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Individual Case (CAS) - Discussion: 1995, Publication: 82nd ILC session (1995)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

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Une représentante gouvernementale a mis en relief les mécanismes de participation des partenaires sociaux à la définition des grandes politiques nationales, notamment en se référant à la création du Conseil national de la compétitivité, des comités sectoriels de la compétitivité, du Comité adjoint tripartite pour la productivité, de la Commission tripartite du suivi et de l'évaluation du plan "plus et meilleurs emplois", ainsi qu'à la convocation du Conseil national de planification.

Elle s'est référée aux progrès en cours dans le pays en matière de concertation sociale, car ils ont un rapport avec les commentaires de la commission d'experts. En décembre dernier, un pacte social tripartite, des productivités, prix et salaire a été signé par le gouvernement, les employeurs et les organisations des travailleurs. Cet espace de concertation et d'entente a discuté des questions communes à tous les acteurs sociaux.

Parmi les multiples accords conclus dans le cadre du pacte social, se détache celui établissant la Commission tripartite de concertation pour le développement syndical en tant qu'organisme adjoint du gouvernement national, où sont représentés les employeurs, les travailleurs et le gouvernement. Cette commission tripartite remplace temporairement la Commission tripartite permanente de concertation des politiques du travail et salariales, dont le projet de loi qui devra la mettre en oeuvre est actuellement en examen au Congrès de la République.

Les travaux de la Commission pour le développement syndical ont porté sur l'analyse des articles de la Constitution nationale touchant aux droits et aux garanties syndicaux; à la recommandation des plans et programmes d'éducation et de formation des travailleurs et des personnes exerçant des fonctions de direction en ce qui concerne l'exercice du droit syndical et l'incorporation des nouvelles technologies; à l'étude et à la proposition des actions nécessaires afin de renforcer la relation syndicat-entreprise, et par là améliorer la qualité du travail et augmenter l'emploi; et à la mise sur pied d'une campagne institutionnelle visant à développer une nouvelle culture dans les relations entre les partenaires sociaux.

Au sein de la Commission pour le développement syndical, le gouvernement s'est engagé à traiter de certaines questions d'ordre constitutionnel telles que la réglementation de la garantie des droits syndicaux des employés du secteur public. En outre, un accord a été trouvé pour la mise sur pied de commissions qui devraient étudier la négociation collective dans le secteur public et la réglementation de l'article 56 de la Constitution politique qui traite de la grève et des services publics essentiels.

Le gouvernement s'est engagé également, et cela constitue une partie fondamentale de l'accord, à mettre en oeuvre le programme de divulgation et de formation pour l'établissement d'une nouvelle culture de coopération dans les relations professionnelles, avec l'appui et la collaboration de l'OIT, à la demande des parties à l'accord.

Elle s'est référée plus en détail aux questions soulevées dans l'observation de la commission d'experts. En ce qui concerne la suspension, jusqu'à trois ans, avec privation des droits syndicaux, des dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat, elle a précisé que la législation en vigueur établit que seuls les juges de la République ont la faculté d'imposer cette sanction (article 380, alinéa 3, du Code du travail). A cet égard, elle s'est référée au paragraphe no 122 de l'Etude d'ensemble de la commission d'experts sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 et a mis en relief la procédure judiciaire régulière comme condition procédurale pour la destitution ou la suspension des dirigeants syndicaux.

Elle a indiqué que le gouvernement allait proposer que les thèmes de l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat d'entreprise; du contrôle de la conduite des affaires internes des syndicats et des réunions syndicales; et des conditions requises pour être élu dirigeant syndical soient étudiés de manière tripartite au sein de la Commission permanente de concertation des politiques du travail et salariales.

Pour ce qui est du droit de grève, elle a précisé que la question de l'interdiction de la grève dans les services publics serait examinée par une commission tripartite créée à la suite des accords conclus au sein de la Commission pour le développement syndical. En particulier, serait analysée la réglementation des services publics essentiels avant que le gouvernement ne présente un projet de loi au Congrès de la République.

