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Observation (CEACR) - adopted 2007, published 97th ILC session (2008)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Myanmar (Ratification: 1955)

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Rappel chronologique

1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a attiré l’attention sur les violations graves de la convention de la part du gouvernement du Myanmar et sur le fait que celui-ci n’a pas mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête constituée par le Conseil d’administration en mars 1997.

2. La commission d’enquête constituée en 1997 conformément à l’article 26 de la Constitution a conclu que la convention était violée dans le droit national et dans la pratique, et ce d’une manière généralisée et systématique, et elle avait formulé les recommandations suivantes:

1)    que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;

2)    que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités et, en particulier, par les militaires; et

3)    que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées.

La commission d’enquête avait souligné que, outre les modifications de la législation, des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, notamment par l’armée.

3. Le manquement continu du gouvernement à mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête et à se conformer aux observations de la commission d’experts ainsi qu’aux autres questions soulevées par les autres organes de l’OIT a abouti, fait sans précédent, à ce que le Conseil d’administration décide, à sa 277e session (en mars 2000), de mettre en œuvre l’article 33 de la Constitution de l’OIT et que la Conférence adopte une résolution en juin 2000. Le rappel chronologique de ce cas extrêmement grave est présenté en détail dans les observations antérieures formulées par la commission au cours des dernières années.

4. Chacun des organes de l’OIT a attiré l’attention, à l’occasion de la discussion de ce cas, sur les recommandations de la commission d’enquête. La commission d’experts a identifié, dans ses observations antérieures, quatre domaines dans lesquels des mesures devaient être prises par le gouvernement pour répondre à ces recommandations. La commission a indiqué en particulier les mesures suivantes:

–           émettre des instructions spécifiques et concrètes à l’adresse des autorités civiles et militaires;

–           assurer que l’interdiction du travail forcé est largement rendue publique;

–           prévoir les inscriptions budgétaires adéquates pour le remplacement de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et

–           assurer le respect de l’interdiction du travail forcé.

Faits nouveaux depuis la dernière observation de la commission

5. La commission a examiné, aux fins de la présente observation, plusieurs discussions et conclusions des organes de l’OIT ainsi que de nouveaux documents reçus par la commission. La commission prend note en particulier:

–           des discussions et des conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence au cours de la 96e session de la Conférence internationale du Travail en juin 2007;

–           des documents soumis au Conseil d’administration à ses 298e et 300e sessions (mars et novembre 2007) ainsi que des discussions et conclusions du Conseil d’administration au cours de ces sessions;

–           des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication reçue le 31 août 2007, accompagnée de 740 pages d’annexes détaillées;

–           des rapports du gouvernement du Myanmar reçus les 17 et 20 août, le 10 septembre, les 12 et 23 octobre et le 3 décembre 2007; et

–           du Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 au Protocole initial du 19 mars 2003 relatif à la nomination d’un fonctionnaire de liaison de l’OIT au Myanmar.

Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007

6. La commission note à ce stade que le Protocole d’entente complémentaire représente un développement très important et que sa signification sera examinée plus en détail vers la fin de l’observation. Il est important que le Protocole d’entente complémentaire soit examiné dans le cadre des autres documents, discussions et conclusions susmentionnés.

7. Le Protocole d’entente complémentaire porte sur la nomination et le rôle d’un fonctionnaire de liaison de l’OIT au Myanmar et a été conclu à l’issue de longues négociations entre l’OIT et le gouvernement du Myanmar. Le Protocole d’entente complémentaire prévoit l’établissement et la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme de plaintes, dont l’objectif principal est «de donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité de recourir aux services du chargé de liaison pour adresser leurs plaintes par son intermédiaire aux autorités compétentes en vue d’obtenir réparation». Le dispositif prévu sera mis en place à titre d’essai pour une période de douze mois qui pourra être prolongée d’un commun accord (document GB.298/5/1, annexe).

8. Le rôle du fonctionnaire de liaison dans le cadre du Protocole d’entente complémentaire et l’impact de son travail dans les circonstances dans lesquelles il était tenu d’accomplir ses fonctions dans le pays ont été le sujet principal des discussions engagées ultérieurement dans les organes de l’OIT.

Discussions et conclusions de la Commission de l’application
des normes de la Conférence

9. La Commission de la Conférence a conclu, au cours de la 96e session en juin 2007, que le mécanisme des plaintes établi conformément au Protocole d’entente complémentaire devait, tout en continuant à fonctionner, être évalué par rapport à l’objectif ultime de l’élimination du travail forcé.

