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Observation (CEACR) - adopted 2003, published 92nd ILC session (2004)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Sudan (Ratification: 1957)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Sudan (Ratification: 2021)

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Abolition des pratiques analogues à l’esclavage

1. Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de trafic et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé. La commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour abolir le travail forcé et pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient imposées aux coupables.

2. La commission a pris note des informations figurant dans le rapport du gouvernement et ses annexes, y compris des informations supplémentaires au sujet des activités sur le terrain effectuées par le Comité pour l’éradication du phénomène de l’enlèvement de femmes et d’enfants (CEAWC), fournies en octobre 2003, ainsi que de la discussion qui s’est déroulée en juin 2002 au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence. Elle a également pris note des observations reçues en septembre 2002 et en septembre 2003 de la part de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) concernant l’application de la convention par le Soudan, lesquelles ont été transmises en octobre 2002 et en septembre 2003 au gouvernement, afin que celui-ci formule à leur sujet les commentaires qu’il juge appropriés. La commission observe qu’aucun commentaire n’a été reçu jusqu’à présent de la part du gouvernement et veut croire que le gouvernement communiquera ses commentaires au sujet de ces graves questions avec son prochain rapport.

Commission de l’application des normes de la Conférence

3. Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2002, la Commission de la Conférence s’est déclarée à nouveau préoccupée par la grave situation qui prévaut au Soudan. Tout en prenant note de la volonté du gouvernement de collaborer avec les différentes institutions internationales et du plan d’action élaboré par le gouvernement en vue de l’éradication des pratiques de travail forcé, la Commission de la Conférence a dû observer que toutes les informations fournies, notamment par les organisations de travailleurs, le Rapporteur spécial des Nations Unies et les membres de la commission, avaient montré la persistance du travail forcé au Soudan et l’insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour combattre cette situation. Elle a noté en particulier l’absence de sanctions imposées aux coupables et a prié instamment le gouvernement d’établir et de renforcer le mécanisme de prévention, d’identification et de sanction. La Commission de la Conférence a noté le refus du gouvernement d’accepter la mission de contacts directs du BIT et a décidé de faire figurer à nouveau ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport comme un cas continu de défaut d’application de la convention.

Organes des Nations Unies
Rapporteur spécial

4. La commission a pris note du rapport provisoire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, au sujet de la situation des droits de l’homme au Soudan (document des Nations Unies A/57/326), transmis à l’Assemblée générale le 20 août 2002 ainsi que du rapport publié le 6 janvier 2003. Les rapports comportent les conclusions de sa visite au Soudan en février-mars et en septembre-octobre 2002, ainsi qu’une mise à jour de la situation globale, sur la base des informations qui ont été recueillies depuis. La commission a observé que le Rapporteur spécial a pris note avec satisfaction de plusieurs mesures qui ont été prises et qui sont susceptibles d’améliorer la situation des droits de l’homme au Soudan. Il constate, cependant, qu’en général et malgré les engagements qui avaient été pris, la situation globale des droits de l’homme ne s’est pas améliorée. En ce qui concerne les enlèvements, le Rapporteur spécial a noté que, dans une tentative de renforcer le Comité pour l’éradication du phénomène de l’enlèvement de femmes et d’enfants (CEAWC), le Président de la République a placé ledit comité directement sous son contrôle, tout en le dotant d’une présidence à plein temps et des ressources appropriées. Cependant, selon le rapport, aucune mesure n’a été prise en vue de la poursuite des personnes reconnues coupables de nouveaux enlèvements et aucune politique spécifique n’a été mise en place pour décourager les murahalleen de pratiquer des enlèvements. Le Rapporteur spécial a appelé le gouvernement à redoubler d’efforts en vue d’éradiquer les enlèvements et de garantir que les coupables soient traduits en justice, ce qui mettrait un terme à l’impunité dont ces derniers ont bénéficié jusque-là.

