ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Observation (CEACR) - adopted 1994, published 81st ILC session (1994)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Pakistan (Ratification: 1957)

Display in: English - SpanishView all

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans un rapport de juin 1993 couvrant la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1992.

La commission constate que le gouvernement n'a pas communiqué de rapport pour la période se terminant en juin 1993, ni de réponse aux plus récents commentaires de la commission de mars 1993.

La commission a pris note des observations concernant l'application de la convention formulées par la Fédération nationale des syndicats du Pakistan, la Fédération des syndicats du Pakistan et la Fédération des syndicats unis du Pakistan, dans leurs communications datées respectivement des 5 octobre, 11 octobre et 31 décembre 1993, qui ont été transmises pour commentaires au gouvernement respectivement les 15 octobre et 1er novembre 1993 et le 21 janvier 1994. La commission note que le gouvernement n'a pas encore répondu à ces observations.

La commission relève que dans une allocution à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, le 1er février 1994, le Premier ministre a déclaré que le premier objectif de son gouvernement est d'assurer une vie de dignité à son peuple et que ce gouvernement s'efforce de garantir les droits des femmes et leur pleine participation dans la société, d'assurer une protection complète des enfants et de préserver les droits fondamentaux des minorités.

1. Servitude pour dettes

Dans ses précédents commentaires, la commission a noté la promulgation, le 11 mars 1992, de la loi no III abolissant le système de servitude pour dettes, qui proclame tout travailleur jusque-là asservi libre et dégagé de toute obligation d'exécuter un travail asservi. La commission notait entre autres que cette loi dispose que nul ne fera d'avances (peshgi) entraînant la servitude pour dettes ni n'obligera qui que ce soit à se livrer à un travail en servitude ou à toute autre forme de travail forcé (art. 4). Les gouvernements des provinces peuvent investir les magistrats de district des pouvoirs et attributions nécessaires à l'application de la loi. Les magistrats de district devront s'efforcer de promouvoir, autant que possible, les conditions d'existence du travailleur libéré en protégeant les intérêts économiques de ce dernier de telle sorte qu'il n'ait plus ni l'occasion ni de motif de retomber dans la servitude pour dettes (art. 9 et 10). La commission a noté que l'asservissement de travailleurs pour dettes ou la contrainte à la servitude dans le cadre de ce système est passible d'une peine d'emprisonnement de deux à cinq ans ou d'une amende de 50.000 roupies, ou des deux à la fois (art. 11 et 12).

La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour appliquer cette loi dans la pratique.

La commission note les indications communiquées par le gouvernement dans son rapport de juin 1993 au sujet de l'estimation du nombre de travailleurs asservis, en réponse à l'observation antérieure de la commission (en 1992) qui faisait état d'allégations portées devant les Nations Unies, selon lesquelles 20 millions de personnes seraient en état de servitude pour dettes, dont 7 millions d'enfants. Le gouvernement juge ces chiffres irréalistes. Il indique que, selon le Bureau fédéral de statistiques et le ministère des Finances, le total de la population active est de 33,82 millions, le total des personnes employées de 32,76 millions, dont 16,76 millions dans l'agriculture et 11,99 millions dans l'industrie. Le gouvernement ajoute que si les chiffres cités plus haut devaient être retenus, il en résulterait que 60 pour cent de la population employée travaillerait en servitude ou bien, si ces chiffres étaient ajoutés au nombre de personnes employées, alors le total de la population active s'élèverait à 53 millions, soit près de 45 pour cent de la totalité de la population. En ce qui concerne les enfants, le gouvernement déclare que le chiffre cité n'est probablement même pas celui du total des enfants qui travaillent.

La commission note que, dans ses observations, la Fédération des syndicats du Pakistan estime elle aussi que les chiffres cités dans ces allégations ne reflètent pas la réalité, mais qu'il existe des cas de servitude dans les régions les moins peuplées, oû des travailleurs médiocrement rémunérés vivent sous le joug du féodalisme, hérité du passé colonial du pays. La fédération ajoute que les moyens modernes d'information, l'amélioration des communications entre les différentes parties du pays et la tenue d'élections à intervalles réguliers suscitent un large éveil des consciences en faveur des groupes les plus défavorisés et de l'abolition de toutes les formes de servitude et de travail des enfants. Néanmoins, la simple promulgation de la loi abolissant la servitude pour dettes ne résoudra pas les problèmes considérables auxquels sont confrontés les travailleurs ni les souffrances des enfants si des ressources financières ne sont pas consacrées au développement social de ces catégories de la population et à l'amélioraton de la formation professionnelle et des moyens de formation. La fédération souligne également la nécessité de créer des commissions tripartites.

La commission note également les observations de la Fédération nationale des syndicats du Pakistan, qui souligne la nécessité d'une action gouvernementale tendant à l'application stricte de la loi de 1992 abolissant le système de servitude pour dettes.