Concernant la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux ayant intervenu ou participé à une grève illégale, la présence des autorités du travail dans les assemblées générales réunies pour voter sur un recours à l'arbitrage ou sur une déclaration de grève, l'interdiction de la grève pour les fédérations et confédérations, et la faculté, pour le ministère du Travail, de soumettre un différend à l'arbitrage lorsque la grève se prolonge au-delà de soixante jours, elle a souligné que le droit de grève constitue une institution juridique qui s'est développée de manière significative en Colombie, tant aux niveaux normatif que jurisprudentiel. Les possibles limitations ou réglementations de ce droit se justifient par l'intérêt collectif d'un pays insuffisamment développé qui doit protéger son infrastructure économique et sociale, au bénéfice de ces mêmes travailleurs, en tant que forme de protection de ses sources de revenus, et qui doit éviter le dysfonctionnement social lorsque les services essentiels de la communauté peuvent se voir affectés. A cet égard, elle a fait allusion au paragraphe no 151 de l'étude d'ensemble susmentionnée afin de souligner que le droit de grève ne peut pas être considéré comme un droit absolu. L'adoption d'une réglementation et la fixation de paramètres et de limites au droit de grève doivent permettre d'atteindre un équilibre des intérêts opposés en vue de préserver et de garantir l'intérêt général.

Les membres travailleurs ont fait observer que le cas de la Colombie concernant la convention no 87 avait été discuté déjà en 1990, 1991, 1992 et 1993, et qu'il était important que les discussions importantes soient rappelées, car la situation en Colombie est toujours extrêmement grave. La disparition, l'assassinat et l'emprisonnement de syndicalistes demeurent impunis. Ils ont noté que, selon le rapport d'Amnesty International sur la Colombie, le gouvernement a franchi un pas important en reconnaissant l'étendue des violations des droits de l'homme et la responsabilité des membres des forces de sécurité. Le nouveau gouvernement a déclaré que les droits de l'homme constituent une question prioritaire. Néanmoins, tout au long de l'année 1994 et au cours de la première moitié de cette année, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, les tortures et les menaces de mort effectuées par les membres des forces de sécurité et des forces paramilitaires se sont poursuivies. Ils se sont référés à l'étude annuelle de la CISL sur les violations des droits syndicaux dans le monde. Dans les paragraphes introductifs du rapport sur la Colombie, il est indiqué que pendant les deux premiers mois du nouveau gouvernement, 27 syndicalistes ont été assassinés. En outre, au moins 187 syndicalistes ont été tués durant l'année 1994.

Le rapport de la commission d'experts mentionne un certain nombre de textes légaux qui ne sont pas en conformité avec la convention. Plusieurs des points soulevés ont été mis en relief pendant des années. Ils ont salué la commission tripartite qui s'occupe actuellement de plusieurs questions contenues dans le rapport susmentionné, ce qui est encourageant. Ils ont exprimé l'espoir que cette commission prendra connaissance des commentaires de la commission d'experts sur la convention no 87 et que les questions traitées, ainsi que celles traitées dans les rapports des années précédentes, seront examinées et qu'elle pourra bientôt faire des recommandations au gouvernement sur des modifications législatives qui permettraient d'harmoniser la législation colombienne avec la convention no 87.

Ils ont ensuite fait observer que la commission d'experts considère l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat dans la même entreprise comme une question très préoccupante. Par le passé, le gouvernement était d'avis que l'existence d'un autre syndicat d'entreprise affaiblirait la représentation syndicale. La commission d'experts déclare que la convention n'impose pas la diversité syndicale dans un pays mais que, si les membres d'un syndicat ou les travailleurs individuellement souhaitent constituer un syndicat, le gouvernement ne devrait pas les en empêcher. Ils ont rappelé que plusieurs années auparavant, dans un certain nombre d'Etats du bloc communiste, l'unicité syndicale était imposée par la loi aux travailleurs du pays. Ils considèrent que quelque chose de cette sorte persiste en Colombie. Ils ont noté qu'il est très difficile de constituer un nouveau syndicat en raison des formalités légales préalables exigées, ce qui constitue une violation de la convention.

Les membres travailleurs se sont ensuite référés à la pratique étrange et menaçante des agents de l'Etat qui supervisent la gestion et les réunions des syndicats. Ils se sont également référés à la présence des représentants des autorités aux assemblées réunies par les syndicats pour décider du recours à l'arbitrage ou de la déclaration de grève. Ces "autorités" sont en fait les services de sécurité. Ils ont fait observer que cette sorte de supervision était malsaine et qu'elle constituait une ingérence dans les activités des syndicats, raison pour laquelle elle devrait cesser. Ils ont déclaré que les membres de cette commission seraient certainement très heureux s'ils pouvaient apprendre que le gouvernement avait l'intention de soumettre cette question à la commission tripartite, en indiquant par là sa volonté de modifier ces textes légaux.