10. La commission note à ce propos que la Commission de l’application des normes constate, dans ses conclusions formulées en juin 2007 (CIT, 96e session, Compte rendu provisoire no 22, Partie III), qu’«il a été également observé que le mécanisme devait être évalué à l’aune de l’objectif ultime de l’éradication du travail forcé et que son impact devait encore être analysé»; et que d’après les documents récents soumis au Conseil d’administration «les personnes touchées par le travail forcé et leurs proches ont les plus grandes difficultés, pour des raisons matérielles aussi bien que financières, à présenter des plaintes si elles ne vivent pas à Yangon même», tout en notant que «des réseaux informels ont été instaurés» et que, «malgré leur apport précieux, ils ne couvrent pas l’ensemble du territoire» (document GB.300/8, paragr. 9). La commission note par ailleurs, d’après les documents soumis que, «en ce qui concerne le mécanisme mis en place en vertu du protocole, il n’est pas possible aujourd’hui de dire s’il est pleinement opérationnel après les troubles civils et leur répression, et donc si l’on peut en tirer des enseignements» (document GB.300/8(Add.), paragr. 9).

Discussions au sein du Conseil d’administration

11. La commission note que les rapports soumis au Conseil d’administration à sa 300e session en novembre 2007, concernant les progrès obtenus dans le cadre du mécanisme des plaintes, montrent qu’à la date du 7 novembre 2007 le chargé de liaison avait reçu 56 plaintes (document GB.300/8(Add.), paragr. 3). Parmi ces plaintes, 19 ont été considérées comme ne relevant pas de la compétence du chargé de liaison et 24 ont été soumises au vice-ministre du Travail en sa qualité de président du groupe de travail gouvernemental sur le travail forcé pour qu’il procède à une enquête et prenne les mesures nécessaires. Quatre plaintes ont été classées, l’évaluation ayant montré que les éléments réunis ne justifiaient pas un examen plus approfondi et, dans le cas de neuf plaintes, l’examen préliminaire n’a pas encore abouti ou est en suspens dans l’attente de renseignements complémentaires de la part des plaignants (documents GB.300/8, paragr. 5, et GB.300/8(Add.), paragr. 5).

12. Par ailleurs, le Conseil d’administration a appelé le gouvernement à veiller à ce que le mécanisme établi par le protocole demeure pleinement opérationnel, à ce que les plaignants, facilitateurs ou autres personnes concernées ne soient plus détenus ou harcelés et à ce qu’il soit pleinement appliqué aux autorités militaires. Il a estimé qu’il est nécessaire que toutes les mesures soient prises pour empêcher à tout prix le recrutement des enfants en tant que soldats (paragr. 5). Le Conseil d’administration a surtout insisté sur la nécessité de mettre en place un réseau approprié destiné à assurer l’application du protocole dans la totalité du pays, et notamment dans les zones de combat, et de veiller à ce que les victimes du travail forcé puissent accéder facilement au mécanisme de plaintes (paragr. 6).

Communication reçue de la part
de la Confédération syndicale internationale

13. La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication reçue le 31 août 2007. Cette communication était accompagnée de 45 documents de plus de 740 pages, contenant une série de textes détaillés relatifs à des pratiques de travail forcé imposées par les autorités civiles et militaires. Cette documentation se réfère, dans beaucoup de cas, à des dates particulières, des lieux et circonstances présentés de manière détaillée, et des organismes civils, des unités militaires et des fonctionnaires déteminés. Elle couvre une grande superficie du pays (et notamment plusieurs parties des Etats de Chin, Kayah, Kayin, Mon du sud, Rakhine du nord, et Shan, ainsi que les localités de Ayeyarwady, Bago, Mandalay et Tanintharyi) au cours de la période à partir de la seconde moitié de 2006 et jusqu’à la première moitié de 2007. Les cas signalés se réfèrent à la réquisition présumée de travailleurs pour toute une série de tâches identifiées par la commission d’enquête:

–      les opérations de portage pour l’armée (ou d’autres groupes militaires ou paramilitaires pour des opérations ou pour des patrouilles de routine);

–      la construction ou la remise en état de camps et autres installations militaires;

–      les autres fonctions de soutien logistique fournies à l’armée (guides, messagers, cuisiniers, nettoyeurs, etc.);

–      les activités génératrices de revenu effectuées par des personnes ou des groupes de personnes (notamment le travail réalisé dans des établissements agricoles ou industriels appartenant à l’armée);

–      différents projets d’infrastructure;

–      les travaux de nettoyage et d’embellissement de zones rurales ou urbaines.