La commission note également les observations de la Fédération des syndicats unis du Pakistan, qui évoque le mouvement lancé en collaboration avec les syndicats des travailleurs de la fabrication de briques contre le travail forcé des hommes, des femmes et des enfants dans ce secteur. La fédération affirme que la pratique des avances y a toujours cours, en dépit de son interdiction par la loi de 1992 sur l'abolition de la servitude pour dettes. La fédération se réfère également à l'article 15 de la loi, qui concerne la création de comités de vigilance devant être composés "de représentants élus de la circonscription, de représentants de l'administration du district, de l'Association du barreau, de la presse, des services sociaux officiels et des départements du travail du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux". La fédération se déclare préoccupée par l'emprise de certains milieux sociaux et politiques sur l'appareil administratif qui, selon elle, font barrage à l'élimination du système de servitude pour dettes. La fédération réclame en conséquence que les syndicats soient également représentés dans ces comités de vigilance.

La commission prend note des déclarations de la fédération selon lesquelles le système "Jammada/jammadarni" (système de contrôle; intermédiaire entre le travailleur et l'employeur) se perpétue dans le secteur de la fabrication de briques alors qu'il devrait être aboli en vertu de la loi de 1992. Cette fédération affirme également que les travailleurs de ce secteur perçoivent des salaires qui sont en deçà des minima prescrits; à cet égard, la commission se réfère à son observation sur l'application de la convention no 81 sur l'inspection du travail.

La commission a également noté que la Commission des droits de l'homme du Pakistan a recommandé, en janvier 1994, une application stricte de la loi abolissant la servitude pour dettes, aussi bien dans l'industrie que dans l'agriculture.

Constatant que plus de deux années se sont écoulées depuis la promulgation, en mars 1992, de la loi abolissant la servitude pour dettes, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises pour assurer la libération effective de tous les travailleurs soumis à ce système. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour faire appliquer cette loi et, en particulier, sur les aspects suivants: le nombre de travailleurs asservis pour dettes qui ont été affranchis depuis la promulgation de la loi; le nombre d'inculpations et de condamnations d'exploiteurs et de sanctions prises; les mesures prises par les magistrats de district pour promouvoir les conditions d'existence des travailleurs libérés; le nombre des comités de vigilance créés, leur composition et le travail qu'ils ont accompli. Elle rappelle à cet égard que les fonctions des comités de vigilance sont de conseiller l'administration de district sur les questions tendant à une application effective de la loi, d'aider à la réinsertion des travailleurs affranchis, d'exercer un contrôle sur l'application de la loi, de fournir aux travailleurs affranchis l'assistance nécessaire à la réalisation des objectifs de la loi.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes en réponse aux allégations de la Fédération des syndicats unis du Pakistan.

2. Enfants en servitude

Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que les participants au Séminaire régional asien sur la servitude des enfants, qui s'est tenu au Pakistan du 23 au 26 novembre 1992, ont formulé et adopté un programme d'action contre la servitude des enfants. Selon les termes de ce programme, la lutte contre la servitude des enfants exige un engagement politique ferme, une politique nationale d'ensemble et un programme d'action prévoyant des réformes législatives, une application effective et un système d'enseignement obligatoire et gratuit, soutenus par une mobilisation de la collectivité et des campagnes d'information. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour abolir la servitude des enfants et pour assurer l'application effective de la loi de 1992 sur l'abolition de la servitude pour dettes en ce qui concerne les enfants.

La commission note que le Programme national d'action concernant l'enfance et le développement pour les années 1990 (NPA) prévoit que "des efforts seront déployés pour faire reculer de manière appréciable le travail des enfants" ... qui constitue "sous ses différentes formes une menace pour la santé des enfants, diminue leurs chances d'accéder à l'instruction primaire et les prive d'un temps de loisirs d'une importance capitale pour leur croissance et leur épanouissement. Ce travail des enfants contribue également au chômage et aux bas salaires chez les adultes, phénomène qui perpétue lui-même la pauvreté et le travail des enfants ... On estime que les enfants qui travaillent sont de 8 à 10 millions. Ils sont généralement employés dans l'agriculture, dans la fabrication de briques, dans la confection de tapis, par les sous-traitants des grandes industries, par de petites entreprises non déclarées et souvent dangereuses, comme gens de maison, pour la collecte des ordures ménagères, dans le secteur informel et dans les milieux sordides de la clandestinité ... Il est impératif de mettre en oeuvre, de toute urgence, des programmes globaux permettant d'éviter aux enfants d'être mis trop tôt au travail." Le NPA "a pour objectif de faire disparaître la séquestration et le travail forcé".

La commission note également les informations contenues dans un rapport établi conjointement par le gouvernement et l'UNICEF (Analyse de la situation des enfants et des femmes au Pakistan) qui constate que, "en milieu urbain, une grande majorité d'enfants travaillent dans le secteur informel, dans des petites entreprises non déclarées. Un quart au moins des enfants qui travaillent dans les villes ont moins de 10 ans, plus de la moitié travaillent onze heures par jour ou plus, et neuf sur dix travaillent plus de huit heures."

