élevé de victimes.

La commission a rappelé que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent exercer librement et significativement leurs activités que dans un climat exempt de violence. Elle a une nouvelle fois prié le gouvernement de garantir le droit à la vie et à la sécurité et de renforcer, de toute urgence, les institutions pertinentes en vue de mettre un terme à la situation d'impunité qui constitue un obstacle important à l'exercice des droits garantis par la convention. La commission a constaté de manière plus générale qu'il règne dans le pays un climat peu favorable au développement des activités syndicales.

En ce qui concerne les réformes législatives demandées par la commission d'experts, la commission a noté que le gouvernement restait ouvert au dialogue avec l'OIT au sujet des questions légales en suspens et qu'il était convaincu que l'échange de points de vue au sujet des commentaires de la commission d'experts permettrait de trouver des alternatives et ainsi de surmonter les divergences mentionnées par ladite commission. La commission a encore une fois instamment prié le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires en vue de garantir la pleine application de la convention. La commission a demandé au gouvernement d'envoyer un rapport détaillé à la commission d'experts afin qu'elle puisse examiner lors de sa prochaine session l'évolution de la situation, ainsi qu'une réponse aux commentaires présentés par les organisations syndicales. La commission a exprimé le ferme espoir que, dans un future très proche et avec l'aide du programme de coopération technique dont les ressources devraient être renforcées, des progrès tangibles pourraient être constatés pour surmonter tous les obstacles au plein exercice de la liberté syndicale afin que les organisations syndicales puissent exercer les droits garantis par la convention, dans un climat de pleine sécurité exempt de menaces et de terreur. La commission a souligné qu'il était important que ces objectifs soient atteints grâce au dialogue social et à la concertation.

Les membres travailleurs ont tenu à indiquer qu'ils regrettaient que l'idée de la commission d'investigation et de conciliation n'ait pas été retenue.

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