5. La commission a noté que, dans sa résolution du 19 avril 2002 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (E/CN.4/RES/2002/16), la Commission des droits de l’homme des Nations Unies s’est déclarée à nouveau profondément préoccupée par «le rapt de femmes et d’enfants de la part des groupes murahalleen et d’autres groupes militaires pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues» et par «les violations continues des droits de l’homme, en particulier dans des zones contrôlées par le gouvernement du Soudan». La commission a également pris note de la déclaration du Rapporteur spécial à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies en 2003, dans laquelle celui-ci faisait observer qu’en dépit des nouveaux engagements, les abus en matière de droits de l’homme n’ont diminué ni dans le nord ni dans le sud du Soudan, que la situation globale des droits de l’homme ne s’est pas améliorée de manière significative et que certaines sources parlent de «dysfonctionnement grave» du CEAWC.

Commentaires d’organisations de travailleurs

6. Dans ses observations de 2002 et 2003 susmentionnées, la CISL se réfère au rapport (établi le 22 mai 2002) du Comité des sages, composé de huit membres originaires des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d’Italie, de Norvège et de France. Le comité a visité le pays en vue de faire des recherches sur l’esclavage, les enlèvements et le travail forcé. Le rapport fait référence à des estimations du nombre total de personnes enlevées, effectuées par le CEAWC et le Comité des chefs Dinka (14 000), ainsi que par l’UNICEF et l’Aide à l’enfance (entre 10 000 et 17 000). La CISL conclut que les estimations précédemment faites, de 5 000 à 14 000, correspondent à celles établies par d’autres organisations et appuie fortement une recommandation faite par le Comité des sages selon laquelle des recherches systématiques sur le terrain, effectuées par des organismes indépendants, sont toujours nécessaires.

7. La CISL se réfère à une communication du CEAWC à AntiSlavery International, datée du 30 août 2001, dans laquelle il était indiqué que le nombre de personnes enlevées répertoriées par le CEAWC continue à n’être que de 1 200; elle allègue que 34 femmes et enfants seulement ont été libérés et sont rentrés chez eux depuis septembre 2001, ce qui prouve que le processus d’identification et de libération des femmes et enfants enlevés a été extrêmement lent. Se référant aux informations figurant dans la déclaration du Rapporteur spécial à la 58e session du Comité des droits de l’homme ainsi qu’au rapport du Comité des sages susmentionné, la CISL allègue que le gouvernement n’a pas pris les mesures adéquates pour prévenir de futurs enlèvements et en particulier n’a pas réussi à mettre sous contrôle militaire les forces qui combattent à ses côtés. Elle se réfère aussi à la déclaration dans le rapport du Comité des sages, selon laquelle, en ce qui concerne l’esclavage et les enlèvements, aucune poursuite pénale n’a été engagée au cours des seize dernières années devant les tribunaux soudanais. Pour ce qui est de l’annonce du ministre de la Justice, en novembre 2001, de la création de deux tribunaux à Kordufan Ouest chargés de poursuivre les responsables d’enlèvements, la CISL se réfère à la déclaration du Comité des sages dans son rapport, selon laquelle, à sa connaissance, à la fin de mai 2002, les tribunaux en question n’avaient pas encore été créés. Tout en accueillant favorablement l’engagement du gouvernement de renforcer et d’appuyer le travail du CEAWC, la CISL est d’avis que l’intention déclarée du CEAWC d’accomplir son mandat dans le délai d’une année apparaît comme extrêmement optimiste et partage la préoccupation du Comité des sages sur le fait que le CEAWC sous-estime l’importance et la nature du problème.

8. Dans ses commentaires reçus en 2003, la CISL se réfère à un rapport publié en janvier 2003 par le président du CEAWC, indiquant que 2 000 cas environ d’enlèvements ont été signalés depuis 1999 et que le CEAWC prévoit «de répertorier les 11 500 cas restants, selon les estimations du Comité Dinka, dans le délai d’un an à partir de la date de disponibilité des fonds». La CISL estime que, vu les commentaires susvisés du Rapporteur spécial et les progrès limités réalisés par le CEAWC au cours des deux dernières années, le chiffre de 11 000 cas pouvant être identifiés et répertoriés en un an semble totalement irréaliste.