Ils ont ensuite évoqué les obstacles pour ceux qui souhaitent occuper un poste au sein d'un syndicat: le gouvernement préfère des ressortissants colombiens ayant déjà travaillé, avec au moins six mois d'expérience dans le syndicat même ou dans le secteur d'activité couvert par le syndicat, ne faisant pas l'objet d'une poursuite judiciaire au moment de l'élection. Ils ont considéré ce dernier point extrêmement dangereux dans la mesure où il suffirait d'entamer une action en justice afin d'empêcher une personne de se présenter à l'élection syndicale. De plus, ils ont observé que dans plusieurs syndicats partout dans le monde il existe des responsables syndicaux n'ayant pas une expérience spécifique dans le syndicat qu'ils dirigent.

En ce qui concerne les grèves, ils ont observé qu'il n'a jamais été avancé que le droit de grève est un droit absolu et qu'il faut des limites dans l'exercice de ce droit. En effet, la commission d'experts ne reconnaît pas un droit absolu de recourir à la grève: il faut des limites, mais c'est cette commission qui décide des conditions de l'exercice de ce droit. Ils ont observé que le droit de grève fait partie d'une longue jurisprudence de la commission d'experts qui le considère comme partie intégrante de la liberté d'association et du droit de négociation collective. Dans cette optique, des limites s'imposent selon les domaines et les circonstances; ainsi, le droit à la grève n'est pas un droit absolu. Ils ont observé que dans le cas de la Colombie il n'y a pas d'interdiction générale à la grève, mais la grève peut être interdite dans certaines situations.

Pour conclure, ils ont observé que, cette année, le contenu du rapport du gouvernement était plus pertinent que par le passé et, si les informations fournies sont susceptibles d'évoluer lors des consultations tripartites, ce serait un résultat positif.

Ils constatent cependant qu'aucune amélioration ne pourra intervenir tant que la Colombie n'aura pas réglé ses conflits internes, en particulier le problème de la violence qui sévit dans le pays. Ces problèmes, bien entendu, ne seront pas résolus dans le cadre de la convention no 87; tant que ces problèmes persisteront, la Colombie ne pourra espérer avoir des syndicats ou des organisations d'employeurs libres.

Les membres employeurs ont souligné que la commission connaissait déjà fort bien les détails du cas, car elle l'avait examiné à plusieurs reprises. Ils ont déclaré qu'ils avaient l'impression que les choses bougent enfin. Ils se sont réjouis de la mise sur pied d'une commission tripartite permanente qui pourrait s'occuper des problèmes soulevés par les experts et recommander des solutions.

Concernant les nécessités de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat et que ceux-ci appartiennent à la profession en question ou l'aient exercée plus de six mois au moins, ils croient comprendre que la commission tripartite mise sur pied les a considérées et ils supposent que, bientôt, ces exigences seront supprimées.

Pour ce qui est de la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur un recours à l'arbitrage ou sur une déclaration de grève, conformément au décret no 2519 du 14 décembre 1994, ils insistent sur le fait qu'elle constitue une ingérence flagrante et excessive dans les affaires intérieures d'un syndicat et qu'elle porte atteinte à l'indépendance de celui-ci.

Quant à la question de l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat dans la même entreprise ou le même établissement, les membres employeurs ne voient pas de changements annoncés. Ils estiment que la libre concurrence doit jouer dans le domaine syndical aussi. Ils ont le ferme espoir que les restrictions imposées au mouvement syndical seront levées à la suite de la reprise des activités par la commission tripartite permanente.

Ils ont rappelé leur position concernant la question du droit de grève. Ils estiment qu'une réglementation détaillée du droit de grève ne peut pas être dérivée de la convention. Parmi les multiples raisons expliquant cela, ils ont rappelé qu'aucune proposition explicite pour introduire le droit de grève dans la convention n'avait été formulée au moment de son élaboration. Cette question devrait être réglée par un autre instrument encore à élaborer. Par conséquent, la réglementation du droit de grève demeure une affaire interne au sujet de laquelle le groupe des employeurs ne peut pas se prononcer, même si de leur point de vue un droit de grève illimité serait extrême. La commission tripartite permanente a toute latitude en ce qui concerne l'élaboration d'un droit de grève qui corresponde au souhait des parties concernées. Cependant, on ne peut pas critiquer le gouvernement si ce droit n'est pas reconnu en Colombie.

En conclusion, les membres employeurs considèrent que la situation en droit et en pratique semble aller dans la bonne direction, mais que les efforts du gouvernement doivent être encouragés et renforcés afin que des progrès sensibles puissent être enregistrés dans l'application de la convention, grâce notamment au travail de la commission tripartite permanente.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que, tout en reconnaissant que le gouvernement a assumé une attitude différente face à la question des droits de l'homme et des droits des travailleurs, cela était non seulement insuffisant, mais en outre ses agents ont parfois eu des conduites qui le contredisent. La convention no 87 continue à être violée en droit et dans les faits dans son pays, ce qui rend l'exercice des droits syndicaux une activité hautement dangereuse. Au cours de l'année écoulée, plus de 170 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés en toute impunité. La vie et l'intégrité physique des syndicalistes sont menacées par des forces de différents ordres: certains agents de l'Etat et les groupes paramilitaires qui, dans plusieurs régions, agissent avec le soutien et la complicité des autorités. Une situation spéciale est vécue dans la zone bananière de Uraba, où la guérilla a entraîné la mort, ces dernières années, de plus d'une centaine de travailleurs et de dirigeants syndicaux. Il ne s'agit pas d'une situation inconnue pour l'OIT. Au cours des dix dernières années, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de nombreux cas de syndicalistes assassinés, disparus ou torturés et a demandé à l'Etat colombien qu'il entreprenne des actions visant à sanctionner les auteurs de ces crimes. Devant la persistance de cette situation d'impunité, le Comité de la liberté syndicale a exprimé, dans son 265e rapport, sa déception face à cette absence de punition des criminels. Il a mentionné un document officiel du Département national de la planification de Colombie dans lequel on soulignait que la possibilité qu'un délit soit sanctionné pénalement n'est que de 3 pour cent. Cela signifie qu'officiellement l'impunité de l'ensemble des délits est de 97 pour cent. Dans le cas des crimes contre des syndicalistes, cette impunité avoisine les 100 pour cent.

D'autre part, il a souligné que la législation interne méconnaissait la convention no 87, comme la commission d'experts l'a indiqué à plusieurs reprises. Dans son dernier rapport, la commission d'experts a énuméré une longue liste de divergences entre la législation colombienne et la convention. Par exemple, l'exigence de la présence obligatoire des autorités dans les assemblées où est décidée la déclaration d'une grève persiste; l'interdiction de grèves dans tous les services publics, y compris dans les services qui ne sont pas essentiels, demeure en vigueur, ainsi que l'interdiction des grèves pour les fédérations et les confédérations. Dans ses observations, la commission d'experts a attiré l'attention sur les pouvoirs que la législation nationale octroie, en contradiction avec la convention, au ministère du Travail pour ordonner la cessation d'une grève qui se prolonge au-delà de soixante jours. La convention n'est pas observée non plus quand la loi reconnaît au Président de la République la faculté de déclarer terminée une grève si, à son avis, et en consultation avec la Cour de justice, cette grève affecte l'économie dans son ensemble. Par ailleurs, les grèves contre la politique économique et sociale du gouvernement ainsi que les grèves de solidarité sont également interdites.

Il a indiqué que, si dans les années précédentes les travailleurs avaient mis en évidence que le gouvernement niait systématiquement la concertation, il fallait aujourd'hui saluer les progrès enregistrés à la suite de la signature du Pacte social conclu entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs. Dans ce cadre, on a travaillé sur la nécessité de concertations sur les projets de loi en conformité avec les dispositions de la Constitution politique qui reprennent le contenu de la convention, ce qui garantirait ainsi la liberté syndicale et le droit de grève.

L'orateur s'est référé ensuite à la commission tripartite pour le développement syndical qui s'est réunie récemment à la suite des accords du pacte social. Certains accords portent sur des points relatifs à la convention, à savoir: le gouvernement s'est engagé à soumettre au Congrès des projets de loi portant sur la reconnaissance aux syndicats dits minoritaires du droit de grève et sur la garantie effective des droits syndicaux aux employés du secteur public. Il a été convenu également de la création de commissions qui devront étudier l'octroi des droits syndicaux, dont le droit de grève, aux employés du secteur public en conformité avec la convention.