14. La documentation susmentionnée comporte des copies de 145 décisions écrites qui semblent provenir des autorités militaires et d’autres autorités destinées aux villages de l’Etat de Kayin, prévoyant dans la plupart des cas l’exigence d’effectuer un travail (non rémunéré). Elle comporte aussi des photographies représentant des personnes de l’Etat de Mon forcées de travailler dans des projets de développement militaire, comme expliqué dans le rapport les accompagnant. Le document comporte également une vidéo mettant en scène cinq hommes qui déclarent avoir été forcés par l’armée du Myanmar à travailler depuis avril 2007 en tant que porteurs ou sentinelles ou dans les projets du bâtiment, la construction des clôtures et à différentes tâches dans les camps de l’armée, ainsi qu’à fournir des chars à bœufs et des tracteurs à l’armée. Une copie de la communication de la CSI et de ses annexes a été transmise au gouvernement aux fins de tout commentaire qu’il souhaite formuler.

Rapports du gouvernement

15. La commission prend note des rapports du gouvernement reçus les 17 et 20 août, le 10 septembre, les 12 et 23 octobre, et le 3 décembre 2007. Ces rapports se réfèrent à des informations contenues dans la communication en date du 31 août 2006 de la CSI adressée à la commission et transmise au gouvernement, et à laquelle la commission s’est référée dans son observation antérieure. Le gouvernement n’a pas répondu en détail aux informations contenues dans la communication de la CSI, sauf pour exprimer son point de vue selon lequel «la plupart des questions soulevées par la [CSI] ne sont pas du tout fondées» et pour noter que de tels cas «seraient soumis au mécanisme qui traite des plaintes de travail forcé conformément au Protocole d’entente complémentaire» conclu entre l’OIT et le Myanmar le 26 février 2007.

16. La commission est tenue de noter à cet égard que le Protocole d’entente complémentaire et l’établissement du mécanisme de traitement des plaintes qu’il prévoit ne libèrent en aucun cas le gouvernement de son obligation qui découle de la convention d’éliminer le recours au travail forcé. Ils constituent plutôt un moyen mis à la disposition du gouvernement pour remplir cette obligation, à travers la pleine application des recommandations de la commission d’enquête.

17. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport une réponse détaillée aux nombreuses allégations particulières figurant dans la communication la plus récente de la CSI ainsi que dans celle de l’année précédente.

Evaluation de la situation

Notification d’instructions complètes et spécifiques
aux autorités civiles et militaires

18. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement se réfère à nouveau à une série de lettres, directives, télégrammes et instructions émanant de diverses autorités civiles et militaires qui se rapportent aux Ordonnances sur l’interdiction du travail forcé. Cependant, comme relevé dans l’observation précédente, étant donné que le gouvernement n’a donné que très peu de détails quant au contenu de ces diverses instructions et que tout indique que l’imposition du travail forcé reste généralisée, la commission demande à être convaincue que des instructions claires ont effectivement été données à toutes les autorités civiles et unités militaires. La commission insiste à nouveau sur la nécessité de donner une publicité appropriée à ces ordonnances.

19. La commission doit également souligner que, si les ordonnances offrent en pratique une base légale qui pourrait assurer l’application de la convention, cela est loin de constituer l’abrogation formelle des dispositions de la législation pertinente demandée par la commission d’enquête. En conséquence, la commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier ces dispositions dès que possible, ce qu’il promet de faire depuis quarante ans. La commission exprime également l’espoir que le gouvernement saisira cette opportunité pour apporter, sur le plan constitutionnel, de la clarté en ce qui concerne l’interdiction du travail forcé.

Assurer qu’une large publicité soit faite
à l’interdiction du travail forcé

20. Pour ce qui est d’assurer qu’une large publicité soit faite à l’interdiction du travail forcé, la commission renvoie aux commentaires qui précèdent. Elle prend également note du Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 entre l’OIT et le gouvernement, qui est un élément positif. Le mécanisme instauré par cet instrument pour connaître des plaintes pour travail forcé offre l’opportunité aux autorités de démontrer que la persistance du recours à cette pratique est illégale et sera punie en tant qu’infraction pénale, comme le requiert la convention. Le fait que l’ordonnance no 1/99, telle que complétée par l’ordonnance du 27 octobre 2000, a servi de base légale pour condamner au pénal des représentants de l’autorité publique pour imposition de travail forcé étaye la conclusion à laquelle la commission était parvenue dans son observation de 2001, conclusion selon laquelle ces ordonnances «pourraient constituer une base légale pouvant servir à assurer le respect de la convention dans la pratique, dans la mesure où elles seraient appliquées de bonne foi non seulement par les autorités locales ayant pouvoir de réquisition de main-d’œuvre en vertu des lois sur les villages et les villes, mais aussi de la part des autorités civiles et militaires que ces lois habilitent à demander l’assistance des autorités locales».

