ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Individual Case (CAS) - Discussion: 1992, Publication: 79th ILC session (1992)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

Other comments on C087

Display in: English - SpanishView all

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

La Constitution interdit la suspension et la dissolution par voie administrative de la personnalité juridique des organisations syndicales. En outre, il convient de rappeler que cette interdiction est consacrée par la loi no 50 de 1990.

En ce qui concerne l'obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens, l'intervention supposée dans l'administration des syndicats due à la présence de fonctionnaires du ministère aux réunions (notamment lors du déclenchement d'une grève), l'obligation d'être ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales, la sanction accessoire qu'un juge peut infliger à un dirigeant syndical responsable de la dissolution d'un syndicat qui consiste en l'interdiction d'exercer le droit d'association pendant une période maximale de trois ans ainsi que la condition d'appartenance à la profession ou au métier pour être élu dirigeant syndical, le gouvernement s'est déjà référé amplement à ces questions dans sa lettre du 25 octobre 1991 adressée au Directeur général du BIT, dont le gouvernement a joint en annexe une copie.

Le gouvernement a demandé dans une communication du 9 octobre 1991 et adressée au Directeur général qu'une convention sur cette matière soit adoptée compte tenu de l'importance du droit de grève. Le gouvernement regrette que le Directeur général lui ait communiqué, en date du 22 novembre 1991, que, pour des raisons de procédure, il n'est pas possible d'inclure ce thème important à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 1992 ou de 1993. Le gouvernement souhaite insister sur sa demande concernant l'urgence de l'adoption par l'OIT d'une convention portant expressément sur le droit de grève ainsi que sur le fait que ce droit ne doit pas dériver d'interprétations qui, même si elles sont très valables, ne sont que les opinions de juristes respectables. Dans cet ordre d'idée, il reconnaît qu'il existe des restrictions à l'exercice du droit de grève, qui découlent du fait que le ministre du Travail et le Président de la République peuvent convoquer des tribunaux d'arbitrage pour résoudre les conflits après soixante jours de grève ou lorsqu'une grève affecte l'économie nationale considérée dans son ensemble.

A cet égard, il est significatif de mentionner la jurisprudence de la Cour suprême de justice, qui a estimé que la loi no 50 de 1990 est conforme à la Constitution et qui a précisé ce qui suit:

"Essentiellement lors de ses moments d'apogée, le mouvement syndical a toujours souhaité que le droit de grève soit un droit absolu et illimité afin que le conflit collectif puisse être résolu uniquement grâce à sa volonté souveraine et inconditionnelle; cependant, il a été reconnu que la grève affecte non seulement les intérêts des travailleurs qui s'appuient sur elle pour arriver à leurs fins, mais également ceux de l'entreprise et en général de l'ordre économique qui méritent une égale protection; il était nécessaire, par conséquent, de rechercher un équilibre entre des intérêts opposés, ce qu'ont compris ceux qui ont élaboré la Constitution de 1936 en ne permettant pas la grève dans les services publics et en laissant à la loi le soin de réglementer son exercice, comme l'a fait très judicieusement le précepte examiné ici; l'image bien connue des institutions industrielles désolées, abandonnées, inutiles, livrées indéfiniment à la détérioration et non productives, en tant que témoins permanents d'un conflit que personne n'a voulu résoudre pour récupérer les biens perdus et l'emploi lui-même, a eu pour conséquence que la loi est venue empêcher l'appauvrissement général et le dommage social que l'obstination des parties occasionnait, au moyen de méthodes alternatives qui laissent intacte la protection due à tous et qui actuellement se trouve spécialement confortée dans l'article 55 de la Constitution, qui dispose 'l'Etat a le devoir de promouvoir... les autres moyens pour la solution pacifique des conflits collectifs du travail', comme l'est précisément l'instance arbitrale (Cour suprême de justice, toutes Chambres réunies, arrêt du 26 septembre 1991)."

Pour ce qui est du droit de grève, l'article 56 de la Constitution dispose:

"Le droit de grève est garanti, sauf dans les services essentiels tels qu'ils sont définis par la loi.

La loi réglementera ce droit.

Une commission permanente regroupant le gouvernement, des représentants des employeurs et des représentants des travailleurs favorisera de bonnes relations professionnelles, contribuera au règlement des conflits collectifs du travail et s'efforcera d'aboutir à la concertation des politiques salariales et professionnelles. La loi réglementera sa composition et son fonctionnement."

Pour donner suite à ce mandat constitutionnel, le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, a convoqué les représentants des employeurs et des travailleurs dans le but de conclure un accord sur la composition et les fonctions de ladite commission permanente et a présenté, au mois de décembre 1991, à l'Assemblée de la République un projet de loi y relatif. Après la promulgation de la loi, la commission permanente susmentionnée, conformément à son mandat constitutionnel et dans le cadre de sa fonction de concertation de la politique du travail, indiquera comment la législation devra être adaptée aux conventions nos 87 et 98.

