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Observation (CEACR) - adopted 2009, published 99th ILC session (2010)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Myanmar (Ratification: 1955)

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Rappel historique

1. Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné en détail l’historique de ce cas extrêmement grave de violation massive systématique et persistante de la convention depuis de nombreuses années et dans lequel le gouvernement n’a toujours pas donner suite aux recommandations de la commission d’enquête, qui a été établie en mars 1997 par le Conseil d’administration, en vertu de l’article 26 de la Constitution.

2. La commission rappelle que la commission d’enquête, dans ses conclusions, a indiqué que le Myanmar viole, de manière généralisée et systématique, son obligation découlant de la convention de mettre un terme à l’utilisation du travail forcé ou obligatoire tant en droit qu’en pratique. Dans ses recommandations (paragr. 539(a) du rapport de la commission d’enquête du 2 juillet 1998), la commission d’enquête avait demandé instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour:

–           que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;

–           que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et en particulier par les militaires; il fallait pour cela prendre immédiatement des mesures concrètes dans chacun des nombreux domaines du travail forcé, et prévoir des dispositions du pouvoir exécutif, promulguées et diffusées à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l’ensemble de la population; et

–           que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, ce qui nécessitait des enquêtes, des poursuites et des sanctions appropriées à l’encontre des personnes déclarées coupables.

Faits nouveaux depuis la dernière observation de la commission

3. La commission a examiné plusieurs discussions et conclusions des organes de l’OIT, ainsi que d’autres documents reçus par le BIT. Il s’agit entre autres des documents suivants:

–           le rapport du chargé de liaison de l’OIT (CIT, 98e session, Compte rendu provisoire no 16, Partie III, doc. D.5.C) soumis à la Commission de l’application des normes à la 98e session de la Conférence internationale du Travail en juin 2009, ainsi que les discussions et les conclusions de la Commission de la Conférence (CIT, 98e session, Compte rendu provisoire no 16, Partie III A, et doc. D.5.B);

–           les documents soumis au Conseil d’administration à ses 304e et 306e sessions (mars et nov. 2009), et les discussions et conclusions du Conseil d’administration à ses sessions;

–           la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue en septembre 2009, qui contient en annexe 574 documents représentant plus de 1 000 pages, dont copie a été transmise au gouvernement pour commentaires sur les questions soulevées dans ces documents;

–           l’accord du 26 février 2009 visant à prolonger la période d’essai du Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007; et

–           les rapports du gouvernement du Myanmar reçus les 10 et 24 mars, 1er et 4 juin, 27 août, et 6 et 21 octobre 2009.

4. Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 – Extension du mécanisme de traitement des plaintes. La commission note que la période d’essai du mécanisme de traitement des plaintes, dans le cadre du Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 conclu par le gouvernement et l’OIT, a été prolongée d’un an le 26 février 2009, c’est-à-dire jusqu’au 25 févier 2010 (CIT, 98e session, Compte rendu provisoire no 16, Partie III, doc. D.5.F, annexe II). Le Protocole d’entente complète le Protocole du 29 mars 2002 qui porte sur la nomination d’un chargé de liaison de l’OIT au Myanmar et dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité de recourir aux services du chargé de liaison pour adresser leurs plaintes par son intermédiaire aux autorités compétentes en vue d’obtenir réparation, conformément à la législation applicable et à la convention». Les informations sur le fonctionnement de ce mécanisme important sont examinées ci-après, dans les sections concernant le contrôle et la mise en œuvre de l’interdiction du recours au travail forcé.

5. Discussion et conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence. La Commission de l’application des normes a examiné à nouveau ce cas à sa séance spéciale pendant la 98e session de la Conférence en juin 2009. La Commission de la Conférence, entre autres, a constaté que le gouvernement du Myanmar avait pris un nombre limité de mesures: le renouvellement du Protocole d’entente pour une année; certaines activités visant à sensibiliser au mécanisme de traitement des plaintes établi par le Protocole d’entente; certaines améliorations pour lutter contre le recrutement de mineurs par les militaires; et la diffusion de publications ayant trait au Protocole d’entente. Néanmoins, la Commission de la Conférence a estimé que ces mesures étaient tout à fait inappropriées, et elle a demandé instamment au gouvernement de donner pleinement suite et sans délai aux recommandations de la commission d’enquête.