21. La commission note également qu’une certaine publicité a été faite autour de la signature du Protocole d’entente complémentaire et des poursuites qui ont été engagées subséquemment pour imposition de travail forcé contre deux représentants de l’autorité (un bulletin de presse le 26 février 2007; une conférence de presse du Directeur général du Département du travail le 26 mars 2007; un article sur les poursuites dans le New Light of Myanmar du 31 mars 2007). La commission note également que, d’après le rapport soumis au Conseil d’administration à sa 300e session, le gouvernement «a lancé un vaste programme de formation auprès des membres de l’administration, qui doit permettre de rappeler l’Etat de droit et de présenter la procédure prévue par le Protocole d’entente complémentaire», que «l’organisation par l’OIT et le ministère du Travail d’un nouveau cycle de séminaires est en discussion» et enfin que «le gouvernement a terminé la version préliminaire d’un fascicule à paraître sous le titre Elimination du travail forcé – Document d’information no 1». Des consultations sont encore en cours sur le détail du contenu et de la présentation du document qui sera diffusé dans toute l’administration (document GB.300/8, paragr. 8).

22. La commission estime qu’une telle publicité est vitale en vue d’assurer que l’interdiction du travail forcé est largement connue et appliquée dans la pratique, et elle estime que cette publicité devrait se poursuivre et s’étendre. La commission partage l’avis du Conseil d’administration selon lequel il serait extrêmement utile que le gouvernement «déclare publiquement au plus haut niveau, sans ambiguïté possible, que toutes les formes de travail forcé sont interdites sur tout le territoire national et qu’elles seront dûment punies» (document GB.300/8, Conclusions).

Assurer les moyens budgétaires adéquats pour
le remplacement du travail forcé ou du travail non rémunéré

23. La commission souligne l’importance de la demande qu’elle a faite régulièrement à cet égard dans ses précédentes observations et qui a été soulignée dans les récentes conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence, conclusions qui tendent à ce que des instructions spécifiques soient données à toutes les unités militaires pour signifier clairement que le travail forcé est interdit et que cette interdiction sera strictement appliquée. En vue de mettre fin à ces pratiques, il est indispensable de prévoir des moyens budgétaires adéquats pour remplacer la main-d’œuvre forcée, laquelle n’est en général pas payée.

24. De même, la commission note que, dans son rapport du 17 août 2007, le gouvernement indique qu’une allocation budgétaire couvrant les coûts de main-d’œuvre «à tous les ministères, pour la mise en œuvre de leurs projets respectifs» est prévue, et qu’une déclaration signée du ministère de la Construction indiquant la somme en question figure dans l’annexe au rapport. A nouveau, la commission ne comprend toujours pas pourquoi, si des ressources adéquates sont réellement attribuées aux autorités civiles et militaires, le recours à une main-d’œuvre forcée et non rémunérée reste manifestement généralisé, en particulier de la part des administrations militaires et des administrations civiles locales. La commission demande à nouveau, comme elle l’a fait précédemment, que le gouvernement communique dans son rapport des informations détaillées sur les mesures prises afin que les moyens adéquats pour le remplacement de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée soient prévus dans le budget.