En outre, un représentant gouvernemental, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a déclaré que la commission d'experts a constaté un progrès significatif dans l'application de la convention, même si elle a également signalé un nombre de dispositions qui pourraient être incompatibles avec la convention. En ce qui concerne les obligations imposées par la loi en matière de nationalité au sujet desquelles la commission d'experts a formulé des objections (nécessité de réunir deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat, et d'être ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales), la nouvelle Constitution confère aux étrangers les mêmes droits et garanties qu'aux ressortissants nationaux mais dispose que ces droits peuvent être réglementés par la loi. La législation ne porte atteinte ni à la Constitution ni à la convention. Les étrangers ont le droit de se syndicaliser, mais il leur est interdit de contrôler un syndicat ou d'être dirigeant syndical. Ces dispositions trouvent leur base dans la souveraineté nationale, par exemple pour empêcher que des dirigeants étrangers déclenchent une grève dans des secteurs de l'industrie qui ont une relation avec la sécurité nationale. Il est probable que, dans la plupart des pays, de telles normes existent. Les centrales syndicales du pays n'ont pas soulevé d'objections quant aux exigences relatives à la nationalité, mais la modification des dispositions en question pourra être discutée lors de l'établissement de la commission tripartite en matière de travail que l'Assemblée nationale devra réglementer prochainement dans une loi. En ce qui concerne le contrôle de l'administration interne des syndicats et la présence des fonctionnaires publics dans les réunions syndicales (article 486 du Code du travail), la présence de ces derniers a pour but la vérification de la majorité qualifiée prévue par les statuts syndicaux, par exemple pour le déclenchement d'une grève. Souvent, les syndicats même demandent la présence de fonctionnaires lorsque des conflits internes se produisent; dans ce cas, le fonctionnaire a la tâche de recueillir des preuves permettant d'éviter dans le futur de tels conflits. En ce qui concerne la suspension pouvant aller jusqu'à trois ans des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (article 380 (3) du Code du travail), la loi no 50 de 1990 a supprimé la possibilité administrative de suspendre les dirigeants. Actuellement, les autorités judiciaires sont compétentes pour une telle suspension lorsqu'il est prouvé qu'un dirigeant syndical est responsable de la dissolution ou de la suspension d'un syndicat. Etant donné qu'une telle dissolution ou suspension est prononcée par voie judiciaire, l'article 380 (3) du Code du travail n'est pas en contradiction avec la convention. S'agissant de l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, la nature du syndicat entraîne que ses dirigeants exercent la même profession que ses membres. Toutefois, le gouvernement n'insiste pas sur ce point et est ouvert à un dialogue avec les centrales syndicales; à cet égard, il demande l'assistance technique du BIT. En ce qui concerne le droit de grève des fédérations et des confédérations, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un projet de loi sur ce thème est en instance devant l'Assemblée générale et qu'il sera discuté. Le droit de grève a connu une évolution en Colombie. La Constitution antérieure avait reconnu ce droit sauf dans les services publics; la nouvelle Constitution de 1991 le limite uniquement dans les services publics essentiels qui doivent être définis par le législateur dans une loi future. Une concertation tripartite sur cette question sera engagée. Par ailleurs, son gouvernement a demandé au Conseil d'administration du BIT d'étudier la possibilité d'une future convention sur le droit de grève parce que, actuellement, ce droit fait l'objet d'interprétations de caractère prestidigitateur de la part de la commission d'experts ou du Comité de la liberté syndicale. En vue de la sécurité, juridique, l'OIT doit réglementer le droit de grève. En ce qui concerne le pouvoir du ministre du Travail et du Président de la République d'intervenir dans un conflit (articles 448 (3), (4) et 450 (1) g) du Code du travail), il entraîne la convocation d'un tribunal d'arbitrage obligatoire conformément aux principes des organes de contrôle de l'OIT relatifs aux situations dans lesquelles le droit de grève peut être restreint. Quant à la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (article 450 (2) du Code du travail), les organes de contrôle de l'OIT reconnaissent la légitimité du licenciement en cas de grève illégale, et la convention dispose que les organisations de travailleurs doivent respecter la légalité. Par conséquent, ledit article ne porte pas atteinte à la convention.

Les membres travailleurs se sont référés au rapport de la commission d'experts qui a attiré l'attention sur le rapport du gouvernement, les discussions qui se sont déroulées à la présente commission en 1991, les rapports du Comité de la liberté syndicale ainsi que la mission de contacts directs qui s'est effectuée en 1991. Dans la description du contexte dans lequel se déroulait la discussion de ce cas, ils ont rappelé le grand nombre de dirigeants syndicaux qui ont été assassinés ou qui ont disparu, et ils ont indiqué que la situation ne s'était pas encore améliorée.

Le représentant gouvernemental a indiqué que les situations relatives au maintien de l'ordre public ne relèvent pas de la présente convention. Il s'est référé non seulement aux disparitions et aux morts des syndicalistes, mais également à celles d'hommes politiques, de militaires, d'enseignants, d'enfants, et a souhaité en conséquence que la discussion se limite aux thèmes relatifs à la convention.