Le rapport fait ressortir le travail des enfants comme employés de maison, dont beaucoup sont des fillettes, indiquant que "il y a lieu de croire que ces enfants sont très vulnérables à l'exploitation et aux sévices, y compris aux sévices sexuels". Le rapport ajoute que "il pourrait y avoir des milliers d'enfants séquestrés et contraints au travail forcé, essentiellement sur les chantiers de construction; des dizaines de milliers d'enfants travaillent avec leurs familles dans la fabrication de briques" ...

Des enfants doivent travailler, au-delà de leurs capacités physiques, dans des emplois mettant en danger leur santé, leur sécurité, leur développement physique et psychique, pendant de longues heures, ce qui compromet leur éducation et ne leur laisse ni loisirs ni repos, et bien souvent pour un salaire de misère sans commune mesure avec la quantité de travail fournie; des enfants travaillent dans des conditions d'exploitation n'ayant aucun rapport avec une relation libre de travail. Ils sont exploités parce qu'ils sont jeunes et sans défense; ils sont privés du droit à une enfance normale, privés d'éducation, privés d'un avenir.

Se référant à l'article 25 de la convention, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement veillera à ce que les sanctions prévues par la loi pour exaction de travail forcé ou obligatoire sont réellement efficaces et strictement appliquées, et qu'il fournira des informations détaillées sur les mesures prises pour garantir que la convention soit appliquée dans la pratique. A cet égard, elle le prie à nouveau de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour faire appliquer effectivement la loi de 1992 abolissant la servitude pour dettes en ce qui concerne les enfants.

3. Restrictions à la cessation de l'emploi

La commission formule des commentaires depuis un grand nombre d'années sur les dispositions de la loi de 1952 sur le maintien des services essentiels, en vertu desquelles toute personne au service du gouvernement central, quel que soit l'emploi qu'elle exerce, est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an si elle met fin à son emploi sans le consentement de son employeur, nonobstant toute condition expresse ou tacite de son contrat prévoyant la démission avec un préavis. Ces dispositions peuvent être étendues à d'autres catégories d'emplois (art. 2, 3 1) b) et explication no 2, art. 7 1) et art. 3). La loi de 1958 du Pakistan occidental sur les services essentiels comporte des dispositions similaires.

Le gouvernement a précédemment indiqué son intention de modifier les dispositions de la loi de 1952 de manière qu'un travailleur puisse mettre fin à son emploi conformément aux conditions expresses ou tacites de son contrat.

La commission note que le gouvernement se réfère, dans son rapport, à l'article 2, paragraphe 2 a), de la convention et déclare que, le service militaire étant exclu du champ d'application de la convention, il n'est pas nécessaire de modifier les instruments susmentionnés.

La commission fait observer que les dispositions de la loi de 1952 sur le maintien des services essentiels et la loi de 1958 du Pakistan occidental ayant le même objet s'appliquent aux personnes occupant un emploi de quelque nature que ce soit au service du gouvernement central et ne sont pas limitées, quant à leurs effets, au "service militaire". En outre, en ce qui concerne le service militaire, il convient de rappeler que les dispositions de la convention concernant le service militaire obligatoire ne s'appliquent pas aux militaires de carrière. La commission a souligné, aux paragraphes 33 et 67 à 73 de son Etude d'ensemble de 1979 sur le travail forcé ou obligatoire, que le fait que le service militaire obligatoire ne soit pas couvert par la convention ne saurait être invoqué pour priver des militaires de carrière du droit de quitter le service de leur propre initiative dans des délais raisonnables soit à des intervalles déterminés, soit moyennant préavis.

La commission prend note des observations de la Fédération nationale des syndicats du Pakistan selon lesquelles les organisations de travailleurs du pays expriment avec fermeté et constance le désir que ces lois soient abrogées. La fédération fait observer que ces lois sont imposées en temps ordinaire de manière perpétuelle et pour des périodes indéfinies, au préjudice des travailleurs concernés. Elle indique que ces lois ne devraient s'appliquer qu'en situation d'urgence, par exemple en temps de guerre, en cas de troubles civils, en cas de péril en mer, de tremblement de terre, et pour une période de six mois pouvant éventuellement être prolongée en fonction de la gravité des événements.

La commission note également que, dans ses observations, la Fédération des syndicats du Pakistan appelle instamment le gouvernement à abroger ces lois, les travailleurs devant avoir la liberté de quitter leur emploi.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations en réponse aux observations formulées par les organisations de travailleurs ainsi que sur les mesures prises pour rendre les dispositions de la loi de 1952 sur le maintien des services essentiels et de la loi de 1958 du Pakistan occidental ayant le même objet conformes à la convention. La commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires à cette fin seront prises prochainement.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer