Allégations: Menaces, actes d’intimidation et de discrimination antisyndicale contre des dirigeants et des membres de la WBCPA, arrestation, détention et mise en accusation pénale de dirigeants de la WBCPA, répression violente de manifestations, tentative d’empêcher des réunions de l’organisation de travailleurs, ingérence quant au droit de l’organisation d’organiser ses activités et de formuler ses programmes en toute liberté
- 348. La plainte figure dans une communication en date du 12 août 2014 présentée par l’Association des policiers civils du Bengale-Occidental (WBCPA).
- 349. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 22 avril et 2 juillet 2015.
- 350. L’Inde n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 351. Dans sa communication datée du 12 août 2014, la WBCPA se décrit comme une association d’hommes et de femmes employés par le gouvernement de l’Etat indien du Bengale-Occidental pour appuyer les forces de police ordinaires et assumer des missions de garde routinières de courte durée. Elle indique que, le 10 octobre 2013, le gouvernement du Bengale-Occidental a recruté 130 000 hommes et femmes entre 18 et 28 ans en qualité de «volontaires de police civile» et fournit notamment des copies de l’arrêté gouvernemental no 752-PL/PB/3P-31/12, daté du 28 février 2013, et des Guidelines for Eligibility, Mode of Induction, Training, Duties and Termination of voluntary services, etc. (lignes directrices annexées à l’arrêté gouvernemental no 4129-PL/PB/3P-29/11, daté du 26 septembre 2011), qui, en vertu de l’arrêté, constituent la base légale sur laquelle les 130 000 volontaires de police civile ont été recrutés et leurs conditions de travail définies.
- 352. L’organisation plaignante indique que les volontaires ont eu à effectuer cent vingt jours de travail sur une période de six mois, pour un montant journalier de 141,82 roupies indiennes (2,30 dollars E.-U.), soit beaucoup moins que le taux de salaire minimum du gouvernement fixé à 206 roupies ou 3,35 dollars. Elle affirme que même cette faible rémunération est versée de façon irrégulière, souvent avec un retard allant de deux à trois mois. La WBCPA déclare en outre que les recrues n’ont reçu aucune lettre de nomination, que les salaires sont versés sur la base de feuilles d’appel et que, dans la plupart des districts, aucun uniforme ne leur a été fourni. Des missions risquées ont été confiées à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes qui n’ont pas été formés et qui ne bénéficient d’aucune sécurité ou protection juridique. Six recrues ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions, dont Saphikul Sheikh du poste de police de Behrampur, dans le district de Murshidabad, qui a été jeté d’un pont par des chauffeurs de camion en colère alors qu’il essayait de gérer la circulation. Aucune indemnité n’a été versée aux familles des recrues décédées. Les recrues qui sont blessées n’ont aucune garantie de recevoir des soins médicaux.
- 353. L’organisation plaignante indique que la police civile a commencé à s’organiser en novembre 2013 avec l’aide d’Asanghatit Kshetra Shramik Sangrami Manch (la plate forme de lutte pour les travailleurs du secteur non organisé). La WBCPA a été créée en décembre 2013 dans le but d’améliorer les conditions de travail de ses membres. Lors des élections législatives de mai 2014 (Lok Sabha), les membres de la police civile étaient en service. Le 30 juin, ils ont été renvoyés, à la suite de quoi ils ont organisé une grande manifestation à Kolkata le 10 juillet 2014, à laquelle ont participé 35 000 40 000 personnes. Une délégation de manifestants a rencontré le ministre du Travail, qui a immédiatement fait promulguer un arrêté pour que les membres de la police civile soient affiliés à un régime de sécurité sociale pour travailleurs du secteur non organisé. Le ministre a aussi demandé des renseignements au sujet de ceux qui avaient été blessés ou tués dans l’exercice de leurs fonctions afin de prendre des dispositions en vue d’une indemnisation ou de traitements médicaux et a promis d’étudier les autres demandes des policiers civils avec la ministre en chef dans un délai d’un mois. Ces autres demandes comprenaient la continuité du service, la délivrance de lettres de nomination, le paiement d’un salaire minimum, une caisse de prévoyance, des primes, la couverture par le régime d’assurance publique des salariés (Employment State Insurance Scheme – ESIS), une formation adéquate et une protection pendant le service. Le 14 juillet 2014, le gouvernement de l’Etat a publié l’arrêté no 1940-PL/PB/3P-31/12 prévoyant cent vingt jours de travail au taux de 141,82 roupies pour les membres de la «force volontaire de police civile» de juillet à décembre 2014. L’arrêté stipulait clairement qu’aucun nouveau candidat ne serait recruté et que les 130 000 anciennes recrues garderaient leur travail. La WBCPA a considéré cette décision du gouvernement du Bengale-Occidentale comme une victoire.