Les membres travailleurs ont fait remarquer que la commission d'experts s'est référée à la discussion qui s'est déroulée au sein de la présente commission en 1991 au cours de laquelle ce problème avait été mentionné. Ils ont fait observer que, dans leurs remarques introductives, ils se sont référés aux disparitions et aux morts de dirigeants syndicaux afin de décrire le contexte difficile dans lequel se trouve la liberté syndicale en Colombie. Ils ont pris note des informations écrites communiquées par le gouvernement ainsi que des mesures législatives notées avec satisfaction par la commission d'experts dans son rapport. Toutefois, ils se sont référés aux problèmes soulevés par les experts et qui ne sont pas conformes à la convention. En ce qui concerne l'exigence selon laquelle les dirigeants syndicaux doivent être colombiens, ils ont été d'avis qu'il s'agit toujours d'une violation de la convention, même s'il n'est pas interdit par la loi d'être membre d'un syndicat, comme il l'a été souligné par le représentant gouvernemental. Ils se sont cependant félicités de la déclaration du ministre du Travail selon laquelle le gouvernement discutera de ce problème avec les travailleurs, et ils ont exprimé l'espoir que cette divergence entre la législation et la convention sera prochainement éliminée. En ce qui concerne les dispositions qui autorisent la présence des autorités lors des assemblées générales au cours desquelles un vote sur le déclenchement d'une grève a lieu, ils ont été d'avis que, si une telle présence n'est pas spécifiquement réclamée par le syndicat lui-même, elle constitue une ingérence dans les affaires internes des syndicats et par conséquent une violation de la convention. En ce qui concerne la suspension, pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association, des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat, ils ont rejeté l'argument selon lequel celle-ci se justifierait parce qu'elle est prononcée par les autorités judiciaires et pas par le gouvernement, étant donné que, en tout état de cause, une telle suspension est permise par les lois du pays, et que ces lois ne sont pas conformes à la convention. Ils ont souligné, tout comme l'avaient fait les membres employeurs dans le contexte d'un autre cas, que les dirigeants syndicaux ne cherchent pas une immunité vis-à-vis du droit commun du pays, mais que la convention les protège lorsqu'ils agissent en tant que syndicalistes, dans le respect d'une législation qui est en conformité avec la convention. S'agissant de l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, ils ont exprimé des doutes sur la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle les lois pertinentes avaient été abrogées. Au cas où ces lois n'aient pas été abrogées et nonobstant le fait que la plupart des dirigeants syndicaux appartiennent à la profession ou au métier considéré, ils ont été d'avis que la loi ne doit pas interdire aux syndicats de désigner à plein temps des dirigeants professionnels n'appartenant pas au métier considéré, bien qu'en général ceux-ci exercent la profession ou le métier représenté par le syndicat. Se référant à la déclaration du ministre selon laquelle l'interdiction de la grève dans les services publics avait été abrogée, sauf dans les services publics essentiels, les membres travailleurs ont fait remarquer que des différences peuvent exister entre l'opinion de la commission d'experts et celle du gouvernement sur la définition des services essentiels. Même si la convention ne se réfère pas, comme il l'a été dit, d'une manière spécifique à la grève, la commission d'experts a indiqué de façon relativement claire que la grève doit être permise lorsque les travailleurs agissent pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et que toute tentative de restriction de ce droit constitue une violation de la convention. Sans vouloir entrer dans une discussion générale sur le droit de grève, ils ont insisté pour qu'il soit noté que les membres travailleurs partagent l'interprétation de la convention à ce sujet, formulée par la commission d'experts depuis de nombreuses années. Ils ont demandé au représentant gouvernemental d'indiquer à la commission d'experts quelle est la définition précise des services publics afin qu'elle puisse être en mesure d'évaluer l'étendue de cette exception. Ils ont souligné le principe établi par la commission d'experts selon lequel, au cas où la grève est restreinte voire interdite dans les services essentiels, des garanties compensatoires appropriées telles qu'une procédure impartiale et rapide de conciliation, de médiation ou d'arbitrage devraient être mises à la disposition de travailleurs. En ce qui concerne la question des grèves illégales, ils ont été d'avis que le problème n'est pas constitué par des grèves qui sont considérées illégales par des lois conformes à la convention, mais par des lois qui définissent une grève illégale de façon très large comme le font la législation et la Constitution de la Colombie. Ils se sont félicités du fait que, lors de la mission de contacts directs, en septembre 1991, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a exprimé le désir de demander officiellement l'assistance technique du BIT dans le processus de révision de la législation du travail, et ils ont noté que la commission d'experts en avait pris note avec intérêt. Ils ont demandé que les conclusions de la présente commission fassent état de leur espoir que, suite à cette assistance, les lois nationales seront dans un proche avenir mises en pleine conformité avec la convention.

