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Individual Case (CAS) - Discussion: 1997, Publication: 85th ILC session (1997)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

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Un représentant gouvernemental a abordé dans un premier temps les deux questions soulevées par la commission d'experts à propos de l'application de la convention par son pays: tout d'abord, l'existence de ce qui a été présenté comme une "ébauche de projet de loi" sur les services publics essentiels et la réglementation du droit de grève dans ces services et, ensuite, le projet de loi tendant à modifier ou abroger certaines dispositions du Code du travail.

Sur le premier point, le représentant gouvernemental de la Colombie a réaffirmé la volonté de concertation de son gouvernement sur un texte avec les partenaires sociaux. Sur cette question, complexe surtout sous son angle juridique puisqu'il s'agit de réexaminer des critères reposant sur des traditions ancrées dans l'ordre juridique national, son gouvernement est prêt à réengager un processus de discussions mené en concertation avec tous les partenaires.

Sur le deuxième point, il a rappelé qu'en novembre 1996 son gouvernement a saisi le Congrès du projet précité, no 190/96, ratifié par le Sénat, qui tend à modifier ou abroger près de dix articles du Code du travail. Cette démarche vise à donner effet aux observations de la commission d'experts.

Il convient de noter que la commission d'experts, selon ce qui ressort de son rapport, a pris note avec intérêt de ce projet, exprimant l'espoir que le gouvernement en saisirait le Congrès, ce qui a été fait.

Ce projet de loi ne constitue pas une proposition isolée de la part du gouvernement et encore moins un artifice par lequel il voudrait se sortir d'un mauvais pas. Au contraire, il s'inscrit dans le cadre d'une politique gouvernementale axée sur la promotion et le respect des droits de l'homme, domaine dans lequel le contenu des conventions internationales du travail, auxquelles la Colombie est en train de donner effet, revêt une signification particulière.

L'orateur a également abordé la question de la qualification au pénal de l'action revendicative, indiquant qu'une commission a été constituée pour examiner la révision des normes pénales et la levée éventuelle du secret de l'instruction dans le cadre de procédures pénales concernant des travailleurs. Il a de même évoqué un projet de loi sur la négociation collective dans le secteur public, élaboré en concertation avec les partenaires sociaux pour les dix-huit articles du texte.

Les progrès accomplis par la Colombie dans ce domaine sont particulièrement sensibles, surtout en ce qui concerne le respect de ses obligations vis-à-vis de l'OIT. Tous les ans, ce pays communique ses rapports à l'Organisation. Il soumet en outre les conventions à l'examen du Congrès. La commission d'experts a cité son pays au nombre des "cas de progrès" dans son étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 en raison d'améliorations dans l'application de cette convention.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies oralement et ont rappelé que le cas de la Colombie a été examiné à maintes reprises par la commission en 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1995, faisant même l'objet d'un paragraphe spécial en 1990. La culture de dialogue annoncée par le gouvernement lors de la session de 1995, accueillie favorablement, a apparemment porté ses fruits. En effet, la commission d'experts, s'appuyant sur le rapport de la mission de contacts directs sur la liberté syndicale qui a eu lieu en octobre 1996, à la suite d'une demande formulée par le gouvernement lors de la session de la commission en juin 1996, ainsi que sur le rapport du gouvernement, note avec intérêt qu'un projet de loi, élaboré avec l'assistance du BIT, a été soumis pour approbation au Congrès de la République et qu'il semble faire droit à un grand nombre de questions soulevées par la commission. En outre, un avant-projet de loi, qui a fait l'objet de commentaires de la part du BIT, définit la notion de service public essentiel et réglemente l'exercice du droit de grève. Les membres travailleurs ont insisté pour que les modifications législatives soient pleinement conformes aux exigences de la convention et aux principes de la liberté syndicale et se sont référés à l'observation de la commission d'experts qui détaille l'ensemble des dispositions législatives qui doivent être abrogées ou modifiées. Comme la commission d'experts, ils ont exprimé le ferme espoir que les projets de loi annoncés seront examinés par le Congrès de la République dans les plus brefs délais et que les lois correspondantes seront adoptées en vue de mettre l'ensemble de la législation en conformité avec la convention et les principes de la liberté syndicale.

