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Individual Case (CAS) - Discussion: 1989, Publication: 76th ILC session (1989)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Colombia (Ratification: 1976)

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Un représentant gouvernemental a rappelé l'ouverture de son gouvernement à l'égard des organes de contrôle de l'application des normes internationales du travail. Il a déclaré que même s'il existe un lien entre la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, il n'est pas possible, en ce qui concerne la convention no 87, de confondre leurs fonctions, étant donné qu'il existe des différences entre les deux organes quant à leurs compétences respectives: la commission d'experts qui s'occupe davantage du travail juridique de comparaison entre les normes générales internationales et nationales en matière de travail a eu raison de se limiter à signaler la situation des violences créée par des groupes minoritaires d'extrémistes, de délinquants de droit commun ou de narcotrafiquants; le Comité de la liberté syndicale est plus orienté vers l'examen des violations alléguées de la convention dans des cas concrets. Son gouvernement est le premier à regretter et le premier intéressé à éclaircir et à sanctionner les crimes qui ont été commis et à prévenir leur répétition et il a pris des mesures à cet effet. Estimant que la commission d'experts s'en était remise aux conclusions du Comité de la liberté syndicale, auquel son gouvernement a envoyé une abondante information, il s'est référé aux différents thèmes abordés par la commission d'experts.

En ce qui concerne la constitution des syndicats de travailleurs et l'approbation de leurs statuts, il nie l'affirmation de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) selon laquelle le gouvernement fait obstacle à la constitution d'organisations syndicales en refusant, de manière répétée, à leur reconnaître la personnalité juridique et à approuver leurs statuts. Il indique qu'au cours des trois dernières années deux nouvelles fédérations ont été créées; la personnalité juridique a été reconnue et enregistrée dans 359 cas et des statuts modifiés ont été acceptés dans 294 cas. Pendant la même période, 2885 instruments de négociation collective ont été signés. Son gouvernement a l'intention d'étudier la possibilité d'accélérer les procédures en consultation avec les dirigeants travailleurs.

En ce qui concerne le problème de la suspension de la personnalité juridique et l'incompatibilité qui, selon la commission d'experts, existe entre la convention et l'article 405 du Code du travail, lequel autorise la suspension pour deux à six mois de la personnalité juridique et cela jusqu'à la dissolution du syndicat, comme sanction pour l'illégalité d'une grève, l'orateur a déclaré que son gouvernement est disposé à étudier, avec les travailleurs et les employeurs, la possibilité d'une modification législative, dans la mesure où le système syndical pourra donner des garanties alternatives pour le fonctionnement normal d'une entreprise, au sortir d'une grève, étant donné que l'Etat doit veiller à l'approvisionnement des sources de travail. Il a déclaré qu'en temps normal, même dans les cas prévus par l'article 380 du Code du travail (non-conformité à la législation du travail par un syndicat) le ministère du Travail doit s'adresser au juge du travail pour demander l'autorisation de suspension de la personnalité juridique que cet article prévoit à titre de sanction. Il a ajouté que dans les cas d'une grave perturbation de l'ordre public, et en vertu des dispositions constitutionnelles sur l'état d'exception pour sauvegarder les biens juridiques fondamentaux, de la communauté: le gouvernement peut conférer, à titre provisoire, par un décret temporaire, compétence au ministère du Travail pour qu'il exerce le pouvoir de suspendre la personnalité juridique ou de dissoudre les syndicats (par exemple une étude du ministère cas par cas). Les décrets qui sanctionnent par la suspension de la personnalité juridique les organisations qui ont participé à la grève générale d'octobre 1988 ont été adoptés pour sauvegarder l'ordre constitutionnel et ont été déclarés conformes à celui-ci par la Cour suprême. Il s'est référé également l'article 4 de la convention no 111 qui dispose que ne sont pas considérées comme des discriminations les mesures affectant une personne qui fait individuellement l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat. Il a précisé que de tels décrets ont été abrogés en raison de la fin de la crise et il a signalé que, même sous l'état de siège, le syndicat dont la personnalité a été suspendue dispose de recours administratifs ayant un effet suspensif et de recours contentieux administratifs qui n'ont pas cet effet suspensif, mais qui peuvent être accompagnés du recours accessoire de suspension provisoire de la décision. Il a ajouté que dans l'ensemble le régime juridique colombien est en conformité avec la convention no 87 et qu'il est à certains égards plus avancé, que celle-ci en faveur des syndicats comme par exemple leur représentation dans les comités directeurs des établissements publics nationaux. Il a ajouté qu'il est possible que sur certains points ce régime ou la convention soient quelque peu vétustes et qu'ils nécessitent d'être actualisés. En relation avec les dispositions de la législation nationale considérée par la commission d'experts comme incompatibles avec la convention no 87, à savoir: l'approbation ministérielle des modifications aux statuts des syndicats de base, des fédérations et confédérations, de contrôle de la gestion interne des syndicats par des fonctionnaires, la suspension avec privation de leurs droits d'association des dirigeants responsables de la dissolution de syndicats, l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, l'orateur a manifesté l'intérêt de son gouvernement d'accélérer les procédures et d'étudier leur compatibilité avec la convention et la possibilité d'entreprendre la mise en conformité des dispositions dans la mesure où elles seraient incompatibles. En ce qui concerne l'exclusion des étrangers des comités directeurs des syndicats, son gouvernement demandera des informations au BIT au sujet des diverses législations nationales en la matière. Il a indiqué, en ce qui concerne la communication des élections des dirigeants aux autorités administratives, qu'il ne s'agit pas d'une approbation préalable mais d'une inscription notariale. Il s'est référé également à l'interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans des questions politiques et, à cet égard, il a déclaré que, dans la pratique, les syndicats colombiens participent à la politique et que leurs membres à titre individuel ont, comme tout citoyen, le droit d'élire et d'être élus et qu'en fait plusieurs dirigeants syndicaux importants ont mis en pratique leur droit d'être élus sur la scène politique. Il a ajouté que ce principe vise à protéger les travailleurs syndiqués contre les aventures politiques d'un dirigeant qui s'écarterait de son rôle purement syndical et peut-être qu'il aurait ainsi des "électeurs captifs".