Réponse du gouvernement

9. Dans son dernier rapport, le gouvernement condamne une nouvelle fois toutes les formes d’esclavage et de travail forcé, ainsi que tous actes similaires considérés comme des crimes sanctionnés par le Code pénal. La commission a pris note de l’adoption du décret présidentiel no 14 de 2002 sur le rétablissement du CEAWC, lequel rattache directement son travail au Président de la République et lui donne le pouvoir d’examiner les rapports faisant état de cas d’enlèvements et d’engager des poursuites à l’encontre de toute personne suspectée de pratiquer ou de soutenir des enlèvements de femmes ou d’enfants ou de participer à de tels actes. Le décret prévoit la possibilité de créer des comités similaires au niveau de la province. Dans les informations supplémentaires sur les activités sur le terrain réalisées par le CEAWC, fournies au BIT en octobre 2003, le gouvernement se réfère à 506 cas d’enlèvements qui ont été signalés et résolus dans le cadre de plus de 20 missions sur le terrain dans plusieurs régions du Sud de Darfur et de l’Ouest de Kordofan. La commission a aussi noté que le CEAWC a élaboré un projet annuel de plan d’action destinéà résoudre les cas restants d’enlèvements, plan qui devra être achevé dans les douze mois qui suivent la date de disponibilité des fonds requis. Le gouvernement indique aussi que les enlèvements ont complètement cessé. Cependant, la CISL déclare dans sa communication de 2003 que le fait que le CEAWC n’ait reçu aucun nouveau cas d’enlèvement ne signifie pas que les enlèvements aient cessé, vu que le CEAWC n’a pas la capacité de réunir les informations sur les enlèvements et de faire des recherches sur les rapports et n’est donc pas en mesure de répertorier les nouveaux cas à moins que ces derniers ne lui soient communiqués directement. La commission demande au gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique du décret no 14, en indiquant, notamment, le nombre de personnes enlevées, identifiées et libérées, et le nombre de responsables d’enlèvement poursuivis, ainsi que des informations sur l’application pratique du plan d’action du CEAWC annexé au rapport. Prière d’indiquer aussi si des comités similaires ont été créés au niveau de la province, et dans l’affirmative de fournir des informations sur leur fonctionnement dans la pratique.

10. La commission a pris note des indications du gouvernement concernant la création par le ministre de la Justice de tribunaux spéciaux chargés de poursuivre les personnes responsables d’enlèvements de femmes et d’enfants. Se référant aux allégations susmentionnées de la CISL à ce sujet, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement dans la pratique de tels tribunaux, en indiquant le nombre de tribunaux créés et le nombre de poursuites engagées, et de communiquer des copies des décisions de justice.

11. Tout en accueillant favorablement les mesures positives prises par le gouvernement et son engagement renouvelé de résoudre le problème, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts avec détermination et d’adopter une position plus ferme pour combattre la pratique du travail forcé par l’intermédiaire de l’enlèvement de femmes et d’enfants. La commission veut croire que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer les résultats concrets obtenus à cet égard.

Article 25 de la convention

12. La commission avait précédemment noté que, aux termes de l’article 162 du Code pénal, l’enlèvement est passible de dix ans d’emprisonnement et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient appliquées aux coupables. Cependant, dans son rapport de 2002, le gouvernement estime que toute poursuite engagée, à l’heure actuelle, contre des personnes ayant commis des enlèvements, risque de porter atteinte aux recommandations émanant des réunions de conciliation tribale, organisées parmi les différentes tribus concernées par les cas d’enlèvements, dans une tentative d’éradiquer le phénomène des enlèvements réciproques, dans le cadre de la coexistence pacifique entre les tribus.

13. La commission observe que le fait de ne pas poursuivre les personnes ayant commis des enlèvements pourrait avoir pour effet d’assurer l’impunité de ces personnes qui ont recours au travail forcé. Elle rappelle que, aux termes de l’article 25 de la convention, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission invite instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir pour garantir que des poursuites légales soient engagées contre les coupables et que des sanctions pénales soient appliquées à l’encontre de toute personne convaincue d’avoir recouru au travail forcé, comme exigé par la convention.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 92e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2004.]

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