Toutefois, malgré les avancées législatives annoncées, les membres travailleurs ont déploré la situation très grave de la Colombie, notamment pour ce qui est du climat d'extrême violence qui y prévaut. Les témoignages sont accablants et la liste des violations des principes de la liberté syndicale, et notamment des dispositions de la convention, interminable. Selon les informations obtenues par les membres travailleurs, une violence extrême est exercée en Colombie à l'encontre de personnes qui ont la qualité de dirigeants syndicaux, ces derniers faisant l'objet d'actes attentant à leur liberté personnelle ou à leur intégrité physique, y compris d'assassinats. L'assassinat récent du syndicaliste José Leyton, président de la CGTD, est un exemple probant. Le rapport de mission insiste sur le fait qu'"il y a lieu d'être très préoccupé par le climat de violence qui prévaut dans le pays et qui touche tous les secteurs, mais qui a des répercussions graves pour les dirigeants syndicaux et les syndicalistes (...) le nombre de victimes de la violence reste extraordinairement élevé et les procédures judiciaires pour faire la lumière sur les faits se caractérisent par un degré extrêmement élevé d'impunité". Les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation qu'elle prépare puisse effectivement être appliquée étant donné que les meilleures lois resteront lettre morte tant que la situation de violence demeurera aussi grave. Ils ont conclu sur l'importance de considérer les instruments de l'OIT et les principes contenus dans sa Constitution, non comme des instruments isolés et circonscrits, mais plutôt comme des éléments s'inscrivant dans une interaction nécessaire et indispensable. Reprenant les conclusions de la mission, ils ont souligné qu'"il est évident que le problème de la violence, à côté de nouvelles mesures et de nouvelles aides financières, ne pourra être abordé efficacement que dans un contexte plus large: celui de l'instauration de la paix sociale, qui ne peut être basée que sur la justice sociale et l'élimination progressive des conditions sociales qui impliquent l'injustice, la misère et des privations". Ils ont dès lors prié le gouvernement d'indiquer le progrès réalisé concernant les changements législatifs annoncés et de préciser les mesures qu'il envisage de prendre pour freiner cette montée inflationniste de violence et pour créer l'environnement politique et social propice à l'application effective des principes et conventions de l'OIT auxquels il a souscrit.

Les membres employeurs ont remercié le représentant du gouvernement pour sa déclaration et les importantes informations qu'il a fournies. La commission a examiné ce cas à sept reprises depuis le milieu des années quatre-vingt et a des raisons de relever la situation complexe et problématique de la Colombie. L'observation de la commission d'experts porte sur 11 points différents qui montrent que, jusqu'à aujourd'hui, il y a une ingérence très grande de l'Etat dans l'exercice de la liberté syndicale et du droit d'association. Les dispositions législatives en question autorisent l'ingérence dans les activités des syndicats et prévoient des restrictions à l'exercice du droit de grève. Bien que les membres employeurs considèrent que toutes les restrictions prévues ne sont pas contraires à la convention, les principes fondamentaux sont violés si, dans la pratique, il n'est plus possible de faire grève. Le représentant gouvernemental a mentionné un projet de loi de modification du Code du travail qui semble apporter des réponses aux critiques faites jusqu'à présent. Il revient à la commission d'experts d'émettre un avis sur la version définitive du texte, mais il est allégué que les dispositions qui font l'objet de critiques seront révisées ou abrogées, ce qui rendra la législation plus conforme à la convention. Le représentant gouvernemental a ajouté que d'autres modifications étaient prévues et a fourni des informations sur les autres projets de loi préparés ou soumis au Parlement. Il est important que les projets qui n'ont pas été envoyés au BIT le soient au plus tôt et qu'ils soient accompagnés d'un rapport complet afin que la commission d'experts puisse les examiner le plus rapidement possible.