6. Discussions au sein du Conseil d’administration. Le Conseil d’administration a poursuivi son examen du cas à ses 303e et 306e sessions en mars et novembre 2009 (documents GB.304/5(Rev.) et GB.306/6). Poursuivant la discussion en novembre 2009, le Conseil d’administration, entre autres, a affirmé de nouveau que ses conclusions précédentes et celles de la Conférence internationale du Travail restaient d’actualité. Il a pris note de la coopération du gouvernement en ce qui concerne les plaintes pour travail forcé soumises en vertu du Protocole d’entente complémentaire, ainsi que des activités conjointes de sensibilisation du gouvernement et de l’OIT. Toutefois, il a demandé au gouvernement de renforcer la capacité de l’OIT, dans le cadre du Protocole d’entente complémentaire, afin de traiter les plaintes partout dans le pays et, en particulier, de contribuer à adapter la capacité en personnel des services du chargé de liaison, comme prévu à l’article 8 du Protocole d’entente complémentaire, afin de pouvoir faire face au surcroît de travail. Le Conseil a aussi demandé que soient libérées immédiatement toutes les personnes actuellement détenues, qu’il s’agisse de plaignants, de facilitateurs ou d’autres personnes participant au mécanisme de traitement des plaintes du Protocole. Le Conseil a demandé également de rendre accessibles les documents de sensibilisation particulièrement dans les langues locales, et il a souligné de nouveau la nécessité d’une déclaration au plus haut niveau faisant autorité contre le recours persistant au travail forcé, et la nécessité de respecter la liberté d’association.

7. Communication de la Confédération syndicale internationale (CSI). Les informations contenues dans la communication de la CSI, reçues en septembre 2009 et dont il est fait mention au paragraphe 3, sont examinées ci-après dans la section sur la pratique actuelle.

8. Rapports du gouvernement. Les rapports reçus du gouvernement, dont il est fait mention au paragraphe 3, contiennent des réponses à l’observation précédente de la commission. Ils contiennent aussi des informations sur: les activités conjointes de l’OIT et du ministère du Travail destinées à former et à sensibiliser à la question du travail forcé; la coopération en cours du gouvernement avec les différentes activités du chargé de liaison, y compris pour contrôler la situation du travail forcé et enquêter à ce sujet; le fonctionnement du mécanisme de traitement des plaintes; la mise en œuvre de projets techniques; l’action que le gouvernement mène actuellement pour mettre en œuvre l’interdiction du travail forcé. Dans ses rapports, le gouvernement, répondant au sujet de la communication de la CSI de septembre 2008, nie catégoriquement les cas de travail forcé allégués dans cette communication. Le gouvernement indique également qu’aucune mesure n’est envisagée pour modifier ou abroger la loi sur les villages ou la loi sur les villes, ou pour modifier l’article 359 de la nouvelle Constitution de l’Etat. Il est fait aussi référence aux rapports du gouvernement dans les sections suivantes du présent document.

Evaluation de la situation

9. L’évaluation des informations disponibles sur la situation du travail forcé au Myanmar en 2009, sur la suite donnée aux recommandations de la commission d’enquête et sur l’application de la convention par le gouvernement sera examinée en trois parties: i) modification de la législation; ii) mesures pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé ou obligatoire dans la pratique; et iii) application des sanctions prévues dans le Code pénal et d’autres dispositions législatives.

I.         Modification de la législation

10. Au sujet de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, dont il est fait mention au paragraphe 2, la commission prend note de l’indication qui figure dans le rapport du gouvernement reçu le 27 août 2009, selon laquelle ces lois ne sont pas appliquées dans la pratique, et ce en vertu de l’ordonnance no 1/99 (ordonnance interdisant d’exercer certaines facultés prévues par certaines des dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages), qui a été complétée par l’ordonnance du 27 octobre 2000. Dans ses commentaires précédents, la commission avait observé que ces ordonnances devaient être appliquées de bonne foi et que les dispositions susmentionnées ne dispensaient pas de la nécessité d’éliminer la base légale qui permet d’exiger du travail forcé. Prenant note de l’indication du représentant gouvernemental lors de la discussion qui s’est tenue au sein du Conseil d’administration à sa 306e session en novembre 2009, selon laquelle le ministère de l’Intérieur examine actuellement ces lois, la commission demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires et attendues depuis longtemps, pour modifier ou abroger ces lois et, par conséquent, de rendre la législation conforme à la convention. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement confirmera que ces mesures ont été prises.