L'orateur a indiqué l'intention de son gouvernement d'étudier la possibilité de tempérer ou de supprimer l'interdiction actuelle de la grève aux fédérations et confédérations, à la condition d'offrir un échange des garanties adéquates que les déclarations éventuelles de la grève correspondront à des revendications autres que purement professionnelles. Le gouvernement est conscient de la nécessité de réduire au minimum la non-existence de garantie constitutionnelle en matière de grève dans les services publics c'est-à-dire de limiter la non-reconnaissance de ce choix aux services publics essentiels. Une réforme constitutionnelle en ce sens a déjà été proposée par le gouvernement. Il a ajouté que face à ces grèves qui se produisent fréquemment sans procédures de conciliation, l'administration reste sans garanties. L'orateur a déclaré que, pour des raisons constitutionnelles, le gouvernement accepte difficilement l'idée d'une suppression de l'arbitrage obligatoire, auquel le gouvernement peut recourir pour faire cesser une grève qui affecte les intérêts de l'économie nationale.

En relation avec les peines de prison, imposées dans les cas de suspension du droit de grève pendant l'état de siège, il a déclaré que le décret 2004 n'est pas en vigueur et que le décret similaire adopté en octobre 1988 a été abrogé en décembre 1988.

Le gouvernement examinera également la question des licenciements des dirigeants syndicaux pour participation à des grèves illégales pour déterminer quelles améliorations législatives pourraient être proposées même si les licenciements ne sont pas si automatiques.

Il a précisé enfin que la législation nationale n'impose pas de limitations à la durée de la grève, mais qu'elle permet de demander à la majorité, au ministère du Travail la constitution d'un Tribunal d'arbitrage pour résoudre une grève qui dure depuis 40 jours déjà.

Il a conclu en affirmant qu'en Colombie, en dépit du contexte économique et social difficile, il existe un climat d'harmonie et de collaboration entre le gouvernement et les syndicats, ce qui n'exclut pas l'existence de divergences d'opinion, mais il est toujours possible de les résoudre par un dialogue patient et constructif; le gouvernement étudie la possibilité de mieux adapter le régime juridique à la convention. Il a réitéré son intérêt à continuer à coopérer avec la Commission d'experts et la présente commission. Il a souligné que certaines observations manquent de fondement parce que les normes sont mal interprétées et parce qu'on a oublié l'obligation qu'a le gouvernement de protéger, par des instruments d'exception, des biens juridiques supérieurs.