- 354. Cependant, à la suite de ces développements et une fois qu’ils ont été de retour dans leurs régions d’origine, les dirigeants et membres de la WBCPA ont subi des menaces et des actes d’intimidation de la part de leurs supérieurs dans les forces de police et de dirigeants de partis locaux. Il a été fait état de divers incidents dans presque tous les districts du Bengale-Occidental.
- 355. Le 16 juillet à midi, M. Sanjay Poria, le président de la WBCPA, a été convoqué à son poste de police local à Keshpur, dans le district de Paschim Medinipur, et a été retenu dans le bureau du commissaire de police du district jusqu’à minuit et demi sans être autorisé à informer sa famille ou d’autres membres de la WBCPA de l’endroit où il se trouvait. Pendant ces heures, un groupe de hauts fonctionnaires de police l’a interrogé et menacé à de nombreuses reprises. L’organisation plaignante estime que, s’il a été relâché indemne cette nuit-là, c’est uniquement grâce aux appels téléphoniques répétés de dirigeants syndicaux soutenant la WBCPA, qui étaient parvenus à suivre la trace de M. Poria. M. Poria n’a pas été réintégré dans ses fonctions à la suite de cet incident. En outre, des poursuites pénales ont été engagées à son encontre.
- 356. Le même jour, l’officier responsable du poste de police de Khatra, dans le district de Bankura, a dit clairement qu’il n’engagerait aucun membre de la direction de la WBCPA. Cette annonce a donné lieu à une altercation avec toutes les recrues inscrites, et la police a finalement eu recours à une charge à coups de matraque (lathi). Des enquêtes de police ont été ouvertes contre deux dirigeants, M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid.
- 357. L’organisation plaignante indique que, le 17 juillet, la police a fait une descente au Badu Collective, un lieu où 12 familles cohabitent et que de nombreux activistes, dont les membres de la WBCPA, utilisent pour passer la nuit et tenir des réunions non officielles. Des agents du service de renseignement du district ont d’abord posé des questions concernant une réunion de la police civile qui, selon eux, devait se tenir dans ces locaux. Ils ont ensuite été suivis par un déploiement massif de forces de police conduit par le sous préfet de police. Les policiers étaient armés de bombes de gaz lacrymogène et étaient venus avec des fourgons de police, dans le but d’interrompre la réunion. La communauté vivant au Badu Collective a été prise par surprise, puisqu’elle n’avait aucune information quant à une telle réunion. Elle est par ailleurs restée encerclée par la police toute la journée.
- 358. L’organisation plaignante indique que, le 19 juillet, le commissaire du district de Malda aurait déclaré que l’ensemble des 4 800 policiers civils du district seraient remplacés par de nouvelles recrues, alors que le gouvernement du Bengale-Occidental avait clairement déclaré que les 130 000 anciennes recrues seraient réintégrées et qu’aucun nouveau candidat ne serait engagé. Cette annonce a soulevé d’importants mouvements de protestation dans de nombreux postes de police. Au poste de police d’Harishchandrapur, les manifestants ont été chargés à coups de matraque, et 12 d’entre eux ont été détenus jusqu’à minuit avant d’être libérés sans inculpation après l’intervention d’un député local. Au poste de police de Baishnabnagar, dans le même district, quelque 500 600 policiers civils se sont présentés après la publication de la nouvelle circulaire du 19 juillet. La décision de la police locale de les remplacer par de nouvelles recrues a conduit à des manifestations de protestation violemment réprimées. En lien avec ces manifestations, une enquête de police a été ouverte contre 13 recrues de police civile, dont cinq jeunes femmes et huit jeunes hommes (Khairul Islam, Sadirul Islam, Souvik Mondal, Dipali Mondal, Champa Mondal, Poly Rani Mondal, Noeti Mondal, Salim Mian, Kunal Singha, Sridam Mondal, Mobarak Hossain, Pijush Kranti Ghosh, Jharna Ghosh).