Les membres employeurs ont fait remarquer que le rapport de la commission d'experts sur ce cas peut se diviser en trois parties. La première partie porte sur les améliorations réalisées quant à la conformité de la législation nationale avec la convention. Il y a deux ans, la présente commission a estimé nécessaire de consacrer un paragraphe spécial à la Colombie; aujourd'hui, en revanche, un certain nombre de cas de progrès peuvent être constatés. La seconde partie indique un certain nombre de points sur lesquels des questions peuvent être posées ou au sujet desquelles les experts sont d'avis qu'il y a toujours infraction aux dispositions de la convention. En ce qui concerne l'obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens et les dirigeants syndicaux doivent être Colombiens, le représentant gouvernemental a déclaré que la Constitution de son pays laisse cette question ouverte mais que le Code du travail contient des dispositions qui ressortissent à la souveraineté du pays, et il a supposé que la situation est semblable dans d'autres pays. A cet égard, les membres employeurs ont fait remarquer que, suite à la législation des Communautés européennes et les directives européennes, la discrimination fondée sur la nationalité n'existe plus en Europe. Etant donné que le gouvernement s'est déclaré prêt à établir un dialogue avec les travailleurs et les employeurs à ce sujet, sa position n'est pas rigide et des changements sont possibles. En ce qui concerne la suspension des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat, les membres employeurs ont exprimé des doutes sur la question de savoir si la protection des dirigeants syndicaux est véritablement assurée par une telle disposition, et ils ont été d'avis qu'il appartient au gouvernement de réfléchir à ce problème et d'étudier des modifications éventuelles de la loi. Quant à l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considérés pour être élu dirigeant syndical, ils ont exprimé l'avis qu'il s'agit d'une réglementation à terme qui pourrait être stipulée par le syndicat et qu'il n'est par conséquent pas nécessaire de réglementer cette question en détail. Etant donné la déclaration du représentant gouvernemental selon lequel le gouvernement est prêt à procéder à des consultations également à ce sujet, ils ont estimé que la commission tripartite à laquelle il s'est référé pourrait être l'organisme approprié pour discuter de ces questions. S'agissant de la question relative aux licenciements massifs de travailleurs dans le secteur public et à l'augmentation du nombre de contrats de courte durée dans le secteur privé, les membres employeurs ont déclaré qu'il peut y avoir d'autres raisons que celle invoquée par les experts qui se réfèrent à l'affaiblissement du mouvement syndical, justifiant ces mesures. Ils ont par conséquent estimé qu'il n'était pas nécessaire de continuer la discussion sur ce point. La troisième partie du rapport porte sur les restrictions au droit de grève. Le représentant gouvernemental a indiqué que la convention ne contient pas de disposition précise à cet égard et que l'OIT devrait élaborer un nouvel instrument sur les droits et devoirs relatifs à la grève ainsi que sur ses restrictions. Les membres employeurs ont fait observer qu'un projet de résolution contenant des éléments analogues, qui a été proposé cette année, n'a été retenu de manière prioritaire. Il faut donc, au stade actuel, s'en tenir à la convention qui a été le point de départ de la philosophie de la commission d'experts. Se référant à des prises de position antérieures, ils ont prié la commission d'experts de bien vouloir réfléchir à nouveau à leur argumentation sur le droit de grève puisque les résultats auxquels elle est arrivée ne relèvent pas directement de la convention. Comme la commission d'experts l'a déclaré elle-même ailleurs dans son rapport, les membres employeurs estiment que la convention no 87 doit être interprétée exclusivement au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en particulier de ses articles 31 et 32 qui disposent qu'outre le contexte il faut tenir compte, de manière égale: a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité. Actuellement, le rapport de la commission d'experts contient un très grand nombre d'éléments concernant l'application de la convention dans le monde entier, et il ressort de ces éléments que la situation est très différente selon les pays et qu'il n'existe pas d'application commune relative à la pratique et aux restrictions du droit de grève. Selon les critères de la Convention de Vienne, les critères d'interprétation appliqués par les experts ne sont pas corrects. Il ne faut pas oublier que la grève ne porte pas seulement atteinte aux droits des employeurs, mais qu'elle touche également les intérêts des tiers; pour cette raison, la définition de l'ampleur et des restrictions de cette grève ne saurait être laissée à la libre discrétion d'une seule partie. Seul l'Etat doit être responsable de la détermination de l'étendue du droit des grèves et des limitations à celui-ci. Les membres employeurs ont été d'avis que ce cas, parmi d'autres, fournit de nouveau une occasion de prier instamment la commission d'experts de réfléchir une fois de plus sur ses conclusions. Le fait qu'elle formule, à l'instar du Comité de la liberté syndicale, les mêmes conclusions depuis de nombreuses années ne fonde pas la justesse de celles-ci ni la déclaration qu'elles peuvent être dérivées de la convention no 87. Enfin, les membres employeurs ont exprimé leur désaccord avec les conclusions de la commission d'experts sur les restrictions du droit de grève en Colombie.

