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Observation (CEACR) - adopted 1993, published 80th ILC session (1993)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - United Republic of Tanzania (Ratification: 1962)

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La commission note le rapport du gouvernement ainsi que les discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1992.

Depuis un certain nombre d'années, la commission a formulé des commentaires sur les graves divergences entre la législation et la pratique nationales et les dispositions de la convention. La commission a fait notamment observer ce qui suit:

- en vertu de l'article 25, paragraphe 1, de la Constitution de 1985, toute personne est tenue de participer volontairement et consciencieusement à un travail légitime et productif, d'observer la discipline du travail et d'oeuvrer à la réalisation des objectifs de production individuels et communautaires exigés ou prévus par la loi; l'article 25, paragraphe 2, dispose que, sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il n'y aura pas de travail forcé. Toutefois, l'article 25, paragraphe 3 d), dispose qu'un travail n'est pas considéré comme étant un travail forcé si les tâches accomplies sont des travaux de secours effectués dans le cadre d'initiatives obligatoires tendant à l'édification de la nation (ii), en conformité avec la loi (iii), ou si elles s'insèrent dans l'action nationale menée pour que chacun contribue au développement de la société et de l'économie nationale et oeuvre au succès du développement;

- la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district), l'ordonnance de 1952 sur l'emploi, dans sa teneur modifiée, la loi de 1983 sur le déploiement des ressources humaines, le Code pénal, la loi de 1969 sur la réinsertion des criminels, la loi de 1969 sur les commissions d'aménagement de districts et la loi de 1982 sur les finances de l'administration locale prévoient qu'un travail obligatoire peut être imposé, notamment par des autorités administratives, à la faveur d'une obligation générale de travailler et à des fins de développement économique;

- la commission avait également pris note de plusieurs arrêtés promulgués entre 1988 et 1990 en vertu de l'article 148 de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district), sous les titres suivants: "auto-assistance et développement communautaire", "édification de la nation", "mesures d'application de déploiement des ressources humaines", "promotion de l'agriculture", "planter et soigner les arbres". La commission a noté à cet égard, par exemple, qu'en application des arrêtés de 1989 pris par le Conseil de district de Mwanga sur l'auto-assistance et le dévelopement communautaire (avis du gouvernement no 246 du 20 juillet 1990) "le conseil peut décider d'affecter tous les résidents de la zone touchée qui est du ressort du conseil, ou des personnes ayant des compétences spéciales, à des activités de développement de tous ordres"; l'arrêté ne limite pas la nature des projets, les bénéficiaires escomptés ou la durée de la participation, par contre il exempte de la participation à ces activités notamment les travailleurs à plein temps de l'administration nationale, du conseil, du parti Chama Cha Mapinduzi, des organisations para-étatiques et des entreprises privées. Pour les autres résidents, la participation est obligatoire, ceux qui s'y soustraient étant passibles d'amendes et d'"extorsion de biens". Ce travail obligatoire ne concerne pas nécessairement des "menus travaux" et n'est pas non plus nécessairement exécuté "dans l'intérêt direct de la collectivité par les membres de celle-ci"; c'est-à-dire qu'il ne se limite pas aux "menus travaux de village" prévus à l'article 2, paragraphe 2 e), de la convention;

- la constitution du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM) (antérieurement le seul parti politique) énonce au nombre de ses objectifs que le parti s'efforce de veiller à ce que toute personne valide travaille.

La commission a exprimé sa préoccupation devant l'obligation institutionnalisée et systématique de travailler prévue par la législation à tous les niveaux, de la Constitution nationale aux arrêtés de district, en passant par les lois nationales, en contradiction avec la convention no 29 et l'article 1 b) de la convention no 105, ratifiés par la République-Unie de Tanzanie, qui interdit le recours au travail obligatoire à des fins de développement.

La commission note les indications du gouvernement à la Commission de la Conférence, selon lesquelles une commission technique interministérielle est chargée de la consolidation de trois lois sur le travail qui remplaceront l'ordonnance no 366 de 1952 sur l'emploi, telle que modifiée, mais que les travaux ont été suspendus pendant que l'Assemblée nationale examinait des projets d'amendements à la Constitution. La commission note également que le gouvernement a fait état d'une demande adressée au Bureau sur une nouvelle version du projet de loi sur l'emploi, élaboré à l'origine avec l'assistance technique de l'OIT en 1989. La commission note que les commentaires du Bureau, y compris ceux portant sur les dispositions en matière de travail forcé, ont été communiqués au gouvernement en juillet 1992 et qu'ils ont été suivis d'une mission consultative technique en août; il a été suggéré que le gouvernement recense les dispositions de l'ensemble de la législation qui posent des difficultés et les modifie ou les abroge, en tant que de besoin, en annexe à la loi sur l'emploi ou d'un autre projet de loi.