Les membres employeurs ont rappelé que, lors des examens de ce cas par la commission dans le passé, les réponses apportées ont toujours insisté sur la situation de violence qui touche tous les niveaux de la société. Dans ce climat de violence, des agressions ont été perpétrées à l'encontre des personnes et des syndicalistes, comme à l'encontre d'autres catégories de population et contre la société civile en général. Les modifications présentées ainsi que celles envisagées influenceront ce climat de violence de façon positive de manière à éviter les situations à l'origine des critiques depuis un certain temps. Le gouvernement doit présenter un rapport sur les derniers progrès réalisés et compléter les réformes engagées le plus rapidement possible afin de donner effet aux changements annoncés.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré ne pas mettre en doute la volonté du gouvernement de rendre la législation conforme aux conventions de l'OIT. Dans ce cas, néanmoins, un engagement réel de sa part quant aux engagements pris est attendu. Le ministère du Travail a fait preuve d'une plus grande ouverture quant à la solution des situations de conflit dans le pays, mais il n'en demeure pas moins que ces situations résultent de la politique gouvernementale. Le principal sujet de préoccupation reste le climat de violence et d'impunité dans lequel le pays est plongé. A ce titre, toutes les formes de violence sont également condamnables et relèvent d'un terrorisme d'Etat, qu'il s'agisse de l'action répressive exercée par les forces de sécurité au mépris des droits de l'homme ou de la violence criminelle des organisations paramilitaires, lesquelles opèrent dans certains endroits avec l'accord tacite des autorités en qualité de milices privées. Sont également condamnables les pratiques de séquestration, les embuscades et les attentats perpétrés par des organisations de guérilleros.

Le gouvernement s'est engagé devant l'OIT à élaborer un ensemble de lois tendant à rendre sa législation conforme à la convention. Or, la fin de la législature en cours approche et, malgré tout, les droits syndicaux, le droit de négociation collective et le droit de grève restent encore limités par la législation.

A l'heure actuelle, des membres du syndicat du secteur pétrolier USO se trouvent en détention, accusés de terrorisme par des organismes de contre-espionnage militaire. La situation est tellement aberrante que le Procureur général a dû ouvrir des enquêtes contre des procureurs, sans visage ("sin rostro"), qui ont utilisé la déclaration d'un témoin masqué à plusieurs reprises sous différents noms contre des dirigeants du secteur pétrolier.

La violence qui continue de sévir contre la liberté syndicale en Colombie revêt des formes diverses. En 1996, 256 syndicalistes ont été assassinés. Pour 1997, on recense déjà 50 morts, dont le président de la CGTD, dans le département de Tolima, M. José Isidoro Leyton, et le syndicaliste Victor Julio Garzón, qui s'était entretenu avec la mission de contacts directs de l'OIT en octobre 1996. En 1997, 16 syndicalistes ont été portés disparus et plusieurs centaines ont été contraints de se déplacer à cause de leur activité syndicale. La menace et l'intimidation sont des pratiques constantes, dont l'OIT doit se préoccuper.

Du 11 au 18 février 1997, les fonctionnaires ont organisé un arrêt général de travail qui a permis d'aboutir à la signature d'un accord avec le gouvernement. Malgré tout, celui-ci n'ayant pas tenu ses engagements, les travailleurs ont été contraints d'organiser un nouvel arrêt de travail de 24 heures le 11 juin pour obtenir l'application des accords conclus. En réponse, le gouvernement a dénoncé les accords qu'il avait signés, et cette attitude ne fait que compliquer la situation dans le proche avenir.

L'orateur a demandé au représentant gouvernemental d'indiquer devant la commission quels sont les engagements que le gouvernement veut bien assumer pour résoudre les problèmes précités et d'accepter une mission du BIT pour tenter de trouver une issue aux problèmes exposés.