11. Dans son observation précédente, la commission avait noté que le gouvernement a inclus dans l’article 359 de la nouvelle Constitution (chap. VIII – Citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux des citoyens) une disposition qui interdit le travail forcé, à l’exception des travaux imposés par l’Etat dans l’intérêt du peuple, conformément à la législation. La commission avait noté que cette exception permet certaines formes de travail forcé qui dépassent le champ des exceptions au travail forcé spécifiquement prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la convention, et que l’on peut considérer que cette exception permet d’exiger d’une façon généralisée du travail forcé. La commission note avec regret la déclaration du gouvernement qui figure dans son rapport du 27 août 2009, selon laquelle l’article 359 de la nouvelle Constitution de l’Etat «tient dûment compte de l’esprit» de la convention. De nouveau, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour modifier l’article 359 du chapitre VIII de la nouvelle Constitution afin de rendre la législation conforme à la convention.

II.        Mesures pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé
           ou obligatoire dans la pratique

12. Informations disponibles sur la pratique actuelle. La commission prend note, à la lecture de la communication de la CSI, des allégations largement documentées selon lesquelles les autorités civiles et militaires ont continué d’exiger du travail forcé ou obligatoire des villageois en 2009, et que ces pratiques ont eu lieu dans tous les Etats et divisions du pays, à une seule exception. Les informations jointes en annexe font mention des dates, lieux et circonstances de ces actes, des organismes civils spécifiques, des unités militaires et de fonctionnaires déterminés. Selon ces informations, le travail forcé a été imposé tant par le personnel militaire que par les autorités civiles, comme par exemple les chefs de village. Il a pris différentes formes et consisté en un large éventail de travaux, y compris la construction de ponts et de routes, le portage forcé au profit des militaires, le travail pénitentiaire, la construction, le maintien de camps militaires, la confiscation de nourriture et l’extorsion d’argent, le recrutement forcé d’enfants soldats, les tours de garde comme sentinelles et le déminage effectué par des personnes. Les annexes contiennent aussi la traduction de plus de 100 ordonnances et «lettres» ordonnant la réquisition de personnes pour du travail forcé (et non rémunéré) entre décembre 2008 et juin 2009, et qui visaient des villageois et des chefs de village dans les Etats de Chin, Karen, Mon et Rakhaing, et dans les divisions de Irrawaddy, Pegu et Tenasserim. Les tâches et services exigés dans ces ordonnances étaient entre autres les suivants: opérations de portage pour l’armée; réparation de routes et d’autres projets d’infrastructure; travail dans des rizières; production et livraison de bardeaux et de poteaux en bambou; recrutement d’enfants en tant que soldats; présence à des réunions; fourniture d’argent et d’alcool; fourniture d’informations sur des particuliers et des familles; enregistrement de villageois dans des organisations non gouvernementales sous la tutelle de l’Etat; et restriction aux déplacements et à l’utilisation de mousquets. Notant l’absence suspecte de tout commentaire du gouvernement au sujet de ces lettres d’ordonnance communiquées depuis plusieurs années par la CSI, la commission prie le gouvernement de répondre en détail, dans son prochain rapport, sur l’ensemble des informations contenues dans la communication de septembre 2009 de la CSI, et en particulier au sujet des lettres d’ordonnance susmentionnées qui indiquent de manière irréfutable que les autorités militaires et civiles ont continué d’imposer systématiquement du travail forcé dans tout le pays en 2009.

