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Interim Report - REPORT_NO195, June 1979

CASE_NUMBER 763 (Uruguay) - COMPLAINT_DATE: 03-JUL-73 - Closed

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  • PLAINTE CONCERNANT L'OBSERVATION PAR L'URUGUAY DE LA CONVENTION (no 87) SUR LA LIBERTE SYNDICALE ET LA PROTECTION DU DROIT SYNDICAL, 1948, ET DE LA CONVENTION (n° 98) SUR LE DROIT D'ORGANISATION ET DE NEGOCIATION COLLECTIVE, 1949, PRESENTEE PAR PLUSIEURS DELEGUES A LA 61e SESSION (1976) DE LA CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL AU TITRE DE L'ARTICLE 26 DE LA CONSTITUTION DE L'OIT
    1. 5 Plusieurs organisations syndicales, dont la CMT et la FSM, ont présenté des allégations en violation de la liberté syndicale en Uruguay. En outre, trois délégués à la 61e session (juin 1976) de la Conférence internationale du Travail ont déposé, sur la base de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, une plainte selon laquelle le gouvernement de l'Uruguay n'assurerait pas de manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Ces instruments ont été ratifiés par l'Uruguay.
    2. 6 Le comité a examiné l'ensemble de cette affaire à diverses reprises, De plus, deux missions de contacts directs ont été effectuées (en juin-juillet 1975 et en avril 1977) dans le pays par un représentant du Directeur général. Le comité a en outre entendu, à ses séances des 25 et 26 mai 1978, des représentants des organisations plaignantes (CMT et FSM) ainsi que du ministre du Travail de l'Uruguay. Il a présenté pour la dernière fois des conclusions intérimaires dans son 191e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 209e session (février-mars 1979).
    3. 7 Un peu avant et depuis ce dernier examen de l'affaire, de nouvelles communications ont été reçues de la part d'organisations syndicales: une lettre du 12 février 1979 émanant de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie et une lettre du 2 mars 1979 envoyée par la Fédération syndicale mondiale.
    4. 8 Le gouvernement a fait parvenir de nouvelles informations par des communications des 6 avril et 14 mai 1979.

A. Examens précédents de l'affaire par le comité

A. Examens précédents de l'affaire par le comité
  1. 9. Depuis 1973, le comité a été amené à examiner des plaintes se rapportant, en partie, à la situation générale dans le pays en matière syndicale. Quelques mois après la dissolution par le gouvernement d'une centrale syndicale, la Convention nationale des travailleurs (CNT), un décret avait été promulgué (décret no 622 du 1er août 1973) visant à réglementer les activités syndicales, lequel n'avait reçu qu'une application partielle. Les syndicats n'avaient en effet pas pu obtenir leur inscription sur le registre national des syndicats, bien que beaucoup d'entre eux aient rempli les formalités prévues, antérieurement à la décision prise, peu de temps après l'adoption du décret no 622, de suspendre l'application de celui-ci. Cependant, les dispositions relatives à l'interdiction des activités politiques des syndicats ainsi que de la grève ont été appliquées. Après sa seconde mission de contacts directs (effectuée en Uruguay au mois d'avril 1977), le représentant du Directeur général avait signalé, que du point de vue juridique (hormis la promulgation du décret du 15 février 1977 sur l'établissement des commissions paritaires dans les entreprises) la situation était restée inchangée et que les syndicats continuaient à avoir une existence de fait et non de droit.
  2. 10. Néanmoins, avait relevé le comité en mai 1977, la situation de fait s'était modifiée: celle des syndicats affiliés à la Confédération générale des travailleurs de l'Uruguay (CGTU) s'était améliorée et ceux-ci avaient pu développer certaines activités internes (réunions, élections, etc.). En revanche, les syndicats membres de la Convention nationale des travailleurs (CNT) - dissoute par le gouvernement après le changement de régime intervenu en 1973 - semblaient être restés dans une large mesure sans activité; beaucoup de leurs dirigeants étaient détenus, avaient quitté le pays ou avaient été congédiés; les locaux de certains de ces syndicats étaient gardés par la police, fermés, placés sous le contrôle des autorités, etc. Quant aux activités dans le domaine des relations professionnelles, le degré de reconnaissance des syndicats de la CGTU et de leurs dirigeants dépendait des bonnes dispositions des employeurs ou des chefs des administrations publiques. Par contre, les syndicats affiliés à la CNT ne paraissaient pas être reconnus, ni dans le secteur privé, ni dans le secteur public.