Un membre travailleur de la Colombie a indiqué qu'au cours de ce mois de juin neuf syndicalistes ont été assassinés dans son pays et que, contrairement à ce qu'a déclaré le ministre du Travail, la situation syndicale en Colombie est très grave tant au niveau de la législation (comme l'avaient signalé les membres travailleurs en 1991 en se référant plus particulièrement à la loi no 50 de 1990) qu'au niveau de la pratique. Le gouvernement intervient dans la vie syndicale par l'obligation juridique imposée aux syndicats d'inviter des fonctionnaires du ministère du Travail aux assemblées générales. Ceux-ci vont jusqu'à demander à tous les travailleurs de présenter leur carte d'identité lors du vote sur le déclenchement d'une grève. Les syndicats sont obligés de se réunir pendant la nuit et en cachette afin d'éviter des représailles. Même si en vertu de la nouvelle législation la personnalité juridique des syndicats s'obtient automatiquement, le ministère continue à les approuver d'une façon discrétionnaire. La généralisation des contrats de courte durée (entre quinze jours et trois mois) constitue une grave entrave à la liberté syndicale parce que les travailleurs affectés savent que leur contrat ne sera pas renouvelé s'ils s'affilient à un syndicat. La grande majorité des grèves sont déclarées illégales, y compris celles dans les services qui ne sont manifestement pas essentiels. Tel a été le sort de la grève déclenchée à l'Hôtel Teguendama suite au licenciement de 24 travailleurs et nonobstant un accord dans le sens contraire signé dans le cadre du procès-verbal du règlement du conflit. Récemment, pour avoir déclenché une grève dans la société des télécommunications, des dirigeants syndicaux ont été jugés en droit pénal pour sabotage et, par la suite, leur cas a été transmis à des juges "anonymes", chargés de traiter les délits de terrorisme. En outre, 27 travailleurs ont été menacés de licenciement, et le président de l'entreprise ainsi que le ministre du Travail ont demandé l'annulation de la personnalité juridique du syndicat et la suspension de leurs fonctions pendant trois ans des dirigeants syndicaux. Dans le secteur pétrolier, un syndicat s'est vu imposer une amende de plusieurs millions suite à une grève. Dans de nombreux cas, les grèves avaient été déclarées pour revendiquer le droit à la vie des dirigeants syndicaux. Enfin, étant donné les violations graves et multiples de la liberté syndicale dans son pays, l'orateur a demandé que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que le droit de se syndiquer n'existe pas vraiment en Colombie où la législation et la pratique présentent les éléments suivants qui constituent des atteintes directes ou indirectes à la liberté syndicale: les contrats de travail sont dissimulés sous forme de contrats civils ou commerciaux; des contrats de très courte durée, dont le nombre est actuellement de plus de 1.050.000, sont permis; le droit de recours, pour être réintégrés dans leur poste, qui était ouvert aux travailleurs ayant plus de dix ans d'ancienneté et ayant été licenciés sans raison, a été abrogé; une période de grâce de dix ans est accordée aux entreprises pendant laquelle celles-ci ne se déclarent pas l'unité de négociation vis-à-vis de leurs filiales, affaiblissant ainsi les avantages obtenus par la négociation collective dont doivent bénéficier les organisations syndicales; le travail intermédiaire est facilité et ainsi est favorisé l'établissement d'entreprises fournissant des services temporaires, empêchant l'affiliation syndicale; des accords collectifs de travail sont conclus avec les travailleurs non syndiqués; la loi no. 60 et ses décrets d'application créent des systèmes de licenciement et de retraite massifs sur base de chantage et favorisent ainsi la retraite, accompagnée d'une indemnisation dérisoire, des travailleurs de l'Etat (400.000 retraites et licenciements de ce genre sont attendus lors des deux années à venir); dans le but de rendre la grève illégale, tout service public est déclaré essentiel, y compris l'irrigation des terres, les secteurs du ciment, financier et pétrolier; récemment, il a été permis aux patrons d'introduire des recours en droit pénal en cas de grève pour empêcher l'exercice du droit de travail; de nombreuses sommes équivalant à 80 mois de salaire minimum ont été imposées au Syndicat des travailleurs du secteur pétrolier pour avoir organisé des arrêts de travail entre deux et trois heures; et la grève est considérée comme un délit de terrorisme et est soumise à des juges "anonymes" et à des procédures lors desquelles il n'est même pas permis d'avoir accès aux dossiers. Etant donné qu'il n'y a pas de conformité avec la convention, que des progrès ne peuvent pas être constatés et que depuis l'année passée 102 dirigeants et membres syndicaux ont été assassinés, l'orateur a demandé que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial et que le BIT fournisse une assistance technique pour la rédaction de la future législation du travail.

Un membre travailleur de l'Espagne a déclaré que les améliorations de la législation qui ont été signalées par la commission d'experts doivent être évaluées dans leur propre contexte qui est caractérisé par un niveau peu élevé du respect des droits syndicaux. L'orateur a été d'avis que les dispositions de la législation relatives au contrôle de l'administration interne des syndicats, y compris la présence de fonctionnaires dans les assemblées générales qui suppose toute absence de confiance dans les syndicats, qui fait preuve de soupçon à leur égard et qui constitue une discrimination vis-à-vis des autres associations, sont inadmissibles. Il a fait remarquer que les syndicats ne constituent pas un élément pervers mais qu'ils sont nécessaires pour le progrès du pays, comme le prouvent les quarante dernières années de tripartisme en Europe. D'autre part, la convention confère les mêmes droits aux fédérations et confédérations qu'aux syndicats de base et également, pour cette raison, il est inadmissible que la législation interdise la grève aux fédérations et aux confédérations, surtout à la lumière du fait que ce droit fait partie du contenu essentiel de la liberté syndicale. Se référant aux déclarations du ministre du Travail sur l'interprétation du droit de grève par la commission d'experts, il a refusé d'accepter que ceux-ci soient des prestidigitateurs; au contraire, les experts, tout comme les juges ou les magistrats d'un tribunal constitutionnel, seront toujours indispensables et définissent le contenu des droits. Enfin, il a déclaré qu'un gouvernement qui ne garantit pas la vie n'est pas digne de ce nom et qu'en Colombie ont lieu, comme l'ont signalé des orateurs antérieurs, des assassinats et des tortures de dirigeants syndicaux, violations les plus extrêmes de la convention.