13. La commission note que le chargé de liaison indique que le mécanisme du Protocole facultatif continue à fonctionner «mais la situation d’ensemble en ce qui concerne le travail forcé n’en demeure pas moins grave dans le pays» (document GB.304/1(Rev.), paragr. 2). Des mineurs recrutés par les militaires sont démobilisés lorsque des plaintes fondées sont formulées, mais le fait que des «militaires continuent à enrôler illégalement des enfants, de manière répétée» est aussi confirmé (document GB.306/6, paragr. 5 et 7). En ce qui concerne les leçons tirées du mécanisme de traitement des plaintes, le chargé de liaison fait mention des mesures prises par les autorités pour «garantir que cette pratique cesse et qu’aucune nouvelle plainte ne soit reçue de la zone concernée» (document GB.306/6, paragr. 5). Toutefois, le chargé de liaison se réfère au comportement des autorités locales, tant civiles que militaires et judiciaires, qui refusent de reconnaître la validité des accords conclus dans le cadre du Protocole d’entente complémentaire, continuent à imposer des pratiques de travail forcé et harcèlent ceux qui tentent d’exercer les droits consacrés dans la législation (document GB.306/6, paragr. 15).

14. Dans ses observations précédentes, la commission, rappelant qu’elle avait souligné la nécessité de prendre immédiatement des mesures concrètes dans chacun des nombreux domaines du travail forcé, avait identifié quatre types d’«actions concrètes» que le gouvernement devait mener, et sans lesquelles il serait impossible de mettre un terme au travail forcé dans la pratique: émettre des instructions spécifiques et concrètes à l’adresse des autorités civiles et militaires; assurer une large publicité à l’interdiction du travail forcé; prévoir les moyens budgétaires adéquats pour remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et assurer le suivi de l’interdiction du travail forcé et des initiatives prises pour faire appliquer les interdictions.

15. Donner des instructions spécifiques et concrètes. Dans ses observations précédentes, la commission avait souligné qu’il fallait donner des instructions spécifiques et effectives aux autorités civiles et militaires et à l’ensemble de la population afin d’identifier tous les domaines de travail forcé, et que ces instructions devaient expliquer comment et par quels moyens, dans chaque domaine, les tâches et services devaient être réalisés sans recourir au travail forcé. La commission avait noté que, à une seule exception – «l’instruction supplémentaire» émise par le Département de l’administration générale du ministère des Affaires intérieures, sous le no 200/108/0o, en date du 2 juin 2005, dont la commission fait mention dans son observation de 2005 –, les instructions et lettres des autorités gouvernementales de 2000, 2004 et 2005, qui visaient à garantir l’observation des dispositions interdisant le travail forcé au titre de l’ordonnance no 1/99 et de l’ordonnance supplémentaire du 27 octobre 2000, ne semblaient pas avoir satisfait à ces critères.

16. La commission note que, dans son rapport reçu le 1er juin 2009, le gouvernement indique que les divers niveaux de l’autorité administrative ont pleinement connaissance des ordonnances et instructions interdisant le travail forcé qui proviennent des niveaux hiérarchiques plus élevés. Le document soumis au Conseil d’administration en mars 2009 (document GB.304/5/1(Rev.)) indique, sans préciser la date, que le Département de l’administration générale a reconfirmé, par la voie des structures administratives des Etats et des divisions, l’ordre d’interdiction du recours au travail forcé, et que cet ordre a été transmis aux communes et arrondissements ruraux (paragr. 6). Le gouvernement indique, dans son rapport reçu le 27 août 2009, que toutes les instructions et directives décrivent en détail les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les ordonnances. La commission note également que le chargé de liaison indique que plusieurs plaintes pour travail forcé, en particulier celles concernant la confiscation de récoltes d’exploitations agricoles, résultent de l’application inappropriée de politiques économiques et agricoles qui ne sont pas directement liées à la pratique du travail forcé. Le gouvernement n’a cependant pas accepté d’envisager de dispenser des formations sur l’application de ces politiques de manière à empêcher que leur mise en œuvre ne se traduise par l’imposition de travail forcé (rapport à la Commission de la Conférence, paragr. 14; document GB.304/5/1(Rev.), paragr. 9). La commission note une nouvelle fois que les informations fournies par le gouvernement sont insuffisantes dans l’ensemble. La commission souligne de nouveau la nécessité de donner des instructions concrètes à tous les niveaux des forces militaires et à l’ensemble de la population au sujet de tous les domaines et toutes les pratiques de travail forcé; de donner des orientations concrètes sur les moyens et la manière de réaliser, dans chaque domaine, ces tâches ou services; de mettre en œuvre les autres politiques du gouvernement, sans recourir au travail forcé ou à des contributions forcées de la population; et d’indiquer les mesures prises pour faire connaître largement ces instructions et pour les superviser effectivement. La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures de ce type qu’il prend, dont le texte traduit et daté des instructions qui, selon lui, ont été données à nouveau pour confirmer l’interdiction du travail forcé. Prière aussi de fournir des informations sur les «éléments nécessaires» qui, selon le gouvernement, sont contenus dans ses directives et instructions.