  3. 11. Le gouvernement s'était référé à plus d'une reprise aux activités subversives auxquelles il avait dû faire face, pour expliquer les mesures exceptionnelles adoptées en matière syndicale et dans d'autres domaines. A cet égard, le comité avait souligné qu'il ne fallait pas confondre l'exercice par les syndicats de leurs activités spécifiques, c'est-à-dire la défense et la promotion des intérêts professionnels des travailleurs, avec l'éventuelle poursuite de la part de certains de leurs membres d'autres activités, étrangères au domaine syndical. La responsabilité pénale que pourraient encourir ces personnes du fait de tels actes ne devrait en aucune façon entraîner des mesures équivalant à priver les syndicats eux-mêmes, ou l'ensemble de leurs dirigeants, de leurs possibilités d'action.
  4. 12. Le gouvernement avait aussi déclaré que le processus de régularisation dans le domaine syndical devait être analysé dans le cadre plus large de la normalisation politique et institutionnelle du pays. Le comité avait souligné à cet égard que, si le respect de la liberté syndicale est étroitement lié - comme l'a déclaré en 1970 la Conférence internationale du Travail dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles - au respect des libertés publiques en général, il importe sous cette réserve de distinguer la reconnaissance de la liberté syndicale des questions concernant l'évolution politique d'un pays; la législation sur les syndicats et la réforme des institutions politiques du pays sont deux choses distinctes. A différentes reprises, le comité avait attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité d'adopter et d'appliquer une législation conforme aux principes de la liberté syndicale.
  5. 13. Le comité a examiné en février 1971 l'avant-projet de loi sur les associations professionnelles dont le gouvernement lui avait communiqué le texte. Il a constaté que cet avant-projet contient des aspects positifs mais a estimé nécessaire, au sujet de plusieurs autres dispositions qui ne semblent pas compatibles avec certains principes de la liberté syndicale, de formuler des commentaires. En signalant ces observations à l'attention du gouvernement, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, a souligné l'urgence qu'il y a à ce que l'Uruguay adopte et applique une législation fondée sur les principes de la liberté syndicale et prié le gouvernement de mettre l'avant-projet en pleine conformité avec les conventions sur la liberté syndicale ratifiées par l'Uruguay. Il l'a invité à fournir des informations sur les développements intervenus dans ce domaine.
  6. 14. Le comité avait d'autre part été appelé à examiner les cas de nombreux syndicalistes arrêtés, dont les noms, et souvent les fonctions syndicales, avaient été indiqués dans les plaintes. Le comité a noté les informations fournies par le gouvernement signalant que certaines de ces personnes n'avaient pas été arrêtées ou avaient été remises en liberté. A l'occasion des contacts directs, le gouvernement avait fourni des renseignements dont il ressortait que les actions pénales engagées visaient en premier lieu des activités de type politique que le gouvernement jugeait dangereuses pour la sécurité et l'ordre publics; le représentant du Directeur général précisait toutefois que certaines de ces accusations se doublaient d'autres inculpations liées à des activités de la CNT, la centrale syndicale dissoute par le gouvernement en 1973. Dans d'autres cas moins nombreux, le comité avait constaté que les personnes arrêtées l'avaient été pour des questions qui pouvaient être considérées comme exclusivement liées\ à des activités syndicales. Dans ses réponses écrites ultérieures, le gouvernement n'a indiqué que les articles du code pénal ordinaire ou militaire en vertu desquels ces personnes étaient poursuivies ou condamnées sans fournir de précisions sur les faits concrets qui leur étaient reprochés dans chaque cas ou le texte des jugements prononcés, comme le Conseil d'administration en avait fait la demande. En l'absence d'informations plus détaillées, le comité avait noté qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant de s'assurer que les syndicalistes condamnés l'avaient été exclusivement pour des faits sans rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales.
  7. 15. Le comité a en outre regretté que le gouvernement n'ait pas fourni des observations précises sur certaines allégations relatives aux mauvais traitements qu'auraient subis certains détenus ainsi qu'à la précarité des droits de la défense. Sur ce dernier point, les plaignants avaient déclaré que, dans une première période, des avocats civils étaient en mesure d'exercer leur rôle pour la défense des détenus. Progressivement, la situation s'était détériorée et des obstacles avaient été mis dans la pratique à l'exercice de leur profession, notamment à la possibilité de communiquer avec leurs clients. Par la suite, déclaraient encore les plaignants, des avocats avaient été arrêtés pour des accusations telles que la complicité avec les détenus; d'autres avaient été menacés et avaient quitté le pays. Ceux qui avaient été libérés s'étaient vu interdire l'exercice de leur profession. Quant aux travailleurs détenus, ils se voyaient notifier, souvent après une longue incarcération, l'obligation de choisir un avocat dans les quarante-huit heures. Sans contact avec l'extérieur, ils étaient contraints d'accepter un avocat nommé d'office, pour que le procès ne fût pas encore retardé. D'autres allégations encore faisaient état de mauvais traitements qu'auraient subis (cas de M. Iguini) des syndicalistes détenus.
  8. 16. A sa session de février-mars 1979, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, a réitéré auprès du gouvernement sa demande d'informations au sujet des faits précis reprochés aux syndicalistes poursuivis ou condamnés (y compris les copies des jugements), et sur les allégations concernant les mauvais traitements des détenus ainsi que les obstacles aux droits de la défense. Il avait insisté auprès du gouvernement pour qu'il communique des renseignements sur les syndicalistes qui étaient cités en annexe au 191e rapport du comité.

B. Dernières communications reçues

B. Dernières communications reçues
  1. 17. L'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie signale dans sa lettre du 12 février 1979 le cas de Rosario Pietraroia, secrétaire général de l'UNTMRA (Union nationale des travailleurs des métaux et branches connexes); arrêté en 1976, celui-ci fut condamné à 12 ans de prison en octobre 1978. Son état de santé s'est, poursuit le plaignant, détérioré à la suite des tortures dont il a été l'objet et il a même perdu un oeil; les autorités veulent le soumettre à une intervention chirurgicale à l'intérieur de la prison sans la moindre garantie étant donné que ces lieux sont dépourvus des éléments appropriés. Le plaignant déclare avoir des craintes pour la vie de l'intéressé.
  2. 18. La FSM allègue par ailleurs, dans sa lettre du 2 mars 1979, que Carlos Gomez, un ancien dirigeant de l'Association des employés de banque d'Uruguay, a été incarcéré; aujourd'hui à la retraite, l'intéressé a occupé pendant plusieurs années de hautes fonctions de direction au sein de ce syndicat. La FSM signale aussi la condamnation à quatre ans de prison de Ruben Acasuso, ancien secrétaire général de l'Association de la presse uruguayenne. Elle déclare enfin qu'on ignore où se trouve Eduardo Arigón, an travailleur du commerce détenu depuis le 13 juin 1977.
  3. 19. Le gouvernement communique, dans sa lettre du 6 avril 1979, des renseignements sur un grand nombre de syndicalistes cités par les plaignants; la situation de certains d'entre eux D'a pas changé par rapport aux informations fournies précédemment; les indications sur ce point figurent dans les annexes au présent rapport. Le gouvernement signale en particulier la libération d'une dizaine de personnes (dont une en liberté provisoire). Quant à Rosario Pietraroia, il a été arrêté le 19 janvier 1976 et poursuivi devant les juridictions militaires à partir du 9 août 1976; il a été condamné en première instance à 12 ans de prison (avec déduction de la détention préventive) et un recours a été introduit devant le Tribunal militaire suprême. Selon le gouvernement, aucune preuve n'existe d'une détérioration de son état de santé.