- 359. L’organisation plaignante indique que des cas de dirigeants et membres de la WBCPA ayant reçu un traitement similaire ont été rapportés à la suite de la mobilisation du 10 juillet 2014 dans presque tous les districts du Bengale-Occidental et fournit une liste détaillée de 111 postes de police dans lesquels des faits similaires se sont produits: à Bankura, Birbhum, Burwan, Cooch Behar, Darjeeling, Hooghly, Jalpaiguri, Murshidabad, Nadia, North 24 Parganas, North Dinajpur, Paschim Medinipore, Purba Medinipore, Purulia et South 24 Parganas, des recrues de police civile ont été démobilisées (29 recrues au total), d’autres ont été renvoyées pour faute (742 recrues) ou sans aucune justification (171 recrues). D’autres recrues encore ont été menacées de renvoi ou de poursuites pénales (2 491 recrues au total). L’organisation plaignante indique que les fonctionnaires responsables déclaraient avoir reçu l’ordre de ne pas engager les membres de la direction de l’association. Il a été dit oralement ou par écrit aux membres et dirigeants de la WBCPA qu’ils étaient sanctionnés pour avoir syndiqué leurs collègues et pour avoir dirigé le mouvement et la manifestation du 10 juillet, que des enregistrements vidéo avaient été faits de leur participation à la manifestation et que le service de renseignement de la police avait réuni les noms des chefs de file. Les organisateurs au niveau des postes de police ont indiqué que de nombreux membres ont été menacés, et l’organisation plaignante déclare que quelque 1 500 ont été forcés à s’engager par écrit à rompre immédiatement toute relation avec la WBCPA avant d’être réintégrés dans leurs fonctions.
- 360. L’organisation plaignante indique par ailleurs que, le 20 juillet 2014, le principal quotidien en langue bengali, le Bartaman Patrika, a fait savoir que la ministre en chef du Bengale-Occidental avait alloué 6,5 millions de roupies à une mission de renseignement destinée à identifier les responsables de la WBCPA. Le quotidien ajoutait que le ministère de l’Intérieur avait demandé à son bureau du renseignement d’enquêter en toute discrétion sur cette question et de déployer des informateurs dans chaque district afin de rassembler des informations sur les activités de l’association. L’organisation plaignante affirme que, dans la mesure où ses partisans ont tous agi ouvertement, ont demandé et obtenu l’autorisation de la police en vue d’organiser un grand rassemblement et des conférences de presse, ont rencontré le ministre du Travail et échangé une correspondance avec le gouvernement, la tentative visant à lui attribuer des soutiens secrets ne peut être que malintentionnée.
- 361. L’organisation plaignante indique que, pour l’heure, 3 000 de ses membres ont déposé des demandes individuelles auprès des fonctionnaires responsables de leurs postes de police, des commissaires de police de district, du directeur général et de l’inspecteur général de la police et du secrétaire au ministère de l’Intérieur du Bengale-Occidental. Elle manifeste son intention de présenter une plainte contre toutes ces personnes au secrétaire au ministère de l’Intérieur, au secrétaire en chef, au ministre du Travail, au ministre de l’Intérieur et à la ministre en chef. La WBCPA conclut en priant le comité de soumettre sa plainte au gouvernement de l’Inde et du Bengale-Occidental afin de veiller à ce que toutes les demandes ci-après soient satisfaites et donc:
- a) que toutes les enquêtes ouvertes contre ses membres soient classées;
- b) que ses membres qui ont été renvoyés de façon arbitraire soient réintégrés dans leurs fonctions;
- c) qu’il soit mis un terme aux menaces et aux actes d’intimidation contre ses membres et ses dirigeants; et
- d) que les membres de la WBCPA soient autorisés à mettre en œuvre leur droit d’organisation et de se battre collectivement pour améliorer leurs conditions de travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 362. Dans sa communication en date du 22 avril 2015, le gouvernement de l’Inde indique que, selon les renseignements fournis par le ministère du Travail de l’Etat du Bengale-Occidental, il semble que la WBCPA ne soit pas enregistrée en vertu de la loi de 1926 sur les syndicats. Le gouvernement de l’Etat du Bengale-Occidental a également fait savoir que, dans la mesure où les allégations visent des fonctionnaires de police, la question a été examinée avec le département de l’Intérieur de l’Etat du Bengale-Occidental. Une réunion a été tenue sous la présidence du secrétaire adjoint (Additional Secretary) du ministère de l’Intérieur du gouvernement du Bengale-Occidental avec le directeur général concerné, l’inspecteur général de police et le commissaire de police de Kolkata, et il a été demandé aux autorités de présenter un rapport complet au sujet de la plainte. Par ailleurs, le rapport du ministère de l’Intérieur de l’Etat du Bengale-Occidental sera transmis à l’OIT dès sa réception.
