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Observation (CEACR) - adopted 2010, published 100th ILC session (2011)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Djibouti (Ratification: 1978)

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La commission prend note avec une profonde préoccupation des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 24 août 2010 concernant l’application de la convention, en particulier les allégations relatives à l’interdiction absolue faite à l’Union djiboutienne du travail (UDT) de développer ses activités; selon la CSI, le gouvernement accuse les syndicalistes d’être des ennemis de la nation et ces derniers sont donc arrêtés, emprisonnés, transférés ou licenciés. De même, d’après les allégations, le gouvernement continue de favoriser des fausses organisations, empêchant, dans le même temps, les représentants de l’UDT de participer à la Conférence internationale du Travail et établissant des contrôles par les forces de police à l’entrée du siège de l’UDT. En l’absence d’observation du gouvernement concernant ces commentaires et tenant compte de leur gravité et du fait que les autorités ont paralysé les activités de l’UDT – qui est l’organisation syndicale la plus représentative –, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que l’exercice des droits syndicaux ne peut se réaliser que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes et que l’interdiction faite à une centrale syndicale de développer ses activités constitue une violation directe de la convention. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’envoyer sans délai ses observations concernant les commentaires de la CSI, de ne pas donner suite aux mesures adoptées à l’encontre de l’UDT et de ses dirigeants et de s’assurer que l’intégrité physique de tous les syndicalistes menacés est protégée.

La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:

Problèmes législatifs. La commission rappelle que ses commentaires précédents portaient sur les dispositions de la loi no 133/AN/05/5e L du 28 janvier 2006 portant Code du travail. Ladite loi a été dénoncée par la CSI ainsi que par l’Union djiboutienne du travail (UDT) et l’Union générale des travailleurs djiboutiens (UGTD) comme remettant en cause les droits fondamentaux relatifs à la liberté syndicale. La commission avait noté que, selon le rapport de la mission de contacts directs menée en janvier 2008, le gouvernement avait réaffirmé que tous les partenaires sociaux avaient été consultés dans le processus d’élaboration du Code du travail. La commission relève cependant que le gouvernement a tenu des réunions de travail avec la mission pour considérer les points de divergence entre la loi nationale et les conventions pour les corriger et il s’est engagé à porter les solutions préconisées à l’attention d’un Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNTEFP) de composition tripartite qui doit être constitué. La commission avait noté que, dans son rapport de mai 2008, le gouvernement avait réitéré son engagement à réétudier certaines dispositions de la législation afin de les rendre conformes à la convention et à les porter à l’attention du CNTEFP. A cet égard, la commission relève la mise en garde contenue dans le rapport de la mission de contacts directs sur tout retard excessif dans la constitution du CNTEFP et son impact sur l’adoption des amendements législatifs nécessaires, mais également la recommandation de la mission selon laquelle, dans un contexte où la représentativité des organisations de travailleurs n’a pas encore été déterminée de manière claire et objective, aucune représentation de l’action syndicale de Djibouti ne devrait être écartée des travaux du CNTEFP. La commission partage les recommandations de la mission de contacts directs sur ce point et prie le gouvernement d’indiquer si le CNTEFP a été constitué et d’en préciser la composition.

La commission souhaite rappeler que ses commentaires portent sur les points de divergences suivants entre le Code du travail et la convention.

–      Articles 41 et 42 du Code du travail. Ces dispositions portent sur les cas de suspension du contrat de travail. L’article 41 prévoit que le contrat de travail est suspendu, notamment pendant la période de l’exercice par le travailleur d’un mandat régulier, politique ou syndical incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée, pendant la durée du mandat (paragr. 8). L’article 42 dispose en outre que cette période de suspension du contrat de travail n’est pas considérée comme temps de service pour la détermination de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise. A cet égard, la commission est d’avis que l’exercice d’une fonction syndicale n’est pas incompatible avec une vie professionnelle et qu’en conséquence tout travailleur exerçant un mandat syndical devrait pouvoir rester dans une relation d’emploi. En conséquence, la commission considère que les articles 41 et 42 du Code du travail, en prévoyant une suspension quasi automatique du contrat de travail dès lors qu’un travailleur exerce un mandat syndical, sont de nature à porter préjudice aux droits de tout travailleur de former une organisation de son choix ou de s’y affilier, ou d’exercer une fonction syndicale (articles 2 et 3 de la convention). En conséquence, la commission prie le gouvernement de modifier les articles 41 et 42 du Code du travail pour prévoir que la possibilité de suspendre le contrat de travail, lorsque l’exercice du mandat syndical est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, relève de la négociation entre l’employeur et l’organisation syndicale qui en détermineront les modalités, mais en tout état de cause cette suspension ne peut être automatique.

–      Article 214 du Code du travail. Cet article prévoit qu’une personne condamnée «par quelque juridiction que ce soit» se voit interdite de toute fonction de direction d’un syndicat. A cet égard, la commission rappelle qu’une loi interdisant d’une manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale (article 3 de la convention), dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions. En l’espèce, la commission considère que l’article 214 du code, en considérant toute personne condamnée inapte à occuper des fonctions syndicales, est rédigé de manière trop large et permettrait de couvrir des situations dans lesquelles la condamnation n’est pas de nature à rendre inapte à occuper des fonctions syndicales. La commission demande donc au gouvernement de procéder à la modification de l’article 214 du Code du travail de manière à ne retenir comme incompatibles avec l’accès aux fonctions syndicales que des condamnations pour des délits qui par leur nature mettraient en cause l’intégrité de l’intéressé pour l’exercice d’une telle fonction.