La commission note les indications du gouvernement dans son rapport de novembre 1992, selon lesquelles l'absence d'un système de coordination efficace rend difficile de modifier la législation qui ne fait pas partie de la législation du travail. Des consultations interministérielles se poursuivent en vue de rectifier cette situation, mais elles prendront du temps. Un exercice d'éducation des fonctionnaires du travail a eu lieu en vue de former ces fonctionnaires aux obligations internationales. En ce qui concerne l'article 25(3)(d)(i) et (ii) de la Constitution, le gouvernement considère qu'il est conforme à l'article 2, paragraphe 2 a) et b), de la convention. La commission fait observer que ses commentaires ne se rapportent pas au sous-alinéa (i) de l'article 25(3)(d) de la Constitution; concernant le sous-alinéa (ii) (initiatives obligatoires pour l'édification de la nation), la commission relève que l'article 2, paragraphe 2 a), de la convention traite du travail exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire, en prévoyant que seul le travail de caractère purement militaire ne rentre pas dans la définition du travail forcé; le champ d'application de l'alinéa (ii), qui a trait "à des initiatives obligatoires pour l'édification de la nation", est différent.

La commission a noté qu'outre les arrêtés pris entre 1988 et 1990 dont elle a fait mention dans ses précédents commentaires plusieurs autres arrêtés ont été adoptés en 1991 et 1992 en vertu de l'article 148 de la loi de 1982 sur l'administration locale (Autorités de district), qui s'intitulent également "édification de la nation", "mesures d'application du déploiement des ressources humaines", "auto-assistance et développement communautaire" ainsi que "construction et entretien des routes de village".

La commission ne peut qu'une fois de plus exprimer l'espoir que le gouvernement réexaminera toutes les dispositions contraires à la convention, que le projet de loi sur l'emploi sera mis en conformité avec la convention et que le gouvernement abrogera ou modifiera bientôt toutes les dispositions contraires à la convention. Des mesures s'imposent au regard des questions suivantes, qui font l'objet de commentaires depuis un certain nombre d'années:

Tanzanie continentale

Obligation générale de travailler. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission s'est référée à la loi de 1983 sur le déploiement des ressources humaines, qui prévoit l'établissement d'un mécanisme destiné à régler et à faciliter l'engagement de toute personne valide pour un travail productif. En vertu de l'article 3 de cette loi, chaque autorité locale doit faire en sorte que toute personne valide âgée de plus de 15 ans et résidant dans son ressort soit occupée à un travail productif ou à une autre activité légale; à cette fin, l'autorité locale doit établir et maintenir des registres des employeurs et de tous les résidents de son ressort capables de travailler (art. 13 et 14) et instituer un régime en vertu duquel tout employeur enregistré doit pouvoir faire appel à tout résident de son ressort enregistré et sans travail (art. 20). En vertu de l'article 17 de ladite loi, le ministre du Travail et du Développement de la main-d'oeuvre a pouvoir de transférer à d'autres districts et à un autre emploi des résidents sans travail; en vertu de l'article 24, tout manquement à une disposition de la loi précitée est passible d'amende et d'emprisonnement. Se référant aux explications données aux paragraphes 34 à 37 et 45 à 48 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a signalé qu'une législation obligeant tous les citoyens valides à avoir une activité lucrative, sous peine de sanction pénale, est incompatible avec la convention.

La commission exprime à nouveau l'espoir que les mesures nécessaires seront prises rapidement pour mettre la loi sur le déploiement des ressources humaines en conformité avec la convention et que le gouvernement indiquera les dispositions prises à cet effet.

2. La commission a noté précédemment qu'en vertu de la loi no 2 de 1983 portant diverses modifications à des lois écrites l'article 176 du Code pénal a été modifié par l'insertion, notamment, d'un nouveau paragraphe 8 punissant "toute personne valide qui n'est pas engagée dans une tâche productive quelconque et n'a pas de moyens visibles de subsistance". Notant aussi que les personnes visées à l'article 176 du Code pénal peuvent être soumises à des mesures administratives en application de la loi sur le déploiement des ressources humaines, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations complètes sur l'application, dans la pratique, de l'article 176 (8), en joignant toute décision judiciaire définissant ou illustrant sa portée et toute directive suivie par les autorités administratives pour définir les personnes pouvant être poursuivies en vertu de cette disposition. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement réexaminera l'article 176 (8) du Code pénal à la lumière de la convention et des explications données aux paragraphes 34 à 37 et 45 à 48 de l'Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé et qu'il indiquera les mesures prises ou envisagées à cet égard pour assurer le respect de la convention.