- 363. Dans sa communication en date du 2 juillet 2015, le gouvernement de l’Inde fournit des renseignements complémentaires en réponse à certaines allégations formulées par l’organisation plaignante, selon les informations reçues du gouvernement de l’Etat du Bengale-Occidental. S’agissant du statut de la police civile, le gouvernement indique que les «volontaires civils», auparavant appelés «volontaires de police civile», ont été enrôlés pour compléter les effectifs de police lors d’occasions spéciales comme des festivals et des situations d’urgence nécessitant de gérer la circulation, assumant des missions de police de routine de courte durée en fonction des besoins. Le gouvernement précise que, contrairement à ce qui figure dans la plainte, il ne s’agit pas d’un emploi régulier pouvant donner lieu à des revendications salariales. Il s’agit d’un service purement volontaire destiné à associer la communauté aux missions de police lors de certaines occasions. Les volontaires perçoivent une rétribution pour les services effectués. Les volontaires civils n’ont aucune obligation de travailler pour le gouvernement en cette qualité. Ils sont libres en tout temps d’accepter un emploi auprès de tout organisme, public ou privé. Le gouvernement indique aussi que, étant donné qu’il s’agit d’un service purement volontaire, lors du processus de recrutement, la notification publiée dans le Journal officiel par le gouvernement du Bengale-Occidental ne prévoyait pas la poursuite des fonctions ni la délivrance d’une lettre de nomination, le versement d’un salaire, la participation à une caisse de prévoyance, des primes ou la couverture par l’ESIS, etc. Le gouvernement fait référence à une notification publiée dans le Journal officiel par le ministère de l’Intérieur du gouvernement du Bengale-Occidental, qui mentionne clairement qu’aucun volontaire n’effectuera de service volontaire pendant une période de plus de six mois consécutifs, et que le premier groupe de volontaires sélectionnés sera déployé pendant six mois avant d’être remplacé par un nouveau groupe de volontaires pour les six mois suivants, avec l’interruption habituelle.
- 364. Le gouvernement du Bengale-Occidental rejette les allégations de l’organisation plaignante concernant le décès en service de Saphikul Sheikh, affirmant qu’aucun volontaire civil du poste de police de Behrampur n’a perdu la vie, contrairement à ce qu’affirme la WBCPA.
- 365. Le gouvernement du Bengale-Occidental nie que M. Sanjay Poria, président de la WBCPA, ait été soumis à une détention forcée et à des menaces de la part de hauts fonctionnaires de police et déclare que ces allégations sont sans fondement et malintentionnées. Il indique que M. Poria a été absent de son poste à compter du 1er juillet 2014 et que, bien qu’il ait été appelé, ne s’est plus présenté à son travail après cette date. Le gouvernement déclare en outre que M. Poria a participé à des actes d’intimidation criminels contre la population sous la juridiction du poste de police de district de Keshpur. Une enquête en bonne et due forme a été menée sur cette affaire et des poursuites ont été engagées contre M. Poria pour des infractions prévues à l’article 506 du Code pénal indien. Il a été mis fin aux fonctions de M. Poria en qualité de volontaire civil le 30 août 2014 pour corruption/extorsion, conformément aux lignes directrices gouvernementales relatives à la cessation du service volontaire.
- 366. Pour ce qui est des allégations concernant M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid du poste de police de Khatra, dans le district de Bankura, le gouvernement affirme que, le 16 juillet 2014, ceux-ci ont exigé un traitement identique à celui des fonctionnaires de police ordinaires, se sont assis devant l’entrée principale du poste de police de Khatra et ont entravé le passage du personnel de police et des citoyens en général. Ils ont par là même porté atteinte à l’ordre public, faisant preuve d’une grande indiscipline et perturbant la vie normale dans l’espace public. Cet incident a été enregistré par le poste de police de Khatra sous le dossier no 56/14 en date du 16 juillet 2014, au titre des articles 341, 186 et 34 du Code pénal indien. Un rapport préliminaire de police (First Information Report) a été établi contre eux. M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid se sont tous deux rendus à la Court of Additional Chief Judicial Magistrate le 17 juillet 2014. Un acte d’accusation a été dressé devant la juridiction. Le gouvernement précise que M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid ont été démis de leurs fonctions en qualité de volontaires civils pour indiscipline et fautes graves.