–      Article 215 du Code du travail. Cet article porte sur les formalités de dépôts et de contrôle de la légalité du syndicat. Aux termes de cette disposition, les fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer les statuts et la liste des personnes chargées de son administration et de sa direction; dans un délai de trente jours suivant le dépôt, l’ampliation des statuts et la liste des membres chargés de l’administration et de la direction du syndicat est communiquée par l’inspecteur du travail au ministre chargé du Travail et au Procureur de la République; les documents sont accompagnés d’un rapport d’enquête établi par l’inspecteur du travail; le ministre chargé du Travail dispose d’un délai de quinze jours pour délivrer un récépissé portant reconnaissance légale du syndicat; le Procureur de la République dispose d’un délai de trente jours pour vérifier la régularité des statuts et la situation de chacun des membres chargés de l’administration ou de la direction du syndicat et notifier ses conclusions au ministre de l’Intérieur, au ministre chargé du Travail ainsi qu’aux dirigeants syndicaux intéressés; toute modification apportée aux statuts et les changements survenus dans la composition de la direction ou de l’administration du syndicat doivent être portés à la connaissance des mêmes autorités et vérifiés dans les mêmes conditions. La commission tient tout d’abord à rappeler que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable des autorités publiques. Elle considère donc qu’une législation nationale qui prévoit le dépôt des statuts des organisations est compatible avec cette disposition s’il s’agit d’une simple formalité ayant pour but d’assurer leur publicité. Néanmoins, des problèmes de compatibilité avec la convention peuvent se poser lorsque la procédure d’enregistrement est longue ou compliquée, ou lorsque l’application des règles d’enregistrement est détournée de son objectif et que les autorités administratives compétentes en matière d’enregistrement font un usage excessif de leur marge d’appréciation. La commission relève que l’article 215 du Code du travail subordonne la décision du ministre chargé du Travail non seulement au dépôt des documents adéquats par les fondateurs du syndicat, mais aussi à un rapport d’enquête circonstancié de l’inspecteur du travail, ce qui reviendrait à attribuer à l’administration un pouvoir plus ou moins discrétionnaire pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer. Cette situation pourrait aboutir dans la pratique à nier le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable, en violation de l’article 2 de la convention. En conséquence, la commission prie le gouvernement de procéder à la modification de l’article 215 du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à garantir le droit de constituer des organisations d’employeurs et de travailleurs sans autorisation préalable, à supprimer les dispositions qui attribuent de facto un pouvoir discrétionnaire à l’administration et à prévoir une procédure de simple formalité.

Enfin, la commission rappelle que ses commentaires antérieurs portaient aussi sur la nécessité pour le gouvernement d’abroger ou d’amender les dispositions suivantes de sa législation.

–      Article 5 de la loi sur les associations. Cette disposition qui impose aux organisations l’obligation d’obtenir une autorisation préalable avant de se constituer en syndicats est contraire à l’article 2 de la convention.

–      Article 23 du décret no 83-099/PR/FP du 10 septembre 1983. Cette disposition, qui confère au Président de la République de larges pouvoirs de réquisition des fonctionnaires indispensables à la vie de la nation et au bon fonctionnement des services publics essentiels, devrait être modifiée afin de circonscrire le pouvoir de réquisition uniquement aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme.

Notant que, au cours de la mission de contacts directs, le gouvernement a fait preuve d’une ouverture certaine en précisant certains amendements envisagés et en se déclarant favorable à l’assistance technique et aux conseils du Bureau, la commission veut croire que le gouvernement prendra rapidement les mesures nécessaires pour réviser et amender les dispositions législatives en tenant compte des commentaires rappelés ci-dessus. Elle exprime le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

La commission prend note des observations en date du 26 août 2009 de la Confédération syndicale internationale (CSI) dénonçant la persistance d’actes de harcèlement et de discrimination antisyndicale et la répression violente des actions de grève. La commission prie instamment le gouvernement de fournir ses commentaires en réponse aux observations de la CSI.

Enfin, la commission prend note des conclusions de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence relatives à une protestation examinée en juin 2009 concernant la désignation de la délégation des travailleurs de Djibouti. La Commission de vérification des pouvoirs conclut que le gouvernement n’a pas rempli ses obligations conformément à l’article 3 de la Constitution de l’OIT puisqu’il n’a pas nommé de délégués travailleurs représentant les travailleurs de Djibouti en accord avec les organisations de travailleurs les plus représentatives. En outre, elle regrette l’absence totale de progrès malgré les attentes soulevées par les recommandations de la mission de contacts directs de janvier 2008 et l’espoir qu’elle exprimait l’année dernière, et exhorte le gouvernement à garantir dans les meilleurs délais la mise en place de critères objectifs et transparents aux fins de la désignation des représentants des travailleurs aux futures sessions de la Conférence. A cette fin, elle s’attend à ce que la détermination de ces critères puisse enfin se faire en pleine consultation de toutes les parties concernées, notamment les véritables organisations de travailleurs à Djibouti incluant l’UDT, dont le secrétaire général actuel est M. Mohamed Abdou, et dans un cadre qui respecte pleinement la capacité d’agir des organisations de travailleurs, en totale indépendance par rapport au gouvernement, conformément aux dispositions des conventions (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.

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