17. Assurer les moyens budgétaires adéquats pour remplacer le travail forcé ou le travail non rémunéré. La commission rappelle que, dans ses recommandations, la commission d’enquête a attiré l’attention sur la nécessité de prévoir les ressources budgétaires nécessaires pour engager une main-d’œuvre salariée aux fins des activités publiques qui sont actuellement réalisées au moyen du travail forcé et non rémunéré. Dans son rapport reçu le 27 août 2009, le gouvernement indique de nouveau qu’une allocation budgétaire, couvrant les coûts de main-d’œuvre, est prévue pour tous les ministères afin qu’ils mettent en œuvre leurs projets respectifs. Dans des observations précédentes, la commission, prenant note des informations disponibles sur la pratique actuelle, qui indiquent que le travail forcé continue d’être imposé dans beaucoup de régions du pays, en particulier dans celles où il y a de nombreux militaires, avait considéré que, manifestement, les allocations budgétaires destinées spécifiquement à mettre un terme au recrutement de main-d’œuvre gratuite n’étaient ni suffisantes ni utilisées convenablement. De nouveau, la commission prie instamment le gouvernement d’utiliser les ressources budgétaires de l’Etat pour donner aux autorités civiles et militaires, à tous les niveaux, les moyens financiers pour utiliser une main-d’œuvre volontaire rémunérée pour les tâches et services nécessaires, et de s’assurer que ces ressources permettent d’éliminer les éléments matériels qui incitent à recourir à la main-d’œuvre forcée et non rémunérée. Prière aussi de fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cette fin et sur l’effet de ces mesures dans la pratique.

