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La commission a pris note des informations présentées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes de la Conférence dans une communication reçue le 6 juin 2010 incluant la réponse du gouvernement aux commentaires de la commission concernant la présente convention et à ceux concernant la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. Elle prend également note de la discussion qui a eu lieu en juin 2010 au sein de la Commission de la Conférence et à l’issue de laquelle le gouvernement a été prié de fournir un rapport complet en vue de son examen par la commission d’experts à sa prochaine session. La commission note en outre les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) datées du 26 août 2010 concernant l’application de cette convention par le Soudan, observations qui ont été transmises au gouvernement le 7 septembre 2010 pour tout commentaire qu’il souhaiterait formuler sur les questions soulevées.
La commission note que le gouvernement n’a pas fourni le rapport demandé par la Commission de la Conférence et n’a pas communiqué de commentaires en réponse aux observations susvisées de la CSI. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira un rapport complet, ainsi que ses commentaires sur les observations de la CSI, pour examen par la commission à sa prochaine session.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. Depuis de nombreuses années, la commission se réfère, dans le contexte de l’application de la convention, à la persistance de pratiques d’enlèvements et de travail forcé dont sont victimes des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où sévit un conflit armé. La commission rappelle que cette situation a été examinée à de nombreuses reprises au fil des ans dans ses propres observations et discutée à plusieurs reprises par la Commission de la Conférence. La commission a souligné à chacune de ces occasions que ces pratiques constituent une grave violation de la convention dans la mesure où les victimes sont contraintes d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré et où ce travail s’accomplit dans des conditions extrêmement difficiles associées à des mauvais traitements, y compris de la torture et la mort. La commission a considéré que cette situation appelle d’urgence une action systématique à la mesure de sa gravité et de son ampleur. Le gouvernement a par conséquent été prié de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre un terme à ces pratiques de travail forcé qui font suite aux enlèvements de femmes et d’enfants et pour s’assurer que, conformément à la convention, des sanctions pénales sont infligées aux auteurs de ces pratiques.
Commission de l’application des normes de la Conférence. La commission note que, dans ses conclusions de juin 2010, la Commission de la Conférence a pris note des efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation sur le plan des droits de l’homme dans le pays et, en particulier, des informations concernant les récentes élections qui sont considérées comme une étape nouvelle vers la mise en œuvre pleine et entière de l’Accord de paix global de 2005. Tout en prenant note de cette évolution positive, ainsi que des déclarations réitérées du gouvernement selon lesquelles les enlèvements ont complètement cessé avec la fin de la guerre civile, la Commission de la Conférence a observé à nouveau qu’aucun élément vérifiable ne démontre que le travail forcé ait été complètement éradiqué dans la pratique. A cet égard, la Commission de la Conférence a noté avec regret que les plus récentes statistiques de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), relatives au nombre de cas d’identification des victimes et de réunification de ces victimes avec leur famille, remontaient à mai 2008 et qu’aucune information plus récente de cette nature n’a été communiquée par le gouvernement. La Commission de la Conférence a relevé une fois de plus la convergence des allégations et le large consensus parmi les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales quant à la persistance et à l’ampleur des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. Elle a également noté avec préoccupation que les auteurs de ces violations n’ont pas eu à répondre de leurs actes et que les mesures de réinsertion des victimes n’ont pas été suffisantes. La Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de la CEAWC, pour assurer la pleine application de la convention, en droit comme dans la pratique. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait des informations détaillées dans son prochain rapport qui serait examiné par la commission d’experts, en indiquant en particulier si le recours au travail forcé a cessé complètement, si les victimes ont retrouvé leur famille, si elles ont bénéficié de réparations et d’une réinsertion appropriées et si les auteurs de ces actes ont été punis, en particulier ceux qui refusent de coopérer. Notant que le gouvernement a sollicité une assistance technique du Bureau, la Commission de la Conférence a invité le BIT à fournir l’assistance nécessaire.
Organes des Nations Unies. La commission a précédemment noté que, dans sa résolution no 1881 (de 2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par la gravité persistante de l’état de sécurité et la détérioration de la situation humanitaire au Darfour et il a réitéré sa condamnation de toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans cette région. Le Conseil de sécurité souligne que les auteurs de ces crimes doivent être traduits en justice et demande instamment au gouvernement soudanais d’honorer ses obligations à cet égard. La commission prend également note d’un rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/11/14, juin 2009), dans lequel elle constate que, malgré certaines mesures positives de réforme de la législation, l’amélioration de la situation des droits de l’homme sur le terrain reste un défi considérable. C’est ainsi qu’au Darfour les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international continuent d’être perpétrées par toutes les parties et que, dans le sud du Soudan, des centaines de civils ont été tués dans des raids commis par l’Armée des Seigneurs de la Résistance (LRA) dans le cadre de conflits tribaux, et qu’un grand nombre de femmes et d’enfants ont été enlevés. Selon ce rapport, l’impunité de ces crimes continue à affecter gravement toutes les régions du Soudan; les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme ne font pas dûment l’objet d’enquêtes, nombre d’auteurs présumés de crimes graves ne sont pas traduits en justice et aucune réparation n’est accordée aux victimes. La Rapporteuse spéciale renouvelle toutes les recommandations qu’elle a formulées antérieurement dans ses rapports et qui n’ont pas été mises en œuvre et, en particulier, celles qui visent à ce que toutes les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire international fassent dûment l’objet d’enquêtes et que les auteurs présumés soient promptement traduits en justice (paragr. 92(d)).
La commission prend note du rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/15/CRP.1) publié en application de la décision 14/117 du Conseil des droits de l’homme, dont il est pris acte dans la résolution 15/27 du Conseil des droits de l’homme (A/HRC/RES/15/27), rapport qui offre une vue d’ensemble de l’évolution de la situation et des activités menées au cours de la période du 1er mai au 31 août 2010. Selon ce rapport, au cours de la période considérée, si le gouvernement a poursuivi les mesures en vue de la transformation démocratique du pays, la situation générale des droits de l’homme au Soudan s’est détériorée. Au Darfour, les affrontements entre les forces gouvernementales et les mouvements armés ainsi que la violence intercommunautaire ont continué de faire des morts et d’entraîner des déplacements de population civile. Au Sud-Soudan, la situation continue de se caractériser par une grande instabilité dans certaines zones, affectant des populations civiles, notamment les femmes et les enfants, et par une aggravation des violations des droits de l’homme par l’Armée de libération populaire du Soudan (SPLA). Selon ce même rapport, des mesures concrètes visant à rétablir la loi et l’ordre et à apporter une réponse au problème de la responsabilité et de l’impunité devraient être examinées d’urgence par le gouvernement national et par le gouvernement du Sud-Soudan. Le rapport reprend toutes les recommandations relatives aux droits de l’homme qui n’ont pas été mises en œuvre, y compris celles qui ont été faites par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan, et recommande que le gouvernement, entre autres choses, veille à ce que toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui sont dénoncées fassent dûment l’objet d’investigations et que les auteurs de ces actes, en particulier ceux qui détiennent des responsabilités de commandement, soient rapidement traduits en justice.
Commentaires d’organisations de travailleurs. Dans les observations datées du 26 août 2010 mentionnées plus haut, la CSI indique qu’il continue d’y avoir de graves problèmes en ce qui concerne le travail forcé et la réparation des victimes. D’après la CSI, les pratiques d’enlèvements de personnes et de leur exploitation dans le cadre d’un travail forcé ont toujours cours, frappant des milliers de femmes et d’enfants des zones affectées par le conflit armé. Le gouvernement continue de refuser de punir ceux qui imposent ce travail forcé, persistant à considérer que ces affaires se règleront au moyen de la médiation des chefs des communautés traditionnelles. Toutefois, aucun élément tangible ne démontre que le processus de médiation informelle au niveau des communautés ait produit des résultats concrets. La CSI affirme en outre qu’il existe encore des cas de rapatriement contre leur gré de personnes enlevées et aussi des cas extrêmement nombreux d’enfants abandonnés ayant, pour la plupart, perdu les autres membres de leur famille, morts ou déplacés par la guerre. La CSI considère que le gouvernement doit renforcer l’action de la CEAWC en ce qui concerne l’engagement des poursuites contre les auteurs d’enlèvements et de travail forcé, considérant qu’un grand nombre de ces derniers refusent encore de coopérer. Enfin, la CSI accueille favorablement la volonté du gouvernement d’accepter l’assistance technique du BIT.