3. Travail obligatoire à des fins publiques et dans des programmes de développement. Dans des commentaires formulés depuis plusieurs années, la commission a observé que, contrairement à la convention, la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi permet d'imposer du travail forcé à des fins publiques et que l'article 6 de la loi de 1969 sur les commissions d'aménagement de districts donne auxdites commissions le pouvoir de prendre des arrêtés exigeant que tous les citoyens adultes qui résident dans leur ressort participent à la mise en oeuvre de tout programme de développement agricole ou pastoral, à la constuction d'ouvrages ou de bâtiments destinés au bien-être social des résidents, à l'établissement de toute industrie ou à la construction de tout ouvrage d'utilité publique. La commission a noté que, selon l'indication du gouvernement, la non-conformité de la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi et de l'article 6 de la loi sur les commissions d'aménagement de districts serait corrigée lorsque le nouveau Code du travail aura été adopté.

La commission, se référant également au projet de loi susmentionné sur l'emploi, espère que les mesures nécessaires seront bientôt prises afin de mettre la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi et l'article 6 de la loi sur les commissions d'aménagement de districts en conformité avec la convention et que le gouvernement indiquera les dispositions adoptées à cet effet.

4. La commission a précédemment noté qu'en vertu du paragraphe 103 de la première annexe à l'article 118 4) de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) il peut être imposé des travaux de village non rémunérés ou le paiement d'une somme compensatoire qui visent une grande variété d'objectifs "non interdits par la convention concernant le travail forcé". Se référant aux paragraphes 36 et 37 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour que pareille obligation soit limitée aux cas de force majeure dus à des circonstances mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de la population, ou à de menus travaux de village - c'est-à-dire essentiellement des travaux d'entretien - effectués dans l'intérêt direct de la collectivité locale et non destinés à un groupe plus large. Le gouvernement a indiqué précédemment qu'il n'est recouru dans la pratique à la législation sur l'administration locale que pour des travaux de village exécutés dans l'intérêt de la collectivité et décidés par cette dernière.

La commission a, toutefois, noté que des arrêtés imposant l'obligation de cultiver des terres aux propriétaires résidant à la campagne ont été pris, en fait, par les conseils de district et approuvés par le gouvernement national et que, aux termes de l'article 148 de la loi, les conseils de district peuvent, sous réserve de l'approbation du ministre, adopter des arrêtés en vue de leur application et aux fins de toute fonction conférée par la loi ou en vertu de celle-ci ou de toute autre loi écrite.

La commission, se référant aussi aux récents exemples mentionnés précédemment d'arrêtés de portée large adoptés en application de l'article 148 de la loi et imposant du travail obligatoire à des fins de développement, espère que le paragraphe 103 de la première annexe à l'article 118 4) de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) sera modifiée de manière à respecter les limites prévues à l'article 2, paragraphe 2 d) et e), de la convention et que des mesures seront également prises afin qu'aucun arrêté prévoyant l'imposition d'un travail obligatoire ne puisse être approuvé en vertu de l'article 148 de la loi.

5. Cultures obligatoires. La commission a noté que l'ordonnance sur l'administration locale et, après son abrogation, la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) et l'article 121 e) de l'ordonnance sur l'emploi, tel que modifié par la loi no 82 de 1962, permettent aux autorités locales d'exiger des cultures obligatoires. En fait, des conseils de district ont effectivement, avec l'approbation du gouvernement national, pris des arrêtés qui restreignent la production de cultures vivrières et obligent les propriétaires résidents à cultiver et à entretenir une surface déterminée de cultures de rapport.

La commission veut croire que les mesures nécessaires seront prises sans délai afin de mettre la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) et l'article 121 e) de l'ordonnance sur l'emploi, de même que tout arrêté pris et approuvé en vertu de ces textes, en conformité avec la convention, et que le gouvernement indiquera les dispositions adoptées à cette fin.

6. Article 2, paragraphe 2 c). Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que les articles 4 à 8 de la loi de 1969 sur la réinsertion des criminels et les articles 4 et 17 de son règlement d'application (1969) permettent que, par décision administrative, la réinsertion comporte du travail obligatoire. En outre, en vertu des articles 26 et 27 de la loi sur le déploiement des ressources humaines, le ministre peut prendre les dispositions voulues pour un transfert en douceur et coordonné, ou toute autre mesure visant la réadaptation et l'affectation appropriées de personnes poursuivies ou reconnues précédemment coupables aux termes des articles 176 et 177 du Code pénal. Dans son rapport pour la période se terminant le 15 octobre 1988, le gouvernement a ajouté qu'étant donné qu'en République-Unie de Tanzanie un travail ne peut être exigé d'une personne qu'à la suite d'une condamnation prononcée par un tribunal, il s'ensuit qu'aucun travail obligatoire ne peut être imposé par un organe administratif ou non judiciaire. La commission exprime une nouvelle fois l'espoir que les dispositions de la loi et du règlement de 1969 sur la réinsertion des criminels, mentionnées ci-dessus, qui paraissent autoriser l'imposition de travail obligatoire par décision administrative, seront modifiées pour qu'en droit, aucun travail obligatoire ne puisse être exigé d'un délinquant autrement qu'à la suite d'une condamnation judiciaire, et que le gouvernement indiquera toute action qu'il aura entreprise à cet effet.

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