18. Assurer la publicité de l’interdiction du travail forcé et sensibiliser à ce sujet. La commission note, à la lecture des rapports du gouvernement et des documents soumis au Conseil d’administration et à la Commission de la Conférence, qu’en 2009 plusieurs activités ont été menées pour sensibiliser aux pratiques de travail forcé, aux dispositions de la loi qui interdisent le travail forcé et aux voies de recours dont les victimes disposent – entre autres: séminaire de sensibilisation OIT-ministère du Travail à l’intention du personnel civil et militaire, qui s’est tenu dans l’Etat de Karen et dans l’Etat du Nord de Shan, en avril et en mai 2009; séminaire conjoint dans l’Etat de Rakhine, auquel ont participé des représentants des autorités civiles et militaires; présentation conjointe d’un programme actualisé pour les juges supérieurs des agglomérations. Une brochure, contenant le texte du Protocole d’entente complémentaire et des documents afférents, a été traduite en birman (document GB.304/5/1(Rev.), paragr. 4) et distribuée dans l’ensemble du pays aux autorités civiles et militaires, à des groupes de la société civile et à la population afin de les sensibiliser à ces problèmes (rapport du chargé de liaison à la Commission de la Conférence, paragr. 18). En novembre 2009, quelque 16 000 exemplaires de la version traduite du Protocole d’entente complémentaire ont été distribués. Néanmoins, le gouvernement n’a pas encore accepté la production d’une brochure rédigée en termes simples, traduite dans les langues locales, et présentant la législation contre le travail forcé et les procédures en vigueur pour que les victimes fassent valoir leurs droits (document GB.306/6, paragr. 10). Le gouvernement, dans ses rapports reçus les 6 et 21 octobre 2009, fait mention de plusieurs activités menées en mai et août 2009 par le Comité du gouvernement pour la prévention de l’enrôlement des mineurs – entre autres, cours sur la législation dispensés aux élèves officiers dans les camps militaires; supervision de la formation sur les procédures de recrutement dans les écoles militaires et les unités de formation de base; et visites d’information dans de nombreux régiments et centres de recrutement. Un projet d’infrastructure rurale, dans la zone du delta d’Irrawaddy qui a été touchée par le cyclone, a été mis en œuvre par les services du chargé de liaison, en coopération avec le ministère du Travail. La seconde phase de ce projet a été menée à bien en septembre 2009, mais le gouvernement a annoncé qu’il n’était pas en mesure de prolonger la durée du projet. Des séminaires de sensibilisation se sont tenus (document GB.306/6, paragr. 22) et auraient joué un rôle utile de sensibilisation, dans la zone touchée par le cyclone, aux droits et responsabilités en matière d’emploi, en particulier ceux ayant trait à l’interdiction du travail forcé (document GB.304/5/1(Rev.), paragr. 23). La commission note que le chargé de liaison a indiqué en novembre 2009 que le nombre de plaintes soumises dans le cadre du mécanisme de traitement des plaintes du Protocole d’entente s’est accru entre la mi-mai et le 28 octobre 2009. Le chargé de liaison a estimé que cela est dû au fait que, d’une manière générale, les citoyens sont mieux informés des droits que leur garantit la législation, que le réseau de facilitateurs se renforce et se développe, et que la population est davantage disposée à déposer des plaintes. Il a également fait observer que la population reste cependant mal informée, en particulier dans les zones rurales (document GB.306/6, paragr. 4). Le gouvernement doit encore formuler une déclaration au plus haut niveau faisant autorité, comme l’ont demandé les organes de contrôle de l’OIT, pour reconfirmer clairement au peuple sa politique destinée à interdire toutes les formes de travail forcé partout dans le pays, et son intention de poursuivre en justice ceux qui y ont recours, qu’ils soient civils ou militaires (rapport à la Commission de la Conférence, paragr. 24, document GB.306/6, Conclusions).

19. La commission estime que les activités d’information et de sensibilisation susmentionnées constituent un progrès et que l’accroissement récent du nombre de plaintes reçues dans la cadre du Protocole d’entente, accroissement qui est dû en partie à ces activités, est un signe positif; toutefois, ces mesures continuent d’être ponctuelles pour l’essentiel, partielles et parcellaires. La commission souligne de nouveau qu’il est nécessaire que le gouvernement s’engage davantage à mener des activités d’information et de sensibilisation, à les élaborer et à les mener d’une façon plus cohérente et plus systématique, afin qu’elles aient des effets plus tangibles sur le respect, par les autorités et les effectifs civils et militaires à tous les niveaux, et dans toutes les régions du pays, de l’obligation légale qu’ils ont de ne pas imposer du travail forcé dans la pratique, et afin que ces activités aient une incidence sur les efforts que les victimes de travail forcé, partout dans le pays, déploient pour obtenir réparation. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournira des informations sur les mesures de cette nature prises ou envisagées, y compris des informations sur leurs effets, constatés ou prévus, dans la pratique.