Le membre travailleur de l'Espagne a déploré qu'en dépit des engagements pris devant l'OIT aucun des projets de loi élaborés n'a été adopté. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la législation en vigueur permet à l'autorité administrative de déclarer une grève illégale (art. 450 du Code du travail), ce qui est rigoureusement contraire à la convention du fait qu'une telle déclaration doit normalement incomber au pouvoir judiciaire et que la grève est l'expression la plus nette de la liberté syndicale. L'ingérence des pouvoirs publics dans les affaires des syndicats est elle aussi préoccupante. C'est ainsi que, sur 143 demandes de modification des statuts, 99 ont été rejetées par l'autorité administrative, ce qui va à l'encontre des principes essentiels de la liberté syndicale. Mais l'aspect le plus grave est assurément le nombre de syndicalistes assassinés: du 1er janvier au 22 mai 1997, 30 syndicalistes ont déjà été assassinés, dont Victor Julio Garzón et José Giraldo. Cette situation résulte du fait que les syndicalistes veulent instaurer la paix, contre la volonté de la guérilla et des organisations paramilitaires.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que les pénibles conditions de travail des travailleurs colombiens ont été notamment exposées dans une cassette vidéo de la CISL montrant des femmes, certaines en période de grossesse, travaillant à la production de fleurs dans des serres. Ces femmes sont mises en contact direct avec des vapeurs nocives qui sont responsables de cas de cécité, de fausse couche et de naissance prématurée. Aussi terrible, les hommes et les femmes du mouvement syndical risquent leur vie quotidiennement en luttant pour de meilleures conditions de travail, de santé et de sécurité dans le pays et plusieurs d'entre eux sont victimes d'assassinat. Le Comité de la liberté syndicale a noté que nombreux cas d'usage de la violence n'ont pas été élucidés. Peu d'affaires sont étudiées et, lorsqu'elles le sont, la procédure est longue et les juges ne peuvent ou ne veulent pas ordonner des enquêtes pour la simple raison qu'ils sont menacés. La liberté syndicale ne peut être exercée que lorsque les droits fondamentaux de l'homme, et en particulier ceux relatifs à la vie humaine et à la sécurité, sont respectés et garantis de manière absolue. Il faut conduire des enquêtes judiciaires indépendantes et punir les personnes responsables des meurtres, disparitions ou autres atteintes à la personne physique des dirigeants et militants syndicaux. Ne pas traduire les personnes coupables devant la justice crée une situation d'impunité qui renforce le climat de violence et empêche l'exercice des droits syndicaux.

L'oratrice a prié le gouvernement de prendre des mesures rapides pour renforcer le système judiciaire et a exprimé l'espoir que la Commission de révision des normes pénales aborde de manière dynamique les problèmes qu'elle rencontre. Elle a recommandé instamment au gouvernement de démanteler les groupes paramilitaires qui empêchent le développement des activités syndicales dans le pays. A cet égard, le gouvernement devrait reconnaître et protéger le droit légitime des travailleurs de constituer des syndicats. Cette mesure encouragera le dialogue et la compréhension entre les employeurs et les travailleurs et posera les fondements d'une nouvelle culture des relations de travail. Des mesures urgentes doivent être prises pour faire cesser les assassinats qui ont déjà coûté la vie à trop de personnes.

Le membre travailleur du Swaziland a rappelé à la commission que le gouvernement viole de façon grave la convention et ne semble pas accorder de valeur à la vie de syndicalistes et plus généralement des civils. Le cas discuté devant la commission montre un manquement grave aux droits civils et aux droits de l'homme. Les éliminations, assassinats et disparitions sont fréquents et démontrent une détérioration grave des valeurs humaines ainsi que l'irrespect de la justice, sans parler de la justice sociale. Les droits fondamentaux, allant de la discrimination fondée sur des motifs raciaux à l'interdiction d'exercer le droit de grève ou la libre négociation collective, sont déniés. Le système législatif est devenu profondément criminel et sanctionne ceux qui participent à des grèves illégales par l'emprisonnement dont la durée varie de deux à vingt ans. Afin d'éviter les grèves, le gouvernement déclare arbitrairement essentiels certains secteurs. L'ingérence du gouvernement dans les activités syndicales et l'utilisation arbitraire de son pouvoir pour dissoudre les syndicats sont des violations flagrantes de l'article 3 de la convention. Les meurtres des personnes dites marginales, tels vagabonds, enfants de la rue et homosexuels, par les escadrons de la mort sont des violations supplémentaires des droits civils et des droits de l'homme. Les revendications sociales, considérées comme subversives, sont réprimées dans la violence et par des meurtres de civils. Par ailleurs, les autorités ont donné l'ordre d'incendier les maisons des travailleurs ruraux, violant leur droit au logement. Les arrestations arbitraires de dirigeants syndicaux et leur comparution devant des tribunaux militaires constituent des violations de la justice et des droits de l'homme. Toutes les mesures prises afin d'améliorer la situation doivent garantir l'entière protection des droits syndicaux mentionnés dans la convention. Un effort doit être fait afin d'accroître le respect des droits civils et des droits de l'homme. Enfin, l'orateur soutient l'appel lancé par les membres travailleurs pour que les changements législatifs proposés soient rapidement adoptés.

Le représentant gouvernemental a remercié ceux qui se préoccupent réellement de la situation des droits de l'homme en Colombie. Il a déclaré accepter les critiques constructives et les suggestions respectueuses et impartiales des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des syndicats et organisations d'employeurs qui veulent coopérer avec son pays afin de faire disparaître le fléau de la violence. Il a indiqué qu'il conçoit l'action objective et impartiale de ces entités, comme le réveil des sensibilités nationales et internationales, qu'il respecte les institutions et les mécanismes de protection des droits de l'homme de l'ONU et de l'OIT et qu'il sollicite et accepte cette coopération internationale. Ainsi, l'année dernière, une mission de haut niveau du BIT s'est rendue dans le pays au mois d'octobre, et un bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a été ouvert en Colombie.

En ce qui concerne la violence, le gouvernement condamne l'assassinat des syndicalistes et de tout autre membre de la population, les séquestrations, la torture et le terrorisme. Certains agents de l'Etat et certains militaires sont accusés de commettre des violations des droits de l'homme, mais cela est une exception, car aucune politique de l'Etat n'existe à ce sujet.

Le problème grave de la violation des droits de l'homme et du droit international humanitaire est étroitement lié au conflit interne armé que connaît la Colombie. C'est une confrontation qui sévit en dehors de toute norme conventionnelle et dans laquelle, outre la guérilla, les phénomènes de délinquance, tels que le trafic de drogue et les groupes paramilitaires, jouent un rôle prépondérant. L'orateur reconnaît la réalité de ces phénomènes et réaffirme l'engagement de son gouvernement dans la protection et la promotion des droits de l'homme, fondement de l'état de droit et élément essentiel de la tradition démocratique du pays. Ainsi, une politique a été élaborée par le gouvernement visant à l'humanisation du conflit armé interne, au renforcement de la justice, à la suppression des milices privées, à la consolidation des mécanismes de promotion des droits, à l'extension du réseau informatique et de communication destiné à recevoir les plaintes et les dénonciations, à un régime d'indemnisation des préjudices subis par les victimes des violations des droits de l'homme (loi no 288 de 1996), à une politique d'aide aux personnes déplacées en raison de la violence, avec l'assistance de la Croix-Rouge internationale, à une stratégie de pédagogie et de sensibilisation de la population, à la création d'une section spéciale des droits de l'homme au ministère de l'Intérieur, et à l'ouverture en Colombie d'un bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (en activité depuis avril 1997).