  4. 20. Le comité avait noté, en février 1979, que le gouvernement se limitait à citer les articles du code pénal ordinaire ou militaire en vertu desquels des syndicalistes ont été poursuivis ou condamnés et ne fournissait pas de précisions sur les faits concrets qui leur étaient reprochés dans chaque cas. Le gouvernement souligne à cet égard que lesdits syndicalistes, cités par les plaignants, n'ont pas été arrêtés, poursuivis ou condamnés en raison de leur qualité présumée de syndicaliste ou de leurs prétendues activités syndicales, mais en tant que citoyens ou personnes résidant dans le pays et soumis à ses lois. Dans tous les cas, ajoute-t-il, on a exclusivement tenu compte de la conduite délictueuse de l'accusé et jamais de son activité syndicale réelle ou supposée. En outre, la qualité de syndicaliste ne s'acquiert pas par le simple fait que l'on a une activité, une profession ou un métier, comme c'est le cas, estime-t-il, dans la plupart des plaintes présentées; est syndicaliste ou dirigeant syndical celui qui milite activement au sein d'un syndicat ou qui occupe des fonctions dirigeantes dans celui-ci. Une personne qui milite activement dans le domaine de la politique proprement dite, utilisant sa position syndicale pour favoriser une idéologie politique déterminée, voire dans beaucoup de cas une activité subversive, ne peut évidemment être considérée comme un syndicaliste, même si elle cherche à dissimuler son activité réelle sous cette façade. Le gouvernement a déjà indiqué, poursuit-il, la raison pour laquelle il fournit les renseignements demandés dans toute la mesure possible mais qu'il ne donne pas de détails sur les faits concrets ou d'autres informations qu'il n'appartient pas au gouvernement de fournir car elles sont du ressort exclusif de l'administration de la justice, des inculpés et de leurs défenseurs Le gouvernement souligne que l'application du droit sur le territoire national revient aux autorités judiciaires légalement constituées; ce sont elles qui ont à décider si une activité est délictueuse ou non. Le gouvernement et les autorités judiciaires sont respectueux du droit et il appartient à ces dernières de juger conformément aux lois en vigueur dans le pays, y compris les conventions dûment ratifiées.
  5. 21. Pour ce qui est des allégations concernant la précarité des droits de la défense et les mauvais traitements dont auraient été l'objet certains détenus, le gouvernement estime que c'est aux plaignants à prouver ces accusations et que l'on ne peut lui imposer la charge d'une preuve qu'il ne peut fournir puisque les faits allégués sont inexistants. Si les plaignants affirment que dans des circonstances déterminées la loi n'a pas été respectée, ils doivent fournir de manière exhaustive les preuves des accusations alléguées pour qu'elles puissent être examinées et réfutées, comme elles le seront certainement dans tous les cas. Le gouvernement demande enfin que les plaintes revêtent un minimum de précision et de sérieux et ne contiennent plus des listes de personnes aux noms et prénoms incomplets ou inexacts, à qui on attribue des activités syndicales imaginaires ou dont on affirme sans aucun fondement, à la légère ou par malveillance, qu'elles ne bénéficient pas de garanties pour leur défense, qu'elles ont subi de mauvais traitements, etc.
  6. 22. Le gouvernement exprime d'autre part sa reconnaissance pour les commentaires importants formulés à propos de l'avant-projet de loi sur les associations professionnelles. Il se déclare convaincu que ceux-ci permettront plus de justesse dans les concepts contenus dans le texte qui sera soumis au Conseil d'Etat. Le gouvernement précise dans sa lettre du 14 mai 1979 que, poursuivant ses consultations, il a remis le 3 mai 1979 une copie de cet avant-projet aux organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs et les a invitées à formuler les commentaires et suggestions qu'elles estiment appropriés. De plus, ajoute-t-il, la plus grande diffusion a été donnée à ce document, par les divers moyens de communication, afin de le porter à la connaissance de l'opinion publique en général.