Les membres travailleurs ont déclaré que l'intervention du représentant gouvernemental, a été exagérément longue. et n'a pas faciliter le problème, mais l'a aggravé. Ils auraient aimé que le représentant gouvernemental fournisse des réponses aux recommandations du Comité de la liberté syndicale et qu'il annonce les mesures prises suite à la mission de contacts directs. Or, le représentant gouvernemental n'a fait que répéter tout au long de son intervention la même formule, à savoir que l'"on va examiner" plus tard.

Les membres employeurs ont déclaré qu'après la longue intervention du représentant gouvernemental il était nécessaire de souligner certains points essentiels. Le point de départ est constitué par le grand nombre de plaintes et différentes constatations au sujet de la situation en Colombie qui, prises ensemble, sont très préoccupantes. La commission d'experts a parlé d'une situation dramatiquement violente, ce que le représentant gouvernemental a confirmé; la commission devrait examiner le cas en ayant à l'esprit cela; il n'est pas surprenant que, dans une situation aussi inhabituelle, des problèmes se posent en ce qui concerne la liberté syndicale: les autorités paraissent agir de manière arbitraire, il n'y a pas de dispositions juridiques suffisamment précises et nombre d'entre elles ne sont pas appliquées. Certaines lois prévoient une trop grande ingérence dans les activités des organisations, des mesures bureaucratiques empêchent les employeurs et les travailleurs d'organiser leurs activités de manière indépendante, il existe des restrictions quant aux activités des organisations. La commission d'experts considère que les restrictions au droit de grève sont trop contraignantes; les employeurs ne veulent pas l'aborder maintenant étant donné qu'ils ne sont pas d'accord avec les critères adoptés par la commission d'experts. Toutefois, il y a d'autres violations claires de la convention et ils sont très préoccupés par la situation. Le représentant gouvernemental a reconnu que la situation est complexe, mais il a fourni peu d'indications sur les possibilités de la changer. La situation ne justifie pas des règlements et des pratiques qui ne sont pas conformes à la convention. Le gouvernement devrait fournir un rapport détaillé et indiquer ses intentions et les changements qu'il compte faire. La commission doit continuer à examiner le cas et exprimer sa préocupation au sujet de la situation existante.

Un membre travailleur de Colombie s'est référé au fait que certains gouvernements considèrent que les syndicats qui dénoncent devant les instances internationales le non-respect des obligations contractuelles attaquent la nation. Il a estimé que ce qui compte c'est la vérité des faits dénoncés et le dialogue nécessaire pour faire avancer la législation du travail en la matière. Le gouvernement, en donnant la représentation des travailleurs de Colombie devant la Conférence internationale du Travail à la centrale la plus représentative, la CUT, s'est conformé à une obligation et n'a pas fait un cadeau. Cette convention n'est pas appliquée en Colombie; or c'est la plus importante pour le mouvement syndical, fruit d'un siècle de lutte des travailleurs; elle n'est pas encore ratifiée par certains Etats et n'est pas respectée par d'autres, comme c'est le cas dans son pays. Il a déclaré que la personnalité juridique des syndicats continue à pouvoir être suspendue par voie administrative et qu'elle touche actuellement plus de 40 000 travailleurs; le décret no 939 de 1966, qui permet au ministre du Travail de suspendre une grève qui dure plus de quarante jours et d'ordonner l'arbitrage obligatoire, continue à être en vigueur et à être appliqué.

Le Président de la République peut suspendre la grève s'il considère qu'elle constitue une menace pour l'économie nationale. L'observateur a fait observer que depuis des années la commission d'experts a insisté pour qu'on procède à certaines modifications. Il a exprimé l'espoir que les consultations avec les syndicats et les employeurs déboucheront sur des propositions d'amélioration de l'application de la consultation qui seront soumises à la prochaine session du parlement, mais cela lui paraît difficile étant donné que même en ce qui concerne le salaire minimum, on n'a pu arriver à un accord. L'orateur s'est référé à l'assassinat de 276 syndicalistes et il a indiqué qu'en janvier de cette année, après l'assassinat du président de la CUT, le comité exécutif de cette organisation a fait une grève de la faim, ce qui a donné lieu à des discussions entre le ministère du Travail et la CUT. Suite à celles-ci le gouvernement a promis de protéger les syndicalistes et d'enquêter sur les crimes. En dépit de la bonne volonté du Président de la République les faits sont clairs: dernièrement, le siège de la CUT, à Meta, a été dynamité et deux autres dirigeants syndicaux ont été assassinés par des groupes paramilitaires. La situation est grave, 276 syndicalistes assassinés, 300 menacés de mort; en Colombie, il est dangereux d'être syndicaliste. L'orateur a lancé un appel à la solidarité internationale des pays démocratiques pour que les efforts du Président de la République aboutissent à démasquer les assassins.

Se référant à la grève de 1988, l'orateur a déclaré qu'elle n'était pas politique; la CUT et la CGT ont présenté des cahiers de revendications visant à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs colombiens. Trois jours avant la grève, le gouvernement a promulgué les décrets d'exception qui ont permis l'arrestation et le licenciement des grévistes et la suspension de la personnalité juridique des centrales syndicales. Les décrets ont été abrogés, mais les sanctions ont été maintenues. La suspension continue en dépit des recours internes qui ont été engagés. Il a souligné finalement que le mouvement syndical colombien s'efforce de dialoguer en vue de mettre fin à la violence, car sans paix il n'y a pas de progrès possible, que c'est un mouvement pacifique qui lutte pour la défense du droit à la vie, à la liberté et à la démocratie. Il a conclu en manifestant sa foi dans la collaboration que l'OIT donnera aux travailleurs, employeurs et gouvernement colombiens afin que les accords nécessaires puissent être conclus.

Le membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a relevé que l'intervention du représentant gouvernemental l'incitait à faire quelques observations au sujet des liens qui existent entre le Comité de la liberté syndicale et la Commission de l'application des normes. La présente commission traite des cas de non-application des normes pour pouvoir en tirer ses propres conclusions. Il a souligné qu'en de nombreux points la législation du travail en Colombie est diamétralement opposée à la convention comme l'a souligné la commission d'experts dans son rapport. Une modification législative s'impose d'urgence afin de régler la question de la personnalité juridique des syndicats et mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Le refus persistant de faire des modifications est inquiétant. Une mission de contacts directs a eu lieu en 1988 et le cas a été examiné a nouveau par le Comité de la liberté syndicale. Des violations de la convention no 87 sont constatées dans plusieurs pays mais, en Colombie, les activités des syndicats sont non seulement limitées mais encore les syndicalistes qui veulent exercer leurs fonctions mettent leur vie en péril. Face aux trafiquants de drogue, à la complicité des forces policières et militaires et aux activités illégales de groupes paramilitaires, le meilleur des dialogues est impuissant. Nonobstant, le gouvernement a l'obligation de garantir les droits des syndicats, le droit de recourir légalement à la grève et de protéger les syndicalistes contre les assassinats. Dans un pays où la violence prévaut, l'exercice des droits syndicaux est également en danger. Deux cent soixante-seize syndicalistes ont été assassinés; 1660 personnes ont été assassinées entre mai 1988 et avril 1989, et 2000 sont portées disparues. Les groupes paramilitaires terrorisent la plus grande partie du pays. Le gouvernement, qui "n'a pu empêcher ces actes terroristes et qui dans la recherche des coupables n'a utilisé que des moyens insuffisants" devrait par conséquent non seulement revoir sa législation, mais essentiellement sa pratique. Toutes les activités criminelles menées a l'encontre des syndicalistes doivent être poursuivies et des moyens suffisants mis en oeuvre pour mener à terme les enquêtes sur ces activités. Les déclarations du représentant gouvernemental ne montrent pas beaucoup de volonté en ce sens et il se contente de justifier le maintien de la situation juridique actuellement en vigueur qui se caractérise par l'ingérence dans l'activité des syndicats, la limitation du droit de grève, l'interdiction de la grève aux fonctionnaires, l'invocation de dispositions constitutionnelles. Le dialogue au sein de la présente commission ne doit pas seulement consister à exposer des points de vue et à les réitérer, mais à permettre l'enregistrement de progrès. L'orateur s'associe au membre travailleur de la Colombie pour souligner l'importance du droit des syndicats de fournir des observateurs sur la situation dans leur pays; l'exercice de ce droit ne doit pas donner lieu à des discriminations. Les nombreux assassinats de dirigeants syndicaux provoquent l'horreur des hommes civilisés et la solidarité de tous les syndicats.