- 367. S’agissant des allégations relatives au district de Malda, le gouvernement indique que deux groupes comprenant chacun 4 800 volontaires civils ont été préparés dans le district en vue d’un engagement basé sur une rotation tous les six mois. Le 19 juillet 2014, les volontaires civils se sont livrés à des actes d’agitation et ont bloqué les routes dans plusieurs parties du district. Ces incidents ont conduit à l’ouverture de deux enquêtes, et des poursuites pénales ont été engagées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 368. Le comité observe que, dans le cas présent, l’organisation plaignante, l’Association des policiers civils du Bengale-Occidental (WBCPA), se décrit comme une association de personnes employées par le gouvernement du Bengale-Occidental en tant que membres de la force volontaire de police civile pour assumer des missions de police et de garde de routine dans le cadre de déploiements de courte durée. Le comité note que le recrutement des policiers civils a été effectué sur la base d’un arrêté gouvernemental qui fixe la rétribution journalière, les conditions d’admission, le processus de nomination, la formation, les devoirs et les motifs justifiant la cessation de service des volontaires de police civile. Le comité observe également que la WBCPA soulève certaines préoccupations des volontaires de police civile au sujet de leurs conditions de travail, notamment l’insécurité de l’emploi, la rétribution journalière inférieure au taux de salaire minimum le plus bas du gouvernement, l’irrégularité des paiements, l’exécution de tâches risquées sans aucune protection, ce qui, dans certains cas, a conduit à des blessures ou à des décès, l’absence d’assurance médicale et l’absence d’indemnisation en cas de blessures ou de décès. La WBCPA déclare qu’elle a été créée pour améliorer les conditions de travail de ses membres et que, à la suite de leur renvoi le 30 juin 2014, elle a organisé une grande manifestation de protestation à Kolkata le 10 juillet, lors de laquelle sa délégation a rencontré le ministre du Travail du gouvernement du Bengale-Occidental, qu’elle a informé des doléances des volontaires de police civile. Le comité observe que, selon l’organisation plaignante, la réunion a donné lieu à une victoire immédiate de la WBCPA, puisque le ministre a fait publier un arrêté en vue d’affilier les volontaires de police civile à un régime de sécurité sociale pour les travailleurs du secteur non organisé et a promis de s’entretenir avec la ministre en chef au sujet de leurs autres demandes, dont la continuité du service et un salaire minimum. Seulement quatre jours plus tard, le 14 juillet, un nouvel arrêté gouvernemental a assuré aux personnes concernées la continuité du service entre juillet et décembre 2014. Toutefois, l’organisation plaignante fait état d’actes d’intimidation et de licenciements collectifs contre ses dirigeants et ses membres dès le 16 juillet 2014, en violation de l’arrêté gouvernemental du 14 juillet.
- 369. Le comité note les observations du gouvernement selon lesquelles le travail des volontaires civils ne constitue pas un emploi régulier pouvant donner lieu à des revendications relatives au paiement d’un salaire. Il s’agit d’un service purement volontaire destiné à associer la communauté aux missions de police lors de certaines occasions. Le gouvernement souligne de plus que les volontaires civils n’ont aucune obligation de travailler pour le gouvernement en cette qualité. Ils sont libres en tout temps d’accepter un emploi auprès de tout organisme, public ou privé. Le gouvernement indique aussi que, étant donné qu’il s’agit d’un service purement volontaire, lors du processus de recrutement, la notification publiée dans le Journal officiel par le gouvernement du Bengale-Occidental ne prévoyait pas la continuité du service ni la délivrance d’une lettre de nomination, le versement d’un salaire, la participation à une caisse de prévoyance, des primes ou la couverture par l’ESIS, etc., et mentionnait que le premier groupe de volontaires sélectionnés serait déployé pendant six mois avant d’être remplacé par un nouveau groupe de volontaires pour les six mois suivants.