Un membre travailleur de la Grèce a nié que dans tous les pays des restrictions aux droits syndicaux des étrangers existent sous le prétexte que ceux-ci constituent des menaces éventuelles à la sécurité du pays, et il a mentionné les cas de la Belgique et de l'Allemagne où les travailleurs immigrés font partie du comité d'entreprise. La question de la sécurité intérieure en cas de grève se pose uniquement dans certains secteurs concrets. La législation doit être mise en conformité avec la convention, et il faut que le gouvernement indique ses intentions à cet égard et demande l'assistance technique du BIT.

Un membre travailleur de la France a déclaré que les interventions faites précédemment par les syndicalistes colombiens démontraient, s'il en était encore besoin, l'intensité des difficultés auxquelles le mouvement syndical se trouve actuellement confronté en Colombie. Il a relevé les limitations faites à la syndicalisation dans ce pays: le problème des travailleurs étrangers, évoqué par le membre travailleur de la Grèce; celui des travailleurs à temps partiel, dont le nombre est en constante augmentation; et l'immixtion du pouvoir politique dans le mouvement syndical, notamment au travers de la présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter le déclenchement des grèves. Quant à la demande du porte-parole des membres employeurs pour que l'OIT se prononce sur l'adoption d'une convention relative au droit de grève, il a déclaré que le débat en cours n'était pas le moment idéal pour vouloir se référer au rapport et à l'interprétation des experts en ce qui concerne l'étendue des libertés syndicales. Le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d'action, prévu par l'article 3 de la convention, est une prérogative des organisations syndicales, raison pour laquelle on n'a pas voulu, depuis 1919, tenter d'en freiner ou d'en limiter la portée au travers d'une convention. L'encadrement strict du droit de grève doit être évité et les dispositions de la convention no 87 respectées. Enfin, il a souligné que la meilleure façon d'aider le gouvernement à faire évoluer sa législation c'était de formuler des exigences fermes lors des conclusions de ce débat.

Un membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré que ses commentaires ne se référaient qu'au rapport de la commission d'experts sur ce cas ainsi qu'aux déclarations faites oralement et par écrit; elles ne pouvaient se référer qu'à certains événements mentionnés par les orateurs qui étaient intervenus avant lui, événements certes choquants mais difficiles à vérifier par la présente commission à ce stade. Il a noté que des progrès considérables ont été accomplis, même si des divergences importantes demeurent entre la législation nationale et la convention. Cependant, il a insisté sur le fait que ce point de vue ne s'appliquait pas à tout ce qui avait été dit ni à toutes les conclusions de la commission d'experts concernant les restrictions du droit de grève dans le service public.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que dans son pays il n'y avait ni justice, ni démocratie, ni syndicalisme libre et qu'il était dans l'obligation de parler devant la commission, car se taire serait trahir la confiance de ceux qui l'ont envoyé devant la présente commission pour défendre leurs droits. Dans son pays, il existe la justice que l'on appelle sans visage, laquelle permet de juger quelqu'un sans que celui-ci sache qui le juge, qui l'accuse et de quoi il est accusé. Plusieurs dirigeants du syndicat de la Compagnie nationale des télécommunications qui ont déclenché une grève lorsqu'on a voulu privatiser cette entreprise sont jugés à l'heure actuelle par des juges anonymes sans visage. Cette année de célébration du cinquième centenaire de la découverte de l'Amérique, des Indiens ont été assassinés pour le fait qu'ils cherchaient des lopins de terre où travailler, une terre qui leur a toujours appartenu. Il a déclaré qu'il considérait que le gouvernement de la Colombie méritait que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial.

Un membre travailleur de l'Uruguay s'est référé aux conséquences des politiques de reconversion sauvage et de privatisation des entreprises publiques. Il a déclaré que le droit de grève est un droit inaliénable; l'outil qu'ont les travailleurs pour se défendre. Dès lors, les restrictions à ce droit signifient couper le plus important de leurs possibilités de défense. En se référant à la déclaration du représentant gouvernemental sur la nécessité d'adopter une norme internationale sur le droit de grève, il s'est demandé si ce que l'on voulait c'était d'imposer des restrictions, et il a indiqué que le Comité de la liberté syndicale avait déclaré que les limitations du droit de grève ne se justifient que dans les cas où les grèves ne sont pas pacifiques. Il a rappelé qu'en Colombie on assassine des dirigeants syndicaux, la grève est interdite, il n'y a pas de liberté syndicale et la convention no 87 est violée. Par conséquent, il a demandé à la commission d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial.