Enfin, il a exprimé l'espoir que des progrès continueront à être enregistrés dans son pays afin d'éviter des situations comme celle où une grève annoncée par les professeurs a été déclarée illégale ou encore celle où les travailleurs de la sécurité sociale se sont vu nier l'autorisation de tenir une assemblée. Il a également exprimé l'espoir que la politique de concertation soit maintenue afin que puissent prendre racine une vraie culture de la tolérance, du respect de l'opinion d'autrui, ainsi que le tripartisme, l'abandon du réflexe antisyndical et de la violence pour que le pays suive la voie de la paix interne.

Un autre membre travailleur de la Colombie a exprimé sa satisfaction pour les changements en cours dans son pays en matière de droits de l'homme et de concertation. Cependant, il serait utile de souligner quelques faits qui se sont produits au cours de l'année écoulée et qui n'ont pas été portés à la connaissance des organes de contrôle de l'OIT, d'autant plus qu'il s'agit, dans une certaine mesure, des cas de violation de la convention. Il s'agit du licenciement de travailleurs qui avaient constitué des organisations syndicales. Dans trois cas importants, à savoir dans les entreprises "Tejidos El Cóndor", de Medellín, "Alfa" et "Protelas", les travailleurs qui ont pris l'initiative de créer une organisation syndicale ont été licenciés, ce qui constitue une violation de la convention. De même, les grèves qui ont eu lieu dans le secteur bancaire (Banco de Bogotá) ont également été déclarées illégales parce qu'il s'agissait de travailleurs du secteur public auxquels on nie le droit de grève. En outre, le mois dernier, les professeurs universitaires de l'Etat ont été victimes de la répression policière suite à une manifestation contre la politique salariale du gouvernement.

Il a indiqué qu'à tout cela s'ajoute la préoccupation concernant les décisions des quelques tribunaux qui avaient légitimé certaines violations de la convention au regard de la Constitution. Il s'est référé spécifiquement à la décision de la Cour constitutionnelle qui s'est déclarée compétente pour prononcer la cessation d'une grève lorsque celle-ci porte préjudice à l'économie du pays. Une autre décision de la Cour suprême a reconnu comme justifiée la décision relative au droit de grève qui avait été mise en question par la commission d'experts. Il a tout de même exprimé sa préoccupation quant au fait que certaines dispositions du Code du travail, qui auraient dû être abrogées, continuent d'être en vigueur, malgré la position de la Cour de justice qui a considéré que les dispositions de la convention devraient être incorporées dans la législation colombienne.

Enfin, il a précisé que la commission tripartite n'avait pas encore été créée et que le projet de loi qui avait été soumis au Congrès rencontrait des difficultés pour être adopté. En outre, le gouvernement a eu un geste positif en constituant une commission transitoire qui, même si elle s'écarte du cadre de la future commission, devrait permettre de suppléer aux déficiences découlant de l'absence d'une législation en la matière.

La représentante gouvernementale de la Colombie s'est à nouveau référée au système de concertation et notamment à la commission tripartite. A cet égard, elle a insisté sur le fait que le projet de loi en vertu duquel la commission permanente serait mise sur pied a été soumis au Congrès et avait déjà été approuvé par l'une des chambres, tandis que l'autre examinait son approbation.

Elle a également réitéré que la Commission tripartite pour le développement syndical avait été créée à titre provisionnel. Des progrès avaient été réalisés sur le plan législatif en ce qui concerne l'information, la formation et le développement du mouvement syndical. Au sein de cette même commission ont été créées des sous-commissions qui devraient s'occuper, entre autres, de l'étude des problèmes relatifs au droit de grève et, en particulier, à la négociation dans le secteur public. Elle a exprimé son espoir que la commission permanente, de nature tripartite, serait créée le plus tôt possible. Cette commission serait chargée d'arriver à des accords qui tiendraient compte des intérêts des différents acteurs du processus de production et du pays en général. Concernant la Banque de Bogotá, elle a déclaré qu'aucune grève n'avait été déclarée illégale. Par ailleurs, il n'y a aucune interdiction de déclarer des grèves régionales dans le pays.

Elle a ensuite fait allusion au thème de la violation des droits de l'homme, lequel devrait être analysé nécessairement dans le contexte de la violence généralisée qui affecte son pays depuis plusieurs années. Les causes de cette violence sont multiples et ses victimes se retrouvent dans tous les secteurs de la communauté, dont le mouvement syndical qui a eu plusieurs de ses membres parmi les cibles de cette situation.