- 370. Le comité souhaite d’abord observer qu’il considère que les activités effectuées par les policiers civils du Bengale-Occidental constituent un travail et que, de ce fait, elles sont couvertes par les principes de la liberté syndicale. Le comité note de surcroît que la préoccupation du gouvernement concerne principalement l’existence ou non du droit des volontaires civils de faire valoir des prétentions en matière de salaire et de continuité du service du fait de la nature purement volontaire de ce service. L’organisation plaignante, cependant, affirme que ces questions sont des éléments importants des conditions de travail de ses membres, conditions qu’elle a pour mandat d’améliorer et au sujet desquelles elle a négocié – de façon partiellement fructueuse – avec le ministre du Travail du gouvernement du Bengale-Occidental le 10 juillet 2014.
- 371. En ce qui concerne l’affirmation du gouvernement selon laquelle le travail des volontaires civils ne constitue pas un emploi régulier, le comité rappelle que, conformément aux principes cde la liberté syndicale, tous les travailleurs ont le droit de constituer des organisations et de s’affilier aux organisations de leur choix. Le comité observe que le gouvernement ne semble pas remettre en cause le droit des volontaires civils de constituer une organisation et que, de fait, le gouvernement du Bengale-Occidental a établi des contacts avec l’Association des policiers civils du Bengale-Occidental. Par contre, le gouvernement remet en cause le droit de l’organisation plaignante de formuler des revendications en matière de salaire, remettant ainsi en question implicitement son droit d’exercer sa liberté syndicale en vue de poursuivre et de défendre les intérêts professionnels de ses membres par la négociation collective et d’autres actions collectives.
- 372. S’agissant de la nature volontaire du travail de la police civile dans ce cas, le comité observe que le Rapport sur la situation du volontariat dans le monde (2011), établi par le programme des Volontaires des Nations Unies (UNV), énonce que «les trois critères du libre choix, de la motivation non pécuniaire et des bienfaits pour autrui peuvent être appliqués à toute action pour déterminer s’il s’agit de volontariat». Le comité note que l’arrêté gouvernemental no 752-PL/PB/3B-31/12, daté du 28 février 2013, fixe pour les volontaires de police civile une rétribution de 141,81 roupies par jour, alors que, d’après les informations communiquées par l’organisation plaignante et non remises en cause par le gouvernement, le taux de salaire minimum du gouvernement à la même période était de 206 roupies. Le comité observe que la rétribution fixée pour les volontaires, quoique inférieure au salaire minimum, semble aller au-delà d’un simple dédommagement symbolique destiné à couvrir les dépenses engagées. Alors que le gouvernement déclare que les volontaires de police civile du Bengale-Occidental sont libres d’accepter un emploi en tout temps et que leur travail a été conçu comme un service purement volontaire destiné à associer la communauté aux missions de police lors de certaines occasions, il ressort de la nature de la plainte que les forces volontaires de police civile attirent essentiellement de jeunes chômeurs qui s’engagent dans ces forces précisément pour recevoir une rétribution en l’absence d’autres sources de revenus. L’on peut par conséquent considérer qu’ils ont une motivation pécuniaire.
- 373. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la nature «purement volontaire» du service et le fait que les volontaires civils puissent accepter un emploi à tout moment excluent toute légitimité de ceux-ci à formuler des revendications salariales, le comité note que la clause 4 de l’arrêté gouvernemental no 725-PL/PB/3P-31/12 daté du 28 février 2013 a ouvert la voie à l’engagement successif et permanent de volontaires civils, dans la mesure où elle éliminait la condition énoncée dans l’arrêté gouvernemental précédent prévoyant que chaque groupe serait déployé pendant six mois avant d’être remplacé par un nouveau groupe. A cet égard, le comité note aussi les allégations de l’organisation plaignante (non remises en cause par le gouvernement) selon lesquelles le 14 juillet 2014 le gouvernement de l’Etat du Bengale-Occidental a publié l’arrêté no 1940 PL/PB/3P-31/12 établissant 120 jours de travail au taux journalier de 141,82 roupies pour la «force volontaire de police civile» de juillet à décembre 2014. L’arrêté disposait clairement qu’aucun nouveau candidat ne serait recruté et que les 130 000 recrues précédentes seraient réengagées. Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que le travail des volontaires civils, qui implique un dédommagement, la détermination des heures de travail et la continuité du service, doit également assurer à ces travailleurs la protection offerte par les principes de la liberté syndicale, dont le droit de négociation collective.