  7. 23. Le gouvernement fournit enfin des statistiques à propos des commissions paritaires dans les entreprises: 18 sont en activité, 7 vont bientôt être établies et 33 sont en cours de formation. Les secteurs d'activité intéressés sont les suivants: l'industrie textile, l'électronique, les banques privées, les entités sociales, les produits de ciment, la construction, l'industrie chimique, l'industrie du verre, du sucre, du tabac, du lait, l'industrie mécanique, métallurgique, les activités hippiques, l'industrie de la boisson et la radiodiffusion.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 24. Le comité note les observations et informations communiquées par le gouvernement. Il tient à cet égard à relever, en premier lieu, la situation anormale dans laquelle se trouve l'ensemble du mouvement syndical uruguayen depuis le changement de régime intervenu en juin 1973. En effet, comme il est encore rappelé aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, les syndicats ne peuvent mener les activités qui leur sont propres puisque leur reconnaissance par les autorités et par les employeurs dépend d'un statut légal qui n'a pas encore été promulgué. Dans ces conditions, des activités syndicales conformes aux normes internationales en ce domaine peuvent en pratique être considérées comme illégales ou dépourvues de la protection légale, contrairement aux obligations internationales assumées par l'Uruguay en ratifiant les conventions sur la liberté syndicale.
  2. 25. Les entraves à l'exercice des droits syndicaux qui résultent de cette situation sont rappelées au paragraphe 10 ci-dessus. Par ailleurs, quelques commissions paritaires (18 sont en activité) ont été établies dans les entreprises en vertu d'un décret du 15 février 1977. Le comité a pris note de ce dernier développement tout en soulignant que ces organismes ne peuvent pas se substituer aux organisations syndicales. Il doit rappeler à ce propos que la Constitution nationale consacre le droit d'association (article 39) ainsi que la possibilité pour les travailleurs de s'organiser en syndicats et le droit de grève (article 57) et que l'Uruguay a d'autre part ratifié les conventions nos 87 et 98 qui consacrent les droits fondamentaux dans le domaine de la liberté syndicale.
  3. 26. Dans ces conditions, après six ans d'importantes restrictions apportées aux principales activités syndicales, l'adoption d'une loi sur les associations professionnelles qui soit conforme aux normes internationales sur la liberté syndicale est maintenant d'une urgence particulière. De même, dans la situation rappelée ci-dessus, la question de l'arrestation et du traitement de syndicalistes revêt aussi une importance indiscutable.
  4. 27. A ce dernier sujet, tout en notant les informations fourni" par le gouvernement dans sa dernière communication sur la libération de dix personnes, le comité constate que tout récemment encore des organisations plaignantes ont signalé les condamnations sévères prononcées à l'encontre de syndicalistes tels que Rosario Pietraroia, secrétaire général de l'UNTMRA (Union nationale des travailleurs des métaux et branches connexes), ou Ruben Acasuso, ancien secrétaire général de l'Association de la presse uruguayenne. Le conseil d'administration avait demandé au gouvernement de communiquer une copie des jugements rendus à l'encontre des syndicalistes condamnés afin de permettre au comité de s'assurer que les intéressés n'ont pas été punis pour des faits en rapport avec leurs fonctions ou leurs activités syndicales. Le gouvernement n'a pas fourni de texte de ces décisions, tout en répétant que ces condamnations ont été prononcées pour des motifs sans rapport avec des activités syndicales.
  5. 28. Le gouvernement déclare, dans sa dernière communication, que la qualité de syndicaliste n'est pas établie pour certaines des personnes citées par les plaignants et que, pour d'autres, les fonctions syndicales ne seraient qu'une façade. Néanmoins, la qualité de dirigeant syndical d'autres personnes poursuivies ou condamnées n'est pas contestée par le gouvernement et le comité estime qu'il lui aurait été utile de disposer de renseignements plus complets sur les motifs des poursuites ou des condamnations mentionnées par le gouvernement à l'égard de ces personnes en particulier afin de déterminer si leurs activités syndicales antérieures sont entrées en ligne de compte pour l'application des articles de la législation pénale cités par le gouvernement.