Concernant plus particulièrement les droits de l'homme des travailleurs, le gouvernement a créé une commission inter-institutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l'homme des travailleurs. Cinq représentants des centrales ouvrières, le président de la conférence épiscopale et les présidents des organisations non gouvernementales les plus importantes de Colombie (le collectif des avocats et la commission colombienne des juristes) sont membres de droit de cette commission. Celle-ci pourra inviter, quand elle le jugera opportun, les représentants du BIT et du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies dans le cadre de la défense des droits de l'homme. Afin d'accomplir sa mission, cette commission inter-institutionnelle est dotée de pouvoirs suffisamment étendus. Ainsi, par exemple, est-elle chargée de réunir des informations et d'étudier l'état d'avancement des procédures concernant les cas de disparitions, homicides, tortures, menaces et déplacements forcés de travailleurs, syndiqués ou non, en vue de recommander les mesures nécessaires pour que ces faits ne demeurent impunis ni ne se répètent. Elle est également chargée de présenter des évaluations aux autorités compétentes afin que les enquêtes tendant à définir les responsabilités pénales, disciplinaires et pécuniaires progressent. En outre, elle a élaboré un programme général de défense des droits de l'homme des travailleurs, définit et applique les politiques de développement, de suivi et de contrôle de ces droits. Afin d'éviter que cette norme ne reste lettre morte, le décret prévoit que "les entités publiques et privées fourniront les informations requises pour l'accomplissement des tâches qu'il définit". Une copie de ce décret sera communiquée à la commission.

L'orateur a déclaré, en réponse à certaines interventions relatives à l'impunité, que les trois pouvoirs de l'Etat sont indépendants en Colombie et qu'il détient, au sujet des témoins masqués et du terrorisme d'Etat, une lettre du ministère public qui sera communiquée à la commission. Le pouvoir exécutif ne peut ordonner des détentions préventives dans la mesure où celles-ci violent la Constitution colombienne. Le recours aux témoins masqués constitue une mesure d'exception qui résulte du degré de violence exceptionnel imposé par le terrorisme résultant du trafic de drogue. Ils interviennent également pour enquêter sur les violations graves du droit syndical. Concernant la plainte relative aux abus commis par les témoins à visage couvert dans le cadre des procès des syndicalistes de l'Union syndicale ouvrière (USO), il a indiqué que ces procès sont actuellement en cours. Il a précisé que, dans l'affaire des assassinats des dirigeants syndicaux, MM. Leyton et Garzón, la pression du BIT sur le ministère public afin que les enquêtes soient menées plus rapidement a été d'une grande utilité. La révision de l'article 450 du Code du travail a été étudiée avec la mission du BIT, et le texte du projet de modification de cet article sera communiqué en temps opportun. Quant à l'inscription des organisations syndicales, 83 d'entre elles ont été enregistrées jusqu'en mai 1997. Enfin, aucune dénonciation relative aux violations de la liberté syndicale dans le domaine de l'horticulture n'a été présentée devant les organes de contrôle de l'OIT.

La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental et du débat ayant eu lieu en son sein. Elle a pris note de la mission de contacts directs effectuée en octobre 1996. Elle a également noté que le gouvernement a informé la commission d'experts de l'élaboration d'un projet de loi tendant à abroger ou modifier diverses dispositions du Code du travail critiquées par les organes de contrôle et qu'en outre les autorités ont saisi le Congrès de la République dudit projet au cours de la session parlementaire. La commission veut croire que les mesures indispensables à la suppression des divergences entre la législation nationale et les articles 2 et 3 de la convention seront prises d'urgence. Elle déplore, avec un profond regret, le climat de violence qui affecte en particulier la vie et la sécurité physique des syndicalistes. Elle exprime le ferme espoir que la commission d'experts pourra constater, lors de son prochain examen de ce cas, des progrès substantiels sur le plan des libertés civiles, essentielles pour l'exercice des droits syndicaux, ainsi que la pleine application de la convention, tant en droit que dans la pratique.

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