Un membre travailleur de l'Espagne a déclaré que la situation en Colombie est si grave qu'elle dépasse toutes les dispositions de la convention. Dans ce pays le droit le plus fondamental, à savoir le droit à la vie, n'est pas garanti. Il a relevé, en ce qui concerne la violation de la liberté syndicale et particulièrement, la suspension des syndicats, que, selon les indications de la commission d'experts, de nouveaux décrets ordonnant des suspensions ont été promulgués en octobre 1988 et qu'il n'y a eu aucune amélioration en la matière. Il s'est référé aux annexes du rapport du Comité de la liberté syndicale, dont la première contient une liste de 79 syndicalistes disparus ou assassinés et au sujet desquels le gouvernement n'a communiqué aucune information: 18 d'entre eux ont été assassinés en 1989. La seconde annexe contient une liste de 180 syndicalistes au sujet desquels le comité a demandé des informations en relation avec l'enquête judiciaire qui a été engagée. Il a demandé au représentant gouvernemental de fournir des informations au sujet des syndicalistes disparus, car tant que le gouvernement n'aura pas répondu, le cas de la Colombie doit faire l'objet d'un paragraphe spécial, étant donné que tant qu'on assassine les syndicalistes les lois du travail seront lettre morte.

Un membre travailleur du Venezuela a manifesté sa profonde préoccupation à l'égard de la situation des travailleurs colombiens. Il a estimé que la menace contre le droit à la vie mérite une attention toute particulière de la part de la présente commission, étant donné que sans ce droit fondamental aucun autre droit ne peut être garanti. Il a souligné que depuis les sept mois qui se sont écoulés depuis la réunion du Comité de la liberté syndicale en novembre 1988, moment auquel on a constaté l'assassinat de 200 syndicalistes, 76 autres assassinats ont été perpétrés. Il a estimé que ce processus violent de guerre sale cherche à résoudre le problème de la justice sociale par la répression. Il faut s'opposer à ce qu'une telle manière de procéder soit adoptée comme une politique de l'Etat. Il s'est référé à une déclaration du Président de la République de la Colombie faite au début de la grève d'octobre 1988 dans laquelle ce dernier s'est référé aux décrets adoptés en affirmant que ceux-ci avaient atteint leur objectif et que les ennemis du pays avaient été abattus. Cette déclaration démontre que sa politique est une politique de répression et d'assassinat de ceux qui luttent pour défendre leurs droits. Il a exprimé le souhait que ce cas fasse l'objet d'un paragraphe spécial.

Un membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que c'était un cas difficile, troublant et horrifiant, sentant la sauvagerie et la mort. A son avis, le représentant gouvernemental de la Colombie faisait une confusion en semblant indiquer que l'horreur est traitée par le Comité de la liberté syndicale et que la commission d'experts s'occupe uniquement d'aspects juridiques. Au contraire, les observations du Comité de la liberté syndicale sont particulièrement pertinentes pour le travail de la présente commission et beaucoup de points soulevés par le Comité de la liberté syndicale sont également mentionnés par la commission d'experts, notamment celui portant sur la situation alarmante et violente en Colombie qui rend impossible le maintien de conditions de vie normales et empêche l'exercice des activités syndicales. Ceci est pertinent au travail de la présente commission tout comme l'est la litanie des martyrs pour la cause du syndicalisme. Si un syndicaliste est assassiné à cause de ses opinions syndicales, alors son assassinat à un rapport avec le travail de la présente commission... en effet, être mentionné dans cette commission peut être le seul mémorial érigé à la mémoire d'une telle victime. La situation politique en Colombie est confuse avec des trafiquants de drogue et des groupes paramilitaires opérant librement. On ne peut échapper au contraste entre un gouvernement incapable de protéger la vie des syndicalistes ou de contrôler les groupes paramilitaires, mais ayant assez de force, de moyens de contrôle et de lois pour s'occuper de grèves locales, de grèves générales et d'autres activités syndicales. Le contraste est également pertinent pour le travail de la présente commission. Il n'y a aucun doute possible que la Colombie n'est pas en conformité avec la convention no 87. Ceci a été dit par le Comité de la liberté syndicale, la commission d'experts et cette commission. En outre, cette commission continuera à le dire parce qu'elle n'est pas satisfaite de la présentation de la situation par le représentant gouvernemental. A la fin de sa déclaration, le membre travailleur de la Colombie avait exprimé sa foi dans l'OIT, l'orateur a exprimé l'espoir que cette foi demeurera intacte après les décisions qui seront prises par la commission.