Assurer le renforcement de l’interdiction du travail forcé

25. La commission est conduite à exprimer ses préoccupations devant le fait que, comme signalé dans les rapports susmentionnés dont le Bureau a saisi le Conseil d’administration et dans les éléments communiqués par le gouvernement, sur 24 plaintes (au 7 novembre) transmises par le chargé de liaison aux autorités, pour enquête et suites appropriées, une seule à ce jour a abouti à l’ouverture de poursuites à l’égard des auteurs des faits (affaire no 001, qui s’est traduite par l’ouverture de poursuites contre deux fonctionnaires civils). Un certain nombre d’autres affaires ont abouti à une action contre des fonctionnaires civils devant les instances administratives (par exemple, licenciement des fonctionnaires concernés ou avertissements). Alors que le chargé de liaison a saisi les autorités de sept affaires mettant en cause des personnels militaires (pour enrôlement forcé d’enfants dans l’armée et pour imposition de travail forcé à des villageois), aucun élément n’indique à ce jour qu’une quelconque action, pénale ou même administrative, a été engagée à l’égard d’un quelconque membre des forces armées. La commission note que, dans les informations reçues le 3 décembre 2007, le gouvernement indique avoir pris des mesures concrètes pour empêcher l’enrôlement d’enfants dans l’armée en mettant en place une commission centrale et des comités de travail, avec des ateliers de suivi.

26. La commission note que, d’après le chargé de liaison, «les travaux du groupe de travail du gouvernement sont plus rapides et productifs dans les affaires relatives à l’action d’administrations civiles. Il semble plus difficile en effet d’obtenir des procédures rapides et adéquates dans le cas des plaintes mettant en cause des militaires» (document GB.300/8, paragr. 6). La commission estime que cela est d’autant plus préoccupant qu’elle avait fait observer antérieurement que le travail forcé est un problème qui touche plus particulièrement les zones du pays dans lesquelles la présence de l’armée est forte.

27. La commission souligne une fois de plus que l’imposition illégale de travail forcé doit, comme le requiert l’article 25 de la convention, continuer d’être punie en tant qu’infraction pénale et non être traitée comme un problème administratif. Tout en prenant acte des mesures prises par le gouvernement s’agissant de l’enrôlement d’enfants, la commission estime essentiel que les sanctions pénales soient strictement appliquées dans le cas des affaires mettant en cause des personnels militaires, notamment dans celles qui ont trait à l’enrôlement forcé d’enfants dans les forces armées.

Conclusion

28. La commission considère qu’il existe des contraintes et des limites évidentes à la contribution que le mécanisme de plaintes peut apporter à l’éradication du travail forcé. Cela tient aux limites structurelles du mécanisme, et cela est amplifié par les incertitudes quant à la situation actuelle dans le pays. Le mécanisme peut assurément procurer un soulagement bienvenu pour les victimes en offrant une voie objective et sûre d’enregistrement et d’examen des plaintes et, au-delà de cette mission première, il peut envoyer un signal fort à l’adresse de ceux qui seraient tentés d’enfreindre la loi, en leur faisant comprendre qu’ils ne peuvent agir en toute impunité. Cependant, le mécanisme n’est manifestement pas adapté pour traiter certaines des violations les plus extrêmes et les plus répandues qui ont cours dans les zones éloignées et qui présentent les caractéristiques exposées dans les documents soumis par la CSI.

29. Le plus important est que le mécanisme de plaintes, tout en étant très utile, n’aborde pas les causes profondes du problème du travail forcé telles qu’elles ont été identifiées par la commission d’enquête et par l’équipe de haut niveau (document GB.282/4). Plus spécifiquement, ce mécanisme n’aborde pas les relations fondamentales par lesquelles est assurée la conduite des affaires publiques dans le pays ni le rôle de l’armée et sa politique d’autonomie, l’absence de liberté syndicale et, d’une manière générale, de liberté d’assemblée, ce que les événements récents ont illustré de manière spectaculaire. La situation au Myanmar, dix ans après la désignation de la commission d’enquête, paraît hélas renforcer l’idée qu’il reste encore à s’attaquer à ces causes profondes et ce, de manière indispensable.

30.Sur la base de ce constat, la commission estime que le seul moyen de parvenir à des progrès véritables et durables en termes d’élimination du travail forcé serait que les autorités du Myanmar démontrent sans ambiguïté leur volonté d’y parvenir. Cela requiert de la part des autorités, outre de souscrire au Protocole d’entente complémentaire, d’instaurer les conditions nécessaires au fonctionnement efficace du mécanisme de plaintes, mais aussi de procéder, comme cela aurait dû se faire depuis très longtemps, à l’abrogation des dispositions pertinentes de la législation et à l’adoption d’un cadre législatif et réglementaire propre à donner effet aux recommandations de la commission d’enquête. La commission conserve l’espoir que, ayant souscrit au Protocole d’entente complémentaire, le gouvernement prenne enfin les mesures requises pour assurer l’application de la convention en droit et dans la pratique et permettre ainsi de résoudre l’un des cas les plus graves et les plus anciens que cette commission ait jamais eu à connaître.

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