20. Contrôler la situation du travail forcé, y compris les mesures prises pour l’interdire. La commission souligne qu’il est important d’aider le gouvernement à contrôler la situation du travail forcé au Myanmar, et d’enquêter à ce sujet, y compris la mise en œuvre des droits et obligations découlant de l’interdiction du travail forcé. C’est la mission du chargé de liaison, tant dans le cadre ample du Protocole d’entente de 2002, que dans celui du mécanisme de traitement des plaintes du Protocole d’entente complémentaire. La commission note que plusieurs missions d’enquête spéciales et visites d’inspection ont été effectuées par le chargé de liaison et le ministère du Travail à la fin de 2008 et au début de 2009. Le mécanisme de traitement des plaintes a été présenté à des organisations non gouvernementales et à des groupes de représentants de la société civile, entre autres, pour recueillir leur soutien, afin qu’ils fassent rapport sur les cas de travail forcé et informent à ce sujet (document GB/304/5/1(Rev.), paragr. 5 et 6). Une petite sous-unité chargée de traiter les cas de recrutement de mineurs et d’assurer la surveillance et la communication de l’information en ce qui concerne la situation des enfants soldats dans tout le pays a été créée (document GB.306/6, paragr. 21). La commission estime qu’il s’agit là de progrès positifs. Néanmoins, la portée du mécanisme du traitement des plaintes dans un pays de la taille du Myanmar demeure encore très limitée (document GB.304/5/1(Rev.), paragr. 10); le chargé de liaison se trouve à Yangon et dispose de facilités modestes et d’effectifs réduits (document GB.306/6, paragr. 12). Le chargé de liaison n’est pas habilité à engager une procédure de plainte sur le seul fondement de ses propres observations ou des informations dont il dispose (document GB.306/6, paragr. 6), ou sur la base de ses enquêtes sur le recrutement de mineurs par les militaires (document GB.304/5/1(Rev.), paragr. 7). La capacité physique des victimes de travail forcé ou de leurs familles de porter plainte continue d’être entravée dans la pratique et un réseau de facilitateurs du traitement des plaintes reste nécessaire (rapport à la Commission de la Conférence, paragr. 12). Le mécanisme de traitement des plaintes du Protocole d’entente complémentaire est compromis (document GB.306/6, paragr. 4) par le fait que des militants des droits au travail continuent d’être détenus – ils avaient facilité le traitement de plaintes dans le cadre du Protocole d’entente complémentaire (document GB.306/6, paragr. 14 et 16). De plus, il est fait état de cas graves de harcèlement et de représailles exercées sur le plan judiciaire contre des victimes qui portent plainte, contre des facilitateurs et d’autres personnes participant à la soumission de plaintes à l’OIT (document GB.306/6, paragr. 11 à 14; rapport soumis à la Commission de la Conférence, paragr. 10). De plus, le mécanisme de traitement des plaintes est aussi compromis par le refus des autorités locales civiles et militaires, et des tribunaux locaux, de respecter les décisions prononcées officiellement au sujet de plaintes, notamment les accords prévoyant la restitution de terres confisquées auxquels ont permis d’aboutir les missions d’enquête de l’OIT et du ministère du Travail qui ont été effectuées en décembre 2008 et en mars 2009 dans la division de Magwe (document GB.306/6, paragr. 13 et 15). A cet égard, le registre des cas traités dans le cadre du mécanisme du protocole facultatif fait apparaître un certain nombre de cas, dont les cas nos 149, 150, 151, 204, 205 et 206, dans lesquels les plaignants ont choisi de ne pas poursuivre la procédure de dépôt de plainte par crainte de représailles (document GB.306/6, annexe IV). Le chargé de liaison a proposé officiellement au groupe de travail de prendre des mesures conjointes afin d’examiner toutes ces questions collectivement pour trouver des solutions durables, mais le gouvernement n’a pas accepté cette proposition (document GB.306/6, paragr. 15). Tout en attirant l’attention du gouvernement sur l’obligation que ce dernier a, en vertu du Protocole d’entente de 2002 et du Protocole d’entente complémentaire de 2007, de prendre les mesures appropriées pour permettre au chargé de liaison de s’acquitter effectivement de ses tâches et des responsabilités qui y sont liées, y compris d’assurer aux services du chargé de liaison les facilités et le soutien nécessaires, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures immédiates nécessaires pour remédier aux graves problèmes susmentionnés. Elle prie le gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur les progrès accomplis à cet égard. D’une manière plus générale, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour garantir les conditions nécessaires afin que les procédures de contrôle et d’enquête soient efficaces, qu’elles aient une portée et une ampleur nationales et qu’elles soient pleinement respectées par tous les groupes de la société à tous les niveaux. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès des mesures prises ou envisagées dans ce sens.