  6. 29. Dans de nombreuses affaires antérieures, le comité croit utile de le rappeler, où certaines questions faisaient l'objet d'une action devant une instance judiciaire et où le comité a estimé que le jugement rendu serait susceptible de lui fournir des éléments utiles d'information pour aboutir à des conclusions en pleine connaissance des faits, il a suivi cette pratique d'inviter le gouvernement intéressé à communiquer le texte de la décision prononcée avec ses attendus. Généralement, les gouvernements ont apporté leur coopération et ont fait parvenir les jugements demandés. Le gouvernement uruguayen a d'ailleurs fourni, lors de la dernière mission de contacts directs effectuée dans le pays, des renseignements détaillés sur les faits spécifiques dont étaient accusés un certain nombre de syndicalistes détenus, y compris les motifs invoqués dans quelques jugements rendus. Le caractère public des décisions judiciaires constitue d'ailleurs un principe généralement reconnu (voir, par exemple, l'article 14 1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
  7. 30. Le comité constate également que le gouvernement se limite à rejeter les allégations présentées à propos des obstacles qui auraient été mis aux droits de la défense. Ces allégations, qui sont rappelées au paragraphe 14 et qui portent sur une situation générale, avaient été formulées par les plaignants dans leurs déclarations faites oralement au comité en mai 1978.
  8. 31. Ce dernier relève d'autre part que Manuel Piñeiro Pena, dirigeant de l'UNTMRA, parait maintenu en détention après avoir purgé sa peine, à en juger par le fait que, selon les dernières informations transmises par le gouvernement, sa libération est à l'étude. A cet égard, le comité tient à signaler, comme il l'a déjà fait dans un autre cas, que la détention de syndicalistes qui se prolonge après une décision d'acquittement par les tribunaux compétents ou après l'exécution de la peine constitue une atteinte aux droits syndicaux.
  9. 32. Pour ce qui est de la situation syndicale générale, le comité note les dernières informations communiquées par le gouvernement au sujet de l'avant-projet de loi sur les associations professionnelles. Celui-ci signale en particulier qu'il est en train de consulter sur ce projet les organisations de travailleurs et d'employeurs et que le texte du projet sera soumis au Conseil d'Etat. En février 1979, le comité avait estimé urgent que les syndicats se voient accorder la possibilité de mener, en droit comme en fait, leurs activités sans entraves, ceci étant la condition nécessaire à l'établissement d'un système harmonieux de relations professionnelles; dans cette voie, l'adoption d'une loi sur les associations professionnelles devrait constituer une étape décisive. Il avait examiné en détail les dispositions de l'avant-projet: ce document contient, avait-il souligné, des aspects positifs comme le droit des associations professionnelles de se constituer sans autorisation préalable et de former des organisations de deuxième et de troisième degré. Cependant, avait-il ajouté, plusieurs autres dispositions ne semblent pas en pleine conformité avec certains principes de la liberté syndicale et il avait formulé des commentaires pour que ces dispositions puissent être réexaminées et que la législation devant être adoptée soit conforme à ces principes et aux conventions sur la liberté syndicale ratifiées par l'Uruguay.
  10. 33. Ces commentaires portaient en premier lieu sur les conditions requises pour devenir dirigeant syndical, en particulier l'obligation pour celui-ci de faire une profession de foi démocratique et de faire partie de la branche d'activité représentée par le syndicat depuis deux ans au moins. Le comité avait d'autre part estimé que les travailleurs devraient pouvoir décider du type de groupement de base qu'ils souhaitent constituer (syndicat d'entreprise, d'industrie, de métier, etc.). Il avait également formulé des observations sur les dispositions en vertu desquelles les objectifs des organisations doivent être uniquement professionnels sans se référer à la politique et que les organisations comme leurs membres doivent respecter l'ordre juridique national. A cet égard, signalait-il par exemple, les dispositions nationales sur le règlement des conflits collectifs du travail et la grève, sur le droit de réunion ou la liberté d'expression pour les travailleurs syndiqués doivent être en harmonie avec les principes de la liberté syndicale.
  11. 34. Le comité avait relevé que plusieurs articles de l'avant-projet réglementent de façon très minutieuse diverses questions relevant de l'administration interne des syndicats et rappelé à ce sujet que même si certaines de ces dispositions peuvent avoir pour objectif un meilleur fonctionnement des organisations syndicales, l'idée de base de l'article 3 (et de l'article 6) de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs eux-mêmes le soin de décider des règles précises à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein. Le comité ajoutait que, si le projet était adopté dans sa forme actuelle, un magistrat saisi d'un cas de refus ou de retrait de l'enregistrement serait tenu d'appliquer les dispositions contenant les diverses obligations précitées qui ne sont pas en parfaite harmonie avec les termes de la convention no 87.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 35. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des syndicalistes arrêtés:
    • i) de noter les derniers renseignements communiqués par le gouvernement, notamment la libération de dix syndicalistes cités par les plaignants;
    • ii) de noter aussi que tout récemment encore des syndicalistes tels que Rosario Pietraroia et Ruben Acasuso ont été condamnés à de sévères peines de prison et de regretter que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements plus complets - y compris les jugements rendus - sur les faits reprochés aux syndicalistes poursuivis ou condamnés pour des actes que le gouvernement considère comme dépassant le cadre des activités syndicales;
    • iii) de prier le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur le cas de M. Manuel Piñeiro Pena, dirigeant de l'UNTMRA, dont la libération est à l'étude après l'accomplissement de sa peine;
    • b) au sujet de la loi en projet sur les associations professionnelles:
    • i) de noter la déclaration du gouvernement dont il ressort que les commentaires du comité sur l'avant-projet de loi seront pris en considération dans la mise au point du texte définitif qui sera soumis au Conseil d'Etat et que le gouvernement procède à des consultations sur ce projet avec les organisations de travailleurs et d'employeurs;
    • ii) de signaler une fois encore l'importance qui s'attache à ce que la loi en question soit promulguée très prochainement et que son texte définitif soit en pleine harmonie avec les dispositions des conventions nos 87 et 98 ratifiées par l'Uruguay;
    • iii) de prier le gouvernent d'indiquer la date à laquelle il prévoit l'adoption et l'application du texte définitif de la loi et de fournir toutes autres informations sur les développements qui devraient intervenir dans ce domaine;
    • c) de l'inviter à envoyer les informations demandées aux alinéas a) et b) ci-dessus pour le 15 septembre au plus tard, et
    • d) de prendre note de ce rapport intérimaire.
      • Genève, le 30 mai 1979. (Signé) Roberto Ago, Président.

Z. Annexe I

Z. Annexe I
  • Dernières informations communiquées par le gouvernement sur des syndicalistes cités par les plaignants
    1. 1 En liberté
  • Acosta Pegorrado, Miguel Angel
  • Alonso Diaz, Juan José
  • Batalla Dufrechou, Luis Leonardo (peine purgée)
  • Britos Criado, Fredichi Constancio
  • Curuchet Calero, Juan Carlos
  • Duarte Ferreiro, Carlos Guido
  • Garcia Miguez de Valverde, Martha
  • Rey Ramirez, Aurora Martina
  • Tassino Asteasu, Javien Darlo (peine purgée)
    1. 2 En liberté provisoire
  • Altamiranda Argain, Héctor Mario (peine purgée)
    1. 3 Personnes dont la libération est à l'examen:
  • Piñeiro Pena, Manuel (peine purgée)
  • Suarez Turcati, Alicia Dinorah (mise en liberté provisoire examinée par la cour de justice)
    1. 4 En instance de jugement:
  • Saldombide Dominguez, Héctor Mario (le gouvernement avait indiqué précédemment que l'intéressé se trouvait en liberté provisoire).
    1. 5 Condamnés:
  • Acasuso Latorre, Ruben (4 ans de prison)
  • Botti Baez, Ricardo (5 ans de prison)
  • Chagas Dutra, Washington (6 ans de prison)
  • Gomez, Juan Felipe (6 ans et 6 mois de prison).
  • Ibarburu Padesta, Ricardo (5 ans et 6 mois de prison)
  • Louis Elazaurdia, Julio Alcidos (20 ans de prison)
  • Michelini Delle Piane, Margarita Maria (7 ans de prison)
  • Platero Roballo, Eduardo (4 ans de prison.)
  • Rodriguez Larreta Martinez, Enrique (9 ans de prison)
  • Sosa Zerpa, Gustavo Gabriel (5 ans et 6 mois de prison)
  • Varela Castro, Juan José (5 ans de prison)
  • Viñas Cotrofe, Luis Enrique (3 ans et 3 mois de prison)
  • Zapico Burcio, Ricardo (4 ans de prison en appel)
    1. 6 Personnes dont la condamnation fait l'objet d'un recours auprès du Tribunal militaire suprême
  • Acosta Pereira, Mario
  • Bardacosta Etcheverria, Nestor Hugo
  • Carissini Pino, Miguel Angel
  • Carranza Vigano, Jorge Eduardo
  • Carrio Elcarte, Pablo Emilio
  • Fernandez Rodriguez, Alberto Leonardo
  • Garcia Passegui, Silvia
  • Gomez Duarte, Juan Bautista
  • Pereíra Viera, Maria del Carmen
  • Pietraroia Zapala, Rosario
  • Planells Milans, Edison
  • Ruiz Lavin, Oscar Dulcineo
  • Sanchez Soca, Juan Carlos
  • Scarpa Brusco, Luis Angel
  • Zarauza Suarez, Enrique
    1. 7 Mort
  • Toledo Brum, Manuel
    1. 8 Personnes pour lesquelles d'après le gouvernement aucun renseignement n'est enregistré:
  • Arigón, Eduardo
  • Gomez, Carlos
  • Tassino Atzu, Oscar (selon les plaignants, se fondant notamment sur des témoignages de parents de l'intéressé, ce dernier aurait été arrêté le 19 juillet 1978 à une certaine adresse à Montevideo et aurait disparu depuis).
  • Annexe II
  • Personnes dont la situation n'a pas, selon le gouvernement, changé par rapport aux précédents examens du cas par le comité
  • Carrasco de Armas, Juan Rosa (en liberté provisoire)
  • Fernandez Lopez, Niurka "
  • Passarini Suarez, Pedro Abel "
  • Spinetti Iturralde, Julio César "
  • Deus Martinez, Miriam Rita (poursuivie devant les juridictions militaires)
  • Drescher Caldas, Adolfo "
  • Trelles Merino, Gualberto "
  • Altuna Fernandez, Elsa Zulma (condamnée)
  • Marrero Fuentes, Hernando José "
  • Acosta Arotxarena, Néstor Raúl (en liberté provisoire)
  • Diaz, Mario Oscar "
  • Diaz Cairello, Heber Máximo "
  • Figueredo Mandado, Carlos Milton "
  • Lignelli Sorrentino, Graciela Beatriz "
  • Martinez Iglesias, Maria Cristina "
  • Perdomo Garat, Morgan "
  • Silva Sanchez, Telmo "
  • Vega Verez, Carlos Dario "
  • Abero Costa, Roque (poursuivi devant les juridictions militaires)
  • Balbiani Saavedra, Harrys "
  • Barrios Villaverde, Gerardo "
  • Betbeder Egaña, Fulvia Susana "
  • Borges Aemorad, Edgar Thelman "
  • Bouzas Marchese, Miguel Angel "
  • Caballero Fierro, Carlos Dante "
  • Carballo da Costa, Felipe "
  • Cuneo Betossini, José Angel "
  • Esponda Apecechea, Dardo Antonio "
  • Garcia Alvarez, Manuel Santiago "
  • Garcia Souza, Luis Doroteo "
  • Gonzalez Perez, Guillermo "
  • Mendez Gattan, Mauricio Roque "
  • Muela Muela, Maria Pura Concepción "
  • Nogueira Lopez, Mario César "
  • Piffaretti Landinelli, Ricardo Oscar "
  • Sena Alamo, Ismael "
  • Vilaro Nieto, Gustavo Leopoldo "
  • Villamil de Bouzas, Maria Otilia "
  • Aristondo Pereira, Carlos Maria (condamné; recours interjeté)
  • Beron Croki, Isidro "
  • Berro Berro, Fernando Luis (condamné)
  • Bidarte Chaparro, Manuel Enrique (condamné; recours interjeté)
  • Bottaro Giordano, José Ruben (condamné)
  • Braselli Dominguez, Maria Selva (condamnée; recours interjeté)
  • Diaz Baubet, Juan Alberto "
  • Guridi Rodriguez, Sigifredo (condamné)
  • Huertas Melgar, Jorge Julian "
  • Possamay claro, José Santiago "
  • Rodriguez Aldabalde, Hugo "
  • Rodriguez Ledesma, Juan Carlos (condamné; recours interjeté)
  • Puchet Castellano, Santiago (poursuivi devant les juridictions militaires)
  • Viera Alvez de Curuchet, Miriam "
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