Le représentant gouvernemental a déclaré que son pays garantit la liberté syndicale aux étrangers, mais qu'il ne permet pas qu'un groupe d'étrangers puisse dominer un syndicat et déclencher la grève. Quant à la définition claire et constitutionnelle du droit de grève, il a déclaré que la Constitution garantit ce droit, excepté dans les services essentiels, mais que ces services n'ont pas encore été définis. Cette tâche incombe au Congrès. Il a déclaré qu'il considère qu'en matière de droit de grève la situation varie selon les pays en fonction de leur développement. L'allusion faite à la possibilité d'adopter un instrument international de cette nature ne signifie pas que son gouvernement souhaite limiter le droit de grève. Ce droit se trouve limité, y compris par les experts et le Comité de la liberté syndicale, lequel a établi qu'il ne peut pas y avoir de grève ni dans les services publics essentiels ni dans la fonction publique. Son idée d'adopter un instrument international sur le droit de grève vise à ce qu'une convention impose une limite à ce droit. En se référant à l'intervention du membre travailleur de l'Espagne, selon laquelle le droit à la vie ne serait pas respecté en Colombie, il a insisté sur le fait que son gouvernement respecte ce droit non seulement en appliquant des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, mais également en application de la Constitution nationale. Il a refusé énergiquement cette assertion au nom de son gouvernement. Il s'est référé à la situation difficile de son pays, terrain par excellence des narcotrafiquants, mais a refusé l'insinuation selon laquelle l'assassinat d'un certain nombre d'Indiens serait dû à l'inaction du gouvernement. Celui-ci lutte contre cette situation et il lui semble que d'autres gouvernements, comme par exemple l'Espagne ou le Royaume-Uni, connaissent des situations similaires, en ce qui concerne les activités terroristes, sans que l'on puisse penser qu'ils ne respectent pas le droit à la vie.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que le gouvernement n'avait pas pu répondre aux questions qui lui avaient été posées par rapport à la situation du mouvement syndical et a réitéré sa demande, à savoir quels sont les services publics essentiels en Colombie, car l'absence d'une définition dans la législation laisse au gouvernement le pouvoir discrétionnaire de déterminer ces services.

Un membre travailleur de l'Equateur a déclaré qu'il partageait les différentes opinions exprimées au sein de la commission concernant les rapports de la commission d'experts selon lesquelles certains progrès sur le plan juridique ont été enregistrés en Colombie. Cependant, il a remarqué que les membres travailleurs ont souligné, dans leurs interventions, la divergence existant entre ces dispositions et la pratique. Il s'est référé par la suite à l'intervention des fonctionnaires publics dans les réunions syndicales, lesquelles, selon le représentant gouvernemental, visent à garantir la démocratie des décisions adoptées. A son avis, il s'agit d'une violation flagrante de la convention. Il a déclaré qu'il considérait que le gouvernement aurait intérêt à supprimer cette participation dans les réunions syndicales, car ce fait peut donner lieu à penser qu'il y aurait un rapport avec les cas d'assassinat des dirigeants syndicaux. En effet, une relation de cause à effet peut être établie entre ces deux faits. Il a fait remarquer qu'actuellement les droits des travailleurs garantis dans les conventions de l'OIT semblent rétrocéder. Dans ce contexte, il a précisé que la liberté syndicale qui ne s'accompagne pas du droit de grève en tant que complément indispensable est une liberté syndicale inexistante.

Un membre travailleur du Chili a déclaré que les syndicalistes chiliens ont une grande expérience en matière de lois restrictives du mouvement syndical. Après avoir entendu les syndicalistes colombiens et ceux qui exercent le pouvoir politique dans ce pays, il a déclaré qu'il considérait que l'on était devant une réalité propre à l'Amérique latine. Les lois restrictives existant en Colombie existaient également au Chili et étaient caractéristiques de l'époque de la dictature. La Colombie est un pays qui s'efforce de perfectionner l'institution de la démocratie, mais cela ne peut se faire qu'avec les travailleurs. Les travailleurs libres non seulement font la grève, mais également construisent le pays avec les employeurs et les hommes politiques. Il a déclaré qu'il souhaitait que le représentant gouvernemental indique si les autorités ont réellement la volonté de respecter la convention. Il a exprimé l'espoir qu'en 1993 on ne parlera plus d'assassinat et qu'il n'y aura plus de représentant gouvernemental essayant de donner une explication. Il a déclaré qu'il espérait également que l'année prochaine les droits des travailleurs et les droits de l'homme soient mieux respectés afin que les travailleurs puissent remplir leur rôle dans le développement du pays.

Un membre travailleur de la Grèce a déclaré qu'il devait y avoir eu un malentendu, car personne n'avait confondu le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Celui-ci, dans tous les pays démocratiques, ne fait qu'interpréter et faire appliquer les lois. Ce qu'il est demandé au représentant gouvernemental, c'est de changer sa législation pour la mettre en conformité avec la convention. En outre, il a demandé au gouvernement si celui-ci comptait solliciter une aide technique au BIT à cette fin.