Un membre travailleur de l'Uruguay a déclaré que le cas devrait inquiéter tous les membres démocratiques de la présente commission, étant donné que ce pays s'est transformé en leader mondial d'assassinats des travailleurs. Il s'est déclaré d'accord avec ce qu'ont dit les membres employeurs, à savoir qu'il est nécessaire de mettre fin à cette situation. Il n'est pas d'accord avec les explications du représentant gouvernemental et il a regretté que le gouvernement tente de se justifier et de justifier les violations de la convention et les attaques contre le mouvement syndical par des groupes paramilitaires et des trafiquants de drogue. Il a estimé que la présente commission devrait inclure un paragraphe spécial qui, de manière claire et frappante, expose la situation de violation des droits syndicaux par le gouvernement afin que ce dernier les reconnaisse et les applique dans la pratique et qu'il considère comme prioritaire de garantir le droit à la vie.

Les membres travailleurs, après avoir indiqué que la proposition d'inscrire un cas dans un paragraphe spécial, ne constitue pas une condamnation, ont souligné la gravité du cas. Leur première préoccupation est que soit mis fin à la violence qui annihile les libertés publiques, la liberté d'association et empêche la justice de fonctionner. Les rapports des organes de contrôle traitant de la situation dans le pays peuvent aider le gouvernement dans la recherche de solutions. De leur côté, les pays industrialisés devraient apporter leur contribution en combattant plus efficacement les trafiquants de drogue, un des fléaux du pays, ce qui a déjà été noté par le porte-parole des travailleurs au Conseil d'administration. Il s'agit de réveiller la conscience mondiale et de provoquer la solidarité. En ce qui concerne la liberté syndicale, les travailleurs qui s'engagent dans une action revendicative se trouvent confrontés à la violence, accusés de terrorisme, leur activité est qualifiée de perverse et cela doit cesser. Malgré la mission de contacts directs et les recommandations du Comité de la liberté syndicale, il est clair actuellement que la liberté syndicale n'est respectée ni dans la législation ni dans la pratique, notamment en ce qui concerne la personnalité juridique des syndicats, la grève, comme l'a relevé la commission d'experts. Des changements doivent être adoptés. des mesures doivent être prises qui devraient résulter de la consultation tripartite et de l'assistance du BIT.

Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il ne s'était pas référé aux observations du Comité de la liberté syndicale faute de temps et vu le grand nombre de questions abordées par la commission d'experts, mais que son gouvernement était prêt à fournir comme par le passé les explications orales et par écrit à propos de ces crimes, qu'il est le premier à déplorer. Son gouvernement tente d'éviter de répondre par la répression aux attaques contre la démocratie de la part d'opposants violents et qui commettent des délits. Il préfère le dialogue avec tous les intéressés. En relation avec la situation décrite dans le pays, il s'est référé aux multiples causes de la violence. au trafic de drogue lié au blanchiment de dollars et à la consommation de la drogue et à ses liens avec des groupes subversifs tant de l'extrême-droite que de l'extrême-gauche. Il s'est également référé à la nécessité d'un contrôle dans le trafic des armes, dont il faut rappeler qu'elles ne sont pas fabriquées en Colombie. Il a déclaré que son gouvernement a reconnu dans certains cas le bien-fondé des plaintes présentées devant l'OIT et devant d'autres instances internationales. Il s'agit de cas d'abus de pouvoir, dont on ne peut déduire qu'il y aurait une violence organisée systématiquement par le gouvernement, ce qui a été reconnu par le représentant des travailleurs devant le Conseil d'administration. L'orateur s'est référé également au rapport de la mission de contacts directs effectuée en Colombie, qui fut soumis au Conseil d'administration, rapport qui mentionne la situation de violence généralisée et selon lequel les victimes de cette violence sont des employeurs, des maîtres, des prêtres, des journalistes, des personnes de tous les secteurs sociaux, des fonctionnaires divers, des magistrats, des juges et même le ministre de la Justice et le Procureur général de la nation. Le représentant des travailleurs a demandé au Directeur général, au cours d'une réunion du Conseil d'administration, qu'il utilise son influence pour mobiliser les Nations Unies et les institutions spécialisées dans l'aide à la lutte du gouvernement colombien contre le trafic de drogue, principal responsable de la situation actuelle en Colombie, et il a réitéré l'intérêt de son gouvernement à appuyer tous les efforts faits en ce sens.

Le représentant gouvernemental s'est ensuite référé à la grève générale d'octobre 1988 à laquelle avaient appelé la CUT, la CGT et d'autres mouvements syndicaux. Il s'agissait d'une grève politique et non d'une grève professionnelle, ce qu'il pouvait démontrer en donnant lecture d'un texte publié par la "Coordinadora guerrillera Simon Bolivar" dans laquelle celle-ci a lancé un appel à l'affrontement militaire et au développement d'actions de sabotage comme modalités d'action à la grève politique générale. Il s'est référé, par ailleurs, au fait que le président de la CUT lui-même a admis publiquement, après la grève, que des terroristes et d'autres éléments violents avaient vaincu les grévistes et il s'est demandé ce qui se serait passé si le gouvernement n'avait pas pris les mesures d'exception face à cette grève particulièrement anormale.

L'orateur a indiqué aussi que trois décrets ont été adoptés portant respectivement sur la constitution d'une commission de lutte contre les escadrons de la mort, bandes de tueurs ou groupes privés d'autodéfense (décret no 813); la création d'un corps spécial armé pour lutter contre ces groupes (décret no 814) et la suspension des dispositions légales qui permettent au ministre de la Défense de concéder à des particuliers des armes normalement autorisées uniquement aux forces armées et d'utiliser la collaboration armée de personnel civil à des tâches de défense nationale des groupes privés d'autodéfense (décret no 815). Il s'est référé également au décret no 1194 de 1988 qui vise au démantèlement des camps d'entraînement de tueurs à gages et il a augmenté les peines à l'encontre des activités des tueurs à gage et autres crimes connexes. Il a insisté pour que la présente commission prenne en considération les facteurs extérieurs qui aggravent la situation du pays pour engager une action internationale contre de telles activités, par exemple le trafic d'armes. Il a manifesté l'espoir que les conclusions de la présente commission tiennent compte des efforts déployés par son gouvernement, qui souhaite pour le pays une situation démocratique et progressiste.

Le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement respecte les conclusions de la commission au point de s'être abstenu d'intervenir dans son adoption, respectueux qu'il est des principes de la justice puisqu'on ne peut être à la fois juge et partie; mais il a désiré faire noter que son gouvernement estime que les conclusions auraient dû tenir davantage compte des efforts qu'il a déployés pour combattre la violence de tous les groupes extrémistes et de sa détermination d'appliquer le mieux possible les conventions internationales du travail. Finalement, il s'est référé au contexte économique qui rend difficile l'application des normes dans les pays en développement.

La commission a pris note des informations approfondies qui ont eu lieu au sein de la commission. La commission a noté avec une profonde préoccupation les commentaires de la commission d'experts qui font état de la persistance de graves et nombreuses divergences entre, d'une part, la pratique et la législation, et, d'autre part, les dispositions de la convention. Elle a rappelé à cet égard les questions soulevées par la commission d'experts depuis de nombreuses années. La commission a pris connaissance avec intérêt du rapport de la mission de contacts directs qui s'est rendue en Colombie en septembre 1988 et de la grave préoccupation ainsi que des recommandations du Comité de la liberté syndicale. La commission a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les exigences de la convention, notamment en s'efforçant de rétablir un climat propice au rétablissement des libertés civiles et donc, par là même, des libertés syndicales et de garantir l'intégrité physique des syndicalistes. La commission a tenu à demander au gouvernement qu'il procède à des consultations tripartites et elle lui a rappelé la possibilité de recourir à l'assistance du BIT. La commission a exprimé le vif espoir que le gouvernement pourra faire état l'année prochaine de progrès substantiels réalisés dans ce domaine face à l'importance et à la gravité de la situation. La commission a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

Le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement respecte les conclusions de la commission au point de s'être abstenu d'intervenir dans son adoption, respectueux qu'il est des principes de la justice puisqu'on ne peut être à la fois juge et partie; mais il a désiré faire noter que son gouvernement estime que les conclusions auraient dû tenir davantage compte des efforts qu'il a déployés pour combattre la violence de tous les groupes extrémistes et de sa détermination d'appliquer le mieux possible les conventions internationales du travail. Finalement, il s'est référé au contexte économique qui rend difficile l'application des normes dans les pays en développement.

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