Elle a souligné que son gouvernement avait réalisé des progrès dans la garantie des droits de l'homme et dans la mise en oeuvre d'une politique de pratique du droit humanitaire qui constitue le thème central de son action. La propre Commission des droits de l'homme de l'ONU l'a reconnue, et le Protocole II a été ratifié par le Congrès et révisé par la Cour constitutionnelle. A cet égard, il est important de mentionner également la visite en Colombie, à l'invitation du gouvernement, des rapporteurs thématiques des Nations Unies et du Haut Commissariat des droits de l'homme des Nations Unies, dont l'un des représentants devrait proposer, en collaboration avec les secteurs intéressés, des mesures de protection des droits de l'homme. En outre, la Constitution de 1991 a institué une voie de recours contre les violations des droits de l'homme dont des milliers de citoyens, y compris les syndicalistes et les professeurs, font usage.

L'oratrice a ensuite souligné la reconnaissance officielle de la responsabilité des agents de l'Etat dans des massacres comme celui de Trujillo et a déclaré que des mesures d'indemnisation aux victimes ont été adoptées. Par ailleurs, l'unité des droits de l'homme de la fiscalisation générale de la nation a été renforcée et des mesures ont été prises pour garantir la lutte contre l'impunité.

Elle a assuré que son gouvernement ne se complaisait ni était complice avec les activités paramilitaires. Une commission est déjà en oeuvre pour soumettre un projet de réforme à la justice pénale militaire, tandis que des mesures strictes d'application étendue ont été prises pour purifier la police nationale et assurer les contrôles internes des excès de cette institution.

Enfin, elle a déclaré que, si les mesures susmentionnées atteignaient leur but, la violence généralisée serait réduite, au bénéfice de tous, y compris des syndicalistes. Le gouvernement travaille sans repos pour obtenir la tranquillité des citoyens qui est perturbée par la guérilla, le narcotrafic, les actions paramilitaires et les activités de certains agents de l'Etat. Elle espère pouvoir compter sur la coopération des travailleurs et des employeurs à cette fin.

Les membres travailleurs sont satisfaits du fait que les travailleurs colombiens confirment que le nouveau gouvernement essaie d'améliorer la situation générale du pays, quoi qu'il reste beaucoup à faire. Le Président a reconnu la gravité du problème, ainsi que la responsabilité des agents de l'Etat, en particulier celle de la police. Les membres travailleurs considèrent que cet aveu aidera à surmonter les graves problèmes du passé. Ils attendent des discussions tripartites des évolutions dans la partie de la législation qui n'est pas conforme à la convention no 87. Ils reviendront sur ce cas à l'avenir en espérant que le nombre de questions en suspens aura diminué.

Les membres employeurs ont déclaré qu'ils partageaient la condamnation de cette violence générale en Colombie qui touche dans une large mesure les personnes engagées dans des activités syndicales. Ils n'ont pas de conseils ou de recommandations à faire au gouvernement, mais ils lui lancent un appel pour qu'il fasse tout son possible et prenne toutes les mesures nécessaires en son pouvoir afin de lutter contre cette violence, notamment en ce qui concerne les possibilités de recourir à la justice. Donc, en cas de licenciement abusif, il faut que la personne lésée puisse avoir recours aux tribunaux et obtenir compensation. Il faut également que les délits ne restent pas impunis et que la répression de la violence figure parmi les soucis principaux du gouvernement.

La commission a pris note avec intérêt de l'exposé fait par la représentante gouvernementale concernant la nouvelle culture de dialogue qui se traduit par un pacte social et une série de commissions tripartites nationales sur la productivité, le développement syndical, les relations professionnelles dans les entreprises, etc. La commission considère que ce sont là des signes très encourageants.

Elle espère que ces organes tripartites aborderont les différentes questions mentionnées par la commission d'experts. La commission estime, cependant, que les divers facteurs mentionnés par la commission d'experts, y compris des dispositions législatives qui interdisent l'existence de plus d'un syndicat, la supervision de syndicats par les autorités de l'Etat et les pratiques faisant obstacle à la libre élection des dirigeants syndicaux, constituent une violation flagrante de la liberté d'association. Ces pratiques doivent être interdites et cesser dans les faits. Des lois allant dans ce sens devront être abrogées.

Dans ces circonstances et à la lumière des discussions détaillées, la commission demande instamment au gouvernement de fournir un rapport détaillé sur toutes les mesures prises pour répondre à toutes ces questions soulevées par la commission d'experts afin que la législation et la pratique nationales s'alignent sur la convention no 87.

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