III.       Application des sanctions

21. La commission rappelle que l’article 374 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à un an à l’encontre de quiconque oblige illicitement autrui à travailler contre sa volonté. En outre, l’ordonnance no 1/99, et l’ordonnance complémentaire du 27 octobre 2000, ainsi que plusieurs instructions et lettres émises par les autorités du gouvernement en 2000, 2004 et 2005, qui visent à faire appliquer ces ordonnances, prévoient pour les personnes «responsables» de travail forcé, y compris des membres des forces armées, des sanctions au titre de l’article 374 du Code pénal ou des autres dispositions applicables de la législation. La commission note qu’aucune des plaintes traitées grâce au mécanisme du Protocole complémentaire, qui ont été évaluées puis transmises par le chargé de liaison au groupe de travail pour qu’il enquête et prenne les mesures nécessaires, n’a abouti en 2009 à la décision de poursuivre les auteurs de travail forcé. Le registre des cas établis en vertu du mécanisme de traitement des plaintes indique qu’au 23 octobre 2009, dans au moins 14 des cas considérés comme clos, le chargé de liaison a estimé que les sanctions infligées ou les mesures disciplinaires prises étaient inappropriées, et que le groupe de travail a rejeté par routine les recommandations qui avaient été faites d’infliger des sanctions plus lourdes (document GB.306/6, annexe IV). Les récents cas portant sur des plaintes pour recrutement de mineurs par des militaires ont débouché sur la démobilisation des enfants qui en étaient victimes mais seulement sur des sanctions administratives, lorsque cela a été le cas, qui ont été infligées aux auteurs; aucun de ces cas n’a abouti à des poursuites au pénal (document GB.304/5/1, paragr. 7). Dans le cas no 127, le chargé de liaison avait recommandé expressément que des poursuites pénales soient intentées mais sa recommandation a été rejetée. La commission note que le chargé de liaison indique qu’il est nécessaire d’infliger des sanctions exemplaires à l’encontre des coupables, mais que ce point reste «préoccupant, en particulier dans les cas impliquant des militaires» (document GB.306/6, paragr. 7), et que, dans la plupart des cas graves de recrutement de mineurs par des militaires, les sanctions restent insuffisantes (rapport soumis à la Commission de la Conférence, paragr. 15). De nouveau, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour que les sanctions infligées, conformément à la loi, aux auteurs d’imposition illicite de travail forcé ou obligatoire soient appropriées et strictement appliquées, comme l’exige l’article 25 de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur les progrès des mesures prises à cette fin. La commission espère que le gouvernement respectera mieux les engagements qu’il a pris dans le cadre du Protocole complémentaire en ce qui concerne le traitement des cas transmis par le chargé de liaison au groupe de travail, qu’il sera accordé plus d’importance aux évaluations préliminaires du chargé de liaison et que davantage d’enquêtes déboucheront sur des poursuites, sur des condamnations et sur l’imposition de sanctions pénales, et non sur la clôture de cas. La commission demande des informations sur les progrès accomplis dans ce sens.

Conclusions

22. En résumé, la commission note que le gouvernement n’a toujours pas mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête: il n’a pas modifié ou abrogé la loi sur les villes et la loi sur les villages; il n’a pas pris de mesures concrètes susceptibles d’avoir un effet significatif et durable pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique; il n’a pas veillé à ce que des sanctions strictes soient prises contre les auteurs de travail forcé, dans le cadre du Code pénal ou d’autres dispositions pertinentes de la législation contre les autorités et les effectifs civils et militaires qui sont responsables de ces actes. Les services du chargé de liaison, grâce au mandat ample que lui confie le Protocole du 19 mars 2002 et aux procédures et mécanismes prévus dans le Protocole complémentaire, jouent un rôle essentiel pour aider le gouvernement à mener à bien son action pour éliminer le travail forcé. Toutefois, la coopération, ferme et totale du gouvernement est essentielle pour que le chargé de liaison puisse remplir son rôle. Notamment, le gouvernement doit contribuer à fournir au chargé de liaison les facilités et le soutien nécessaires et veiller à ce que l’ensemble de la société respecte pleinement ces procédures et mécanismes spéciaux et à ce qu’elle lui fasse confiance. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. De nouveau, la commission prie instamment le gouvernement de confirmer l’engagement qu’il a pris d’éliminer le recours au travail forcé au Myanmar, et de prendre les mesures, attendues depuis longtemps, qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête et assurer le respect de la convention en droit et dans la pratique.

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