- 374. En ce qui concerne les allégations relatives à la privation de liberté et à l’interrogatoire du président de la WBCPA, M. Poria, le 16 juillet 2014, le comité note que le gouvernement nie entièrement les allégations de l’organisation plaignante et affirme que M. Poria n’a en aucun cas été soumis à une détention forcée ou à des menaces de la part de hauts fonctionnaires de police. Toutefois, le gouvernement reconnaît l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle des poursuites pénales ont été engagées contre M. Poria. Le comité note aussi que l’organisation plaignante et le gouvernement ne s’accordent pas quant aux motifs de ces poursuites: tandis que l’organisation plaignante affirme que les poursuites sont liées aux activités de M. Poria en tant que président de la WBCPA, le gouvernement maintient que M. Poria s’est livré à des actes d’intimidation criminels contre la population, une infraction visée par l’article 506 du Code pénal indien. De même, pour ce qui est des enquêtes de police ouvertes contre M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid, dirigeants de la WBCPA dans le district de Bankura, le comité note que l’organisation plaignante affirme que les accusations sont infondées, alors que le gouvernement maintient que les défendeurs ont porté atteinte à l’ordre public et ont perturbé la vie normale dans l’espace public, en infraction avec les articles 341 et 186 du Code pénal indien. Compte tenu des divergences entre les déclarations de l’organisation plaignante et celles du gouvernement et afin d’être en mesure d’examiner ces allégations en pleine connaissance de cause, le comité prie le gouvernement de lui communiquer des informations détaillées sur l’évolution et l’issue des procédures pénales engagées contre les dirigeants susmentionnés de la WBCPA et de lui communiquer le texte des jugements rendus, avec les motifs invoqués.
- 375. Pour ce qui est du terme mis aux fonctions des dirigeants de la WBCPA, M. Sanjay Poria, M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid, le comité note que le gouvernement invoque des motifs tels que la corruption/l’extorsion et l’indiscipline et la faute graves, tandis que l’organisation plaignante établit un lien entre ces renvois et les activités de ces personnes en tant que dirigeants de la WBCPA et les demandes qu’elles ont formulées pour le compte des membres de l’association. Le comité note également que l’organisation plaignante mentionne qu’il est fait état dans les postes de police de presque tous les districts de l’Etat du Bengale-Occidental de responsables de postes de police déclarant que l’ordre leur avait été donné de ne pas engager les dirigeants de la WBCPA. Le comité rappelle qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables – et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799.]
- 376. Le comité note les allégations de l’organisation plaignante au sujet de la discrimination antisyndicale étendue contre les membres de la WBCPA, qui, dans certains cas, s’accompagne de menaces et d’actes d’intimidation. L’organisation plaignante indique en particulier qu’il a été dit oralement ou par écrit aux membres de la WBCPA qu’ils étaient sanctionnés pour avoir syndiqué leurs collègues et pour avoir dirigé le mouvement et la manifestation du 10 juillet, que des enregistrements vidéo avaient été faits de leur participation à la manifestation et que le service de renseignement de la police avait réuni les noms des chefs de file. L’organisation plaignante indique de plus que 29 recrues ont été démobilisées, 742 ont été renvoyées pour faute, 171 ont été renvoyées sans aucune justification, et 2 491 ont été menacées de renvoi ou de poursuites pénales, tandis que 1 500 ont été forcées à s’engager par écrit à rompre immédiatement toute relation avec la WBCPA avant d’être réintégrées dans leurs fonctions. Le comité note avec préoccupation que le gouvernement n’a pas répondu à ces allégations. Le comité observe que les menaces directes et les actes d’intimidation à l’encontre de membres d’une organisation de travailleurs et le fait de les forcer à s’engager à rompre tout lien avec l’organisation sous la menace d’un renvoi équivalent à nier les droits syndicaux de ces travailleurs.
- 377. S’agissant des événements survenus dans le district de Malda, le comité note les indications de l’organisation plaignante selon lesquelles, le 19 juillet 2014, il a été déclaré que les 4 800 volontaires civils du district seraient tous remplacés, en contradiction avec l’arrêté gouvernemental publié cinq jours auparavant, garantissant la continuité du service des personnes déjà engagées. Par rapport à ces mêmes événements, le gouvernement indique que deux groupes comprenant chacun 4 800 volontaires civils ont été préparés dans le district en vue d’un engagement basé sur une rotation tous les six mois. Le gouvernement et l’organisation plaignante indiquent tous les deux que des troubles ont éclaté dans le district à la suite de la décision de remplacer les volontaires civils du premier groupe. Le gouvernement indique d’une manière générale que les volontaires civils se sont livrés à des actes d’agitation et ont bloqué les routes dans plusieurs parties du district, et que ces incidents ont conduit à l’ouverture de deux enquêtes et à l’engagement de poursuites pénales. L’organisation plaignante indique en particulier que, à Harishchandrapur, les manifestants ont été chargés à coups de matraque et que 12 d’entre eux ont été détenus jusqu’à minuit avant d’être libérés sans inculpation après l’intervention d’un député local; que, à Baishnabnagar, les manifestations ont également été réprimées avec violence et qu’une enquête de police a été ouverte contre 13 recrues de police civile. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 16 juillet 2014, au poste de police de Khatra, dans le district de Bankura, le refus de l’officier responsable de recruter des dirigeants de la WBCPA a également donné lieu à une altercation avec toutes les recrues inscrites, et que la police a finalement eu recours à une charge à coups de matraque. Le comité note avec préoccupation que le gouvernement n’a fourni aucune information en réponse à cette allégation de l’organisation plaignante relative à la répression violente des manifestations et à l’arrestation de manifestants. Le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels; que les autorités de police devraient recevoir des instructions précises pour éviter que, dans les cas où l’ordre public n’est pas sérieusement menacé, il soit procédé à l’arrestation de personnes pour le simple fait d’avoir organisé une manifestation ou d’y avoir participé; et que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133, 151 et 140.] Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête sur les allégations de recours à la force par la police en réponse à des manifestations de volontaires civils et de le tenir informé des conclusions de cette enquête. Il prie de plus le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur l’évolution et l’issue des procédures judiciaires engagées contre les 13 manifestants de Baishnabnagar dont les noms sont cités au paragraphe 11 du présent rapport, et de lui transmettre une copie des jugements rendus.
- 378. Concernant l’allégation relative au décès de Saphikul Sheikh, du poste de police de Behrampur, le comité note que le gouvernement affirme qu’aucun volontaire civil de ce nom n’est décédé tel qu’énoncé dans la plainte. Au vu de la gravité de cette dénonciation, le comité prie le gouvernement de se pencher sur cette allégation afin d’assurer que les faits soient pleinement élucidés et de le tenir informé à cet égard.
- 379. Le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la police a envahi le Badu Collective, un lieu communautaire où 12 familles cohabitent et qui est utilisé par des membres de la WBCPA pour y passer la nuit et comme lieu de réunion officiel, apparemment pour interrompre une réunion de l’organisation qui, selon elle, devait s’y tenir. Notant que le gouvernement n’a pas répondu à cette allégation, le comité s’attend à ce que le droit des organisations de travailleurs de tenir des réunions pour débattre de leurs intérêts professionnels sans ingérence des autorités constitue un élément important de la liberté syndicale soit pleinement garanti à l’avenir.
- 380. Compte tenu des divergences dans les informations fournies et dans les vues exprimées vis à-vis de d’un certain nombre d’allégations, le comité prie le gouvernement de faciliter les contacts entre le gouvernement du Bengale-Occidental et la WBCPA de manière à ce qu’ils puissent résoudre toutes les questions en suspens par le biais d’un dialogue social constructif et de la négociation collective.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 381. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer des informations détaillées sur l’issue des procédures judiciaires engagées contre les dirigeants de la WBCPA, M. Sanjay Poria, M. Arijit Mitra et M. Chandranath Bid et de lui transmettre une copie des jugements rendus.
- b) Le comité prie le gouvernement de mener une enquête sur les allégations de recours à la force par la police en réponse aux manifestations des volontaires civils dans les districts de Malda et de Bankura et de le tenir informé des conclusions. Il prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur l’évolution et l’issue des procédures judiciaires engagées contre les 13 manifestants de Baishnabnagar dont les noms sont cités au paragraphe 11 du présent rapport, et de lui transmettre une copie des jugements rendus.
- c) Le comité prie le gouvernement de se pencher sur les allégations de la WBCPA concernant le décès d’un volontaire civil, Saphikul Sheikh, et de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité prie le gouvernement de faciliter les contacts entre le gouvernement du Bengale-Occidental et la WBCPA de manière à ce qu’ils puissent résoudre toutes les questions en suspens par le biais d’un dialogue social constructif et de la négociation collective.