Réponse du gouvernement. La commission note que la réponse du gouvernement aux commentaires de la commission, jointe à une communication reçue le 6 juin 2010, reproduit les informations déjà communiquées au BIT en novembre 2008 en réponse à la communication de la CSI datée du 29 août 2008. Ces informations concernent notamment les activités menées par le CEAWC jusqu’à fin avril 2008 et incluent des statistiques sur les cas avérés d’enlèvement et de réunification de personnes enlevées avec leur famille, statistiques dont la commission avait déjà pris note. Le gouvernement réaffirme à nouveau son engagement ferme et constant d’éradiquer intégralement les pratiques d’enlèvement et de fournir un soutien constant à la CEAWC. Il réitère également sa déclaration précédente, selon laquelle les enlèvements ont totalement pris fin, comme en atteste, selon ses affirmations, le Comité des chefs Dinka (DCC). C’est pour cette raison que le gouvernement a demandé instamment que ce cas soit déclaré clos et que l’OIT cesse d’en discuter, puisque la situation a d’ores et déjà été réglée de manière satisfaisante, selon les rapports des organes spécialisés des Nations Unies. S’agissant de la situation au Darfour, le gouvernement déclare à nouveau qu’à son avis, puisque cette question est actuellement à l’examen du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union africaine, elle ne devrait pas être discutée à l’OIT, de manière à éviter tout chevauchement. S’agissant de la poursuite en justice des auteurs de ces crimes, le gouvernement renouvelle ses déclarations antérieures, selon lesquelles la CEAWC, qui estimait initialement qu’une action de la justice serait le meilleur moyen d’éradiquer le phénomène des enlèvements, a été priée par toutes les tribus concernées, y compris le DCC, de ne pas engager d’action judiciaire à moins que les efforts de négociation amiable des tribus n’échouent. Le gouvernement réaffirme qu’à son avis les actions en justice prennent beaucoup de temps, sont très coûteuses et, au surplus, ne sauraient instaurer la paix entre les tribus concernées et servir ainsi l’esprit de réconciliation nationale. La commission note également que le représentant gouvernemental a déclaré devant la Commission de la Conférence, en juin 2010, que la traduction en justice des auteurs de ces actes aurait un impact négatif sur les efforts déployés pour aider les personnes enlevées à revenir dans leur lieu d’origine ou à s’établir. Toutefois, le gouvernement a néanmoins fourni les informations disponibles à ceux qui souhaiteraient engager une telle action. Le représentant gouvernemental a également déclaré que le gouvernement avait fait ce qui était en son pouvoir pour que ces personnes soient traduites en justice et qu’il ne pouvait toutefois pas contraindre les gens à porter plainte mais seulement les encourager à le faire.
Prenant note de ces informations, la commission prie à nouveau fermement le gouvernement de redoubler ses efforts en vue de l’éradication totale des pratiques de travail forcé, qui constituent une grave violation de la convention et, en particulier, qu’il fasse en sorte que les affaires d’enlèvement ayant sévi dans toutes les régions du pays soient résolues et qu’il s’assure que les victimes retrouvent leur famille. Tout en prenant note de l’engagement réitéré exprimé par le gouvernement de résoudre le problème, la commission exprime le ferme espoir que celui-ci continuera de fournir des informations détaillées sur la libération des personnes enlevées et leur retour dans leur famille, en fournissant des statistiques fiables et réactualisées, étayées par des rapports de la CEAWC. Ayant également noté que le gouvernement déclare de manière répétée que les enlèvements ont totalement pris fin, la commission observe avec préoccupation que cette déclaration est en contradiction avec les autres sources d’information fiables. Elle se réfère à cet égard au large consensus qui se dégage parmi les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales quant à la persistance et l’ampleur des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. La commission réaffirme qu’il est nécessaire que le gouvernement prenne d’urgence des mesures, conformément aux recommandations des organes et institutions internationaux compétents, pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme et à l’impunité généralisée, ce qui contribuerait à instaurer des conditions plus propices au respect plein et entier des conventions relatives au travail forcé. Notant également que le gouvernement demande l’assistance technique du BIT, la commission exprime l’espoir qu’il prendra toutes les mesures nécessaires, avec l’assistance du Bureau, pour assurer que la convention soit pleinement respectée, en droit et dans la pratique, et qu’il fournira dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 25. Sanctions punissant l’imposition illégale de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment noté les dispositions du Code pénal punissant les enlèvements par des peines d’emprisonnement, et elle a demandé au gouvernement de prendre les mesures pour s’assurer que des sanctions pénales sont imposées aux auteurs de tels actes, conformément à la convention. La commission note que le gouvernement réitère dans ses rapports que la CEAWC, qui était initialement d’avis que les actions en justice seraient le meilleur moyen d’éradiquer la pratique des enlèvements, a été priée par toutes les tribus concernées de ne pas engager d’action sur le plan légal, à moins que les efforts de négociation amiable déployés par les tribus n’échouent. Le gouvernement réitère qu’à son avis, dans le contexte du processus de paix global, il y a lieu, dans un esprit de réconciliation nationale, de ne pas engager de poursuites légales contre les auteurs d’actes d’enlèvement et de travail forcé.
La commission rappelle à nouveau à cet égard que, en vertu de l’article 25 de la convention, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission considère donc que la non-application de sanctions pénales à l’égard des auteurs de ces violations est contraire à cette disposition de la convention et peut avoir pour effet de créer un environnement d’impunité pour les auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé d’autrui.
La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour que des poursuites judiciaires soient engagées à l’égard des auteurs de ces actes, en particulier à l’égard de ceux qui refusent de coopérer, et que des sanctions pénales seront imposées aux personnes condamnées pour avoir imposé du travail forcé, comme le prescrit la convention. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application dans la pratique des dispositions pénales punissant le crime d’enlèvement ainsi que des dispositions punissant le kidnapping et l’imposition de travail forcé (art. 161, 162 et 163 du Code pénal), en communiquant copie de toute décision judiciaire pertinente et en indiquant les sanctions imposées.