Le membre travailleur de l'Espagne, se référant à l'intervention du représentant gouvernemental, a indiqué que la différence essentielle entre ce qui se passe en Espagne et en Colombie réside dans le fait qu'en Espagne on sait qui commet les assassinats et les actes de terrorisme. L'Etat se charge de la répression de ces assassinats avec beaucoup de succès. Il a demandé au représentant gouvernemental d'indiquer: quand le contrôle de l'administration exercé sur le mouvement syndical par la présence d'un fonctionnaire lors des réunions syndicales disparaîtra et quand les confédérations se verront reconnaître le droit d'appeler à la grève.

Les membres travailleurs ont déclaré que les membres travailleurs colombiens avaient fourni des informations utiles sur les types de grèves qui étaient interdites, et considérées comme ayant eu lieu dans des "services essentiels" dans leur pays, notamment les grèves dans l'hôtellerie et dans l'industrie pétrolière. Ils ont observé qu'une telle interprétation des termes "services essentiels" ne constituait pas une application correcte des principes de la convention. Ils ont accepté qu'en général une distinction est admise entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire; selon cette distinction, le gouvernement établit les lois tandis que le pouvoir judiciaire les applique. Ils ont toutefois signalé que, si la loi était incorrecte, le gouvernement ne pourrait s'en remettre au pouvoir judiciaire et invoquer son indépendance pour justifier l'absence d'action. A leur avis, la loi est incorrecte et doit être changée. Le gouvernement s'est référé à des actes de terrorisme qui ont lieu en Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, et qui violaient le droit à la vie. Les membres travailleurs ont indiqué que, si des centaines de syndicalistes disparaissaient ou pire encore étaient assassinés toutes les années dans ces pays, il ne pouvait y avoir de doute sur le fait que ces événements intéressent la présente commission et font l'objet d'une importante discussion. Il existe des escadrons de la mort qui opèrent en Colombie et qui tuent des syndicalistes. Ce fait ne peut pas être ignoré. Ils ont déclaré qu'ils n'estimaient pas utile de rouvrir le débat sur la convention no 87 et le droit de grève. Ils ont noté qu'une résolution au sujet de cette question avait été soumise à la Commission des résolutions, mais qu'elle n'a pas reçu de première priorité. A leur avis, cela indique que les membres travailleurs et de nombreux membres gouvernementaux présents à cette Conférence ont estimé qu'un examen plus détaillé de ces points ne serait pas utile, et que certainement le travail de la présente commission risquerait de devenir chaotique au cours d'un examen qui pourrait durer plusieurs années. Les gouvernements qui ont strictement suivi les interprétations de la commission d'experts relatives au droit de grève pourraient se poser des questions sur la justesse des mesures qu'ils ont prises aux fins d'appliquer les principes de la convention si cette question devenait l'objet d'un long examen. L'opinion de la commission d'experts à ce sujet a été claire depuis des décennies et n'avait pas été mise en question sauf depuis les deux dernières années par les membres employeurs et par le gouvernement de la Colombie. Les membres travailleurs ont suggéré de demander au gouvernement s'il était prêt à accepter l'assistance technique du BIT. Bien qu'ils aient remarqué des signes positifs concernant des actions visant à mettre la législation nationale en conformité avec la convention, ils ont déclaré qu'ils souhaitent que les conclusions de la commission soient formulées d'une façon assez ferme de sorte qu'il soit établi que le gouvernement doit encore accomplir un long chemin pour mettre sa législation en conformité avec la convention.

Les membres employeurs ont déclaré que, malgré les divers problèmes auxquels est confrontée la Colombie, ce gouvernement s'est efforcé d'adopter des mesures positives en ce qui concerne la convention, ce qui a conduit la commission d'experts à considérer ce cas comme ayant enregistré des progrès. Se référant à la distinction entre la loi et l'interprétation de la loi, ils ont fait remarquer que, lorsque la loi n'est pas claire ou qu'elle contient des échappatoires, l'interprétation qui est faite de la loi devient indépendante au fur et à mesure qu'on s'efforce de clarifier le contenu des textes. Cela est également vrai de la convention no 87, au sujet de laquelle la commission d'experts a développé une jurisprudence. Cette jurisprudence est extrêmement favorable aux travailleurs. Cependant, selon eux, elle ne découle pas de la convention. Toutefois, quand la commission d'experts fait de longues déclarations sur le droit de grève et sur les restrictions à ce droit, cette commission doit les examiner.

La commission a pris dûment note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement. Elle a également pris note des progrès réalisés en conformité avec la convention et se considère dans l'obligation de rappeler qu'il demeure des points soulevés par la commission d'experts où la loi est en contradiction avec la convention. La commission a noté, cependant, que le gouvernement était en train de créer une commission tripartite pour préparer un projet de loi qu'il devrait soumettre au Parlement. Elle a également pris note de l'intention du gouvernement de demander l'assistance technique du BIT. La commission demeure préoccupée par la situation, pas seulement sur le plan juridique, existant dans le pays. Par conséquent, elle a instamment prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation en complète conformité avec la convention dans les meilleurs délais afin que la commission puisse l'examiner pleinement lors de sa prochaine session.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer